Contribution au regroupement des révolutionnaires

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Au mois de mai 1980 s'est tenue à Paris une réunion dite "troisième conférence internationale des groupes de la gauche communiste". Les groupes suivants organisaient cette réunion et y participaient:
- Partito Comunista Internazionalista (Battaglia Comunista);
- Courant Communiste International;
- Communist Worker's Organisation;
- Nuclei Leninisti Internazionalisti;
- Groupe Communiste L'Eveil Internationaliste.

L'Organisation Communiste Révolutionnaire Internationaliste d'Algérie (OCRIA-TIL) adhérait aux critères de la conférence et y a envoyé des contributions écrites (pas de délégation). D'autres groupes invités à la conférence n'y ont pas participé, la jugeant confusionniste: notamment le Fomento Obrero Revolutionario (présent à la seconde conférence) et le Gruppe Kommunistische Politik. Notre groupe était la seule organisation présente au rassemblement de Paris en déclarant ouvertement n'adhérer ni à son contenu ni à sa forme.

Dans "Le Communiste" No.4, nous avions déjà pris position sur les "conférences internationales" (1). Elles ont sombré en mai 1980 dans le plus complet ridicule et la désagrégation. Ce n'est évidemment pas nous qui verserons des larmes sur la mort officielle d'un cadavre; ce n'est pas nous non plus qui la saluerons. A un rassemblement sans principe a correspondu une dislocation sans principe qui n'a été d'aucun apport pour la clarification. C'est pour contribuer malgré tout à celle-ci que nous revenons sur le sujet des "conférences internationales.

Les conférences dans leur ensemble ont prouvé qu'elles étaient contraires aux réunions de travail, d'organisation et de confrontation politique qui peuvent servir à formaliser et impulser la convergence des révolutionnaires dispersés dans le monde. Sur le contenu, la forme et la composition des conférences, nous avons fait les remarques et critiques suivantes:
- critères abstraits de participation;
- comme conséquence: coexistence de groupes centristes et révolutionnaires;
- préoccupations et discussions académiques;
- comme conséquence: stagnation du travail et illusion que quelque chose est réellement fait pour le regroupement des communistes (alors qu'il n'en est rien).

Dans un premier temps, nous avons proposé un ordre du jour destiné à provoquer la lutte ouverte entre les tendances, afin d'obtenir des contours bien tracés et des groupes bien délimités sur "la question des tâches fondamentales des communistes à l'époque actuelle".

Dans un second temps, cette suggestion ayant été rejetée par le comité organisateur (sans argumentation politique), nous avons décidé d'intervenir à la conférence sans respecter aucune autre discipline que la nôtre. Nous avions comme objectifs de dénoncer l'idéologie des conférences et de favoriser leur auto-destruction sur une base qui permette de clarifier le caractère stérile et mystificateur de leur méthode.

A l'idéologie des conférences, nous avons opposé:
- la perspective d'une réelle communauté de travail entre groupes communistes;
- comme composants de cette communauté: des groupes disposant d'une assise générale commune et s'orientant dans une même direction politique;
- comme préalable à cette communauté: la lutte politique, la démarcation et la vérification pratique des convergences et divergences;
- comme méthode allant dans ce sens: la confrontation des positions fondamentales dans leur signification pratique.

Cette dernière proposition nous a valu l'accusation de "praticisme", notamment de la part du PC Int. Comme ce groupe se revendique également de la nécessité d'une "sélection" pour commencer un travail sérieux, nous pouvons comparer sa méthode et la nôtre. A la troisième conférence, le PC Int. s'est lancé dans une initiative aussi tapageuse que formaliste, propre seulement à aggraver le climat d'extraordinaire confusion qui a toujours collé à la peau des conférences.

Pour le PC Int., le CCI représentait "l'obstacle majeur à l'ultérieure croissance des initiatives internationales" (nous pouvons facilement admettre que le CCI est un "obstacle", mais ni le seul ni le plus important - la possibilité qu'il a de jouer un rôle néfaste étant due avant tout à la confusion générale qui entoure les problèmes du regroupement). Le PC Int. proposait "l'adjonction d'un nouveau critère aux cinq précédents" (2). A l'aide d'un sixième critère soulignant que le parti communiste est l'"organisme indispensable de guide politique dans les luttes révolutionnaires et le pouvoir révolutionnaire du prolétariat" (formule non seulement abstraite, mais on ne peut plus elliptique!), le PC Int. prétendait mener à terme une phase dite "de démarcation du spontanéisme".

Nous ne retiendrons ici que la méthode: pour le PC Int., la scission entre courants révolutionnaires et centristes peut et doit s'effectuer en fonction de ce que les groupes disent d'eux-mêmes, non en fonction de ce qu'ils font réellement. Il suffirait de prononcer le mot-clé: "parti-guide", pour se placer en dehors de l'"aire du spontanéisme" et se voir décerner un brevet d'authenticité communiste.

Comme la réalité le prouve abondamment, il existe des forces ultra-partitistes sur le papier qui font tout sauf contribuer à la perspective du Parti Communiste Mondial. Il existe d'autre part des groupes qui n'ont pas une théorie claire sur le problème-parti, mais contribuent néanmoins à sa résolution pratique par leur action. Nous avons la preuve avec le PC Int. lui-même que sa "méthode de sélection" ne vaut rien. Prenons simplement deux exemples le concernant.

Le PC Int. prétend travailler à la coordination des forces ouvrières, mais lorsque se présente l'occasion pratique de vérifier cette prétention (en l'occurrence la "coordination des noyaux d'usine de Milan" dont nous reparlerons dans la prochaine revue), "Battaglia Comunista" ne trouve rien de mieux à faire que de refuser d'y militer, en indiquant comme seule perspective à la coordination de se dissoudre et à ses participants de rejoindre les "groupes d'usine internationalistes" du "parti".

Le PC Int. prétend aussi se rattacher à la conception marxiste de la violence prolétarienne, mais c'est en Italie même (!) qu'il peut solennellement déclarer: "des militants ouvriers communistes en prison, jusqu'à présent nous n'en connaissons pas" (!!). "Battaglia Comunista" se pose en juge des actions terroristes ouvrières en Italie exactement comme il l'avait fait pour le mouvement gréviste de 1969: il s'agit de "réactions petites-bourgeoises s'inscrivant dans la logique de la restructuration capitaliste" (sic!).

On comprend ce que valent les critères généraux et abstraits du style "le parti-guide". En fonction du vide politique de tels critères, nous n'accordons foi qu'à la reconnaissance des besoins et des tâches élémentaires de la lutte révolutionnaire, à partir et en fonction desquels peuvent et doivent se confronter les conceptions générales d'orientation (soit exactement l'inverse de la méthode idéaliste proposée par le PC Int.).

Afin de déterminer quels groupes disposent d'une assise politique commune, il n'est pas nécessaire - il est même préjudiciable - de convoquer des conférences à grand fracas (surtout avec des groupes que l'on désigne déjà comme "essentiellement étrangers à la construction du parti"). Sont par contre utiles des méthodes de confrontation et de vérification plus moléculaires, qui s'établissent au travers de liaisons sans doute plus laborieuses, plus prudentes et plus "immédiates", mais dont le résultat est sûr (et qui ne conduisent pas à la proclamation tous les matins d'un "centre du prolétariat mondial" qui disparaît le soir même).

Pour illustrer plus concrètement ce que nous entendons par "critères démarcatoires et préalables à une communauté de travail entre groupes communistes" - c'est-à-dire des groupes se posant et résolvant non seulement les problèmes des tâches générales immédiates, mais aussi les problèmes historiques généraux qui doivent conformer le parti de demain -, nous avons produit un document que nous republions à la suite du présent texte. Ce document résume notre critique des "conférences internationales" et pose des jalons pour un travail alternatif.

Bien qu'il ait été rédigé à l'occasion de la troisième conférence, ce document ne correspond pas seulement à une prise de position ponctuelle. Nous le situons dans la ligne générale de nos tâches organisées et organisatives pour la reformation du Parti de classe. En accord avec celles-ci, nous avons réalisé une proposition de travail que nous concevons, dans sa dernière partie, comme une adresse générale de travail destinée à toute l'avant-garde communiste dispersée dans le monde (3).

Avant de passer à ce document, il nous reste à conclure par quelques mots concernant l'attitude des différents groupes pendant la conférence. Le CCI défendit le statu quo, c'est-à-dire le maintien de la formule "moulin à paroles". Le PC Int. opta pour la réforme des conférences dans un sens de "coordination pour l'intervention politique active des groupes dans les luttes économiques de la classe ouvrière" (c'est-à-dire la transcroissance du moulin à paroles en cartel politique).

Excepté ces deux organisations - les plus fervents défenseurs de l'idéologie des conférences -, les autres groupes ont oscillé entre défense critique de la vieille méthode et formulation d'indications alternatives. Lorsque nous publions cette revue, aucun de ces groupes ne s'est encore prononcé clairement. Aussi nous limitons nous à quelques remarques sous réserve de précisions ultérieures.

Le CWO était d'accord avec le PC Int. pour l'exclusion sans principe du CCI. Mais pendant toute la conférence, il insistait sur le fait que cela ne suffisait pas et qu'il était nécessaire de s'engager dans la voie de la collaboration pratique entre groupes reconnaissant le besoin du "parti-guide" en prenant pour base notre proposition. Le CWO a interprété notre proposition dans le sens d'un "bon point de départ" à discuter dans un nouveau cycle de conférences, perspective que nous avons rejetée. A notre avis, le CWO confond des critères démarcatoires et préalables à toute collaboration pratique avec un ordre du jour de discussion dans une réelle communauté de travail qui se situe au-delà des critères mentionnés.

Les Nuclei ont soutenu que c'est dans la confrontation sur les problèmes les plus concrets de l'intervention que "se dirige" le processus de sélection (ce qui est, semble-t-il, l'attitude constante et effective des NLI en Italie). Ce groupe a par contre cautionné, tout au long des conférences, la continuité du moulin à paroles et appuyé régulièrement les projets de "résolutions communes" du CCI (soit de grandes phrases opportunistes, sans indications de lutte classiste si minimes soient-elles!). Il y a donc une grande différence, voire une contradiction, entre le travail des Nuclei en Italie et leur travail au niveau international. Les Nuclei défendent le cadre des conférences comme un "mieux que rien", sans se rendre compte qu'ils contribuent à fixer des énergies communistes dans ce "mieux que rien", au lieu de travailler à la solution alternative que ces énergies tendent confusément à rechercher (c'est valable en premier lieu pour les Nuclei eux-mêmes, auto-mystifiés par la légende du "mieux que rien" international!).

L'Eveil Internationaliste est un groupe en évolution qui se définit comme un "embryon d'organisation". Il a travaillé avec nous à dénoncer la tentative de regonfler le mythe des conférences avec une ou deux déclarations contre la guerre; à démasquer la manoeuvre opportuniste de ceux qui prétendent lutter contre l'impérialisme en se désolidarisant de toute action et de toute agitation effectivement défaitistes révolutionnaires (cf. le CCI dont les pacifiques déclarations sont l'autre face de positions pacifistes). L'Eveil a soutenu qu'il était temps d'en finir avec les débats métaphysiques pour passer au débat non moins élevé théoriquement (au contraire) qui s'appuie sur la réalité pour la transformer. Il n'empêche que l'Eveil adhérait au travail organisatif de la troisième conférence, ce qui nous paraît franchement incohérent.

Les trois groupes: Eveil, Nuclei, CWO ont rejeté à des degrés divers l'idéologie des conférences, mais ont maintenu une grande ambiguïté sur ce que nous rejetons résolument: la possibilité de réforme de ces conférences. On ne peut donc prétendre aujourd'hui qu'une véritable décantation a été effectuée, ni même supposer la possibilité de scission à court terme entre courants centristes et révolutionnaires parmi les ex-organisateurs des "conférences internationales".

Nous continuerons néanmoins à travailler en vue d'une scission de classe dans le milieu spécifique des ex-"conférences internationales", en essayant de favoriser, par la lutte politique, le déplacement des groupes oscillants sur un terrain tenant compte de l'indication qui préside depuis "Que faire?" à tout regroupement révolutionnaire:

"... La lutte de parti donne des forces et de la vitalité au Parti, la meilleure preuve de faiblesse d'un parti, c'est sa position diffuse et l'effacement des frontières nettement tracées; le Parti se renforce en s'épurant." (Marx)

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La reconstruction du parti de classe n'a rien à voir avec la constitution de cartels politiques, de moulins à paroles, mais passe, aujourd'hui comme hier, par une communauté de travail luttant effectivement contre le capital.

Dans une déclaration parue dans notre revue "Le Communiste" No.4, nous avons déjà pris position concernant les conférences internationales. Cette prise de position ayant été rejetée par le "comité technique international", nous considérons comme indispensable de réaffirmer ici, devant les militants ouvriers présents, nos positions fondamentales qui se situent donc, de fait, en dehors de l'orientation générale de ces conférences et de son cadre organisatif (tâches organisatives, ordre du jour,...).

Par ce texte, nous voulons préciser le sens de notre participation à cette conférence. A sa forme et son contenu actuels qui en font un parlement "ouvrier" multiforme, nous voulons proposer une alternative toute différente dont le fondement est la conception de toujours des communistes sur l'organisation du prolétariat en classe et donc en parti. Notre présence ici n'est donc pas une adhésion au contenu et à la forme actuels des conférences mais signifie notre volonté de:

1/ dénoncer une institution hybride qui ne peut que contribuer à maintenir et à développer la confusion sur les voies que le prolétariat doit suivre pour s'organiser en force mondiale, en parti mondial de la révolution;

2/ faire connaître, à un plus grand nombre possible de secteurs de la classe ouvrière, nos propositions alternatives, vu que les conférences ont au moins le mérite de rassembler des militants de différents pays, de publier leurs différentes contributions;

3/ prendre contact avec les ouvriers et militants révolutionnaires en accord avec nos perspectives en vue d'un travail commun.

Les communistes ne cachent jamais leur but et c'est pourquoi nous disons ouvertement ce que nous (et d'autres) pensons. Notre but n'est pas de nous regrouper avec des groupes ayant une pratique et une théorie différentes des nôtres. Ici, comme ailleurs, nous combattons le centrisme, l'emprise de l'idéologie bourgeoise parmi les ouvriers; nous travaillons à la nécessaire décantation, démarcation des différentes tendances autour de la question: quelles sont les tâches des communistes à l'époque actuelle?, pour ensuite travailler à l'organisation, dès aujourd'hui, de l'unité d'action contre le capital. En effet, c'est seulement dans le cadre de la reconnaissance d'une identité d'intérêt et de besoin sur les questions cruciales de l'époque qui détermine une communauté d'action, que les forces ouvrières pourront se centraliser comme elles l'ont fait dans le passé. La discussion est alors fondamentale et non académique car elle ne signifie plus une simple confrontation d'idées, mais acquiert réellement sa signification pratique de guide pour l'action. Ce n'est qu'alors qu'un centre international produit d'une pratique centralisée et centralisatrice, peut se formaliser. Nous ne répèterons jamais assez avec Marx: "Toute vie sociale est essentiellement pratique. Tous les mystères qui portent la théorie vers le mysticisme trouvent leur solution rationnelle dans la pratique humaine et dans la compréhension de cette pratique... Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, ce qui importe, c'est de le transformer." (Thèses sur Feuerbach)

Dans notre premier texte sur les conférences, nous explicitions que: "le parti de classe ne résultera jamais d'un cycle de conférences, quelles que soient leurs caractéristiques. Penser le contraire serait se cantonner à l'aspect superficiel des choses. Le parti - organe dirigeant de la classe et non simple fraction de celle-ci - est le produit de multiples facteurs matériels que la discussion sert seulement à formaliser. La solution au problème de la direction communiste du prolétariat implique la convergence de noyaux d'avant-garde sur une totalité de tâches théoriques, stratégiques et tactiques (seule cette totalité mérite le nom de programme) assumées et vérifiées pratiquement au feu de la lutte de classe. Dans le processus qui mène au parti, les réels facteurs centralisateurs d'un regroupement sont l'identité et la communauté d'action; la conscience et la volonté commune d'organisation n'en sont que les facteurs formalisateurs.

En inversant l'ordre d'importance de ces divers facteurs, certaines organisations en arrivent à croire qu'il faut à tout prix "essayer de résoudre les divergences entre les groupes de la conférence" (alors que le problème ne se joue pas à ce niveau) et maintenir indéfiniment dans ce but la structure actuelle des "conférences internationales". Pour nous, réellement clarifier les divergences actuelles, comprendre ce qu'elles signifient dans la pratique et en tirer les conséquences organisationnelles pour le futur, représenterait l'unique pas en avant concevable.

Il permettrait également de supprimer une institution hybride qui, en se perpétuant, offre comme seules perspectives de représenter un moulin à paroles et/ou d'ouvrir la voie à la constitution d'un cartel politique (où des groupes de nature hétérogène feraient des compromis sur leurs plate-formes respectives, se rabattraient sur des positions exprimant une "bonne moyenne" pour en arriver finalement à un amalgame sans clarté et sans unité). Dans les deux cas, les "conférences internationales" ne serviraient qu'à alimenter la confusion sur la nature des forces et des moyens qui conduisent réellement au Parti mondial du prolétariat." ("Le Communiste" No.4)

Il est donc pour nous néfaste, démagogique et mystificateur de faire de longs discours sur les Internationales du passé, sur le Parti mondial ou sur le nouveau Zimmerwald (cf lettre d'invitation à la première conférence). Ce qui différencie fondamentalement les conférences actuelles des tentatives de rupture avec l'ordre bourgeois que représentaient celles de Zimmerwald et de Kienthal, c'est que ces dernières, outre les profondes divergences qui les animaient, se cristallisaient autour de la question fondamentale à l'ordre du jour en 1914: l'attitude face à la guerre. Et c'est évidemment la gauche zimmerwaldienne (et sa revue "Vorbote" avec Pannekoek, Roland-Holst, Platten, Lénine, Radek, Zinoviev, Gorter...) qui affirma les seules positions prolétariennes: le rejet de tout chauvinisme, de toute participation criminelle, tout comme le rejet du pacifisme tout autant criminel et du neutralisme complice, pour indiquer aux prolétaires la voie du défaitisme révolutionnaire, la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile internationale. C'est autour de cette question que s'est définitivement tranchée la scission de classe entre la bourgeoisie (IIème Internationale et l'Internationale II½) et le noyau de force prolétarienne qui donna naissance à une nouvelle internationale: la IIIème Internationale qui a matérialisé les tentatives de rupture du prolétariat avec tout démocratisme et tout réformisme, pour s'unifier, se centraliser, se donner une direction mondiale unique, pour s'organiser en classe pour soi et donc en parti communiste mondial.

De la même manière, dans la Ière Internationale basée sur le principe que "le prolétariat ne peut agir comme classe qu'en se constituant en parti politique distinct", c'est en partant d'un ensemble de règles d'action pratique (réseau d'information, solidarité active,...) qu'a pu se construire la première Association Internationale des Travailleurs. "La charrue" des discussions n'a pas été mise avant "les boeufs" de l'organisation de l'action contre le capital, (les discussions n'ont de sens qu'en fonction de l'action à mener). Ces règles d'action et de solidarité internationale contre la concurrence que les ouvriers se font entre eux et contre les coups portés par la répression bourgeoise, visaient à ce que, malgré les idées et positions différentes, "tous les groupes de l'association puissent agir simultanément et de manière uniforme". A l'intérieur de ce cadre défini par les intérêts de classe et l'action commune, la confrontation des divergences mêmes énormes entre communistes, lassalliens, bakouninistes, proudhoniens,... a pu servir à la progression de la conscience de classe, par la clarification et la décantation.

Les communistes au sein de l'A.I.T. n'étaient pas disposés (et ils ne le sont toujours pas à transiger sur la nécessité de la violence prolétarienne, de la terreur ouvrière et de l'Etat prolétarien, sur l'analyse de l'avancement de la crise capitaliste, sur le rôle des révolutionnaires,...; mais ils ont été (et le sont toujours) les premiers à pousser à une unité d'action contre le capital avec tous les courants dont, malgré certaines divergences, les réponses aux nécessités immédiates de la lutte font que leur action converge. Non seulement cette unité d'action concrétise la nécessité fondamentale, pour la classe de s'unir pour agir, mais c'est au travers de cette pratique commune que le programme communiste se précise, que les erreurs tactiques ou stratégiques sont démontrées, et que, globalement, toutes les influences de l'idéologie bourgeoise sont combattues. Nous ne sommes donc pas disposés à mener des discussions qui ne peuvent qu'être stériles, mais à impulser toute unité d'action tendant effectivement à répondre aux nécessités des luttes, dès aujourd'hui.

On peut constater que jusqu'à présent les "conférences internationales" n'ont répondu ni théoriquement ni pratiquement à cette question clé pour aujourd'hui: "Que faire"? Et cela n'est pas un hasard. En effet, l'idéologie qui domine les conférences à propos de "comment et pourquoi se constituer en parti?" empêche ceux qui acceptent les règles du jeu, de se poser le problème dans ces termes. Si le parti naissait de ces conférences - par "illumination" et non par fécondation - il lui resterait, une fois né, à répondre aux nécessités de la lutte (ce qui revient en fait à la vision anti-subtitutionniste et suiviste que Lénine appelait "queuisme"). Il ne s'agit pas pour nous, de "revivre" en petit le débat de 1902-1905, ni de faire des réponses fondamentales et circonstancielles de Lénine, des recettes pour les marmites futures. Le débat autour du "Que faire" de Lénine ne peut se régler qu'au travers de la résolution pratique du "que faire!" aujourd'hui contre les attaques du capital; c'est ce que nous proposons à tous les groupes et individus réellement prêts à détruire l'immonde bête capitaliste. C'est pourquoi, si nous prenons le temps d'exposer nos positions, ce n'est nullement en préalable à nos propositions d'action, mais pour mieux expliquer celles-ci dans toute la dynamique de la construction du parti.

oOo

Cela étant dit, nous voulons souligner ici quelques leçons que nous tirons principalement de la contre-révolution. "Peut-être la victoire de la révolution n'est-elle possible qu'une fois accomplie la contre-révolution." (Marx 1849)

Ce que la contre-révolution victorieuse a développé depuis 60 ans, c'est, à la fois, l'idéologie léniniste (terminologie introduite par la contre-révolution stalinienne, la pratique de Lénine n'ayant rien à voir avec cela) - stalinienne, trotskyste, maoïste - ... et son complément et anti-thèse, l'idéologie anti-léniniste - anarchiste, conseilliste, spontanéiste, ouvriériste,... Toutes ces variantes peuvent se croiser, se multiplier, mais toutes brisent la dynamique unitaire et totalisante qui anime le prolétariat et que nous pouvons résumer comme suit: l'action précède la conscience et sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire, affirmations dialectiques inséparables. Les idéologies tant léninistes qu'anti-léninistes cassent ce mouvement unitaire du prolétariat en séparant son être et sa conscience, elles mènent aux pires aberrations: les unes considérant la conscience extérieure à la classe ouvrière, apportée par des intellectuels bourgeois, le parti politique et la classe économique, trade-unioniste,... les autres considérant la classe directement consciente dans son ensemble, d'une auto-conscience acquise plus ou moins spontanément, le parti anti-substitutionniste (sauf pour les idées!),... toutes scindent la praxis ouvrière en lutte politique et lutte économique,...

Pour dénoncer la force contre-révolutionnaire de telles aberrations, prenons l'exemple de l'idéologie "anti-substitutionniste". Les groupes qui, recrutant des ouvriers combatifs, les obligent à limiter leur action à la diffusion des idées, à la propagande, et au mieux à l'agitation, entravent réellement le processus de centralisation de l'action ouvrière et font des ouvriers combatifs des observateurs suivistes des luttes, sous prétexte que l'organisation des révolutionnaires doit cantonner son activité à la propagande, en dehors de quoi elle se substituerait au prolétariat qui lui seul et "dans son ensemble" peut mener la lutte. Nous rejetons donc dos à dos ces idéologies bourgeoises et les faux débats qui les "animent", comme autant de vestiges produits de la vague contre-révolutionnaire passée (cf la présentation de "Le Communiste" No.6). "On ne se plaint pas d'événements historiques, on s'efforce, au contraire, d'en comprendre les causes et par là, les conséquences qui sont loin d'être épuisées." (Marx)

Si pour nous est réglée la question de l'unité indissociable entre théorie et pratique, entre sujet et objet, entre être et conscience, entre mouvement et but, il s'agit d'apprécier dans les luttes d'aujourd'hui et de demain, où cette unité se formalisera et comment les communistes qui "ont sur le reste du prolétariat l'avantage d'une intelligence claire des conditions de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien" (Marx), peuvent agir pour renforcer le mouvement de leur classe.

L'action des communistes

Une appréciation même superficielle des luttes ouvrières dans le monde ces dernières années, nous démontre que la problématique centrale autour de laquelle les différentes avant-gardes convergent ou divergent, peut se "résumer" à: comment et sur quelles bases s'organiser, pour quoi faire et quelles méthodes de lutte utiliser? Voilà, brièvement, notre réponse:

* Le mouvement social communiste s'affirme dans toute son histoire comme tendance du prolétariat à s'unifier, à se centraliser (l'un implique l'autre) pour la défense de ses intérêts de classe, tant immédiats qu'historiques.

* Cette tendance du prolétariat à se constituer en classe consciente, en classe pour soi et donc en parti historique se matérialise, s'exprime visuellement, à chaque moment de son histoire, par l'existence de groupes, noyaux, fractions, partis,... communistes dont la spécificité est de tendre à avoir une vision globale de l'ensemble du processus historique, du communisme primitif au communisme intégral, programme incluant tout l'arc historique, et à agir conformément à celui-ci. "On ne peut parler d'une classe douée d'un mouvement historique sans qu'existe le parti ayant une conscience précise de ce mouvement et de ses buts et se plaçant à l'avant-garde de ce mouvement dans l'action." (Bordiga, 1921)

* Cette même tendance du prolétariat à devenir être conscient se matérialise dans l'apparition, à toutes les époques de son existence, de tentatives des ouvriers à s'associer le plus largement possible pour résister au capital, pour préparer, organiser leurs luttes quotidiennes, immédiates. Cet associationnisme ouvrier a pris (et prendra encore) différentes formes dans l'histoire: syndicats, unions, conseils, soviets, cordons industriels,...

* Les périodes de révolution se caractérisent par la tentative de centraliser de manière unique tous les organismes prolétariens; tandis qu'en période de contre-révolution, s'exprime plutôt la séparation entre noyaux attachés au programme communiste et la masse des prolétaires.

* Aucune forme d'organisation dont se dote le prolétariat dans sa lutte contre la bourgeoisie n'est une garantie, en soi, contre les dangers de la dégénérescence et de l'intégration à l'Etat capitaliste. La contre-révolution nous démontre (en Russie et en Allemagne dans les années '20) que les syndicats, les conseils, les unions ouvrières,... tout comme le parti bolchevik, ont peu à peu été vidés de leur contenu classiste et intégrés à l'Etat bourgeois. En maintenant leurs formes, la bourgeoisie utilise cette filiation formelle avec les organes révolutionnaires du passé pour mieux servir la contre-révolution (cf. la liquidation de l'embryon d'Etat ouvrier de 1917 et la prétendue continuité entre le gouvernement des soviets de 1917 et l'Etat stalinien de la fin des années '20). C'est pourquoi, pour les communistes: "La révolution n'est pas une question de forme d'organisation."

* Ce qui importe donc est le contenu invariant des luttes ouvrières: "Qu'elle en ait conscience ou non, la véritable lutte prolétarienne a pour but la conquête de tout le produit du travail social, présent et passé (c'est-à-dire la totalité des moyens de production et de consommation qui se présentent aujourd'hui sous la forme de capital), et l'abolition du travail salarié. Quand le prolétariat entre en lutte, même au niveau le plus élémentaire, il combat déjà pour obtenir une quantité supérieure de produits (valeurs d'usage) pour un effort moindre. Dans le processus de son affirmation, cette lutte ne tient aucun compte des capacités d'existence et de concurrence de l'industrie capitaliste, elle les nie au contraire et implique le renversement de la dynamique économique propre au capital. C'est précisément en cela qu'elle est dans la voie du but final - la suppression du salariat, des classes: le communisme - alors que tous les programmes de "réformes sociales", de "revendications socialement acceptables" restent misérablement enfermés dans la vision capitaliste et du coup définissent des organisations qui ne sont que les flancs-gardes de l'ordre établi." (thèse No.8, Mouvement communiste et syndicalisme in "Le Communiste" No.4)

* C'est pourquoi les communistes doivent travailler, centraliser, organiser tout mouvement réel de prolétaires en lutte, en dehors et contre les syndicats actuels en rejetant tout entrisme même déguisé. "L'organisation communiste doit montrer que la crise catastrophique du capitalisme ne dissocie pas l'intérêt immédiat de la classe ouvrière de celui de la révolution sociale. Elle doit indiquer des objectifs et des méthodes d'action qui démontrent l'antagonisme irréconciliable d'intérêts entre la bourgeoisie et le prolétariat. Considérant cela, les communistes rejettent toutes les formulations revendiquant le maintien ou la défense du salaire et de l'emploi, mots d'ordre aux présuppositions conservatrices et diffusant une idéologie réactionnaire dans la classe ouvrière. Cette dernière ne peut se situer sur le chemin qui la conduit à sa victoire révolutionnaire qu'à la condition de porter atteinte au mécanisme engendrant la formation de la plus-value; que si ses revendications touchant à l'amélioration de son niveau d'existence impliquent la réduction du taux d'exploitation du prolétariat par le capital. Pour des marxistes, ce qui importe, c'est l'appréciation des contrastes qui mûrissent dans les rapports sociaux et la lutte pour les aggraver car, sur ce chemin, la classe ouvrière acquiert la conscience et l'organisation de sa force, elle disloque la structure de domination et d'exploitation capitalistes." ("Le Communiste" No.3, p.27)

"L'organisation communiste ne saurait adopter un quelconque "programme minimum", inévitablement réformiste, ce qu'impliquerait notamment sa présence dans les syndicats. Elle doit montrer que les syndicats ne sont pas à reconquérir. Sa tâche est de préparer le prolétariat à suivre sans hésitation sa propre tendance historique: la tendance à se donner une direction politique sur le plan du programme et de l'organisation (le parti), la tendance à se battre dans une lutte armée internationaliste pour la liquidation de tous les organes de l'Etat capitaliste et pour l'instauration de sa dictature mondiale de classe - dictature qui repose sur ses organisations révolutionnaires et qui est dirigée par l'organe-parti que le prolétariat s'est donné avant et pendant la bataille décisive en rejoignant la ligne historique de son programme communiste.

Cette conception de la préparation révolutionnaire est contenue sans équivoque dans le constat matérialiste selon lequel le processus révolutionnaire est fondé sur la constitution du prolétariat en classe donc en parti, et n'est pas soumis à des prémisses démocratiques exigeant que le parti soit suivi par une majorité numérique d'ouvriers individuels. La revendication trade-unioniste de la conquête du syndicat équivaut aujourd'hui, dans le "meilleur" des cas, à une vision démocratique du processus révolutionnaire, dans le pire des cas, à une propagande bourgeoise pour maintenir les ouvriers emprisonnés dans ces organes contre-révolutionnaires." (thèses 11, 12 - Mouvement communiste et syndicalisme, in "Le Communiste" No.4)

* A notre époque, ces perspectives se concrétisent par le travail des communistes dans toutes les tentatives des prolétaires en lutte à s'associer pour affronter, même partiellement, le capital. La pratique des communistes vise à fusionner tous les élans de la lutte en les fondant dans une action unitaire, à répondre concrètement à tous les besoins de la lutte. Cela implique directement que les communistes - qui n'ont aucun intérêt distinct de celui des autres prolétaires - assument pleinement et prennent eux-même en charge toutes les tâches et actions nécessitées par le développement de la lutte dans le sens communiste. "Cette action, centralisée et centralisatrice, est elle-même inséparable d'une participation à la constitution même embryonnaire d'un véritable front de classe unifiant les diverses poussées des groupes prolétariens luttant effectivement contre le capital." (Appel aux ouvriers en lutte in "Le Communiste" No.2).

"Dans la période présente d'attaque généralisée de la bourgeoisie, la riposte ouvrière doit se frayer un chemin. Les conditions d'aujourd'hui, encore défavorables, ne permettent pas d'envisager immédiatement l'entrée massive de toute la classe ouvrière dans l'opposition décidée à l'offensive capitaliste (en dehors et contre les syndicats). Mais nous pensons qu'on peut commencer à travailler dans cette direction, en partant de cette évidence que même les combats "spontanés" se préparent, et sont de fait toujours préparés par de petits noyaux d'ouvriers (formalisés ou informels) qui en ressentent la nécessité avant la majorité de leurs frères de classe." ("Le Communiste" No.3)

"Aujourd'hui, le problème ne peut se résoudre de manière positive que pur cette base: ce sont les intérêts immédiats du prolétariat économiques et politiques, la défense de ses conditions de vie et de lutte, les organisations unitaires fondées pour de tels objectifs, l'action directe, la grève générale et les groupes armés d'auto-défense, qui pourront fournir les éléments constitutifs du front de classe. Celui-ci prendra la forme d'une coordination - en vue d'un organisme unique - d'associations prolétariennes nécessairement variées (et il est vain de chercher à les codifier, d'autant plus qu'aucune forme n'offre de garantie par elle-même) mais qui devront être ouvertes à tous les ouvriers en lutte indépendamment de leurs convictions politiques et de leur appartenance à tel ou tel parti ou syndicat, mais aussi aux ouvriers non-syndiqués, aux prolétaires "sans parti" ou hostiles à tout parti." (Pour un front de classe - "Le Communiste" No.4)

* C'est dans ce sens que nous travaillons dans et avec les différents groupes de prolétaires en lutte, se situant résolument sur un terrain de classe, se réappropriant les méthodes élémentaires de la lutte ouvrière: la grève sauvage sans préavis ni limitation d'aucune sorte, l'auto-défense ouvrière, l'armement des piquets, le sabotage de la production, des stocks,... Agissant par l'action directe, dans le sens du développement de la lutte, de la solidarité active, au-delà de toutes les barrières capitalistes, des différences de nationalité, de sexe, de statut, ouvriers fixes, temporaires, chômeurs, au-delà des frontières sectorielles, régionales, nationales,... ces groupes ouvriers représentent un effort indispensable du prolétariat pour tenter de se centraliser, se donner une direction unique. Et sans se faire d'illusions sur le caractère actuel encore essentiellement embryonnaire, fragile, susceptible de disparaître à la moindre secousse, de telles associations ouvrières apparaissent sous des formes diverses dans le monde entier; elles sont l'expression réelle de la combativité de la classe ouvrière, de la préparation consciente par sa minorité d'avant-garde des combats inévitables que la crise capitaliste engendre de plus en plus. Nous pouvons citer comme exemples les différents groupes, comités de chômeurs, d'intérimaires, se maintenant après une lutte pour organiser la solidarité avec d'"autres" luttes, ou sur base de la préparation de luttes plus générales. C'est sur ces questions que se jouent aujourd'hui non seulement la construction du parti communiste mondial, mais le sort de l'humanité entière. Le refus de la généralisation, de l'organisation, de la direction de telles expériences ouvrières tourne le dos aux nécessités actuelles imposées par les luttes de notre classe et est donc contre-révolutionnaire.

* Enfin, en cette période de reprise des luttes anti-capitalistes s'opposant de fait au cours bourgeois vers la guerre généralisée (cf notre position sur les causes des guerres impérialistes in "Le Communiste" No.6), la propagande, l'agitation, l'organisation d'actions défaitistes sabotant la préparation de la guerre mondiale, nos luttes intransigeantes contre notre propre bourgeoisie et contre tous les Etats capitalistes de l'ouest comme de l'est, est une nécessité absolue. Est tout autant nécessaire notre opposition à la vision criminelle qui, au déclenchement par la bourgeoisie de la troisième boucherie mondiale, ne répondrait pas immédiatement et avec toute la passion révolutionnaire, par le défaitisme révolutionnaire contre "son" Etat bourgeois et par la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, internationale. Aujourd'hui comme en 1914-18.et en 1936-45, le défaitisme révolutionnaire et ses implications concrètes dans la lutte de classe est l'une des positions délimitant les forces du parti de la révolution de celles du parti de la conservation.

En conclusion à ces quelques affirmations programmatiques, schématiques, incomplètes, nous proposons des alternatives (non exhaustives) pour concrétiser nos perspectives de travail. Nous appelons donc ici et aujourd'hui même tous les militants et groupes révolutionnaires présents, qui rejettent les options du cartel d'organisations ou autre moulin à paroles, à assumer leurs responsabilités et à commencer dès maintenant à mettre en place un plan de travail. Voici nos propositions:

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Le Groupe Communiste Internationaliste propose à tous les noyaux, groupes, militants et ouvriers révolutionnaires qui voient la nécessité d'organiser et de centraliser internationalement l'unité d'action prolétarienne, de constituer une coordination basée sur l'engagement à:

* mener la lutte intransigeante pour les intérêts exclusivement prolétariens, contre les attaques du capital, contre toutes les guerres impérialistes, contre tous les Etats existants aujourd'hui, pour imposer, par la force, l'émancipation sociale de la classe ouvrière mondiale;

* orienter dans chaque pays les luttes ouvrières surgissant en réaction aux attaques capitalistes dans le sens de l'affrontement à l'ensemble de l'Etat bourgeois et de ses partis;

* lutter sur l'unique terrain de notre classe, celui de la force, de l'action directe (grèves, occupations, manifestations, sabotages, lutte armée,...) et non sur celui de la légalité, des élections, du droit; en affrontant les campagnes pacifistes, démocratiques et anti-terroristes;

* s'informer mutuellement des différentes luttes ouvrières pour que tous les groupes puissent agir simultanément et de la manière la plus uniforme possible;

* se solidariser activement à chaque appel d'ouvriers d'un autre secteur, région ou pays, par la propagande la plus large possible et l'action directe;

* combattre toutes les forces et idéologies qui visent à enchaîner les prolétaires à l'économie et la politique d'un Etat national, et donc à les désarmer, sous prétexte de "réalisme" et de "moindre mal";

* briser l'isolement et la séparation que la bourgeoisie essaie d'imposer aux secteurs qu'elle attaque en premier lieu (immigrés, chômeurs, femmes,...), en opposant aux revendications corporatistes (qui font le jeu de la bourgeoisie) des revendications intéressant les secteurs les plus larges possibles de la classe ouvrière;

* soutenir et accueillir tous les militants ouvriers victimes de la répression et lutter avec les moyens disponibles pour arracher des prisons les militants arrêtés;

* lier et insérer dans l'ensemble du mouvement prolétarien toutes les actions individuelles ou de petits groupes ouvriers;

* combattre l'idéologie terroriste individualiste (exemplative et excitatrice) sans jamais cautionner les campagnes de l'Etat bourgeois au nom de l'anti-terrorisme en général;

* assumer pratiquement les efforts de centralisation de la violence ouvrière pour répondre à et combattre la terreur bourgeoise;

* concrétiser dès aujourd'hui le défaitisme révolutionnaire par la lutte sans trêve contre "sa propre" bourgeoisie, comme partie de la guerre civile internationale;

* mener le travail d'agitation parmi les soldats, contre la mobilisation nationaliste que la bourgeoisie généralise, pour que les soldats ne soient pas utilisés pour réprimer les luttes ouvrières, pour la fraternisation entre ouvriers et soldats contre l'armée et l'Etat bourgeois;

* donner, sans attendre le déclenchement officiel de la troisième boucherie mondiale, des consignes précises pour saboter l'économie nationale, l'armée bourgeoise, pour retourner les armes contre "sa propre" bourgeoisie, pour prendre des otages, etc.;

* organiser et créer des groupes, noyaux, cellules,..., d'ouvriers et de soldats pour pouvoir répondre à tout pas décisif vers la guerre impérialiste généralisée;

* impulser les discussions et les échanges de matériaux afin de développer la compréhension par le prolétariat de son propre mouvement, de son histoire et de sa théorie, arme indispensable pour renforcer la décision, la combativité et la continuité dans l'action ouvrière.

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Il est évident que les possibilités de mise en pratique immédiate des divers axes de travail auxquels tout militant ou groupe qui participe dans la coordination s'engage, dépendent d'une série de facteurs: la capacité de la coordination, de chacun de ses éléments, à orienter et diriger les luttes ouvrières, l'ampleur et la radicalité de ces luttes, les décalages avec lesquels elles se manifestent dans les différentes régions, etc. En fonction des situations particulières, les moyens, tâches et priorités de la lutte peuvent et doivent être différents. Par exemple, là où l'armée bourgeoise intervient directement contre toute lutte ouvrière, la solidarité entre ouvriers et soldats est vitale et le travail d'organisation et de propagande communistes dans l'armée pour lutter contre elle devient prioritaire. De même, si l'ensemble de l'activité de notre classe se situe en dehors et contre la légalité bourgeoise, qu'elle est illégale par essence, il existe cependant des régions où un travail public est possible, auquel il serait infantile, de renoncer. Par contre, dans d'autres régions, toute activité de classe (même la préparation d'une grève ou la tenue d'une réunion) est réduite à la plus stricte clandestinité. Même si l'hétérogénéité des conditions de travail politique n'est liée à aucune illusion légaliste, car tout groupe ouvrier sait qu'il peut être contraint à la clandestinité et doit s'y préparer, elle détermine des caractéristiques et moyens différents pour l'activité révolutionnaire (ne fut-ce que pour assumer la même tâche de rédaction, impression et diffusion d'une revue).

Les différentes tactiques adaptées aux différentes situations se rattachent toutes à la seule perspective de notre classe: sa constitution en une force mondiale pour abolir le système capitaliste international. C'est pourquoi nous avons souligné, dans notre proposition de coordination et d'organisation de l'unité d'action, l'engagement général que tout groupe ouvrier, qui lutte et luttera pour ses intérêts de classe, tendra à assumer, et ce d'une façon plus immédiate ou moins immédiate selon ses forces et les conditions sociales de la région, pays ou ensemble de pays où il est implanté. Une des premières tâches de cette coordination sera donc de concrétiser l'orientation générale, dans le temps et dans l'espace en fonction des forces et des réalités régionales, en privilégiant toujours la perspective et les intérêts de l'ensemble du mouvement pour travailler à sa centralisation.

Dans l'état actuel de domination de l'idéologie de la contre-révolution, de dispersion et de désorganisation des forces révolutionnaires, nous ne nous faisons pas d'illusions sur les possibilités d'échos favorables à notre proposition. Mais nous travaillons dans le sens d'une unité d'action sur des bases de classe rigoureuses, et nous continuerons à le faire, parce que l'unique force s'opposant au cours bourgeois vers la guerre impérialiste est le prolétariat mondial qui lutte pour ses propres intérêts. Une coordination comme celle que nous proposons peut adopter l'ensemble des points que nous avons cités, ou en ajouter d'autres; elle peut se concrétiser à court terme ou non; mais elle sera constituée parce qu'elle correspond à une nécessité sociale impérieuse qu'il faut formaliser au niveau le plus international possible.

C'est pourquoi nous travaillons (en fonction de nos faibles forces) dans toute tentative de coordonner et organiser la force de la classe ouvrière, soit en appuyant des initiatives existantes, soit en prenant l'initiative, comme nous le faisons par ce texte.

Nous savons d'avance qu'une série de groupes qui se disent ouvriers ou même socialistes ou communistes ne sont pas concernés par notre appel, ni par aucune tentative de coordonner les forces ouvrières internationalement. Cela ne nous préoccupe pas dans la mesure où des partis et des Etats bourgeois se disent ouvriers et socialistes. Au contraire, cela contribue à éclaircir la frontière entre bourgeoisie et prolétariat.

Nous ne nous préoccupons pas non plus des groupes qui ne se sentent pas concernés, à cause de leur base idéologique qui se situe en dehors de tout effort classiste d'organisation au niveau international: - soit parce qu'ils considèrent que le problème de l'organisation du prolétariat en classe et donc en parti est déjà résolu par leur propre présence puisqu'ils sont "le parti mondial"; - soit parce que, bien que se disant "révolutionnaires", ils ne sont pas disposés à assumer l'action directe contre le capital et l'organisation, centralisation de cette action, et attendent la constitution spontanée de la classe ouvrière comme force.

Nous nous adressons par contre aux militants et groupes qui tendent à assumer dans leur pratique les engagements que nous avons soulignés comme étant la base d'une coordination à créer. C'est à ces groupes, que nous savons encore réduits, que nous demandons de laisser de côté tout esprit sectaire ou de petite boutique qui resterait comme conséquence de l'époque contre-révolutionnaire.

C'est à ces groupes et militants révolutionnaires, qui pourront critiquer le fait évident que dans notre liste de points ne se trouvent pas des éléments fondamentaux du programme communiste, que nous disons qu'il ne s'agit pas de "décréter" le parti mais d'en créer les conditions, les prémisses par la coordination et la solidarité des forces ouvrières qui luttent aujourd'hui sans aucune liaison entre elles.

C'est à ces groupes et militants révolutionnaires que nous disons qu'il ne faut pas non plus rechercher dans tel ou tel point, dans leur forme de rédaction, des désaccords théoricistes. Nous avons simplement voulu formaliser dans une proposition concrète les engagements indispensables à un travail de coordination internationale, à laquelle toute notre classe est intéressée. Nous ne tenons pas à défendre à la lettre cette proposition de travail, mais à défendre son sens général. Nous ne la considérons pas comme "notre propriété" mais comme la mise sur papier d'une nécessité vitale du prolétariat qui devra se concrétiser tôt ou tard et que nous appuyerons toujours, même si la forme que pourra prendre cette coordination peut être différente de celle que nous proposons aujourd'hui.

Nous appelons donc tous les militants et groupes ouvriers à travailler avec nous sur base de cette proposition, à la discuter, l'améliorer, la publier, la traduire, à la concrétiser là où ils agissent, pour que se constitue enfin une force de classe capable de reléguer à tout jamais cette société d'exploitation et de misère dans les poubelles de l'histoire.

Notes :

1. cf. la lettre circulaire envoyée à tous les groupes participant aux conférences, reproduite sous le titre "A propos des conférences internationales".

2. cf. "Bulletin de préparation" No.1, novembre 1979, page de présentation.

3. C'est pourquoi y figurent des critères actuellement inopérants pour la lutte de classe en Europe occidentale, mais valables ailleurs, et sur lesquels ironise le PC "Internationaliste" qui ne conçoit l'affrontement au capital qu'en Italie.

Le Communiste No.7