"On parle d'arrestations, de désorganisateurs exclus du parti et qui mènent un travail anti-soviétique. Oui, nous les arrêtons et les arrêterons s'ils ne cessent pas de miner notre parti et le pouvoir soviétique (...) On dit que ces faits sont inconnus dans l'histoire de notre parti. Ce n'est pas vrai. Et le groupe de Miasnikov? Et le groupe de la "Vérité Ouvrière"? Qui donc ignore que les membres de ces groupes ont été arrêtés avec l'appui direct des camarades Trotsky, Zinoviev et Kamenev?"Trotsky est donc bien: "un Staline manqué!"(Staline, octobre 1927, cité par Boris Souvarine -Staline- p. 424)
"Les grands prêtres de l'Etatisme; 'l'Esprit' même de l'Etat c'est-à-dire 'l'esprit' même de la défense des intérêts collectifs et impersonnels de l'Etat et donc de la classe dominante."La "bureaucratie" n'a donc pas d'intérêts et de besoins particuliers qui la différencieraient, au sein du mode de production capitaliste, du reste de la bourgeoisie. Mais, au sein de la bourgeoisie organisée en tant que classe dominante, en tant qu'Etat, elle représente au mieux par la sélection (purification) des éléments les plus adéquates, la défense de la globalité du système indépendamment à la fois de leurs intérêts individuels (qui comme l'explique Marx "fusionnent" avec ceux de l'Etat. C'était déjà l'aliénation institutionnelle!!) et des luttes fractionnelles inter-bourgeoises."L'esprit bureaucratique est un esprit foncièrement jésuitique, théologique. Les bureaucrates sont des jésuites d'Etat et des théologiens d'Etat (...) Puisque la bureaucratie est, par essence, 'l'Etat en tant que formalisme', elle l'est aussi d'après son but (...) la bureaucratie s'identifie à la fin ultime et suprême de l'Etat. (...) Les fins de l'Etat se transforment en fins de la bureaucratie ou les fins de la bureaucratie en fins de l'Etat. (...) La 'bureaucratie' est le 'formalisme d'Etat', la 'volonté de l'Etat', la 'puissance de l'Etat' en tant que corporation, donc c'est une société particulière close, au sein de l'Etat."
(K. Marx: Critique de la philosophie politique de Hegel -1843- p. 920 - Oeuvre III - Philosophie - Bibliothèque de la Pléiade -)
"Quand à l'individu bureaucrate il fait du but de l'Etat son but privé."En ce sens, quelle que soit la fraction bourgeoise au gouvernement c'est toujours les appareils centraux de l'Etat (armée - police - syndicats - églises - "bureaucrates"...) qui, dans la réalité pratique maintiennent et garantissent le bon fonctionnement du système en tant que totalité. De là, découle d'ailleurs le caractère quasi inamovible de la "bureaucratie".(Marx - Hegel - idem p. 922)
La "sociologie de la bureaucratisation", fortement à la mode dans les années 50 (Max Weber, les "Argumentistes", Egber Morin, Lapassade, le groupe Socialisme ou Barbarie jusqu'aux situationnistes) n'est en fait que l'expression de la spécialisation d'une partie de l'appareil d'Etat qui, du fait de cette spécialisation technique représente de plus en plus le caractère impersonnel du capital, indépendamment de la lutte entre les différentes fractions inter-bourgeoises. La "bureaucratie" n'est donc surtout pas ni un "nouveau phénomène" (tout Etat développe sa bureaucratie propre) ni une "nouvelle classe" mais la purification et la sélection au sein de la classe dominante, de représentants de plus en plus désignés en fonction de leurs qualités propres de défenseurs impersonnels des rapports de production dominants. En ce sens, de plus en plus ce n'est plus le sang, l'origine sociologique, la famille qui détermine la fonction dirigeante mais la capacité à défendre la globalité des intérêts du mode de production dominant. Le caractère impersonnel de la défense du mode de production capitaliste (qui de par son essence propre - généralisation de l'échange sous la forme marchande) est d'autant plus développé que celui-ci induit plus que tous les modes de production qui l'ont précédé la dépersonnalisation des rapports sociaux; chaque individu n'est plus qu'une marchandise, et le monde des marchandises se personnifie - en tant que rapport entre choses mortes au travers des rapports entre prolétaires et bourgeois (3). Le fameux "caractère fétiche de la marchandise et son secret" (Le Capital - chapitre Premier) est bien l'expression générale du caractère "objectivé"; réifié des rapports entre "hommes".
"C'est seulement un rapport social déterminé des hommes entr'eux qui revêt ici pour eux la forme fantastique d'un rapport des choses entre elles."La réification liquide ainsi du point de vue capitaliste par la déshumanisation généralisée ce qui restait encore d'humain dans les rapports entre les hommes des modes de production précédant le capitalisme. Le seigneur féodal avait encore une perception et une connaissance de ses serfs attachés à sa terre; pour le bourgeois qui achète la force de travail du prolétaire, la seule chose qui l'intéresse c'est la marchandise force de travail (et sa qualité propre de création de survaleur) indépendamment de "l'homme" qui la lui vend; ce dernier peut d'ailleurs crever car il sera remplacé immédiatement par un autre prolétaire toujours en surnombre par rapport aux capacités mêmes du système capitaliste. C'est en ce sens que "l'égalité démocratique" est pleinement réalisée par le capitalisme; au sein du monde des marchandises chaque marchandise est réellement égale et échangée équivalent contre équivalent. (4)(Marx: Le Capital - p. 69)
Le capitalisme développe donc plus que tout autre mode de production la caractère impersonnel de sa domination; impersonnalité représentée par des hommes choisis pour leur qualité à défendre l'intérêt global du système et non pour leur intérêt personnel voire même l'intérêt de telle ou telle fraction bourgeoise.
Le phénomène "bureaucratique" (avec sa connotation "bureau") n'est donc absolument pas réductible à la vision anti-paperasserie et parasitaire du bon peuple; au contraire il s'agit, au sein de l'appareil d'Etat (et encore une fois, pour nous, il s'agit de l'Etat capitaliste mondial) de la sélection de gestionnaires (et non de propriétaires privés au sens juridique) pleinement capables de maintenir et de garantir la continuité de la dictature capitaliste indépendamment des aléas et des changements circonstanciels dans la forme de cette dictature. Ce phénomène qui n'est donc que la purification et la plus grande adaptation de l'Etat aux besoins globaux de la valorisation est un phénomène universel, des USA à la Chine populaire; de l'URSS à la Patagonie. C'est toujours plus et partout que le renforcement de l'appareil d'Etat (renforcement face à la menace prolétarienne) implique de développement de représentants les plus adéquats des intérêts, globaux, mondiaux et impersonnels du système d'esclavage salarié. En rien, il ne s'agit d'une couche "parasitaire" ayant des intérêts propres; d'une nouvelle "classe de gestionnaires - technocrates" au contraire, il s'agit toujours plus et partout du développement au sein de l'appareil d'Etat et donc au sein de la classe bourgeoise dominante de sa capacité à défendre et à organiser la société dans l'intérêt global des rapports de production capitaliste.
La mise en avant, par tous les "socialo-gauchistes", du "phénomène bureaucratique" comme une "excroissance parasitaire" comme un développement délirant à la Kafka - Orwel, ne sert, en la caricaturant, qu'à obturer le sens réel du développement de la force de l'Etat bourgeois. A force de voir les "bureaucrates en lustrine" courant dans tous les sens pour surtout ne rien faire de "productif" on se refuse - de voir la réalité du renforcement de l'appareil d'Etat, de sa réelle préparation à la guerre civile qui se profile de plus en plus à l'horizon social. La lutte contre la bureaucratie qui comiquement unifie les trotskistes jusqu'aux fascistes n'est donc, qu'un écran de fumée visant à camoufler partout dans le monde le renforcement de l'appareil d'Etat; le renforcement de la terreur étatique (complémentarité entre terreur potentielle et cinétique).
Il n'y a donc pas l'apparition d'une "nouvelle maladie" (le "SIDA bureaucratique") produite de la "décadence" du système bourgeois (5) d'une pathologie déforçant la fonction centrale de l'Etat; il s'agit au contraire du renforcement de cette fonction centrale: l'organisation et la défense terroriste du système mondial d'esclavage salarié, et de ce point de vue bourgeois le plus impersonnellement global. Il n'y a donc en rien "bureaucratisation du monde" (au sens qu'en donne l'ex-trotskiste B. Rizzi dans son livre paru aux éditions Champ Libre: "l'URSS: collectivisme bureaucratique: La bureaucratisation du monde") ni dans l'apparition d'un "nouveau phénomène" (il n'y a que toujours plus renforcement de l'Etat bourgeois), ni à plus forte raison comme une dégénérescence de l'Etat dans l'acception marxiste à savoir: l'organisation en force de la classe dominante afin de maintenir la pérennité de son système. A ce niveau, "le mythe de la bureaucratie" signifie essentiellement le camouflage sociologique à la fois du développement des antagonismes de classe (bourgeoisie contre prolétariat) et, dans le développement de cet antagonisme; le renforcement global de l'Etat capitaliste mondial.
"L'analyse de la contre-révolution en Russie et sa réduction en formules n'est pas un problème, central pour la stratégie du mouvement prolétarien au cours de la reprise que nous attendons, puisqu'il ne s'agit pas de la première contre-révolution et que le marxisme en a connu et étudié toute une série."Il n'y a donc pas de "cas soviétique" généralisable au reste du monde; il y a la réalité mondiale du capital qui s'exprime au-travers du renforcement de son organisation en force et donc en Etat par la mise en avant de plus en plus marquée des meilleurs défenseurs -collectifs et impersonnels- des rapports de production capitaliste. La bourgeoisie est mondiale. Il n'y a donc, pour nous, aucun problème à ne voir aucune différence fondamentale entre un "manager" de Boston et son confrère de Shangai; au-delà des couvertures idéologiques, le maintien de leur place individuelle au sein de l'appareil d'Etat dépendra en dernière instance dans les deux cas de leur capacité à faire toujours plus cracher de la survaleur aux prolétaires qu'ils ont comme fonction d'exploiter; même s'ils ne sont pas eux-mêmes à titre personnel et juridique: "propriétaires des moyens de production". (8) Ils ne sont que les représentants physiques du système d'esclavage salarié; (et ne sont pas plus ou moins envahis par la paperasserie); ils sont avant tout: des bourgeois défendant au mieux les intérêts globaux de leur classe.(Gauche Communiste dite italienne -1951-) (7)
Ainsi le phénomène de cooptation au sein de la classe dominante, d'individus n'appartenant pas "originellement" à cette dernière est également un phénomène permanent des sociétés de classe. L'origine sociologique étant bien entendu moins importante que la réelle capacité 'à assumer des fonctions au sein de l'appareil d'Etat. Les exemples foisonnent ainsi d'individus et de groupes cooptés pour leurs capacités techniques (et formellement en contradiction avec leur origine sociologique) au sein de la classe dominante et représentant même mieux les intérêts collectifs et globaux de cette dernière que tel ou tel rejeton d'une vieille famille dominante. Ce processus évidemment ultra-valorisé au sein de la démocratie -règne de la dictature capitaliste- s'exprime pleinement au travers de la cooptation de pseudo-chefs ouvriers mis en avant pour assumer les tâches d'avant-garde de la contre-révolution (et leur pseudo-qualité "d'ouvrier" n'est pas pour rien dans leur capacité technique à écraser le prolétariat). L'exemple de "l'ouvrier Noske" massacreur en chef du mouvement communiste en Allemagne parle de lui-même. Evidemment la mise en avant d'un Noske ou aujourd'hui d'un Walesa par la bourgeoisie signifie essentiellement que cette dernière a bien compris la nature contre-révolutionnaire non seulement des individus mais des organismes dont ils sont les chefs (en l'occurrence de la social-démocratie pour le premier et du syndicalisme pour le second). L'existence d'un Noske ou d'un Walesa matérialise la réalité de l'essence bourgeoise tant de la social-démocratie, que du syndicat "Solidarité". Et c'est justement parce que ces organismes sont intégrés ouvertement aux appareils d'Etat que certains de leurs représentants les plus en vues se retrouvent promotionnés à des postes clés de la répression contre-révolutionnaire. Il ne s'agit donc pas de la "trahison" de tel ou tel ("trahison" qui proviendrait de leur position de "bureaucrate ouvrier") mais de l'expression au travers d'un tel ou un tel de la nature et de la fonction bourgeoise des organismes qu'ils dirigent. Contrairement aux mythes "anti-bureaucratiques" qui n'en reviennent qu'au plus plat "anti-autoritarisme"; ce n'est pas parce qu'ils sont "bureaucrates" (et/ou chefs) qu'ils sont "cooptés" et intégrés directement à l'Etat bourgeois, c'est au contraire parce que les organismes qu'ils dirigent ont démontré pratiquement qu'ils défendaient essentiellement les intérêts bourgeois; les intérêts de la classe dominante. La lutte "anti-bureaucratique" chère à tous les gauchistes (trotskistes, M-L, anars jusqu'aux conseillistes) au sein d'organismes tels les syndicats voire les partis pseudo-ouvriers (PS, PC,...) n'en revient en fait qu'à camoufler la nature contre-révolutionnaire de la totalité de ces organismes en focalisant l'attention sur les "méchants bureaucrates" comme hier d'autres focalisaient l'attention des prolétaires contre les "mauvais chefs". Ce mécanisme est particulièrement pernicieux, il s'agit d'empêcher la lutte pratique contre par exemple le syndicalisme (en tant que totalité pratico-idéologique) en détournant toutes tentatives des prolétaires en lutte pour s'organiser en dehors et contre les syndicats en "lutte" interne à ces organismes (partie intégrante et active de l'Etat capitaliste) contre les "chefs bureaucrates" contre "les bonzes". La lutte "anti-bonzes" (fusion de l'anti-bureaucratisme et de l'anti-autoritarisme) ne sert qu'à désigner un bouc émissaire aux pratiques contre-révolutionnaires des syndicats pour surtout défendre l'essence même de ces pratiques contre-révolutionnaires le syndicalisme sous toutes ses multiples formes! (assembléisme, gestionisme, démocratisme "ouvrier",... scission entre luttes dites politiques et dites économiques,...). Focaliser les critiques contre les "bonzes" en revient exactement à la vieille tactique stalinienne d'attaquer les "120 familles" capitalistes (ou tel ou tel individu) pour essentiellement défendre le capitalisme en tant que rapport social mondial. C'est le propre même du gauchisme (dans son acception actuelle) que d'attaquer telle ou telle expression phénoménologique (et donc aussi réelle) pour ne pas attaquer la globalité du système. A l'inverse, la méthodologie marxiste parce qu'elle s'attaque à l'essence même du système peut intégrer la destruction de toutes les expressions phénoménologiques dans sa lutte contre la totalité du système. En ce sens la liquidation des "bonzes syndicaux" est conditionnée (même si parfois simultanée) par la réelle organisation des prolétaires en lutte en dehors et contre les syndicats et non, le contraire la lutte "anti-bonzes" n'est en rien la garantie de la lutte contre le syndicalisme. La plupart du temps, la lutte "anti-bonzes" est la couverture du "syndicalisme de base" et autres formes radicalisées de l'idéologie syndicaliste. La liquidation des "bonzes" comme des autres "bureaucrates" n'est donc pour nous qu'un élément conditionné par la constitution du prolétariat en classe organisée en parti et s'affrontant violemment à l'ensemble de l'Etat bourgeois. Désigner au sein de cet Etat des ennemis "uniques et privilégiés": les "bureaucrates", en revient inévitablement à détourner la lutte prolétarienne pour la destruction de l'ensemble du système vers quelques unes des personnifications des rapports sociaux capitalistes permettant ainsi le maintien de ces derniers! (10).
C'est en ce sens que la plupart du temps, la lutte "anti-bureaucratique" ne signifie rien d'autre que le renforcement radical des structures d'encadrement anti-prolétariennes; la critique anti-autoritaire (anti-chef et "anti-bureaucrate") ne servant qu'à détourner le prolétariat en lutte de sa réelle tâche: la destruction de fond en comble de l'ensemble de l'Etat bourgeois pour imposer sa propre dictature: la dictature du prolétariat pour l'abolition du travail salarié!
La première raison essentielle est que l'Etat ouvrier est fondamentalement un Etat de nature différente de tous les Etats qui l'ont précédé; à la fois il est Etat dans le sens où il est l'organisation de la classe ouvrière en classe dominante et il est anti-Etat (le fameux "semi-Etat") dans le sens où l'organisation et le renforcement du prolétariat en classe dominante (le renforcement de l'Etat ouvrier) signifie directement la tendance à son extinction; la tendance à l'auto-négation du prolétariat. Le processus transitoire peut donc s'exprimer schématiquement ainsi: au plus le prolétariat se renforce en tant que classe dominante, en tant qu'Etat (de la même manière que le pôle révolutionnaire du prolétariat, son auto-négation se généralise à l'ensemble de la société) au plus que s'éteignent les fonctions centrales de l'Etat, s'éteint la nécessité même d'un Etat. C'est déjà la problématique de cette dynamique fondamentale qui a séparé originellement les marxistes des bakouninistes au sein de l'AIT.
Chaque renforcement de l'Etat ouvrier (c'est-à-dire chaque mesure qui va à l'encontre de la loi de la valeur, qui permet la généralisation du pôle révolutionnaire du prolétariat: la négation du prolétariat par lui-même) se traduit, paradoxalement pour la logique vulgaire, par son dépérissement. Et, au contraire, chaque phase/moment de recul, de réémergence du capitalisme (et donc de ses représentants physiques: les bourgeois) se traduit par la consolidation de l'Etat en tant qu'expression, non plus de la dynamique transitoire, mais en tant qu'expression du ralentissement du processus révolutionnaire; ralentissement de la destruction de la valeur et donc ralentissement de la négation du prolétariat en tant que "classe" toujours plus exploitée même si révolutionnaire et dominante. Toutes les faiblesses du prolétariat dans sa dictature, dans son caractère révolutionnaire et organique s'exprimeront ainsi notamment par des "crispations étatiques" ou, plus exactement au plus le rapport de force sera en sa défaveur, au plus le prolétariat se verra encore contraint de se maintenir en tant qu'Etat matérialisant ainsi le ralentissement du processus d'unification, d'extension de l'organicité révolutionnaire du prolétariat (la constitution d'une communauté humaine). Alors que, ce qui matérialisera, au plus haut point la force prolétarienne sera la destruction de toutes les médiations/séparations, sera son auto-négation, son extinction en tant qu'Etat par la liquidation de la valeur. La force prolétarienne réside essentiellement dans sa capacité à développer la dynamique -le mouvement- de la période de transition; la faiblesse sera exprimée par tout ce qui entravera cette dynamique d'unification/généralisation de la "Gemeinwesen".
Deuxièmement, la période de transition (dictature révolutionnaire du prolétariat) qui va du capitalisme (nous dirions plus exactement "contre") au communisme se différencie également de toutes les autre "périodes de transition" que l'histoire des sociétés de classe a connu. En effet, toutes les autres "périodes de transition" de l'esclavagisme à la féodalité; du "despotisme asiatique" et autres modes de production au capitalisme; des communautés primitives aux premières sociétés de classe,... sont des "transitions" aux sein du même cycle de la valeur qui partent de la dissolution du communisme primitif par l'échange jusqu'à l'aboutissement universel de la domination de la valeur; le capitalisme. En ce sens s'il y a "transition" c'est au sein d'un même processus (continuité et toujours plus grande affirmation de la valeur comme sujet de la préhistoire humaine). C'est la raison essentielle qui explique à chaque fois la non-destruction, par la classe révolutionnaire prenant le pouvoir, de l'Etat de la classe battue mais son occupation et ré-utilisation dans l'intérêt de la nouvelle classe dominante.
Or, pour le prolétariat, encore une fois, la question de sa période de transition se pose fondamentalement différemment car il s'agit de la transition entre la totalité que représente le cycle de la valeur (cycle des sociétés de classe - préhistoire de l'humanité) et un tout autre processus; l'ouverture de l'histoire consciente de l'humanité: le communisme. C'est pourquoi, le prolétariat doit lui, détruire de fond en comble l'Etat bourgeois et non, l'occuper. A la destruction de l'Etat bourgeois correspond l'émergence de l'Etat ouvrier qui n'a rien à voir avec tous les Etats qui l'ont précédé. C'est une contingence imposée par le passé (maintien des antagonismes de classe) mais qui contient déjà en lui (pôle révolutionnaire) le futur de l'humanité. Contrairement à tous les autres Etats, l'Etat ouvrier contient en lui sa propre destruction, sa propre extinction et ce parce que la classe ouvrière, organisée en Etat et dirigée par le Parti Communiste Mondial a comme besoin, intérêt et projet: l'abolition de toutes les classes (et donc de l'Etat). C'est, en fait, à un autre niveau, la même problématique qu'exprime le fait -comme nous l'avons vu- que l'Etat Ouvrier est à la fois Etat et anti-Etat.
La spécificité de la dictature ouvrière s'explique donc parce qu'elle est transition et rupture radicale avec des siècles de domination de l'homme par l'homme; qu'elle est la dernière dictature de l'histoire et en même temps la réalisation en acte de la négation de toute dictature (11). La période de transition du capitalisme au communisme est donc fondamentalement mouvement; dynamique dont l'Etat ouvrier est à la fois produit et agent; est à la fois Etat dans le sens de la domination exclusive d'une classe sur la société et anti-Etat dans le sens de l'extension de ses fonctions à l'ensemble de la société et donc de son extinction progressive. Cette double réalité qui n'est en fait que l'expression du fait que le projet de la classe dominante (le prolétariat) est l'abolition de toutes les classes et donc d'elle-même, peut paraître paradoxale, contradictoire aux yeux tant des idéalistes anarchistes qu'à ceux matérialistes vulgaires des sociaux-démocrates; mais, comme le notait déjà Bilan:
"Il faut tenir compte de l'impossibilité d'arriver en une phase qui s'appelle de transitions à des notions fixes, complètes, ne souffrant aucune contradiction logique et exempte de toute idée de transition."C'est donc dans le cadre, schématiquement tracé ici, de la dynamique de la période de transition qu'il nous faut situer la question de la "bureaucratie".
A tous les niveaux de l'organisation, de la centralisation du prolétariat révolutionnaire; en classe; en classe dominante (Etat); en parti mondial, peut exister; apparaître; se développer une "bureaucratie" dans le sens de la prédominance des caractères "techniques" sur le programme communiste. En ce sens, cette "bureaucratie" n'est rien d'autre qu'une des expressions de la réappropriation (= non disparition) de la loi de la valeur, du capital et donc de leur personnification: la bourgeoisie. Cette bureaucratie n'est donc pas neutre mais exprime fondamentalement les faiblesses programmatiques du prolétariat, le ralentissement de la lutte contre la valeur; exprime les entraves à la dynamique transitoire; exprime la force toujours présente (puisque la loi de la valeur n'est pas détruite en un seul jour!) du capital et donc de la bourgeoisie. Il n'y a donc pas de "bureaucratie ouvrière" dans le sens où la "maladie a-classiste de la bureaucratie" attaquerait aussi le "corps sain du prolétariat". Au contraire, l'apparition de tels phénomènes, au sein de TOUS LES organes que se donne le prolétariat dans sa lutte (depuis ses plus petits comités de lutte jusqu'au parti mondial) n'est rien d'autre que l'expression de la classe ennemie; de la bourgeoisie au sein de ces organes. Elle doit donc être impitoyablement combattue, non pas comme une "maladie en soi" mais comme moment de la totalité de notre lutte contre le capital. Si en d'autres termes, la dynamique révolutionnaire de la période de transition peut se définir par de plus en plus la "gestion des choses en fonction des besoins humains" (organicité du développement de la "Gemeinwesen") contre la valorisation (production pour la valeur induisant toutes les séparations/médiations) l'apparition du phénomène bureaucratique dans n'importe quel organe prolétarien signifie au "mieux" le ralentissement du processus de gestion des choses dans l'intérêt de l'humanité au profit du maintien du processus bourgeois de valorisation (gestion des hommes/spécialisations, séparations, médiations,...). Tout ralentissement, toute entrave au processus transitoire (ralentissement dans la lutte contre la valeur) signifie donc directement l'affaiblissement de l'organicité communiste en développement, le ralentissement du processus unique d'extension révolutionnaire et d'extinction étatique. Sans tomber donc dans la "lutte anti-bureaucratique" (dans le sens anti-autoritaire et parcellaire que nous avons critiqué au chapitre 4.); la dictature du prolétariat, dans sa lutte globale contre la valeur, se devra donc d'attaquer avec la plus grande fermeté toute entrave bourgeoise à son mouvement d'affirmation de généralisation organique de la communauté humaine mondiale. Contrairement à la fonction de la "bureaucratie" au sein de tous les Etats des sociétés de classe (du cycle de la valeur!): spécialisation/purification des représentants les plus adéquats de la classe dominante, au sein du "semi-Etat ouvrier" la problématique est directement inverse: à savoir la tendance à la non-spécialisation (rotation des tâches...); à la généralisation des tâches étatiques à l'ensemble de la classe ouvrière qui elle-même généralise à l'ensemble de la société son pôle révolutionnaire, généralise de plus en plus son contenu organique humain ("gemeinwesen") signifient directement l'extinction de l'Etat. L'axe central de la période révolutionnaire de transition est donc bien le processus d'extension/extinction en tant que processus unique d'émergence (impliquant concomitamment la destruction de la valeur, du salariat, des classes, de l'Etat, de la famille,...) de la société communiste. Ce processus fondamental est celui de l'auto-négation du prolétariat; l'expression superstructurelle de cette auto-négation est l'extinction de l'Etat ouvrier par la disparition des antagonismes de classe. C'est parce qu'il y a ce processus fondamental de dépérissement de l'Etat ouvrier qu'il ne peut aucunement exister de "bureaucratie ouvrière"; s'il y a renaissance d'un phénomène "bureaucratique" dans quelque organe ouvrier que ce soit c'est directement l'expression de la classe ennemie, de la bourgeoisie. La force même de la dictature du prolétariat pour l'abolition du travail salarié se matérialisera dans sa lutte globale contre la valeur et donc aussi par la lutte/destruction de tout phénomène "bureaucratique"; de tout blocage d'où qu'il vienne de la dynamique transitoire. (12)
2. Pour une analyse plus détaillée de la nature contre-révolutionnaire du Trotskisme nous renvoyons le lecteur à notre texte: "Trotskisme: produit et agent de la contre-révolution" in Le communiste No.8.
3. Sur cette question fondamentale nous renvoyons nos lecteurs à notre texte: "De l'Aliénation de l'homme à la communauté humaine" in Le Communiste No.14.
4. Sur cette question voir nos textes: "Contre le mythe des droits et libertés démocratiques" in Le Communiste No.10/11 ainsi que "Communisme contre démocratie" dans Le Communiste No.19.
5. Sur cette question voir notre texte: "Théorie de la décadence: décadence de la théorie" dans Le Communiste No.23.
6. Ce n'est évidemment pas par hasard que presque tous les théoriciens de "la bureaucratisation du monde" proviennent en droite ligne du trotskisme, que cela soit B.Rizzi ou Castoriadis, Le Fort; sans parler des Tony Cliff ou autre Mandel, jusqu'au trotsko-conseillistes à la Mattick-Rubel.
7. Si évidemment sur cette question, comme sur d'autres la gauche communiste dite italienne et notamment certains de ses dirigeants tel Bordiga ou Vercesi ont eu des contributions fondamentales - au plus exactement des intuitions essentielles il n'empêche que globalement ce qui ressort du courant tant "bordigiste" (Programme Communiste...) que "Battagliste" (Damen et son flirt d'hier avec Socialisme ou Barbarie et d'aujourd'hui avec la CWO) est l'oscillation sur le caractère mondial du capitalisme avec régulièrement des rechutes dans les conceptions trotskistes tant de "l'Etat ouvrier dégénéré"; que du "capitalisme d'Etat". Encore une fois la revue Bilan fait, sur ces questions, exception par la mise en avant fondamentale du caractère mondial du capitalisme et par son rejet de la notion même de "capitalisme d'Etat".
8. Nous rejoignons ici, une autre question fondamentale; celle de la tentative de la bourgeoisie d'atténuer et de camoufler l'antagonisme entre bourgeoisie et prolétariat, en noyant d'une part la bourgeoisie dans la masse des "salariés" et d'autre part en diminuant la force du prolétariat par sa réduction aux seuls ouvriers d'usines à l'exclusion du prolétariat agricole, des chômeurs et autres sans réserves, Il n'y a plus ainsi, du point de vue bourgeois qu'un peuple salarié, des citoyens démocrates et fiers de l'être. Il n'y a plus (ou presque) de prolétariat et dans le même temps son ennemi historique, la bourgeoisie est rendue diffuse par sa fusion dans la masse des "salariés". Comme le disent les sociologues appointés du capital: il n'y a plus alors deux classes antagoniques mais une multitude de couches et de strates formant le "peuple souverain". C'est cela la démocratie! Négation en acte de la classe révolutionnaire.
9. Sur cette question importante du mode de production asiatique nous renvoyons le lecteur au livre de Karl Wittfogel "Le despotisme oriental" ed. Minuit qui à notre connaissance est l'un des seuls ouvrages à approfondir cette question en opposition à la falsification stalinienne de la prétendue non-existence du mode de production asiatique (rectification au nom du dogme "marxiste-léniniste" effectuée en 1931!).
10. Et évidemment, dialectiquement s'attaquer pratiquement au syndicalisme signifie inévitablement s'affronter aussi aux "bonzes syndicaux" de la même manière que s'affronter à l'Etat bourgeois signifie inévitablement s'affronter aux "bureaucrates" et autres flics. Mais cela dans le cadre global de la lutte en-dehors et contre toutes les structures étatiques.
11. Encore une fois, sur cette question idéologie anarchiste et idéologie sociale-démocrate se complètent dans leur commune vision bourgeoise. Pour les premiers il suffit de nier idéellement l'évidence du processus transitoire par rejet viscéral des tâches élémentaires de direction de ce processus; pour les seconds il s'agit comme peur les transitions "internes" au cycle de la valeur, de tout simplement occuper l'Etat bourgeois et donc de poursuivre le renforcement du système d'esclavage salarié.
12. Nous sommes bien conscients que dans ce chapitre
nous n'avons fait qu'effleurer la problématique fondamentale et
complexe de la période de transition du capitalisme au communisme
en sachant qu'il est pour le moins difficile d'exprimer par quelques mots
(figés comme le reste par le capital) le processus, la dynamique
sociale et révolutionnaire unique du passage de la préhistoire
à l'histoire humaine consciente. Nous reviendrons prochainement
à ces questions qui contiennent tout l'avenir de notre mouvement.
"La suppression de la bureaucratie n'est
possible que si l'intérêt général devient réellement
l'intérêt particulier et non, comme chez Hegel, uniquement
en pensée, dans l'abstraction. Cela n'est possible que si l'intérêt
particulier devient réellement l'intérêt général."
(Marx: Critique de la philosophie politique de Hegel - 1843 - Bibliothèque de la Pléiade - Oeuvre III - p.922-923) |