COMMUNISME

Dictature du prolétariat pour l'abolition du travail salarié

Organe central en français du Groupe Communiste Internationaliste (GCI)


COMMUNISME No.63 (Juin 2011) | PDF |





ÉDITORIAL


Décembre 2010, janvier 2011 : Tunisie, Algérie, Égypte, Libye, Maroc, Yémen, Oman, Bahreïn, Jordanie, Irak, Iran, Arabie saoudite, Syrie, mais aussi Chine, Bangladesh, Burkina Faso, Albanie, Chili, Bolivie (voir dans cette revue) etc… Il n’y a à cette relative simultanéité d’explosion sociale aucune cause transcendante, aucune autre explication fondamentale que la révolte de notre classe contre la dégradation des conditions de survie induites partout par la valorisation capitaliste. Tandis que la contre-insurrection s’organise internationalement sur tous les fronts –politique, policier, militaire, diplomatique et bien sûr, idéologique et médiatique– on nous parle de mouvement pacifique et citoyen opposé à des “ dictateurs brutaux et sanguinaires ”, au nom du vieil anti-fascisme recyclé (voir le chapitre “ Démocratie ” dans le premier texte qui suit).
Au nom de la “ révolution ”, on a une fois de plus tenté de nous prouver la faiblesse du mouvement, d’un point de vue étriqué sur les idées et la conscience (voir l’encadré “ A propos de la conscience ”), ou en y cherchant l’éternelle figure modèle de l’ouvrier d’usine syndiqué.
On nous a resservi une “ révolte des jeunes ”, évoquant, à propos de ces pays à forte croissance démographique, la proportion (autour des 20%) de “ jeunes ” (15-25 ans), en âge d’être salariés et se trouvant privés de ressources. S’ils ont joué et jouent encore un rôle moteur dans la révolte, ils ne sont absolument pas les seuls prolétaires à ne plus accepter leurs conditions de survie et c’est justement cela qui a conféré au mouvement son ampleur.
L’extension du mouvement, sa contagion, sa force de résonance à travers le monde, ont été réduites à la conception journalistique et marchande d’import/export de la lutte d’un pays à l’autre. On a aussi excité les fantasmes de survalorisation du rôle joué par la communication via Internet et les fameux “ réseaux sociaux ”1.
On nous a enfin vendu à la pelle des projets de réformes démocratiques comme étant le contenu et le fer de lance de la lutte. Pour peu, le “ peuple ” n’aspirerait qu’à “ restaurer le prestige de l’État ” (selon les dires d’un grand réformateur tunisien), à le purifier de la corruption, sans rappeler que celle-ci fait partie intégrante du capitalisme 2. On peut dire que les prolétaires en lutte ne se sont pas embarrassés de considérations si vertueuses vu qu’ils ne se sont pas contentés de dénoncer –avec raison– le racket permanent de la corruption dans leur quotidien, ils ont attaqué divers bâtiments publics, pillé et saccagé des entreprises privées.
Un dénominateur commun de la situation dans les premiers pays touchés est incontestablement l’usure de régimes qui, bien que soutenus politiquement et financièrement par les grands États-gendarmes, ne parviennent plus à assurer ni paix sociale ni cohésion sociale 3. La presse a souligné que les pays détenteurs de rentes énergétiques conséquentes (Algérie, Arabie saoudite, Libye, Bahreïn, Yémen…) disposent plus que les autres d’une marge de manœuvre pour tenter d’amortir les tensions sociales par des subventions, principalement en matière de régulation des prix des produits dits de première nécessité. Cependant, les entreprises en général comme les fractions bourgeoises liées à l’État national et ses rentes, avec la bénédiction des plans d’ajustement  du FMI, se disputent la répartition de la plus-value avec de tels appétits concurrentiels que les gouvernements ne consacrent en fin de compte que peu de moyens à financer la paix sociale autrement que par la surveillance et la terreur.
Durant ce 1er trimestre 2011, sous la pression de la vague de la lutte, on a soudainement vu tous les pays touchés lâcher de l’oseille par ballots, à travers diverses mesures : baisses de prix, raccourcissements de prêts ou baisse de taux d’emprunt, primes familiales exceptionnelles, subventions régionales, rencontres soudaines de diverses revendications d’augmentations salariales parfois assez conséquentes… mais cela ne suffit visiblement pas à calmer la colère prolétarienne, à avoir raison de la détermination de notre classe.
S’il y a eu un début de basculement, fin 2010 et début 2011, c’est après les premières balles tirées sur les premières manifestations et émeutes jugées menaçantes, lorsque nos frères et sœurs de classe, au lieu de se terrer, ressortent en rue avec plus de détermination encore, exprimant leur rage trop longtemps contenue, portant leurs morts à bout de bras, non pour offrir pacifiquement leurs poitrines aux balles mais pour renverser le rapport de force en passant à l’offensive, en s’organisant et en s’armant.
Cet affront fait à la terreur d’État renvoie alors enfin la peur dans le camp de la bourgeoisie, celle-ci devant faire face à un mouvement qui riposte à la terreur étatique par la violence de classe et l’action directe, pousse au défaitisme dans les corps policiers et militaires, aux désertions et fraternisations (en Tunisie, en Égypte, au Yémen, en Syrie 4… et le plus fortement sans doute en Libye avec la formation généralisée de milices d’insurgés), brise dans la pratique la mystification idéologique d’une armée “ au service du peuple et de la révolution ”, attaque les prisons et s’y mutine, provoquant des évasions massives (comme cela s’est fait en Tunisie et en Égypte), s’organise pour coordonner la lutte sous de multiples formes (diversement radicales ou contradictoires quant à leurs objectifs, leurs pratiques) : “ comités de défense de la révolution ” en Tunisie et en Égypte, “ comités populaires ” en Libye, apparition et développement de centaines de “ tansiqyat ” (“ coordinations ”) au Maroc mais surtout en Syrie…5 Ce mouvement enfin crache partout sur le spectacle de “ changement ” (en Bolivie, Tunisie, Égypte, Syrie…) et commence à se reconnaître par-delà les frontières comme un même mouvement contre la non-vie que nous impose le capital, contre le même “ pouvoir assassin ” à travers le monde.
En 1993, il y a près de vingt ans et tandis que vingt années nous séparaient de la dernière vague de lutte internationale, celle des années 1968-70, nous avions publié une contribution sur les “ caractéristiques générales des luttes de l’époque actuelle ”6. Dans ce texte, nous décrivions les luttes de notre classe de l’époque comme des explosions brisant rapidement les carcans sectoriels et corporatistes, s’affirmant directement en-dehors et contre les encadrements social-démocrates, mais demeurant circonscrites dans l’espace et dans le temps, se faisant écraser dans une relative indifférence.
Aujourd’hui, ainsi que nous le développons dans la présente revue :
“La généralisation au niveau du territoire et le fait de recouvrir des problèmes plus généraux et reconnus comme sociaux, sont devenus quasi la norme.  (…) Dans cette décennie on entre dans une phase de permanence et d’intensification méconnue jusqu’à présent. C’est justement ce que nous vérifions au cours de la révolte actuelle, il semblerait qu’elle se généralise encore plus qu’en 2008, qu’elle touche plus de régions et plus de pays, qu’elle présente plus d’émulation mutuelle et aussi plus de conscience que c’est la même chose qu’ailleurs et que c’est relativement pour les mêmes raisons ”.
Face à l’extension et à l’approfondissement de la lutte, la clef de la domination bourgeoise, la clef de la contre-insurrection –outre la cooptation de forces de répression à sa solde– demeure la repolarisation du conflit de classe. La paix sociale elle-même n’est pas un état statique, figé, mais la manifestation de cette repolarisation permanente (voir le chapitre “ Prolétariat et idéologie bourgeoise ” du texte qui suit). Nous l’affirmions également dans notre précédente revue, dans notre texte “ Prolétaire, moi ? Contribution à la définition du prolétariat ” :
“ Ce n’est pas par hasard si les outils du pouvoir du capital sont toujours les mêmes. La repolarisation de la société en différentes alternatives bourgeoises, du style droite contre gauche, antifascistes contre fascistes, libéraux contre anti-néolibéraux, nationalistes contre impérialistes, front populistes contre nationalistes, dictateurs contre démocrates, militaristes contre pacifistes, islamistes contre chrétiens, républicains contre monarchistes... n’est pas une forme parmi d’autres de réorganiser la domination bourgeoise en danger, mais la méthode générale qu’a la société (depuis de nombreux siècles!) pour transformer la rage sociale contre la société en rage sociale à l’intérieur de la société, la guerre sociale en guerre interbourgeoise [comme en Libye], la rage prolétarienne en délégation et négociation à l’intérieur de l’Etat, la remise en question de toute la société en remise en question d’une forme particulière de domination, la lutte contre le capitalisme en lutte contre une fraction bourgeoise, en faveur d’une autre ”.7
En ce moment-même, les grands États-gendarmes interviennent militairement en Libye contre l’insurrection “ pour sauver les insurgés ”, au Bahreïn pour les écraser sans fioriture 8, et annoncent triomphalement au G8 réuni en ce mois de mai à Deauville des investissements pour “ soutenir financièrement le printemps arabe ”, entendez la contre-révolution dans tous les pays concernés.
Même si les textes de la présente revue ont été clôturés en avril-mai, nous profitons de cet éditorial pour évoquer l’éclosion du mouvement de lutte en Espagne. Nous appuyons les camarades qui y mettent en avant l’unicité de la lutte mondiale contre la dictature du capital –matérialisée dans chaque État, chaque entreprise, chaque flic, chaque carte de banque, chaque relation sociale de cette société, chaque nouvelle promesse de “ changement ”–  contre la catastrophe capitaliste dont on nous fait toujours plus payer le prix. On lira à ce propos dans les pages qui suivent le tract “ Que se vayan todos ! ” (“ Qu’ils s’en aillent tous ! ”) issu du mouvement en Espagne. Il nous faut en même temps souligner que du fait de la stratégie mondiale du Capital (voir dans notre premier texte l’encadré “ Les décalages dans les mesures d’austérité ”) et en dépit du lien affirmé avec ce qui se passe dans le reste du monde, ce mouvement en Espagne (auquel ont fait écho diverses occupations dans d’autres villes d’Europe) présente nettement plus d’illusions sur la démocratie, nettement moins de ruptures que les luttes dont nous parlons dans cette revue. Sur base de ses faiblesses, la révolte des “ indignés ” est même promotionnée par la bourgeoisie comme un modèle de lutte pacifique et citoyenne en Europe. Il est significatif que la gauche en Grèce reprenne actuellement les mots d’ordre citoyens des “ indignés ” pour se démarquer de la lutte de 2008-2009 dans ce pays et la disqualifier comme trop violente !
En continuité avec nos précédentes revues 9, précisons encore qu’il nous a semblé prioritaire dans cette revue de présenter une analyse globale et internationale des luttes actuelles –des rapports de force qui s’y jouent entre révolution et contre-révolution, entre revendications prolétariennes et réformes bourgeoises 10, entre associationnisme prolétarien et réorganisation citoyenne de l’État– et de la compléter par une série de tracts et documents témoignant de la communauté de lutte prolétarienne mondiale ; ainsi avons-nous manqué de place pour des contributions centrées plus spécifiquement sur le processus d’extension de la lutte en Tunisie, Égypte, Libye… Celles-ci seront dès lors publiées sur notre site Internet et sur notre blog, que nous invitons le lecteur à visiter.

http://gci-icg.org
http://gcinfos.canalblog.com


Notes

1. Les médias ont insisté tant et plus sur le déverrouillage d’Internet dans les pays touchés par la révolte, au rang des réformes démocratiques auxquelles devait être réduit le contenu de la lutte. Les bons citoyens pacifiques des “ pays libres ” oublient vite que leurs “ droits et libertés ” sont strictement conditionnés par leur propre soumission et conformation à l’ordre établi. Des camarades rappellent ainsi que “ le 16 février 2011, par exemple, les législateurs espagnols s’apprêtaient à voter une loi autorisant le gouvernement à fermer tout site sans passer par l’appareil judiciaire ”.
2. La corruption est le lubrifiant des affaires qui roulent (en premier chef avec “ nos bons gouvernants et entrepreneurs intègres ”) mais au-delà d’une certaine dose, elle encrasse la machinerie et en entrave la bonne marche, raison pour laquelle la bourgeoisie entend régulièrement nous distraire avec des accès de croisade morale en faveur de “ l’intégrité dans les affaires publiques et privées ”.
3. Au-delà de la lutte d’influence politique et économique que s’y livrent l’appareil militaire et l’appareil des forces de sécurité (liés aux secteurs majeurs d’extraction de la plus-value ainsi qu’au juteux marché des attributions de “ licences d’exploitation ” des ressources), c’est sur eux que repose la stabilité de l’État et en temps “ normal ”, ce sont eux qui décident comment se font et se défont les dirigeants politiques, avec l’aval des États-gendarmes.
4. Il semble bien qu’un massacre d’une centaine de soldats attribué début juin par l’État syrien à des “ groupes armés non identifiés ” cache sa propre répression contre une mutinerie et un refus collectif de tirer sur les prolétaires.
5. Nous manquons certainement de sources directes pour approfondir notre compréhension de toutes ces expressions d’associationnisme prolétarien.
6. “ Caractéristiques générales des luttes de l’époque actuelle ”, dans Communisme n°39, octobre 1993.
7. “ Prolétaire, moi ? Contribution à la définition du prolétariat (1ère partie) ” dans Communisme n°62, décembre 2010.
8. Au Bahreïn, au plus fort du mouvement, peu avant l’intervention militaire du Conseil de Coopération du Golfe, des prolétaires ont exprimé qu’ils ne voulaient pas se contenter de quelques changements constitutionnels et qu’au contraire ils voulaient radicaliser leur lutte.
9. Et en particulier avec nos textes “ Catastrophe capitaliste et luttes prolétariennes ” dans Communisme n° 60 (novembre 2008) et n°61 (juin 2009).
10. Voir “ Revendications et réformes ” dans Communisme n°62, décembre 2010.

 


Catastrophe capitaliste et révoltes prolétariennes partout



L'ABC

La force et l’importance des révoltes prolétariennes actuelles ne peuvent être comprises dans toute leur profondeur et leur signification historique qu'en les considérant comme la réponse actuelle de l’humanité face à la société bourgeoise et à son développement chaque fois plus catastrophique ; leurs réelles prémisses étant le désastre généralisé que constitue la société bourgeoise pour la Terre, pour la vie en général et en particulier pour l’espèce humaine 1.
 Contredisant tout ce qui se raconte et se manigance, le prolétariat mondial réapparaît sur la scène mondiale. Ce n’est ni à cause de ses “ dictateurs ” directs ni seulement contre eux que les prolétaires en Tunisie, en Algérie, en Égypte, au Yémen, en Syrie, en Irak, en Libye, au Bahreïn…2 sortent dans la rue, attaquent et incendient les bastions et symboles du pouvoir. Une fois de plus, le prolétariat sort dans la rue pour lutter parce que sa propre existence est menacée par l’augmentation des prix de tous les produits de premières nécessités, parce que la société actuelle affame les prolétaires, parce qu’entre les nécessités de l’accumulation capitaliste et la vie humaine, la contradiction a déjà explosé !
 La contestation chaque fois plus universelle n’est pas dirigée contre tel ou tel tyran ou contre telle ou telle dictature particulière mais bien globalement contre la dictature générale du capitalisme mondial. Les luttes qui se généralisent partout ne sont pas menées contre la dictature politique de tel ou tel oppresseur, mais bien contre la tyrannie sociale d’une société qui leur/nous est devenue totalement insupportable.
Il n’y a pas que les minorités révolutionnaires qui mettent en évidence l’augmentation du prix des articles alimentaires de première nécessité comme cause initiale des révoltes dans le monde arabe 3. Mais rares sont les expressions qui reconnaissent le prolétariat comme classe en lutte (et non comme une simple classification sociologique) et qui ont insisté sur le fait que ce qui se passe dans tous ces pays n’est rien d’autre que la lutte du prolétariat international contre le capitalisme mondial. Voilà la vérité occultée par toutes les fractions bourgeoises du monde, par tous les moyens de déformation de l’opinion publique, par tous ceux qui prétendent changer quelque chose tout en conservant l’essentiel de ce monde catastrophique, par toutes les forces qui prétendent changer la face visible de tel ou tel État (“ le dictateur ”) mais qui laissent intacts les fondements de cette société. Toute la puissance de domination du monde s’est concentrée pour occulter ce qui est important et pour faire diversion en promotionnant des alternatives à la forme actuelle de la dictature (alternatives politiques, démocratiques et/ou religieuses), afin de préserver l’essentiel de la dictature démocratique et religieuse du capital.
Dans le fond, quelle est la différence entre ces révoltes en Afrique méditerranéenne et au Proche-Orient (en pleine expansion au moment où nous écrivons ces lignes), celles qui commencent à éclater en Chine, en Inde… et les récentes révoltes en Amérique latine, en Afrique subsaharienne, en Grèce, dans les banlieues en France ? Quelle différence pourrait-il y avoir entre la lutte des prolétaires en Tunisie, en Égypte, en Syrie... avec celles qui se déroulent en ce moment même en Bolivie ? Et aux États-Unis, peut-on encore croire que la richesse nationale de l’économie peut empêcher la misère des prolétaires et leur inéluctable révolte ? Nous augurons le contraire: le prolétariat aux États-Unis ou dans la “ riche ” Allemagne sera tout autant forcé d’entrer dans cette lutte que mènent aujourd’hui leurs frères de classe. Il n’y a pas de causes différentes, il n’y a pas de méthodes différentes, il n’y a pas d’ennemi différent, il ne peut y avoir de perspectives différentes. Si la révolte éclate encore de manière décalée, c’est d’une part en raison de la capacité du capital mondial à attaquer le prolétariat paquet par paquet, à étaler les plans d’austérité (capacité qui va en se réduisant à cause de la catastrophe capitaliste elle-même)4, grâce aussi aux directives des appareils de contre-insurrection mais également à cause de l’incapacité du prolétariat à organiser et à centraliser sa lutte en tant que classe, à cause de nos propres faiblesses, c’est-à-dire à cause de la désorganisation historique du prolétariat en tant que parti révolutionnaire.
Il est évident que dans ces luttes audacieuses du prolétariat en Afrique méditerranéenne et au Proche-Orient, un “ dictateur ” apparait toujours comme l’ennemi principal mais ce “ dictateur ” n’est pas seulement le résultat d’une oppression nationale et encore moins d’une folie assassine et tortionnaire particulière. Au niveau global, l’exploitation et l’oppression locale ne sont rien de plus que des représentations du capital mondial. A un niveau plus concret, l’oppression politique des dictatures en question a été systématiquement imposée et entretenue par les grandes puissances impérialistes mondiales (USA, États européens, Israël,...). Partout, les flics français, anglais, nord-américains, israéliens… ont enseigné et appliqué la recette essentielle de la démocratie internationale basée sur la torture et le terrorisme d’État. Les armes avec lesquelles on réprime dans tous ces pays viennent de France, des USA, d’Espagne,… Toute la domination démocratique du capitalisme mondial est fondée sur cette terreur d’État internationale ! C’est eux qui ont formé et entrainé les escadrons de la mort argentins, chiliens, uruguayens, brésiliens, mais aussi égyptiens, tunisiens, marocains, syriens, saoudiens, yéménites… Le modèle est le même, les intérêts défendus sont les mêmes: le capitalisme coûte que coûte et quoi qu’il arrive. Les assassinats politiques, la torture, la disparition de personnes comme méthode générale de domination et d’oppression ne sont pas une invention des Moubarak, Ben Ali, Kadhafi,… mais bien la méthode générale de domination propre à la civilisation capitaliste et son idéologie judéo-chrétienne (et islamique !) imposée par la violence et garantie sur les cinq continents par les puissances Européennes, les USA, la Russie, Israël…
Et ils viennent nous parler de dictature ! Quelle dictature n’a pas été appuyée par les démocrates du monde entier ! Alors que justement, la démocratie, mode de vie et de domination du capital est toujours dictatoriale ; la terreur d’État a toujours été l’essence du mode de production capitaliste à l’échelle internationale.
Ils nous bombardent avec des images ignobles de tel ou tel despote pour nous faire oublier qu'ils continuent à défendre le principal despote universel: le despotisme du profit du capital, la tyrannie du marché capitaliste !
Une des meilleures synthèses de cet ABC de la lutte est contenue dans un tract en espagnol signé par “ los amigos de octubre ” et dont nous reproduisons sur la page suivante une bonne partie en encadré.
Contre toutes les séparations, les révolutionnaires affirment que “ c’est l’humanité qui se lève contre la tyrannie de l’économie ” ; contre toutes les limitations géographiques, la communauté de lutte crie que la lutte est la même partout ; contre toute récupération démocratique, les militants prolétariens affirment que nous luttons pour détruire le système ; contre ceux qui falsifient la réalité de nos frères de classe en lutte de l’Afrique méditerranéenne à l’Asie, les révolutionnaires affirment que la lutte est une et une seule; contre ceux qui divisent le prolétariat en couches sociales, les protagonistes de tous les continents affirment que nous sommes une même communauté de lutte qui se lève contre la dictature du capitalisme.
“ Ici ou ailleurs, une seule lutte: la lutte des classes! Les révolutions qui enflamment le monde arabe pourraient bien être ainsi les premiers signes annonciateurs d’une révolution sociale et politique qui traverse les mers et les océans, pour enfin renverser l’ordre capitaliste mondial ”.5
C’est ainsi que se forge et s’affirme, à contre-courant, la position des révolutionnaires partout dans le monde:

Contre la dictature de l’économie,
vive la révolte internationale
du prolétariat !

La lutte des prolétaires au Maghreb et au Moyen-Orient est notre lutte !

L’ennemi c’est le capitalisme
et la dictature du marché mondial.

L’objectif est le même partout:
la révolution sociale !

Destruction du capitalisme
 et de l’État ! 6

LA FORCE DE LA REVOLTE
    
La force de la révolte émane de ce contenu universel, du fait que, même si les prolétaires de ces pays ne se sont pas consultés démocratiquement (comme le voudraient leurs ennemis), ils coïncident dans le combat pour leurs propres intérêts. La force de la révolte est qu’aucune des puissances étatiques au monde n'a pu l’arrêter. Et dans le monde arabe, toutes, absolument toutes sont présentes !
La force de la révolte repose sur cette organicité naturelle de l’action du prolétariat qui se bat partout pour ses intérêts et cette force s'est déchaînée sur base d'une augmentation généralisée des prix d’une partie très importante d'articles de première nécessité. Le pouvoir unifié de la bourgeoisie n’est absolument pas arrivé à la cantonner ni nationalement, ni régionalement ni religieusement.
Partout, on parle de l’effet domino, d’imitation, de contagion. En réalité, il s’agit d’un même intérêt, un même mouvement, une stimulation mutuelle, une même organicité fondée sur les intérêts communs et où chaque partie se sent partie du tout.
La négation historique du prolétariat a été trop profonde pour que cette classe se nomme par son nom et proclame la nécessité historique et inévitable de la révolution communiste, mais on ne peut occulter que dans tous les pays, la stimulation des prolétaires en lutte a dépassé les frontières et que peu à peu, les protagonistes réels se sont affirmés en tant que partie d’UN MÊME ET UNIQUE MOUVEMENT CONTRE LE POUVOIR. On ne peut nier la symbiose réelle de toutes les “ fractions nationales 7” d’une classe qui n’a d’intérêts ni fractionnels ni nationaux et qui lutte contre tout le système social. La grande majorité des protagonistes ne proclament pas encore qu’ils veulent abolir le capital et l’État mais ces prolétaires, dans la pratique, ne doutent pas d’être partie prenante de la même lutte contre le statu quo dictatorial qui empêche de vivre. Plus encore, pour la première fois depuis très longtemps, il y a un sentiment de force sociale dépassant les frontières et s’affrontant au pouvoir.
Voilà ce qui restera un secret pour les analystes et sociologues experts dans les changements mais pour les combattants sociaux qui sont en train de s’affronter au capitalisme armé où que ce soit dans le monde, ce n’est déjà plus un secrêt et  LE SENTIMENT D’APPARTENIR À UNE MÊME COMMUNAUTÉ DE LUTTE COMMENCE À S’AFFIRMER.
“Le même cœur, la même nécessité de vivre… nous changerons le monde de base !
Les travailleurs du monde entier sont les seuls qui puissent en finir avec l’exploitation et l’oppression sociale capitaliste et nous affranchir de la misère dans laquelle se décompose toute l’humanité. Ceci n’est pas une création idéologique de notre part ni une invention prophétique communiste mais bien une réalité historique qui se rebelle contre toute idéologie bourgeoise et qui se manifeste par de massives et combatives luttes prolétariennes partout dans le monde.”8
Cet élément qualitatif que nos ennemis arrivent encore à cacher plus ou moins et dont le fondement est l’identité d’intérêts et de perspective, s’est également développé par la qualité et le type de la révolte. Effectivement, le “ on n’en peut plus ” fut général ; le “ qu’il s’en aille !, qu’ils s’en aillent ! ”, ils n’ont pu l’enfermer dans aucune frontière ou drapeau national.
En réalité, le mouvement a montré non seulement qu’il était fatigué des tyrans au pouvoir mais aussi de tous ceux qui avaient demandé de la patience, de la résignation, de la soumission et donc un comportement citoyen. Et rappelons que l’islamisme est et représente précisément ce conformisme, que le terme “ islamisme ” signifie littéralement “ soumission ”9. Le prolétariat a totalement fait la sourde oreille aux islamistes et autres démocrates quand, plutôt que de “ lutter ” démocratiquement et de vouloir “ changer le monde ” par des votes ou des prières aux dieux, il est sorti dans la rue et s’est battu ouvertement. Contre le terrorisme d’État, le prolétariat a assumé la nécessité de la violence prolétarienne. N’écoutant aucun type de pacifiste, d’islamiste ou autre démocrate, il s’est organisé pour une lutte ouverte contre l’État, dans laquelle les détachements armés n’ont pas manqué, ni les actions décidées de minorités prolétariennes qui, répondant aux nécessités sociales, ont planifié et assumé des actions décisives contre l’État. La lutte est chaque fois plus antagonique vis-à-vis des conseillers démocratico-bourgeois; le prolétariat s’est organisé en dehors et contre les partis, les syndicats officiels et l’opposition démocratique 10. Au monde de la marchandise, de la faim et de la terreur d’État, le prolétariat a opposé et continue à opposer la violence révolutionnaire.
L’importance historique de cet antagonisme général entre le prolétariat généralisant sa lutte et la dictature de l’économie mondiale a été soulignée par des organisations révolutionnaires et internationalistes dans d’autres endroits du monde.
 Contrairement à tous ceux qui font l’apologie de la “révolution citoyenne et pacifique”, tout ce que le prolétariat a fait d’important, il l’a fait en dehors et contre la loi. La clé de la révolte a justement été cette désobéissance collective et généralisée à tous les conseils citoyens et démocratiques. Les manifestations étaient interdites, les prisonniers n’ont pas été libérés par des lois et des amnisties mais arrachés des prisons par leurs camarades et leurs proches; les prolétaires n’avaient aucun droit démocratique pour sortir dans la rue et s’organiser et encore moins pour attaquer et incendier les palais, les commissariats, les prisons, les locaux des corps spéciaux, les tribunaux. L’organisation du prolétariat comme force contre l’oppression et le terrorisme d’État n’a jamais été autorisée, ni permise, ni légalisée par personne. Elle a été assumée et impulsée par des minorités décidées !
Personne ne peut nier que cette dissipation de la peur, face à la terreur d’État unifié, s’est étendue comme une trainée de poudre et que lorsque dans l’un ou l’autre pays, le prolétariat s’est imposé dans la rue, et que le répression a commencé à être déstabilisée, cela a rempli de courage les prolétaires des autres pays et, par la même occasion, cela a déstabilisé les États régionaux de même que la politique impériale internationale qui leur offrait du soutien. Plus qu’une contagion ou un effet domino, nous devons parler d’organicité, d’unité d’intérêt et de perspective. Chaque victoire devient un jalon et un exemple, chaque saut de qualité une impulsion révolutionnaire. Chaque appareil de terreur détruit12 est une illustration vivante de ce qui peut être fait partout et constitue un puissant appel à l’unification réelle de la classe. Dans certains pays, les prisons se vident, la joie revient dans les foyers prolétariens. Tortionnaires du monde, tremblez ! Brûlons et faisons exploser tous les bastions du terrorisme d’État ! 13
Cela fait également partie des secrets les mieux gardés d’une partie essentielle de la politique de contre-insurrection mondiale. C’est pour cette raison qu’il faut le crier haut et fort: dans la mesure où le prolétariat gagnait en décision et en force (justement pour ne se comporter en rien démocratiquement, pour avoir refusé ce comportement d’animal civilisé qu’est le citoyen) et que ce sentiment de force dépassait les frontières, la contre-révolution internationale commença à comprendre  qu’il ne suffisait plus de sacrifier tel ou tel tyran régional, qu’il ne suffisait plus d’appuyer tel ou tel agent du capital local mais que ce qui se profilait, c’était la menace générale contre l’ordre bourgeois et contre le terrorisme d’État démocratique mondial. Les consignes “ dégage ”, “ qu’il s’en aille ”, “ qu’ils s’en aillent tous ” (comme quelques années plus tôt en Amérique du Sud) prononcées localement, ont été ressenties, tant par ceux qui les criaient que par ceux contre qui on les criait, pour ce qu’elles sont réellement: des consignes internationales, expression de la nécessité et de la rage collective internationale.
Bien sûr, chacune de ces phrases ou consignes peut être interprétée dans sa forme la plus restreinte, pacifiste et limitée comme le font toutes les forces de la contre-révolution (la presse traduit: “ les manifestants ont demandé le renoncement de Machin Chose ” et des “ élections libres ”), ou d’une manière plus ou moins centriste (“ contre tel parti ” “ contre la corruption ”), ou pour ce qu’elles contiennent réellement: une remise en question de tout le pouvoir, de toute l’oppression, de toute la société. Ces “ lectures ” ou interprétations correspondent bien entendu aux intérêts de classe de ceux qui les font: il est normal que ceux qui possèdent le pouvoir dans le monde les traduisent uniquement par “ ils demandent le renoncement de tel dictateur ”,  comme il est normal que, de notre point de vue de classe, nous le vivions comme un saut qualitatif dans la lutte contre le capital et l’État mondial.
Dans certains cas, pour que l’ennemi ne puisse magouiller ou déformer les consignes, les protagonistes sur chaque barricade (comme nous-mêmes où nous le pouvons) cherchent à être plus explicites et expriment clairement qu’ils ne veulent pas de demi-mesures, qu’ils n’acceptent pas un simple changement de gouvernant ou de dictateur. Dans le “ Que se vayan todos ! ” (“ Qu’ils s’en aillent tous ! ”) en Argentine 2001-2002, on crie explicitement que la lutte est contre tout le système politique. En Algérie, les prolétaires dans des révoltes précédentes disaient clairement “ Pouvoir assassin ! ”, et expriment maintenant clairement que ce qui doit disparaître, c’est tout le système social ; au “ Dégage !” est venu se coupler le système: “ Dégage le système ! ”



LA CONTRE-INSURRECTION

De la falsification au changement pour que tout reste identique, du changement à la guerre impérialiste .

D’abord on nie le mouvement ou les raisons de celui-ci, ensuite on le falsifie et on impulse le changement pour que tout demeure tel quel, et enfin, dans un troisième temps, lorsque le supposé changement est remis en question et que le mouvement continue à s’affirmer, la stratégie de toujours s'impose: transformer la protestation sociale en contradiction inter-bourgeoise, passer à la phase supérieure, l’action militaire ouverte impérialiste dont l’objectif est la transformation de la révolution en guerre impérialiste, la liquidation de la force prolétarienne et sa repolarisation en deux camps impérialistes opposés.
Tout ce que fait la bourgeoisie dans le monde est contre le mouvement prolétarien. Toute répression, falsification de l’information, appel à des élections et à des changements politiques, actions de guerre… sont des actions qui font partie d’une stratégie générale de réponse au mouvement, c’est-à-dire des stratégies contre-insurrectionnelles.  Au centre de toute cette stratégie se trouve la désinformation, la fabrication d’idéologies de rechange, la nécessité de nier le prolétariat comme classe. Tout est fait pour déposséder l’ennemi historique de sa perspective d’ensemble, pour tenter d’empêcher la radicalisation et l’extension.
C’est à cela qu’obéit l’intense mobilisation internationale orchestrée fondamentalement par les États-gendarmes tant de manière cachée (diplomatie secrète, service d’intelligence, opération de corps militaires spécialisés, experts politico-militaires en contre-insurrection), que de manière ouverte (tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays concerné), tentant d’imposer partout un “ réalisme politique ” qui consiste invariablement à recourir au bon vieux guépardisme 14, changer un petit quelque chose pour que tout reste pareil. Tous les moyens d’information sont huilés pour réciter un même discours et fonctionner au diapason d’un nouveau discours officiel. En réalité, cela fait déjà plus d’une décennie que la classe dominante a recommencé à parler d’un changement en préparation, d’une option de rechange que les services de contre-insurrection savaient inévitable. Ce n’est pas par hasard si le changement a été le discours dominant de Lula, d’Obama et de fractions dominantes dans le monde entier. En ce sens, il est clair que la social-démocratie n’a pas perdu son rôle historique de parti d’encadrement et de liquidation du prolétariat, bien au contraire.  Par l’unification du programme de toute la bourgeoisie, sa fonction est assumée de manière beaucoup plus générale par toutes ces fractions du capital qui parlent de réformes, de changement, d’anti-impérialisme. Ce n’est pas que la social-démocratie se soit embourgeoisée (comme le laisse entrevoir ceux qui lui attribuent d’être plus néolibérale, alors qu’elle a toujours été bourgeoise !) mais bien que la situation soit devenue tellement critique pour la domination politique qu’un nombre toujours croissant de fractions du parti de l’ordre classique ont introduit “ le changement ” dans leurs discours, assumant de la sorte les fonctions classiques de la social-démocratie.
Ce discours pour le “ changement ” était inévitable, évident face à l’explosion dans le “ monde arabe ”. Quand la remise en question du prolétariat dans la rue s’avéra imparable et généralisée, nous avons “ commencé à nous rendre compte ”, via les médias qu’ils contrôlent, que les régimes qu’ils avaient toujours appuyé, étaient à présent “ corrompu ”, qu’il y avait de “ l’enrichissement personnel excessif ”, qu’il y avait un “ mépris du peuple ”, qu’il existait un “ véritable népotisme ”, qu’il s’agissait d’une véritable “ autocratie ”, qu’il existait une véritable “ cleptocratie ” (gouvernement de cleptomane). Arrivé à l’extrême, ces mêmes et cyniques médias confessent ce qu’ils avaient toujours occulté: “ dans le fond, il s’agissait de véritables dictatures ”. Bien évidemment, le problème pour le capitalisme n’est pas de sacrifier une fraction au gouvernement qui, après des décennies de bons et loyaux services, se voit maintenant incapable de continuer à assurer la paix sociale, mais bien de constituer une carte de rechange et de contrôler le processus.
Ils en ont plein la bouche de la “ communauté internationale ”, des “ États démocratiques ”, du “ concert des nations ”, comme s’il y avait réellement une autre communauté capitaliste que celle qui est dirigée contre nous. Avec ce verbiage vide et cynique, on cherche à cacher la guerre de charognards aux aguets convoitant la place vacante pour tirer profit des matières premières et de l’exploitation des êtres humains. Le sale monde issu de la nouvelle répartition du butin, avec ses accords marchands, ses accords commerciaux et militaires, ses collaborations entre tortionnaires et escadrons de la mort, tout cela est couvert par cette même “ communauté des nations ” qui dénonce tel ou tel dictateur.
Parallèlement à la redistribution des cartes entre fractions bourgeoises et à la constitution d’une alternative politique, on “ politise ” le mouvement prolétarien, dans le sens d’une réduction à la politique bourgeoise. Il s’agit de faire passer au second plan les raisons matérielles de la lutte et donc sa perspective révolutionnaire. A la place de ça, les politiques, les intellectuels, les médias… à la Kautsky, à la Lénine, introduisent l’idéologie dans la conscience des prolétaires. Ils expliquent que ce qui est important, ce ne sont pas leurs intérêts immédiats et économiques mais bien les intérêts politiques, les “ changements démocratiques ”.
Idéologiquement, pour enlever au mouvement sa radicalité, on le réduit à la lutte contre tel ou tel personnage et simultanément, on l’épure de toutes ses composantes de classe, et en particulier de sa violence radicale. On nie l’évidence ou l’on déplore les “ excès ”, on dénature l’action minoritaire, on condamne les “ incontrôlés ” et en général tout acte de débordement classiste. On en arrive à pratiquer systématiquement l’amalgame entre les secteurs les plus radicaux du prolétariat –qui en réalité ont été les plus décisifs pour mener à cette situation– avec telle ou telle action répressive.
Des actes de terreur de l’appareil répressif d’État contre tel ou tel petit propriétaire ou contre des quartiers entiers sont présentés comme similaires et on tente de les identifier à des actions des groupes d’insurgés les plus décidés. Ce que le prolétariat prend comme cibles de sa rage, qu’elles soient étatiques et/ou marchandes, est systématiquement occulté ou falsifié, car la véritable connaissance de ces cibles peut servir d’exemple et contribuer à l’extension du mouvement.
La meilleure manière d’affaiblir un mouvement consiste toujours à faire l’apologie de ses faiblesses. On le dissèque, on y sépare ce qui pour nous y est inséparable (ainsi les intérêts immédiats et historiques de notre classe), on dévitalise sa subversion, on la dépèce pour en recoudre les restes avec de la charogne réformiste, amenant alors sous les feux de la rampe médiatique une créature digne de Frankenstein que l’on baptisera sans vergogne du nom de “ révolution ”, heureusement flanqué de qualificatifs rassurants, colorés et fleuris (“ de jasmin ”, “ démocratique ”, “ arabe ”, etc).
 Cette œuvre frankensteinienne, spectacularisée et transformée en vedette universelle par tous les médias grâce à toute la puissance de disqualification de toute pratique qui ne correspond pas à celle du bon citoyen, traduit dans son propre langage dominant toute revendication exprimée par le mouvement en une bonne réforme citoyenne 16. C’est ainsi que la lutte “ contre le pouvoir ” se traduit en “ demande pour que tel ou tel dictateur renonce ”. L’affrontement à l’État se traduit en “ manifestants qui réclament des élections démocratiques ”, les protestations contre les augmentations de prix en “ nécessité de changements dans la politique économique ”.
La réussite de toute la manœuvre contre-insurrectionnelle ne se juge pas dans la capacité de l’Etat, de la bourgeoisie, à mettre les canaux de désinformation susmentionnés à l’unisson, ce n’est en effet que de routine, mais à imposer cette représentation intégralement idéologique (“ frankensteinienne ”) du mouvement comme une force matérielle agissant dans et contre le mouvement lui-même. La représentation que le mouvement se fait de lui-même, de sa force, de son potentiel mais aussi de ses contradictions, est en effet partie prenante du rapport de force entre les classes.
Aussi, l’élan révolutionnaire qui surgit dans telle région va à certains endroits stimuler et faire entrer en résonance le mouvement tandis qu’en d’autres endroits, l’État parvient à défigurer cet élan... La réussite de la manœuvre consiste évidemment à œuvrer en faveur du renoncement à la lutte, à reproduire industriellement dans le mouvement les idées de la classe dominante et en premier lieu l’idée majeure que le mouvement ne pourra se réaliser pleinement que comme mouvement d’opposition politique interne au capitalisme.
D’un même élan à reculons, d’une même glissade, renonçant à sa lutte et aux intérêts de classe qu’il a mis en jeu en s’affrontant violemment à la brutalité de l’Etat, le prolétariat est “ invité ” à voir dans les réformes une application (certes insuffisante, mais au moins “ réaliste ”) de ses aspirations, et est sommé de rentrer chez lui, de se remettre au travail et de mettre son sort entre les mains du parlementarisme et de cette providentielle “ opposition ”, promotionnée par tous les moyens de fabrication de l’information.
Voici en somme ce que la bourgeoisie réclame de nous: que nous nous laissions arracher notre cœur palpitant de rage contre ce monde pour nous faire greffer à la place un pacemaker battant au tempo de la valorisation capitaliste et de la succession des calendriers de réformes.
Dans le même temps, on (re)constitue et l’on finance donc une “ opposition politique ” aussi crédible que possible (en l’honorant de la présence de victimes –social-démocrates et pacifistes– de la répression du régime déchu), dont la lourde tâche consiste à engloutir les aspirations et revendications prolétariennes et à vomir un spectacle de réformes, aux accents de libération nationale du joug impérialiste, d’économie nationale tournée à nouveau vers  les besoins intérieurs etc. Sempiternelle promesse qu’aux jours de sacrifice succédera un avenir prospère.
Dans cette panoplie, la carte éculée de “ l’Assemblée constituante ”, vieille rengaine social-démocrate (reprise en sont temps avec beaucoup de conviction par Lénine jusqu’à ce qu’il doive y renoncer sous la pression révolutionnaire du prolétariat), semble encore avoir quelques beaux jours devant elle aux funérailles des luttes.
Jugeant à la fois la manœuvre suffisamment accomplie (en y mettant le paquet en termes de moyens déclinés sur les modes médiatiques, militaires, diplomatiques et policiers, indissociables dans la pratique) et dans le but évident de la consolider, les ténors politiques mondiaux mettent alors au point des sorties remarquables, encensant ladite “ révolution démocratique ” en cours, saluant le courage et l’abnégation des peuples à chasser les tyrans, condamnant la violence (certes “ disproportionnée ” ou “ aveugle ”) des “ régimes ” avec lequels ces même ténors signaient hier encore des traités économico-militaires dont l’encre de sang n’est pas encore sèche.
 La bourgeoisie adapte aux circonstances alarmantes ses mécanismes d’isolement des luttes, de séparation de l’ici et du là-bas, et tente de masquer le processus réel derrière un double écran de fumée: au discours habituel sur l’altérité17, en l’occurrence du “ monde arabe ”, des “ régimes arabes ”, des “ révoltes dans le monde arabe ”… se substitue l’apologie dégoulinante d’une communauté de destin et d’aspiration… démocratique et progressiste, avec les “ peuples arabes ” qui devraient passer par les mêmes étapes historiques que nous, éclairés par nos fameuses “ Lumières ” eurocentristes.


DEMOCRATIE


Résumons donc le rôle de la démocratie internationale comme méthode de contre-insurrection. Dans cette politique anti-insurrectionnelle, la démocratie internationale joue un grand rôle à tous les niveaux 18:
    
• D’abord et avant tout, en tirant contre la protestation quand elle devient réellement forte. La réaction unanime des États et de la démocratie marchande universelle (TOUS ET PARTOUT !) est invariablement d’envoyer ses corps de choc, de tirer sans compter contre le mouvement social, de torturer, de faire disparaître,… Dans cette première phase (qui dure parfois des décennies !), il n’y a aucune démarcation avec le tyran. On le reconnait pour ce qu’il a toujours été: une partie de la totalité. La démocratie arme les tyrans, forme des escadrons de la mort, assassine sans compter, tire contre les manifestations…19.
• Quand le mouvement ne peut plus être contenu, on se démarque des personnages les plus haïs comme meilleur moyen d’enfermer le mouvement et d’imposer l’horizon démocratique: renverser “ le tyran ” pour conquérir la “ révolution démocratique ” (celle dont les colonisateurs actuels disent: “ nous, les pays civilisés, l’avons réalisée il y a 100, 200 ou 300 ans ! ”)
• La démocratie se refait une nouvelle gueule supposée différente de la terreur d’État, comme objectif supposé de toutes les révoltes. Avec cette nouvelle façade, la démocratie est en réalité un véritable rempart (défendu par des gardiens bien armés !) qui prétend être infranchissable.
• La démocratie agit ensuite comme puissance de contre-insurrection à un autre niveau: dans la mesure où elle s’applique comme méthode de dilution de la classe en individus atomisés, elle condamne la classe. Des corps para-policiers, des corps spéciaux des forces de sécurité internationales (du Royaume-Uni, des États-Unis, d’Israël…), et nationales (Égypte, Arabie saoudite, Syrie, Iran…) exécutent des actions contre les gens et contre les infrastructures qui affectent la population pour tenter de créer la confusion générale et l’amalgame entre ces actions et les actions décidées des minorités prolétariennes .
• La démocratie, présentée comme méthode de décision, agit en cherchant à paralyser et à détacher l’avant-garde du reste du prolétariat en l’accusant de ne pas respecter “ l’opinion majoritaire ”. Dans ce sens, la démocratie est une puissance de désorganisation politico-militaire de l’adversaire.
• Dans le même temps, elle fonctionne pour faire la propagande de tout le spectre social qui s’oppose à l’action révolutionnaire, elle disqualifie et isole (en la présentant comme “ excès ”) toute expression classiste qui assume de manière organique les intérêts subversifs du mouvement en cours. La démocratie s’oppose par tous les moyens à la nécessité de négation, de destruction que contient tout mouvement sain !
• La démocratie promotionne le plus petit commun dénominateur des luttes, ce qui liquide la rupture qualitative dans l’addition individuelle, base indispensable de la reproduction de la domination bourgeoise. C’est l’expression même de l’évolution et du progrès qui s’oppose à la négation révolutionnaire.
• Enfin, la démocratie prépare le changement politique pour réimposer le monde épouvantable, terrorisant, celui de la résignation, de la soumission de l’exploitation et du citoyen.
Tous ces plans ont été utilisés depuis le début pour calmer et canaliser les révoltes du prolétariat en Afrique, au Proche-Orient en dans la péninsule arabique, y compris le niveau supérieur de la stratégie de la contre-insurrection qui consiste à transformer la guerre sociale en guerre impérialiste. C’est l’objectif suprême du capital parce que c’est celui qui liquide totalement le prolétariat en tant que classe opposée à toute la bourgeoise et à tous les États en réimposant une polarisation interbourgeoise et en dernière instance, interimpérialiste.
Dans la situation internationale actuelle, seule l’opposition du prolétariat à cette transformation peut arrêter la guerre et conjointement, toute la lutte actuelle du prolétariat contient la tendance à liquider ces guerres et à imposer la révolution sociale.


INTERETS IMPERIALISTES ET INTERETS GENERAUX DU CAPITAL


Comme nous l’avons déjà développé à d’autres occasions, le capital total n’est rien de plus que des capitaux en concurrence et en opposition, chaque atome du capital contient la guerre impérialiste. Même si chaque fraction du capital entre en guerre pour ce que chacune de ses fractions veut imposer, dans la guerre se réalise l’intérêt général du capital ; la guerre impérialiste est toujours contre le prolétariat. En pleine généralisation du mouvement prolétarien international, la guerre impérialiste est objectivement l’arme suprême pour détruire la révolution sociale, canalisant et aliénant les prolétaires dans les forces impérialistes ; amenant les masses aliénées sous les bannières nationales et impériales dans la boucherie généralisée. La transformation de la révolte internationale du prolétariat en guerre interbourgeoise est en ce sens l’objectif réel de toute la polarisation interimpérialiste.
Au-delà de la lutte pour des matières premières et la conquête de marchés, au-delà de la rupture d’alliances et la reconstitution de nouvelles constellations impériales, la propagande tend à imposer ces contradictions intercapitalistes pour nier les objectifs généraux de la lutte prolétarienne, ceux qui concernent toute l’espèce humaine.
L’action des diverses fractions bourgeoises pour la défense de ses intérêts particuliers coïncide avec l’intérêt de la bourgeoisie d’encadrer le prolétariat en le dissolvant dans différentes alliances et fronts, allant jusqu’à le liquider comme citoyen, et est en même temps l’expression même de la nature profonde du capital qui contient la guerre et la nécessité de détruire le prolétariat en tant que force en constitution.
Contre toutes les luttes prolétariennes actuelles, cette tendance inéluctable du capital agit pour pousser à la guerre impérialiste et détruire le prolétariat en tant que classe autonome. Dans ce sens et en tant que tendance inéluctable du capital contre le prolétariat, le cas libyen est emblématique. En effet, c’est sur ce territoire qu’est donné de manière ouverte  le saut qualitatif dans l’application de la violence contre-révolutionnaire des puissances impérialistes internationales, c’est l’endroit où la population civile est bombardée avec des armes de longue portée ne lui laissant d’autres options que celle de lutter contre ceux qui la bombardent, c’est là qu’apparaissent plus clairement les camps impérialistes qui s’affrontent.
Cependant, il ne faut pas oublier que la guerre impérialiste n’est qu’une généralisation de la guerre entre fractions bourgeoisies par laquelle la bourgeoisie répond aux soulèvements toujours et partout: il ne faut pas oublier que depuis le début, la réponse bourgeoise aux soulèvements prolétariens dans le “ monde arabe ” est de tenter par tous les moyens de les encadrer dans des contradictions interbourgeoises, que la procédure générale consistant à liquider une fraction bourgeoise qui serait trop “ dictatoriale ” n’est rien de plus qu’un ravalement de façade de l’ancienne fraction, que tout ce processus contient toujours l’intérêt capitaliste consistant à canaliser le prolétariat dans des camps interbourgeois qui s’affrontent, et qu’en dernière instance, dans chacun de ces pays, toutes les puissances et intérêts impérialistes qui s’affrontent agissent en cherchant à tirer la meilleure part du gâteau d’une nouvelle répartition.
Les actions armées impérialistes n’ont pas commencé quand ils nous ont dit que l’ONU, l’OTAN, les États-Unis, le Royaume Uni, la France,… avaient commencé à envoyer des bombes contre le territoire et les gens en Libye. Il y a eu des actions militaires, essentiellement effectuées par des forces spéciales et de contre-insurrection de ces puissances sur le même territoire libyen bien avant et leurs actions contre la population ont été dénoncées partout par de nombreux médias en marge des médias officiels. Dans d’autres pays, la présence militaire directe des gendarmes internationaux est permanente et fait bien entendu partie des forces de contre-insurrection, tout en défendant les intérêts particuliers de ces puissances respectives et jusque dans certains cas, de telle ou telle entreprise pétrolière ou de l’armement yanquee, anglaise ou française… Personne ne doute de l’importance de cette présence et de l’action militaire en Egypte ou en Arabie saoudite et de leur action permanente dans ces pays, ainsi que pour des opérations ponctuelles d’ “ invasion militaire préventive ” comme l’a fait, par exemple, l’État d’Arabie saoudite contre le mouvement prolétarien au Bahreïn. Mais ces éclaircissements faits, il ne peut subsister aucun doute sur le fait que le saut qualitatif dans cet effort militariste pour détruire l’autonomie du prolétariat, c’est l’action militaire elle-même: le bombardement et la militarisation de toute la contradiction politique. Au moment d’écrire ces lignes, nous sommes en pleine agression impérialiste généralisée sous le prétexte grossier de défendre les humains, même s’ils n’ont pas de scrupules à dire que s’ils ne vont pas envahir d’autres pays où les massacres ne peuvent être occultés tel qu’au Yémen, en Syrie,… c’est parce qu’ils ne possèdent pas de pétrole dans leur sous-sol. Le cynisme est tel que même ceux qui poussent à bombarder admettent publiquement que la Libye est importante parce que son pétrole est bon et léger et pas par la quantité ou la qualité de ses morts que fait monsieur Kadhafi.
    Le bombardement systématique des villes, comme les puissances gendarmes sont occupées à le faire en Libye, rend évidement la survie très difficile et, bien que la lutte du prolétariat soit exemplaire, si les prolétaires d’autres endroits n’empêchent pas cette guerre impérialiste contre le prolétariat qui vit dans ce pays, il est très difficile, sinon impossible de maintenir l’autonomie de classe. Les bombes, les camarades et membres de familles morts, les innombrables difficultés pour arriver à subsister font de la vie quotidienne un enfer. Même si on sait que les deux camps de la guerre impérialiste sont des assassins, il est impossible d’assurer la survie et d’affirmer l’autonomie du prolétariat sans empêcher par la force ces bombardements internationaux.
En Libye, la lutte du prolétariat a eu un développement extraordinaire, allant jusqu’à attaquer des centres historiques répressifs (direction de la Sécurité), encercler et incendier des casernes, liquider des personnages clés de la répression et des tortionnaires connus, incendier des banques, des tribunaux, des prisons, des commissariats et des centres de la police militaire. Durant ce développement, le prolétariat s’est armé de manière embryonnaire et s’est affirmé au fur et à mesure avec une relative autonomie face aux groupes d’action étatiques, para-étatiques et d’autres forces spéciales des puissances occidentales qui évoluaient dans la région. Cependant, face au bombardement systématique des puissances impérialistes, sans la logistique des forces impérialistes en présence dans les deux camps, il est impossible pour le prolétariat d’apparaître comme une force autonome et d’acquérir une puissance représentant une opposition crédible face aux camps impérialistes. La subsistance la plus élémentaire est totalement désorganisée en Libye par la force impérialiste du capital international et réorganisée au bénéfice du capitalisme depuis l’extérieur. Comme dans d’autres guerres contre la révolution (par exemple en Irak en 1991), cette désorganisation/organisation par le capital tend à réduire objectivement le prolétariat à une population d’assisté. L’objectif de l’État est toujours: “ qu’ils remettent leurs armes et nous leurs donnerons de quoi manger et nous soignerons leurs blessures ”. Les bombes et la charité organisée, une fois de plus, le gourdin et le plat de lentilles tentent de liquider toute l’autonomie classiste qui s’était développée contre le régime.
Seule la débandade généralisée et le défaitisme révolutionnaire partout, dirigé par le prolétariat en armes, peut inverser ce processus. Cependant, une lutte conséquente des prolétaires dont les États sont occupés à intervenir nous semble indispensable, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Et c’est précisément contre ce risque que ces puissances lancent des bombes de loin, parce qu’ils craignent une guerre d’usure pour leurs militaires. S’ils bombardent la Libye et non d’autres pays, ce n’est bien entendu pas pour défendre des gens mais, en plus du pétrole, en plus des contradictions qu’ils peuvent avoir avec Kadhafi, en plus de la nécessité de polariser la société en termes interimpérialistes, c’est parce qu’il est bien plus facile de faire des interventions uniquement de loin, dans un pays désertique et dont les villes ne se situent que sur la côte totalement exposées aux bombardements. L’option militariste bourgeoise et de gendarmerie est bien plus facile en Libye qu’ailleurs, tant pour ceux qui font la guerre sur le terrain que pour les prolétaires qui constituent l’arrière-garde, puisqu’elle peut se vivre de loin, en poussant sur des boutons, sans les horreurs de la guerre. Une chose bien différente pour les puissances impérialistes et leurs arrière-gardes serait d’aller aider militairement (en faveur ou contre le gouvernement, peu importe) le pouvoir en Egypte, en Syrie, en Iran… là où les armées devraient s’enfoncer dans le territoire et (comme c’est le cas en Irak ou en Afghanistan), où les militaires s’embourberaient dans une intervention sans fin et où le défaitisme révolutionnaire pourrait se généraliser, d’autant plus dans une vague de luttes comme celle-ci qui confronte le gendarme international à des mouvements sociaux massifs. Voilà pourquoi il faut dire les choses clairement: celui qui peut empêcher cette action impérialiste contre le mouvement social, c’est le prolétariat international et principalement le prolétariat des pays qui agissent comme puissances gendarmes, c’est la lutte contre “ sa propre ” bourgeoisie, contre “ses propres” États.
Comme nous l’avons déjà exprimé, en plus du bombardement en Libye, la tendance à imposer la guerre impérialiste est générale. Même si elle fut bien moins médiatisée que la “ question libyenne ”, la véritable invasion militaire au Bahreïn par l’État d’Arabie saoudite a une énorme importance stratégique: que ce soit pour contenir le mouvement ou de manière générale comme répétition d’une repolarisation impérialiste de grande envergure. Cette invasion constitue sans aucun doute un saut de qualité décisif dans l’agissement du capitalisme contre le prolétariat, non seulement par la quantité et la qualité de la présence militaire de l’Arabie saoudite au Bahreïn (en protégeant du même coup la puissante base militaire des États-Unis à Juffair, centre stratégique de répression !)… contre les manifestations prolétariennes (dans ce tout petit pays, ces mille 20 militaires plus forts et armés de manière moderne par les puissances impérialistes occidentales, pèsent énormément), mais parce que cela déstabilise reconfigure toute la région au niveau interimpérialiste en affirmant la présence pro-nord-américaine et pro-européenne contre l’État d’Iran qui, d’entrée de jeu a réagit par des dénonciations, des déclarations et des menaces à peine voilées d’intervention en Arabie saoudite 21.
C’est dans ce même sens qu’il faut comprendre les autres actions militaires des États de la région et des puissances occidentales. En ce moment même, au mépris de tous les critères qu’ils prétendent défendre, les odieux militaires français n’ont pas hésité à tirer contre la population en Afrique comme par exemple en Côte d’Ivoire. Le changement d’un président par un autre ne s’est pas fait sans armer une fraction contre une autre, sans tirer contre la population, sans imposer à feu et à sang son candidat et agent du Fond Monétaire International. Même s’il était caché derrière les forces de ce président ou vêtu de l’uniforme des Nations-Unies, le terrorisme séculaire en Afrique assuré par l’État français a été prédominant pour préserver la propriété privée et continue à être le principal gardien de l’ordre bourgeois.


PROLETARIAT: FORCES, FAIBLESSES ET PERSPECTIVES


Le prolétariat se définit en tant que classe défendant ses intérêts vitaux contre le capital. Mais évidement, ce n’est pas suffisant pour imposer ses intérêts contre le capitalisme et encore moins pour le détruire. Le pouvoir historique de la bourgeoisie n’a fait que se perfectionner, développant ses forces, ses idéologies, ses structures spécialisées contre tout mouvement qui prétendrait subvertir l’ordre.
Pour que le prolétariat puisse triompher, il doit être une force plus puissante que son ennemi historique et, même s’il a l’avantage stratégique d’être la classe qui crée tout la richesse de ce monde, il faut admettre que sans l’organisation, sans la structuration, sans la direction, sans la conscience… qui correspondent à ses intérêts et à sa perspective révolutionnaire, il ne peut liquider la société bourgeoise. C’est ce qu’avec les autres révolutionnaires, nous appelons la constitution du prolétariat en classe et donc en parti opposé à tout le système social capitaliste.
Les révoltes actuelles du prolétariat international (situées principalement de l’Afrique méditerranéenne à la péninsule arabique en passant par le Proche-Orient mais avec une tendance à la généralisation à toute la planète) possèdent les caractéristiques que nous mettons en avant depuis des décennies 24. Dans le présent texte, nous avons parlé des éléments de force et nous avons souligné qu’on a été plus loin au niveau de la généralisation, de l’organicité de l’action, de la stimulation mutuelle,…
Maintenant nous voudrions parler un peu des faiblesses en commençant par éclaircir que nous ne pouvons pas le faire en permanence parce que cela nous amènerait à nous répéter indéfiniment sur ce sujet sans pouvoir donner des éléments qualitatifs différents. Si les forces peuvent être très différentes dans chaque mouvement, dans chaque généralisation ou comme maintenant quand le mouvement dépasse les frontières nationales, les faiblesses sont systématiquement les mêmes. En effet, quand le mouvement démarre, il peut le faire pour des raisons locales ou pour la concrétisation locale de causes générales, comme c’est le cas avec les augmentations généralisées des prix de l’alimentation, mais dans les deux cas, il y a toujours, en terme de forces, quelques caractéristiques qui sont différentes comme pour toute résurgence, comme si chaque ascension d’un mouvement apportait quelque chose de relativement “ nouveau ”, d’“ original ”.
Les faiblesses, au contraire, sont globalement les mêmes parce que c’est en tant que classe mondiale que le prolétariat a historiquement été défait par la contre-révolution, parce que depuis quelques 90 ans, il n’est plus arrivé à s’imposer comme force mondiale, parce que l’organisation et la conscience internationale du prolétariat en tant que classe est une véritable catastrophe. Au niveau mondial, il existe moins de centralisation prolétarienne que dans toute l’histoire du capitalisme, il existe moins d’organisations et de publications classistes qu’au début du vingtième siècle et même qu’au milieu du dix-neuvième siècle. Chaque fois que nous intervenons dans les luttes prolétariennes ou que nous écrivons sur elles, nous ne pouvons répéter qu’il “ manque la conscience ”, qu’il “ manque l’organisation ”, qu’il “ manque l’autonomie classiste ”, qu’il “ manque l’internationalisme ”, qu’il manque “ le fait d’aller à la racine de la critique du capital ”, qu’il “ manque la centralisation internationale ”, qu’il y a “ trop de drapeaux nationaux ”… parce que, même si tout cela est vrai et qu’il n’est jamais inutile de le souligner au moins succinctement, nous préférons nous concentrer sur les apports plus qualitatifs qui sont différents selon les cas.
Est-ce que cela voudrait dire que la révolution est encore plus lointaine qu’il y a deux siècles ? Catégoriquement NON, et ce n’est pas grâce à l’organisation, la centralisation et la conscience de classe du prolétariat mondial, parce qu’il faut reconnaître que de ce point de vue là, c’est pire 25, mais bien parce que le capitalisme n’a aucun futur et que sa situation est et sera chaque fois plus catastrophique. Pour être encore plus clair: il est certain que le capitalisme continuera à pousser les masses de déshérités à la lutte dans le monde entier parce qu’il n’a rien à leur offrir, parce que le futur du capitalisme est une catastrophe permanente et chaque fois pire pour le prolétariat mondial. Autrement dit, si avant, les révoltes étaient sporadiques ou éclataient dans l’une ou l’autre région “ isolée ”, maintenant il est courant qu’il y ait des centaines de milliers de prolétaires qui se battent et qui luttent quasi en permanence et quand il semble que d’un côté la révolte se termine, cela recommence ailleurs avec plus de force. Il se passe le même phénomène avec les divisions au sein du prolétariat, avant les révoltes étaient celles des “ exclus ”, des “ immigrés ”, des “ chômeurs ”, des “ ouvriers agricoles ”… maintenant la généralisation au niveau du territoire et le fait de recouvrir des problèmes plus généraux et reconnus comme sociaux, sont devenus quasi la norme. En réalité, le prolétariat avec ou sans travail, agricole ou urbain, femme et homme, vieux et enfant et de toute couleur de cheveux et de peau se voit poussé chaque fois plus à la lutte ouverte contre l’État.
Il est fondamental de souligner qu’en plus, le prolétariat est poussé à lutter aussi contre ses croyances morales ou politiques. Qu’il croie en dieu ou non, qu’il croie que la gauche sera moins mauvaise que la droite ou qu’il sache que c’est la même chose, qu’il s’illusionne sur l’ “ anti-impérialisme ” de Kadhafi ou qu’il sache que ce dernier est l’autre face de l’impérialisme, sa survie sociale se verra menacée par la catastrophe du monde du capital et il se verra chaque fois plus forcé à lutter pour sa vie.
C’est-à-dire qu’au-delà d’une quelconque croyance ou idéologie, la “ normalité ” du capitalisme comme catastrophe permanente fait que celle-ci s’approfondit dans de nombreuses régions et pays à la fois, qu’aucune catégorie du prolétariat ne reste en marge de la catastrophe et de la lutte, que la lutte pour la survie implique chaque fois plus une guerre sociale générale internationale. Il est compliqué de prédire les cycles de cette guerre internationale de classes, mais on peut affirmer que dans cette décennie on entre dans une phase de permanence et d’intensification méconnue jusqu’à présent.
C’est justement ce que nous vérifions au cours de la révolte actuelle, il semblerait qu’elle se généralise encore plus qu’en 2008, qu’elle touche plus de régions et plus de pays, qu’elle présente plus d’émulation mutuelle et aussi plus de conscience que c’est la même chose qu’ailleurs et que c’est relativement pour les mêmes raisons.
Cependant, il est évident que l’organicité réelle dont fait preuve le prolétariat dans la révolte internationale actuelle, dans la simultanéité de la lutte contre le capitalisme partout, ne se traduit pas encore suffisamment en organisation, en conscience, en direction…  Même si nous sommes certains que toutes les tromperies et pseudo-changements au sein du pouvoir politique ne changent absolument rien, même si nous savons que les ravalements de façade de chacun de ces petits États  ne changent rien d’essentiel (l’État mondial reste intact !), même si nous savons que toutes les consignes démocratiques, religieuses ou “ marxiste-léninistes ” ne solutionneront rien, nous ne pouvons assurer que le mouvement continuera à grandir et à se développer comme la logique le voudrait. L’expérience passée indique qu’une partie du mouvement croit en ces changements de gueule de la dictature comme étant un pas vers la liberté. Il est à craindre que ces “ changements ” désarticulent la force en plein processus de constitution, que le prolétariat se disloque en tant que force du mouvement et qu’il disparaaisse pour un moment plus ou moins long de la scène politique. Par exemple, au moment où nous écrivons ces lignes et que la lutte continue à se radicaliser dans de nouveaux pays, dans certains parmi les premiers à être entrés en lutte, les guépardistes sont arrivés à imposer un certain ordre sur base du changement “ réussi ” du dictateur défenestré… ce qui est bien entendu un obstacle au processus de constitution du prolétariat en classe mondiale.
 En fonction de tout ce qui a été dit précédemment, il nous semble néanmoins que cette disparition ne peut durer ni dans le temps, ni dans l’espace. Il est impossible que le capitalisme dans la situation actuelle puisse modérer son antagonisme avec les intérêts de l’humanité, les possibilités d’imposer la paix sociale avec une stabilité comme celle du passé semblent impensables.
 D’autre part, nous croyons que le mouvement a avancé dans le sens d’avoir conquis non pas une quelconque réforme ou le renoncement d’un tyran mais plutôt ce sentiment de force qu’en descendant dans la rue, on peut s’imposer. Nous pensons, même si ce n’est pas garanti, que c’est ça qui sera le plus difficile à effacer pour tous les dominateurs et les oppresseurs. Sur cette base, nous pensons que même si le prolétariat disparait à nouveau ponctuellement de la rue, il gardera son expérience et émergera à nouveau bientôt plus fort et plus puissant. Nous pensons également que cela dépend beaucoup de la capacité des minorités classistes les plus conséquentes.
 De plus, même si le capitalisme colmate une brèche, il y en aura beaucoup d’autres qui s’ouvriront ailleurs, parce que le calme qu’il imposera dans un endroit ou sur un front, à une ou plusieurs catégories, sera plus difficile à généraliser et sera précaire comme la vie-même de l’être humain soumise à la catastrophe actuelle. Nous pensons que cette caractéristique consistant en de grands sauts et des périodes plus calmes de reconstitution, durant lesquels recommence à se forger les combattants et les consciences prolétariennes pour sauter chaque fois plus fort et plus haut, sera l’évolution prolétarienne désordonnée jusqu’à l’organisation en tant que classe qui permet d’affronter plus globalement l’ennemi et pas seulement ses gueules visibles.
Au moment où nous écrivons ces lignes, alors que “ le changement ” a réussi à imposer le calme, même très relatif sur base d’une certaine expectative (Tunisie, Egypte…26), dans d’autres régions par contre, on est en pleine expansion des affrontements et de la répression ouverte (Syrie, Bahreïn, Yémen… et dans une certaine mesure en Jordanie, en Irak, en Chine, en Bolivie…) ; alors que là où le discours du changement est au pouvoir depuis un bon moment comme en Amérique latine, ce dernier se montre chaque fois plus usé et déjà, la remise en question prolétarienne apparaît en exprimant clairement que le supposé changement ne change rien d’essentiel. Une fois de plus, nous devons signaler l’exemple que le prolétariat en Bolivie donne au monde. Ni le gouvernement d’Evo Morales, ni la COB (Centrale Ouvrière Bolivienne) ne sont arrivés à contrôler le prolétariat qui s’affirme chaque fois plus dans la rue. Les mineurs se sont trouvés à la tête des manifestations qui ont débordé toutes les structures de contrôle et contre toutes les interdictions, sont rentrés dynamite à la main dans le centre historique de La Paz en attaquant les locaux officiels. La consigne centrale semble expressément destinée à ce que leurs frères vivent sous d’autres latitudes: “Si c’est ça le changement, le changement est une merde ”. Une consigne simple qui peut sembler limitée et qui cependant exprime avec beaucoup de clarté les intérêts du prolétariat face à la bourgeoisie qui se consacre justement à changer pour que rien ne change et qui, au niveau international, peut seulement faire ces changements de merde 27.
 Aucun des problèmes centraux pour lesquels des centaines de milliers, des millions de prolétaires sont sortis dans la rue ne peuvent être solutionnés par le capital en pleine catastrophe, aucun des petits États régionaux ne peut calmer les masses avec de réelles carottes (les fictives, ils les ont déjà toutes promises !). Ce qui serait normal pour une classe qui s’affirme comme mondiale, c’est que d’autres expressions dans d’autres régions prennent la relève et que ceux qui sont dans la rue continuent à s’affirmer en tant que classe et pouvoir… Toutefois, sans structures permanentes, sans s’affirmer réellement comme classe organisée, personne ne peut assurer que le mouvement sera plus fort, comme ce serait indispensable, à court terme. C’est pour cela que nous ne devons pas nous étonner qu’il y ait prochainement un certain reflux, d’autres sursauts, encore des reflux, plus d’affrontements et d’affirmations régionales. Nous ne pouvons pas non plus assurer que dans telle ou telle région, la lutte ait plus de perspective que dans telle autre, mais il est évident que la lutte, qui dans son extension a débordé de partout les limites des “ pays arabes ” et qui a eu des répercussions en Chine, en Inde ou en Amérique du Nord, du Centre et du Sud, indique qu’il est possible qu’on se dirige vers ce fameux saut de qualité que constituerait la simultanéité généralisée internationale. Nous sommes peut-être très proches de cette généralisation de la lutte mondiale classe contre classe que les révolutionnaires du monde ont toujours auguré 28.
 Le capitalisme fait tout pour l’empêcher mais la dynamique catastrophique même de la société bourgeoise tend irrémédiablement vers cette division du monde en deux camps ennemis. Les révolutionnaires ne doivent pas seulement  espérer cette phase mais l’impulser, la théoriser, l’organiser et la diriger, parce que sans la constitution du prolétariat en parti mondial opposé à tout l’ordre établi, cette inévitable phase sera horriblement longue et sanglante. Dans ces batailles présentes et futures, le développement de la lutte pour imposer la conscience de constituer une seule classe, une seule force, une seule direction, imposer la perspective de la révolution communiste mondiale est une part décisive de la lutte de l’avant-garde révolutionnaire.
Luttons de toutes nos forces
pour l’organisation du prolétariat
en classe et donc en parti !
 
Développons la lutte
contre tous les tyrans et les oppresseurs,
jusqu’à ce qu’elle soit assumée ouvertement
comme une lutte contre toute la tyrannie
et l’oppression du capitalisme mondial !

Avril 2011



Encadrés



Éléments sur
l’augmentation de prix
des produits alimentaires


Le 11 janvier 2011: “ l’ONU annonce le risque d’une nouvelle crise alimentaire ” Agence AFP.
La FAO concorde: “ Nous sommes face à une situation très tendue ”... “ Quelques 80 pays sont confrontés à une carence en nourriture… ”
“ L’indice global des prix des produits agricoles de base (céréales, viande, sucre, oléagineuses, produits laitiers) se situe actuellement à son niveau maximum depuis que la FAO a commencé à élaborer cet indice il y a 20 ans ”  (Nations Unies, janvier 2011 - IPS).
“ L’Organisation des Nations-Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO), dont le siège se trouve à Rome, a lancé une alerte la semaine passée concernant une augmentation significative en 2011 des prix mondiaux du riz, du blé, du sucre, de l’orge et de la viande … ”.
 “ Paris, janvier 2011 (Reuters) – le président français, Nicolas Sarkozy, mènera cette semaine à Washington sa campagne pour contrecarrer l’augmentation globale des prix des aliments… ”. (Bâle (Suisse), 10 janvier - EFE)
“Le président de la Banque Centrale Européenne (BCE), Jean Claude Trichet, porte-parole des gouverneurs des banques centrales du Groupe des 10 (G-10), a lancé une alerte aujourd’hui concernant la forte montée du prix des aliments et la menace inflationniste dans les économies émergentes ”.
“ La Banque Mondiale craint une crise du prix des aliments” (15 janvier - BBC)
“ Le président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, a affirmé à la BBC que la crise serait plus profonde que celle de 2008 ”. (Mexico DF, 7 janvier - Reuters)
“Le rythme annuel d’inflation des aliments a triplé au Mexique en novembre comparativement aux deux mois antérieurs… ” (Washington, 18 février -EFE)
“Le changement climatique aggravera la pénurie d’aliments, selon un étude ”
“ Depuis plus de 20 ans, les scientifiques ont lancé une alerte sur l’impact du changement climatique, mais rien ne change à part l’augmentation des émissions qui causent le réchauffement global, a dit Liliana Hisas, directrice exécutive de la filiale étasunienne de cette organisation à EFE ”.
“ Osvaldo Canziani, gagnant du Prix Nobel de la Paix en 2007 et assesseur scientifique du rapport, indiqua que “ partout dans le monde, on enregistrera des épisodes météorologiques et des conditions climatiques extrêmes et les augmentations de la température moyenne superficielle exacerberont l’intensité de ces épisodes ”.
“ Reuters, 18 janvier – L’Algérie achète du blé pour éviter la pénurie et les émeutes. ”
“ L’agence étatique de grains d’Algérie a acheté environ 1 million de tonnes de blé ces deux dernières semaines pour éviter la pénurie en cas de troubles, a déclaré une source du Ministère de l’Agriculture à Reuters. ”
“ Reuters - 18 janvier: le blé augmente fortement à Chicago suite aux achats de l’Algérie. ”
El Economiste, 18 janvier 2011: “ Alerte mondiale pour le prix des aliments - Parmi les principales causes, il y a les inondations et les sécheresses occasionnées par le changement climatique, l’utilisation d’aliments pour produire des biocombustibles et la spéculation sur le prix des matières premières. ”

NDR: Il s’agit d’une compilation présentée par Fidel Castro. Nous ne doutons pas un instant que sa réalisation ait été motivée par ses propres enjeux politiques mais elle nous semble  particulièrement éclairante sur la situation.  




Pour seulement mentionner un exemple concret, les gaz lacrymogènes des milices tunisiennes sont fabriquées en France par la société Sofexi ; les corps répressifs égyptiens entraînés par les experts français en 2010 (le cours commencé en octobre s’appelle élégamment  “gestion des foules et des grands événements”. L’État libyen de Kadhafi a négocié l’achat de 120 VBR (véhicules blindés à roues) de chez Panhard, la Russie a commandé 500 chars légers à la France (également prévus contre les mouvements sociaux). Les commandes affluent aussi des États du Golfe (Source: Jura Libertaire, février 2011).


Maghreb et Moyen-Orient,
la réémergence du prolétariat

Depuis décembre 2010, la flamme de la révolte traverse les pays du Maghreb comme une traînée de poudre, tandis que les échos de la révolte débordent toute limite géographique, arrivent à d’autres pays limitrophes où commencent à résonner les voix de leurs voisins et le son des sabres, faisant palpiter le cœur de leurs frères de classe qui relèvent le défi de s’affronter également à la tyrannie capitaliste pour défendre leurs conditions de vie.
La bourgeoisie internationale se réunit jour après jour pour orienter sa manière d’affronter la révolte ; simultanément les armes de la démocratie se déploient sur tout le territoire: les armées sont depuis des semaines dans les rues pour réprimer, les visages des différents gouvernements changent à chaque instant, les formules de rechange font la file pour tenter de séduire les rebelles, les promesses de réformes se bousculent les unes après les autres, le fondamentalisme démocratique se rénove, la transformation en conflit interbourgeois tente de se frayer un chemin.
La presse internationale de nos ennemis n’a cessé de manœuvrer et d’intoxiquer pour occulter la véritable cause de la révolte. D’abord, elle l’a disqualifiée en tant que “ manifestation typique de populations non civilisées propre aux pays sous développés ”, ensuite elle a dû la qualifier de révolte tunisienne “ en faveur de plus de libertés ”, pour plus tard en venir à dire la même chose sur l’Égypte. Aujourd’hui, la lutte pour les droits démocratiques est le recours médiatique. Comme tout outil du capital, la presse cherche à coincer la révolte, à empêcher qu’elle continue à se propager comme la peste, à empêcher que les prolétaires d’autres pays puissent s’identifier avec les protestations et que nous sortions dans les rues pour nous affronter à nos oppresseurs. C’est une des méthodes par excellence pour affronter les luttes prolétariennes: les étouffer entre les cordons sanitaires d’un pays.
Malgré tout, la flamme continue à se propager. La Tunisie, l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, la Libye, la Mauritanie, Oman, le Yémen, le Maroc, la Syrie, le Koweït ou la Palestine, avec plus ou moins d’intensité, ont démontré que le prolétariat n’attend qu’un petit signe pour sortir pour en découdre avec tout.
La formidable extension de la révolte est en train de foutre en l’air l’intoxication des moyens de communication, montrant que le soulèvement répond à des critères très différents de ceux qu’ils veulent nous vendre, des critères qui affectent tous les prolétaires de ce monde et qui, profondément enracinés dans ce système, remettent en question les fondations sur lesquelles repose ce monde de misère: les classes sociales.
L’abolition de la société de classe. Voilà l’essence de la révolte. Si les prolétaires de tous ces pays sortent dans la rue, ce n’est pas simplement pour chasser le président ou le gouvernement en place, ni pour des irrégularités dans la gestion, pour les libertés démocratiques ou une quelconque autre particularité locale. L’essence de la révolte est la même qu’en Grèce il y a quelques années, la même qui traverse les récentes manifestations en Europe, ou dans les pays d’Amérique Latine. C’est le refus de supporter les coups de fouet de la crise économique qui nous écrase partout, c’est le refus de continuer à supporter le régime d’exploitation et de domination capitaliste, c’est le refus de continuer à vivre où on ne peut pas vivre. C’est la réémergence du prolétariat qui, après des années de paix sociale, réapparait tel un cauchemar devant les yeux de ses maîtres qui le croyaient enterré, pour assumer à nouveau son devoir historique consistant à envoyer au musée de l’histoire toute société de classe. C’est, en définitive, l’humanité qui se lève contre la tyrannie de l’économie.




Amigos de octubre amigosoctubre@gmail.com




LA LUTTE PROLÉTARIENNE
DANS D’AUTRES PAYS
EST NOTRE LUTTE !

La lutte actuelle dans d’autres pays: tunisie, égypte, libye, yémen, bahreïn, oman, jordanie, maroc, irak, iran, arabie saoudite, côte d’ivoire, bangladesh, corée du sud, chine, islande, angleterre, france, irlande, espagne,portugal, italie, turquie, grèce, états-unis, brésil, chili, bolivie,… [ les noms de pays sont en minuscule dans l’original - ndr ] est notre lutte parce que l’actuelle et catastrophique crise capitaliste est mondiale et nous attaque nous, les prolétaires de partout, en intensifiant notre exploitation; parce que les conditions précaires de vie des prolétaires de là-bas sont les mêmes que les prolétaires d’ici; parce que les frères de classe sous ces latitudes sont occupés à lutter en réponse à cette crise et aux conditions d’existence qu’elle provoque; parce que, comme le capital, nous, les prolétaires, nous n’avons ni patries ni frontières; parce que notre classe et notre lutte sont mondiales...
Le capitalisme est en crise ?
Qu’il explose une bonne fois pour toutes !
Le capitalisme ne se réforme pas,
ni ne se soigne, il est à détruire !
L’unique solution ? Le Communisme et l’Anarchie !
Contre la dictature démocratique de l’économie, imposons la dictature de nos besoins humains !
Notre classe prolétarienne n’a pas de patries !
Solidarisons-nous avec les luttes prolétariennes dans d’autres pays
en luttant contre “notre” “propre” bourgeoisie et “notre” “propre” Etat !
Pour la Guerre de Classes Mondiale ! A bas tous les Etats et toutes les frontières !
Luttons pour la Révolution Prolétarienne Mondiale !


Proletarios Salvajes
Quito (équateur)  Mars 2011. 11





Le cynisme des médias

Un autre exemple du rôle qu’occupe la presse bourgeoise dans la reproduction de cette société.

En Algérie, depuis des décennies 15, le prolétariat n’a cessé de se définir comme classe, il n’a pas arrêté d’affirmer son autonomie face à ses oppresseurs et à ses exploiteurs, il n’a jamais arrêté d’opposer ses intérêts propres de classe aux intérêts du capitalisme.
C’est ainsi qu’a surgi une consigne “ POUVOIR ASSASSIN ” qui ne centralisait pas seulement  les luttes en Algérie mais qui désignait l’État et son terrorisme comme l’ennemi à affronter, à  détruire. L’assassin est clairement le POUVOIR et pas seulement l’un ou l’autre gouvernement.
Jusqu’en France, dans différentes manifestations en solidarité avec la lutte prolétarienne en Algérie, le prolétariat scande cette consigne! Et on ne crie pas uniquement contre la fraction gouvernementale en place mais aussi contre les fractions de rechange, y compris les social-démocrates et les trotskystes ! Avec quelle clarté nos frères de classe désignent leurs ennemis ! Cette même consigne a également été reprise par les prolétaires en Égypte et dans d’autres pays de la région !
Une équipe de la presse française a été couvrir les manifestations en Algérie. Au moment de filmer, alors que le prolétariat criait, EN FRANÇAIS, “ POUVOIR ASSASSIN ”, les journalistes n’ont pu faire autre chose que “ traduire ” cette consigne ÉGALEMENT EN FRANÇAIS par “ GOUVERNEMENT ASSASSIN ” et commenter “ qu’ils étaient en train de lutter pour changer Bouteflika, pour plus de démocratie… ”

Marchands au service du capital, en tant qu'agents de ce pouvoir, ils tentent comme toujours et sans aucun scrupule, de transformer nos luttes, nos consignes de classe, en luttes inter-bourgeoises.  








LES DÉCALAGES DANS LES MESURES D’AUSTÉRITÉ


Avant, la bourgeoisie pouvait réellement présenter des gueules différentes, il y avait des politiques économiques relativement différentes. Même si la droite et la gauche ont sur l’essentiel toujours représenté la même chose, elles se distinguaient par des plans économiques sociaux différents: les unes étaient plus libérales, les autres plus keynésiennes, c'est-à-dire que les unes suivaient directement les diktats du taux de profit, les autres avaient compris qu’à moyen terme il était préférable de créer la capacité d’achat pour améliorer ce taux de profit, ce pourquoi les unes étaient partisanes du serrage de ceinture et les autres préconisaient un certain bien-être général comme meilleur manière d’améliorer le profit capitaliste. En revanche, face à la catastrophe généralisée du système capitaliste mondial, il existe UNE ET UNE SEULE politique de la bourgeoisie. Même à court terme et même si les laïus simulent une différence allant jusqu’à une opposition, la politique de la bourgeoisie est maintenant l’austérité totale pour le prolétariat (ce que les bourgeois appellent “ libéralisme ” ou “ néolibéralisme ”, comme si cela représentait quelque chose de nouveau !) parce qu’en dernière instance, la politique du Fond Monétaire International est aujourd’hui adoptée partout, ce qui implique toujours une plus grande détérioration de tous les moyens et formes de vie, de contamination de toute l’existence (de ce qui se mange, ce qui se respire, ce qui se boit,…), plus de marginaux et de gens qui dorment dans la rue, plus de contrôle, plus de répression, plus de réfugiés et de sans-papiers, plus de discours démocratiques, plus de prisons et d’hôpitaux psychiatriques et plus de terrorisme d’État. Trouvez un seul pays où ça ne se passe pas comme ça !
Et cependant, ça, ils ne le confessent pas. Le fait qu'est partout appliquée la même politique économique, que toutes les fractions bourgeoises finissent par faire la même chose, c'est le  véritable secret de la domination. Pourquoi ?
Parce que s’ils confessaient que le capital attaque partout les conditions de vie de l’humanité, le capital perdrait sa légitimité, parce que pour reproduire la domination et l’exploitation dans la situation actuelle de désastre extrême, il est indispensable de maintenir l’apparence de l’opposition dans le pouvoir et, pour ce faire, même si les mesures à imposer à l’humanité sont exactement les mêmes, les services internationaux de contre-insurrection (et très particulièrement les moyens de désinformation mondial) conseillent que ces mesures NE soient PAS imposées partout en même temps. Sans cela, il serait trop simple pour le prolétariat de s’identifier en tant que classe, de s’organiser en tant que tel, de reconnaître son ennemi historique.
Il est indispensable d’embrouiller tout, de créer d’autres tronches, d’autres oppositions, d’autres canalisations.  Même si aujourd'hui il n'y a qu’une seule politique économique (toujours contre le prolétariat !), même si l’unification réelle de l’État mondial est plus achevée que jamais, même si les organismes internationaux de politique économique dirigent chaque petit État (Fond Monétaire International, Banque Mondiale, banques internationales tel que la BCE ou la BID, Unions internationales…), même si les services de contre-insurrection sont également exactement les mêmes partout (centralisés, par exemple, par le Pentagone qui agit et dirige les services répressifs de plus de cent pays), les mesures les plus ouvertement antihumaines se présentent sous des visages différents et tout est fait pour décaler ces mesures dans le temps. Même si la militarisation générale de la vie est un plan généralisé et que les plans politiques obéissent à cela au niveau de toute la planète (ce qui se fait dans ce sens en ce moment même au Brésil dans les favelas est monstrueux !), on attaque en séparant, en divisant, en réprimant paquet par paquet, pays par pays, région par région.





La création historique de la polarisation
fascisme-antifascisme a suivi le même chemin


L’État démocratique (il y a un seul État !), par exemple la République Espagnole, assume la répression ouverte des luttes prolétariennes et au cours de celle-ci, des secteurs et forces se distinguent par leur côté particulièrement sanguinaire. Cependant, tous sont de la partie et ce sont des républicains parmi les plus illustres qui donnent les ordres de tirer aux généraux qui les exécutent (comme à Casa Viejas en 1933 et en Asturies en 1934!).
La répression est pointée du doigt, dénoncée et affrontée, provoquant en réponse une radicalisation du mouvement social. C’est alors qu’une fraction de cet État essaye d’en accuser une autre d’avoir effectué cette répression, d’être tyrannique, dictatoriale, fasciste… Comme stratégie de défense la plus efficace, l’État se dissocie, se divise en deux et présente l’autre partie comme un corps étranger, différent et qui n’émane pas de lui. L’ “antifascisme ” peut ainsi se laver le visage et les mains du sang qu’elles ont fait couler et créer un épouvantail avec ce qui serait pire que lui, le “ fascisme ”. “ Ce n’est pas nous qui avons commis cette barbarie, ce sont les généraux fascistes ”. Hier, ils étaient main dans la main, Alcalá Zamora avec Franco, Staline avec Hitler, Allende avec Pinochet, Obama avec Ben Ali, Sarkozy avec Moubarak, Berlusconi avec Kadhafi… et participaient aux mêmes banquets pendant que le prolétariat se faisait massacrer.
Dans le troisième acte, les vêtements et les costumes sont déjà changés pour en ôter le sang déjà bien sec. On les a lavés avec tous les types d’agents blanchissants tels que la dénonciation contre “ les dictateurs ”, “ les fascistes ”, “ les corrompus ”… Bien propres grâce aux dénonciations et aux beaux discours, ils se préparent à “ aider le peuple dans sa lutte pour la démocratie ”… Avec les mêmes armes qui ont servi hier à nous tirer dessus, ils disent nous défendre et vouloir “ abolir la tyrannie ”. Ils cherchent la complicité des prolétaires du reste du monde afin qu’ils contribuent à cette nouvelle guerre, que ce soit activement ou simplement en étant de bons travailleurs, citoyens, contribuables et téléspectateurs.
En réalité, ils sont en train d’imposer le quatrième acte, le plus sinistre de tous: la transformation de la lutte entre classes sociales opposées en une lutte entre fractions bourgeoises, ils recrutent pour la guerre entre fractions bourgeoises, entre forces impérialistes opposées. La liquidation du prolétariat, qu’ils ne sont pas arrivés à obtenir par la répression directe, est maintenant à leur portée dans la croisade “ anti-dictature ”, par la déstructuration de la classe dans un front anti-dictateur, par l’enrôlement dans le front unique antifasciste. L’objectif est la liquidation du prolétariat en tant que classe dans un bain de sang entre partisans et opposants à tel ou tel dictateur. L’objectif final du capital est la disparition du prolétariat en tant que classe antagonique à l’ordre établi, dans une guerre impérialiste entre fascisme et antifascisme. La guerre contre Franco, Hitler ou Mussolini… a coûté non seulement 60 millions de morts mais aussi la disparition du prolétariat de la scène historique pour des décennies. De cette gigantesque boucherie, les Staline, Truman et Wilson sont sortis triomphants, c’est-à-dire les camps de concentration, les bombes atomiques, les nouvelles guerres et tortures comme système général des oppresseurs. L’antifascisme n’a rien à envier au fascisme !







Libye

Concurrence interbourgeoise
et contre-insurrection.

Que l’histoire soit fondamentalement l’histoire de la lutte des classes, cela ne fait évidemment aucun doute pour nous. C’est précisément pour l’occulter que tous les moyens de désinformation internationaux sont mobilisés en permanence (y compris “ au nom de la révolution ”) pour mettre en scène ou “ révéler ” des contradictions interbourgeoises (entre pays, coalitions, secteurs, gouvernement et “ opposition ”, etc), réelles ou purement spectaculaires, superficielles ou profondes… derrière lesquelles nous sommes (exclusivement) sensés nous mobiliser. Prendre parti dans ce monde ne peut être que prendre parti pour l’une ou l’autre de ces fractions bourgeoises, pour l’un ou l’autre intérêt égoïste interne à cette société. Notre parti, celui de la subversion de l’ordre social, doit demeurer officiellement inexistant. Or pour nous, les contradictions interbourgeoises ne détermineront jamais le contenu de la lutte de notre classe, ni la nécessité bourgeoise de l’écraser, mais seulement quelles fractions ou coalitions bourgeoises entreront en jeu pour embrigader le prolétariat et le réprimer. Contre ceux qui, en particulier à propos de la Libye, nient la lutte de notre classe au nom des contradictions interbourgeoises qui sont en jeu, comme si ces deux aspects de la réalité ne coexistaient pas en permanence dans cette société, nous pouvons au contraire prendre la mesure de ces contradictions en regard de l’actuelle vague de révolte.
Dans un cas comme celui de la Libye, suscitant de vifs appétits économiques internationaux, une opposition courante existe entre les pays déjà bien placés en ordre utile de parts de marché et d’accords commerciaux et stratégiques, et les autres qui tentent de prendre leur place. Cette hiérarchie déterminent évidemment la position politique de chaque partenaire, avec toute la souplesse qui règle la vie des États: en façade, rien que des principes, en coulisses, rien que des intérêts. Ainsi, l’Italie, la Russie et la Chine auraient plutôt eu intérêt au statu quo politique en Libye  et ont choisi de miser sur le maintien en place du régime de Kadhafi. Les États-Unis, l’Angleterre et la France avaient plutôt intérêt à voir la donne se modifier (hormis bien sûr au prix d’une déstabilisation révolutionnaire de l’État), et ont misé sur le renversement de Kadhafi au profit d’un régime plus favorable à leurs ambitions marchandes (pétrole, armement, blé,…), comme la France en Côte-d’Ivoire au même moment. Qu’on ne s’étonne pas que le même Sarkozy à peine élu président français en 2007 ait d’abord joué la carte du rapprochement (économique et militaro-policier) avec la Libye de Kadhafi, c’est… de bonne guerre. Cette option s’inscrivait d’ailleurs dans la continuité des accords franco-libyens depuis une quarantaine d’années.
Début novembre 2010, la France et l’Angleterre concluent un accord de coopération militaire. Selon le site Internet de l’armée de l’air française, l’opération franco-britannique Southern Mistral qui s’inscrit dans le cadre de ces accords devait se dérouler du 21 au 25 mars 2011 sur plusieurs bases aériennes françaises. A cette occasion, les forces françaises et britanniques devaient effectuer des missions aériennes de type COMAO (Composite Air Operation, missions aériennes combinées) et un raid aérien spécifique (Southern Storm, Tempête du Sud) en vue de délivrer une frappe conventionnelle à très longue distance. L’opération a été annulée… pour cause d’intervention commune –bien réelle– en Libye.
Peu importe pour nous si ce plan visait expressément ou non la Libye, il dénote en tout cas l’affirmation d’intérêts stratégiques communs et la volonté de se doter des capacités opérationnelles pour les défendre. De fait, il a permis à la France et à l’Angleterre de prendre l’initiative face au mouvement insurrectionnel en Libye, à la fois sur le terrain politique, militaire et  contre-insurrectionnel, en se faisant de surcroît soutenir par l’ONU et par l’OTAN (sous commandement américain).
Le scénario russe, italien ou chinois s’est ainsi trouvé battu en brèche: qu’il eut ou non tenu compte de la possibilité d’une vague de lutte comme celle d’aujourd’hui, il misait quoi qu’il advienne sur la capacité du régime de Kadhafi à se maintenir, ce qui constituait un pari pour le moins incertain.
Pour ne pas être mise au rencard des dividendes de la guerre, l’Italie a finalement été contrainte à se joindre à la coalition et, le 28 février, à renoncer à son Traité d’amitié avec la Libye qui comprenait de nombreux et juteux accords de coopération économique ainsi que le contrôle de l’immigration, euphémisme pour une politique particulièrement brutale, cynique et meurtrière de renvoi des demandeurs d’asile traversant la Méditerranée vers la Libye, politique qui ne manquera certainement pas d’être rétablie aussitôt que possible avec l’aval européen.
Quant à la Russie et la Chine, très impliquées en Libye (la Chine a dû en évacuer pas moins de 36 000 ressortissants affectés à diverses entreprises), elles ont d’abord renoncé à opposer leur veto à la résolution 1973 de l’ONU en faveur de l’intervention militaire avant de critiquer l’interprétation élargie (bien prévisible) qu’en fait l’hégémonique OTAN sur le terrain. On a pu observer une similaire versatilité toute mesurée du côté des États arabes, comme l’Arabie saoudite qui a soutenu la résolution de l’ONU tout en se tenant militairement  à l’écart de son application: il faut dire que ces alliés de la grande cause humanitaire Onuso-Otanesque ont fort à faire au Bahreïn qu’ils occupent militairement pour y écraser l’insurrection. Dans la grande cacophonie meurtrière du marché, il est en effet un point crucial sur lequel les violons des États s’accordent invariablement: l’impératif supérieur de la contre-insurrection.







A propos du Comité National
de Transition (CNT) en Libye



Il est évident pour nous que le Comité National de Transition n’est pas une émanation de la lutte mais une initiative intégralement bourgeoise, impérialiste, dont la finalité est de casser par le sommet la dynamique bien réelle de centralisation et de coordination de la lutte. Ce Comité n’est qu’une des pointes de l’iceberg de la contre-insurrection, au sens où les forces spéciales et services secrets anglais, français et états-uniens sont également intervenus assez tôt sur le terrain, parallèlement à la campagne internationale de désinformation,  pour pousser partout les contradictions dans le sens d’une reprise en main bourgeoise, d’une repolarisation interimpérialiste de la lutte (notamment en tentant de dissoudre le prolétariat en arme, ses milices, dans une armée régulière opposée à celle de Kadhafi), pour casser le développement de l’autonomie de notre classe (notamment dans les diverses initiatives organisatives des comités de lutte territoriaux: villes, régions…).
La presse européenne s’est bien gardée de donner une grande publicité aux états de service des membres de ce Comité, et pour cause, car en plus de quelques opposants droits-de-l’hommistes y jouant leur figuration habituelle, il est le pur produit d’un travail de recrutement et de retournement de dirigeants libyens de premier ordre, soutenus politiquement et militairement par la France, l’Angleterre et les Etats-Unis, et dont certains travaillaient déjà pour les services secrets de ces pays. En voici une brève mais éloquente présentation:
Dès le 27 février, “ le comité se met en place et nomme Moustapha Abdel-jalil à sa tête. C’est l’ancien ministre de la justice libyen, c’est-à-dire un homme clé du système Kadhafi. Il est secondé par Abdelhafed Ghoga, un avocat et militant des droits de l’homme, qui selon le Monde lui est ouvertement hostile. Le 2 avril, devant les tensions internes qui déstabilisent le comité, le porte-parole, Moustapha Al-Gueriani annonce la création d’une équipe de crise de 10 spécialistes, de libyens revenus de l’étranger avec leur savoir-faire. Le conseil devenant désormais l’organe législatif ” toujours selon Le Monde du 5 avril, qui présente aussi le “ ministre des finances ” de ce nouveau conseil, Ali Tarhouni, professeur d’économie aux USA, où il vivait depuis trente-cinq ans jusqu’au mois dernier. C’est un partisan de l’ultra- libéralisme, et sa présence aux finances est un signe clair de l’orientation économique et sociale du groupe de Benghazi.  A la tête du nouveau comité, il y a désormais Mahmoud Jibril. C’est un homme d’affaires déjà présent dans l’ancien comité. Toujours selon le Monde “ C’est lui qui, avec Ali Al-Essawi, ancien ambassadeur, et désormais ministre des affaires étrangères, avait rencontré le président Sarkozy, le 11 mars à Paris ”. En charge des affaires militaires, on trouve le général Abdel Fatah Younès, ancien ministre de l’Intérieur, présent aux côtés de Kadhafi depuis 1969 et le putsch ayant abattu la royauté. Il dispose de soldats spécialement entraînés par les SAS britanniques, et des commandos français, probablement le 13ème RDP, ce qui au regard de l’incompétence militaire des “ chebbabs ” lui donne de fait un avantage sur le terrain, et donc un avantage du point de vue politique ”. 1
De plus, début avril, les USA affirment que la CIA “coordonne” les mouvements des “ rebelles ” sur le terrain. La CIA a bel et bien ramené à Benghazi un certain Khalifa Hifter, ex-chef du Front National de Salut de la Libye dans les années 1980, à l’époque principal groupe anti-Kadhafi financé par les États-Unis, et qui vivait un exil paisible à Langley en Virginie depuis plus de 20 ans, dans un véritable fief de la CIA. “ Son arrivée à Benghazi est d’abord relayée par la chaîne Al-Jazeera, le 14 mars. Sans faire référence à son appartenance à la CIA, le Daily mail fait son éloge le 19 mars. Enfin le chef de guerre est interviewé par ABC news le dimanche soir suivant. (…) Aucun des médias qui ont publié des articles à son sujet n’a jugé utile de mentionner ces informations accessibles sur internet, ni de se demander comment un militaire libyen a pu s’installer et vivre aux USA, alors que la Libye  subissait embargo et représailles militaires à la suite de l’attentat de Lockerbie. Personne ne s’est non plus demandé comment il est arrivé à Benghazi ”. 2   
Tout le reste est pur spectacle: dès le 5 mars, le Ministère des Affaires étrangères français suit la partition franco-britannique et états-unienne en saluant la création du CNT. De son côté, l’époustouflant philosophe français, lèche-botte et va-t-en-guerre Bernard Henri-Lévy (“ BHL ”) se fait amener à Benghazi et c’est de là qu’il téléphone au président Sarkozy “ en tant que citoyen ”, joignant sa voix à l’appel à la guerre afin d’“ éviter un horrible massacre ” (sic).
Le 10 mars, trois éminents membres du CNT sont reçus à Paris par Sarkozy (avec quelques ministres… et BHL) et déclarent à leur sortie que “ la France a reconnu le Conseil national de transition comme étant le représentant légitime du peuple libyen ”. Grand visionnaire en matière de bienfaits démocratiques, BHL pour sa part annonce déjà “ des frappes ciblées ” alors qu’aucun accord n’est encore acquis ni au niveau européen, ni au niveau de l’OTAN ni de l’ONU, ce qui sera chose faite une semaine plus tard, le 18 mars.









1. Moulay Siba, “ Libye, les dessous d’une révolution ”, Indymedia, avril 2011.
2. Idem


Prolétariat et idéologie bourgeoise

Si le prolétariat en tant que classe connaissait la puissance internationale qu’il possède, ce serait trop simple de faire la révolution. Le premier secret de la négation de la révolution, de la politique de contre-insurrection pratique, c’est de nier cette puissance, cette pratique, cette force. Il n’est peut-être pas de trop d’indiquer ici le rôle contre-révolutionnaire qu’ont toujours joué les idéologies social-démocrates ouvriéristes et eurocentristes qui réduisent le concept de prolétariat du point de vue quantitatif et qualitatif, le limitant sociologiquement et géographiquement à une catégorie de producteurs ou à un espace géographique. Nous nous référons à tous ceux qui aujourd’hui nient pratiquement le prolétariat en appuyant “ les masses arabes ”, parmi lesquels les agents bourgeois les plus éhontés rajoutent “ dans leur lutte pour la révolution démocratique ”.
La contre-révolution n’a aucun intérêt à ce que le prolétariat se reconnaisse lui-même par sa vie, par sa pratique, par son antagonisme général au monde de la propriété privée, pour se retrouver dans la rue en criant “ assez ” contre tout ce système d’oppression. Contre cela, depuis des siècles, les spécialistes en sciences sociales (qui formulent la base idéologique de toute la social-démocratie) ont constitué les catégories sociologiques basées sur la division des couches sociales en fonction de différents critères que le socialisme bourgeois a codifiés sur base du travail et de la production. A la place d’un prolétariat comme force dynamique en constitution en opposition à la propriété privée et s’affrontant à l’État, la social-démocratie définit le prolétariat comme synonyme d’ouvrier industriel et en général comme ouvrier de la grande industrie 22. Dans les cas extrêmes, cette conception élitiste du prolétariat et implicitement apologétique du travail industriel, limite le prolétariat à l’ouvrier des villes et également aux ouvriers des “ pays industrialisés ”. Face à la lutte des prolétaires en Afrique méditerrannéenne, au Proche-Orient, dans la péninsule arabique..., ces idéologies et forces s’allient pour “ appuyer ” les révoltes des “ masses arabes ”.  C’est fondamentalement contre le mouvement ! Cette idéologie, qui coïncide avec tout ce que la bourgeoisie tente de jouer comme carte de rechange contre-insurrectionnelle, sert uniquement à mettre des obstacles à la nécessaire unification du prolétariat international en lutte:
• Cela contribue à la division du prolétariat tant géographiquement que sectoriellement ;
• Cela contribue à la propagande pour que les prolétaires en Europe, aux États-Unis, en Amérique Latine… se sentent moins concernés par la lutte de leurs frères ;
• Cela tente d’introduire la vieille idéologie ouvriériste qui considère comme supérieur (plus près de la lutte grâce au socialisme) l’ouvrier industriel que le chômeur, le prolétaire agricole, l’employé d’un magasin et de bureau, le professeur, l’ouvrier du transport…
Cette conception est indissociablement liée au fait d’attribuer des objectifs différents, comme par “ hasard ” démocratico-bourgeois, à la lutte des “ peuples arabes ”, à l’intérieur de laquelle les variantes partisanes de l’ “ Assemblée Constituante ” , de “ gouvernements réellement démocratiques ” ou de la nécessité des “ tâches démocratiques bourgeoises ” ne sont que des variantes secondaires. Cette idéologie marxiste-léniniste progressiste, en plus d’être ouvriériste comme nous l’avons déjà dénoncé, contient l’essence de l’eurocentrisme, le racisme historique (peuple élu !) typique du judéo-christianisme: “ tous les peuples sont arriérés par rapport au mien ”, “ le véritable prolétariat est celui de mon pays ”, “ les peuples arabes doivent passer par les étapes par lesquelles est passés le peuple européen depuis longtemps ”, “ ils doivent faire leur révolution démocratique ”. Son expression de gauche, pas moins cynique (comme le fait le CCI, par exemple), est de considérer que les masses arabes ont trop d’illusions démocratiques 23. Comme si en Europe ou aux États-Unis, ils en avaient moins ! Comme si les ouvriers industriels étaient moins manipulables ! Si c’était le cas, ils sortiraient dans la rue pour empêcher que leurs États continuent à intervenir militairement et à appuyer massivement les dictatures sanguinaires dans tous ces pays ! Une fois de plus, on oublie que les plus grands mouvements insurrectionnels du prolétariat contre l’État au vingtième siècle ne se sont pas développés dans les pays “ plus démocratiques ” comme le prétend cette idéologie, mais bien au Mexique, en Russie, en Allemagne, en Chine, en Espagne, en Iran, en Irak… !







22. La falsification consiste à fragmenter et à figer ce qui est en mouvement, à confondre la photo avec la réalité, sa perspective (de classe) avec la vie et analyser la vie sociale en fonction de ces photos.
23. “ La nature de classe de ces mouvements n’est pas uniforme et varie d’un pays à l’autre et selon les différentes phases. On peut, cependant, dans l’ensemble, les caractériser comme des mouvements des classes non-exploiteuses... la classe ouvrière n’a pas été à la tête de ces rébellions...[mais plutôt] la paysannerie et d’autres couches provenant de modes de production encore plus anciens... ”. Pour le CCI c’est très clair, il s’agit de pays plus arriérés qui ont des modes de productions antérieurs au capitalisme; implicitement: c’est seulement quand ces pays deviendront capitalistes qu’il y aura de vrais prolétaires qui pourront lutter pour le socialisme. Et ils ajoutent: “ Des illusions, surtout dans la démocratie, qui sont extrêmement fortes dans les pays qui ont été régis par une combinaison de tyrannie militaire et de monarchies corrompues ”. Ces expressions, que nous avons extraites du texte Que se passe-t-il au Moyen-Orient ? publié par Revue Internationale le 18 mars 2011,  résument à la perfection le cœur de l’idéologie dominante.


A PROPOS DE LA CONSCIENCE

Non seulement dans la presse bourgeoise mais aussi dans les journaux qui se revendiquent du prolétariat, de la révolution, de l’anarchisme… nous voyons que l’analyse des luttes actuelles part de la conscience. C’est ainsi qu’après avoir découvert que les révoltes dans le monde arabe et dans le reste de l’Afrique “ ne sont pas révolutionnaires ” (ou que “ la révolution sociale n’est pas au programme ”), que les peuples de la région “ luttent seulement contre les tyrans et veulent la démocratie ”, ils se lamentent en disant par exemple que “ c’est la bourgeoisie occidentale qui tirera parti de ces révoltes ”. Ce que nous répondons c’est que si la révolte ne s’approfondit pas et ne s’étend pas, il est évident que  des fractions dominantes peuvent en “ tirer parti ” et que c’est toujours comme ça quand le mouvement arrête de s’affirmer. Mais il n’empêche que ce qui se joue maintenant, pour que la révolte ne continue à se généraliser et à s’étendre, c’est la diffusion de ce genre d’idées que la bourgeoisie au travers de tous les médias tente de renforcer face à la révolte et contre elle: la révolte n’aurait que des causes propres à ces pays, ce que veulent les “ révoltés ” c’est la “ démocratie ”; plutôt que de capter et sentir l’unicité d’intérêt et de projet du prolétariat, on accepte ce que la classe dominante propage. Et les “ révolutionnaires ” qui répètent que “ la révolution sociale n’est pas au programme ” contribuent à l’idéologie bourgeoise.
Contre cela, nous répondons que la conscience actuelle qu’a la majorité des prolétaires c’est la conscience aveugle que la bourgeoisie nous impose, que les idées dominantes sont les idées de la classe dominante, que pour cette raison, aucun élément de conscience ne peut changer les choses s’il n’y a pas une force vitale qui la contredit et la remet en question. La révolte prolétarienne part précisément des besoins vitaux, contredit et remet en question tout cela, mais s’exprime toujours avec beaucoup de retard et de déformation en terme de conscience. Dans les zones où la révolte prend racine et s’étend, la falsification est plus difficile, mais de loin et filtrée (faussée) par tous les médias, il est évident que la révolte semble bien moins radicale, beaucoup plus circonstancielle et il est facile pour la bourgeoisie locale de nous “ démontrer ” que cela ne nous concerne pas, que “ là-bas ils commencent à se battre pour ce que nous avons ici depuis longtemps ”. Voilà les idéologies qui maintiennent les prolétaires de certains pays en marge de la révolte et qui contribue à la complicité de ces prolétaires locaux avec les États qui continuent à réprimer les prolétaires en lutte. Aujourd’hui-même, ce n’est pas dans les pays où le prolétariat est dans la rue que s’impose le mythe que les “ luttes sont pour la démocratie ”, mais en-dehors d’elles (au plus éloigné, au mieux ça marche !) et particulièrement dans les endroits où les prolétaires n’ont pas encore souffert d’une attaque similaire. L’eurocentrisme, euroracisme et jusqu’à l’impérialisme, en tant que structuration systématique de l’oppression et de la domination capitaliste, se basent sur ce point de vue. Mais même cette différence tendra à disparaître: la généralisation des politiques d’austérité et la répression ouverte conséquente arriveront dans tous les pays: le prolétariat sera ainsi contraint à se reconnaître lui-même et à reconnaître son ennemi historique.




Salut aux camarades en lutte
dans le Wisconsin, aux USA!

Dans cet Etat, en février 2011, une lutte remarquable a perturbé le fonctionnement normal du capital. Contre les mesures d’austérité, le prolétariat s’est réveillé et s’est manifesté par:
• des grèves;
• des manifestations monstres de prolétaires, toutes catégories du capital confondues: service public et entreprises privées, étudiants, paysans, infirmiers, profs, etc.;
• une occupation du Capitol, un bâtiment central de l’Etat, à Madison, la capitale, pendant des semaines… évacuée par la force, en mars;
• l’extension à d’autres Etats: Ohio, Indiana, Michigan…

Ce mouvement s’est, dès le début, identifié à la lutte en Afrique du nord.
Cet internationalisme est une direction donnée au prolétariat mondial:

Reconnaissons-nous dans les luttes de nos frères de classe,
partout dans le monde!
Identité d’exploitation, identité de lutte!
Dégage, Obama!
Seule notre lutte mondiale abattra le capitalisme mondial!








Notes

1.    Sur ce thème, voir “ Catastrophe capitaliste et luttes prolétariennes ” dans Communisme n°60 (novembre 2008) où l’on traite de la grande vague de luttes prolétariennes en 2008 et qui se concentre sur l’explication de la contradiction du Capital avec la terre et la vie, de même que “ Catastrophe capitaliste et luttes prolétariennes: ça continue ” qui aborde plus particulièrement la révolte prolétarienne en Grèce dans Communisme n° 61 (juin 2009).
2.    Comme en 2008, toute énumération de la révolte du prolétariat par pays, tel que le font les médias, est une limitation (inconsciente ou délibérée) et systématiquement une réduction. Les dénominations telles que “Maghreb” ou “monde arabe” ou quoi que ce soit, que nous nous voyons contraints d’utiliser ici faute de mieux, n’ont pas beaucoup plus de sens et ont de plus été débordées par la réalité sociale que le mouvement recouvre. Quant au nombre de zones affectées et de prolétaires qui entrent dans la bataille, les vagues de révoltes antérieures sont déjà dépassées et c’est pourquoi toute dénomination réductrice devient ridicule ou simplement dépassée puisque, au moment d’écrire ces lignes, on se bat également dans les rues en Chine ! au Burkina Faso ! en Bolivie !...
3. Il nous semble fondamental de souligner que dès la première semaine de janvier 2011, la situation était insoutenable, que la catastrophe du capitalisme assumait déjà ouvertement cette crise qui impliquait une nouvelle vague de faim et de misère pour la population mondiale et que c’est à partir de ce moment là que la révolte prolétarienne internationale commence sa phase en Afrique méditerranéenne avec la révolte en Tunisie, Égypte, Algérie, Maroc…
4.    C’est-à-dire qu’il est encore possible pour certains secteurs de la bourgeoisie dans certaines régions de ne pas appliquer les plans d’austérité qui leur sont indispensables. Avec quelques carottes et miroirs aux alouettes, on tente de faire en sorte que certaines franges du prolétariat ne se sentent pas concernées par ce qui se passe pour le reste du prolétariat mondial. C’est historiquement sur ce principe que les pays dont les États fonctionnent comme gendarmes répressifs dans d’autres endroits du monde, maintiennent la complicité de “ leurs ” prolétaires qui leur est indispensable pour exercer cette fonction répugnante. Mais cela dépend de leur capacité à octroyer certains bénéfices ou certaines réformes syndicales à leurs prolétaires et même cela, comme c’est le cas dans des pays tels que les États-Unis ou en Europe, c’est aujourd’hui compliqué à maintenir par leurs bourgeoisies respectives.
5 .    Titre et extrait d’un tract publié en France et dont nous publions le texte complet en annexe. Contact: comitesoutienstbg@yahoogroupes.fr
6.    Début et fin d’un des tracts publiés par notre groupe en mars 2011. Voir le texte complet de ce tract et d’autres tracts de notre groupe en annexe.
7.    La dénomination classique de “ fractions nationales ” correspond à un certain niveau d’organisation de la bourgeoisie, tant dans sa lutte contre d’autres fractions que pour exploiter et dominer le prolétariat. Quand on l’applique au prolétariat, qui n’a pas d’intérêts fractionnels ni nationaux, on est en réalité occupé à nier le prolétariat ou mieux dit, on le conçoit comme soumis aux intérêts de la bourgeoisie. La constitution du prolétariat en classe et donc en parti est précisément la négation de tous ces fractionnismes.
8.    Un “ même cœur ”, une même organicité, une même nécessité de vivre exprime lucidement l’organicité du prolétariat en tant que classe. Voilà la réalité que tout le monde bourgeois veut occulter. La citation est extraite d’un tract réalisé par le “ Grupo de Esclarecimiento Comunista – G.E.C. (Pérou) - http://esclarecimientocomunista.blogspot.com/ et que nous reproduisons également en annexe.
9 .    Le mot “ islam ”, vient d’un mot arabe qui signifie “ soumission ”, “ allégeance ”, sous-entendu “ à Dieu ”.
10.    Dans certains cas, des structures surgissent, assumant une fonction décisive quant à la radicalisation du prolétariat, exprimant le besoin pour les prolétaires de s’associer pour lutter, mais aussi la nécessité pour la bourgeoisie de répondre à cette radicalisation par des encadrements plus radicaux. Ce sera le développement de cette contradiction qui conduira à l’explosion ; dans certaines structures, des formes ou expressions de l’autonomie prolétarienne pourront s’affirmer même circonstanciellement; mais la majorité d’entre elles, si elles ne sont pas déjà bourgeoises seront récupérées et s’affirmeront  comme nouveaux syndicats et partis qui changent quelques détails pour que l’essentiel reste tel quel.
11.    comunismoobarbarie@gmail.com  – Etant donné son importance et sa clarté, nous publions l’intégralité de ce tract en annexe.
12    Dans un sens plus global, il est clair que le prolétariat n’a pas détruit l’appareil général de l’Etat terroriste. Nous voulons souligner ici les cas dans lesquels l’action du prolétariat paralysa, désorganisa et liquida l’esprit de corps (grâce à l’indiscipline et au défaitisme dans les rangs de la répression) détruisant ainsi sa fonction première et essentielle qui est celle de réprimer.
13.    Ce sentiment de puissance contre l’oppression continue à s’approfondir tout en devenant plus explicite sous d’autres latitudes au moment même où nous écrivons ces lignes (avril 2011). La rage contre l’oppression ne peut être arrêtée par des frontières. On recommence à sentir la fraternité (encore de manière naissante) face à la tyrannie de tout le système social, la joie de voir un tyran qui tombe ou une prison vide ou encore un bastion de la tyrannie qui brûle se répand et se lève ailleurs comme des drapeaux. En Chine, les prolétaires sortent avec des pancartes en scandant: Vive les combattants du monde arabe! Dans le “monde arabe” même, on continue à se battre à couteaux tirés, un feu de la révolte s’éteint et un autre renaît en dénonçant les pseudo-changements.
14.    Le terme de “ guépardisme ” provient du personnage créé par Giuseppe Tomasi dans son roman publié en 1958 et situé dans la période du “ Risorgimento ” dans l’Italie du milieu du 19ème siècle. En exprimant la pensée politique du personnage principal, don Fabrizio Corbera, prince Salina, alias “ le Guépard ”, son neveu lui déclare “ Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi! ” (“ Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ”).
15.    Voir sur cette lutte et sur la consigne “ Pouvoir assassin ! ”: “ Prolétaires de tous les pays, la lutte de classes en Algérie est la nôtre ”, publié dans Communisme n° 52  (2002) ; “ Algérie: Il n’y aura aucun vote même si nous devons tout brûler ” dans Communisme n° 53 (2002).
16.    Voir “ Revendication et réforme ” Communisme n°62.
17.    Voir “ Prolétaire, moi ? Contribution à la définition du prolétariat (1ère partie) ” dans Communisme n°62, décembre 2010, et en particulier la page 43.
18.    Comme pour toute énumération de ce type, les points ne sont pas séparables. Il s’agit de facettes d’une même réalité, d’expressions successives et complémentaires de ce qui est essentiel dans la domination bourgeoise mercantile, dans l’oppression socio-politique capitaliste.
19.    Il ne faut pas oublier que le démocratique et populiste Obama a ratifié tout ce qu’avaient fait les États-Unis avant lui en Afrique, au Proche-Orient et dans la péninsule arabique, y compris l’appui inconditionné aux massacres effectués par chacun de ces États, par chacun de ces dictateurs et tout particulièrement ceux réalisés par Israël.
20.    Il y a des dénonciations qui soutiennent qu’en réalité, les oppresseurs envoyés dans ce pays sont le double ou le triple de ce chiffre.
21.    Il faut remarquer que l’État iranien est l’un des rares qui dit appuyer tout le mouvement social dans le “ monde arabe et musulman ” étant donné qu’il le considère comme une “ vague de réveil islamique ”, comme un produit de la “ chute de l’influence ” des États-Unis et de l’Europe dans la zone ”. Voir à ce sujet “ l’Iran prévient l’Arabie saoudite qu’il pourrait intervenir militairement ” ABC – 18 avril 2011.

24.    Sur ce sujet voir le texte: “ Caractéristiques générales des luttes à l’époque actuelle ” dans  Communisme n°39 (octobre 1993).
25.    Cette affirmation est valable au niveau global mais pas au niveau particulier. Nous pensons qu’il y a des minorités presque partout qui agissent de manière organisée et pour qui la lutte contre tous les récupérateurs est très claire; que ces dernières organisent des actions décidées contre les oppresseurs et réaffirment également le classisme révolutionnaire. En ce sens, de rupture en rupture, il y a des avancées qualitatives mais celles-ci ne s’assument pas encore de manière ni organisée, ni programmatique au niveau d’une centralisation internationale.

26 .    Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il n’y a pas de lutte, de répression et de réorganisation du terrorisme d’État, ce que confirment même les sources bourgeoises.
27.    Et désolé pour la merde, nous n’avons rien contre elle !
28.    “ De plus en plus, la société se divise en deux camps ennemis, en deux grandes classes qui s’affrontent directement: la bourgeoisie et le prolétariat ”,  Manifeste du Parti Communiste, 1847.





 
TRACTS

La vague de manifestations arrive au Kurdistan.



En même temps que les soulèvements révolutionnaires en Tunisie, Egypte, Yémen, Liban, Iran, Bahrein, Jordanie, la vague de luttes se manifeste au Kurdistan et dans d’autres villes, en Irak. Cette rupture commune et violente a libéré des forces  révolutionnaires contre l’exploitation et nous montre la force de notre classe internationale. Cette vague internationale est le résultat d’une accumulation et d’un approfondissement d’un problème social que le capital n’est pas capable de solutionner. L’Etat est faible et incapable de nous fermer la gueule. C’est pourquoi nous avons pu nous exprimer sans qu’il nous la boucle avec une nouvelle carotte. A Souleymania, les bureaux du parti de l’Etat ont été attaqué par les jets de pierre des manifestants et ceci fait partie des actions du prolétariat international actuel. L’Etat en tirant sur les manifestants, en les tuant, les arrêtant, relance le terrorisme d’Etat de toujours, de même qu’à Pirra, Magrun et Halabja où les manifestations s’étaient propagées. Alors que là-bas on réprime, à Bagdad, Bassora, Kut, Wasset, les manifestants ont ébranlé la paix sociale, déstabilisé l’Etat et terrorisé nombre de ses membres. Ces manifestations n’ont rien à voir avec un changement de gouvernement, que réclame juste l’opposition bourgeoise “Changement” (un nouveau parti, constitué sur la base de la gauche du parti de Talabani, UPK - Ndr) et les fractions islamistes. Au contraire, tous ces partis vont main dans la main avec le gouvernement pour réprimer les manifestations. “Changement” ne nie pas cette collaboration et appelle publiquement à la paix sociale, comme le gouvernement et demande des réformes. L’Etat traite les manifestants de subversifs, étrangers, voleurs, en niant la profondeur sociale du mouvement, comme il l’a toujours fait. Pour affronter  la terreur de l’Etat, nous devons:
1-    nous organiser nous-mêmes, concentrer nos forces, pour généraliser le mouvement partout, en connectant toutes les parties de  l’Irak et en créant des comités insurrectionnels révolutionnaires;
2-    armer le mouvement contre la terreur de l’Etat;
3-    attaquer les centres des partis de l’Etat et les brûler;
4-    appeler les pauvres de ces partis bourgeois à rompre avec eux et à nous rejoindre, avec leurs armes;
5-    appeler à la grève générale, à ce que personne n’aille travailler et à fermer bureaux, usines et administrations étatiques;
6-    cracher contre les moyens de diffusion bourgeois et briser les caméras;
7-    ne pas se concentrer dans un seul lieu pour ne pas faciliter le travail de répression.


GCI

février 2011




Appel à ceux qui luttent au Kurdistan et en Irak.



Les manifestations dans toutes les villes et villages du Kurdistan sont l’expression directe de la colère du prolétariat contre l’exploitation, contre l’Etat, et le résultat de la crise sociale, et la contradiction entre le travail et le capital. Ces luttes ne sont pas isolées de la chaîne de manifestations et de soulèvements en Grèce, en France, et plus tard, en Tunisie, Egypte et Libye  et du reste du monde. C’est le début de l’éclosion d’une révolution sociale internationale qui touche aujourd’hui le Kurdistan. En ce sens, ces luttes sont une réponse des exploités du Kurdistan qui expriment que c’est la même classe qui lutte partout et donnent une continuité aux actions révolutionnaires de notre classe entamées ailleurs. Sans aucun doute, c’est la même lutte contre l’Etat partout, qui crée la panique et l’instabilité au sein de chaque Etat dans le monde.

L’ennemi essaie de dévier la lutte pour qu’elle ne touche pas les centres décisifs: Arbil (capitale du Kurdistan et siège du gouvernement), Kirkouk (centre pétrolier) et Duhok (siège central du PDKI et des affaires). Voici la tactique de l’État :
- d’abord, pour empêcher l’expansion de la protestation, faire venir d’ailleurs des forces militaires spéciales, pour entourer Souleymania ;
- ensuite, utiliser le Square de la Libération pour créer un centre permanent de célébration pour répéter jour et nuit des slogans patriotiques ;
- appeler à des réformes de la société civile, renforcer le civisme ;
- autres mesures: utiliser les gaz lacrymogènes, dénoncer les “casseurs”, les pilleurs, faire une propagande contre le terrorisme armé par l’étranger ;
- renouveler les saloperies autour de la “Libération de Kirkouk” pour réactiver le patriotisme.

Tous ces mouvements, d’après ce que nous savons, ont commencé par des petites expressions locales et avec peu de monde. Plus tard, la direction se transforma et devint puissante et a donné beaucoup d’énergie aux exploités pour briser le mur de la peur. Des milliers de militants et de combattants prolétaires ont affronté l’Etat. La classe dominante sait très bien que ce mouvement sonne l’alarme de sa propre mort, c’est pourquoi elle fait tout son possible pour nous séparer, nous individualiser, nous disperser, nous diviser par catégories, empêcher la généralisation des manifestations. Dans ce sens, toutes les fractions de L’Etat, avec l’aide des médias, des collaborateurs de l’Etat (par exemple les écrivains, les profs d’université, tous ceux qui parlent au nom du peuple), se mettent secrètement d’accord avec l’Etat pour défendre le parlementarisme et détruire la révolution sociale. D’un côté, la terreur, les arrestations, les assassinats, les emprisonnements, les disparitions, et comme ce n’est pas assez efficace, la cooptation des personnes les plus représentatives (les religieux, les réformistes), les gens acceptables qui ne veulent que réformer le nouveau et “ fragile Etat kurde ”, dont il faut “ préserver la jeune expérience ”. Quelle expérience veulent-ils défendre quand ils disent, au nom de l’Etat capitaliste: tais-toi et ne lutte pas?! Nous leur répondons : vous êtes une partie de l’Etat mondial, mais nous faisons partie de cette situation révolutionnaire, qui, avec sa propre expérience, s’étend partout, jalon après jalon, par ses victoires sur le capital mondial, y compris l’Etat au Kurdistan.
L’Etat veut pacifier et citoyenniser la lutte, avec la permission de la police et, face aux caméras des médias, il nous demande de dire au monde qu’on veut des réformes, de nouvelles élections et seulement changer de gouvernement. Ils font cela parce qu’ils ont peur de la généralisation de la lutte à d’autres régions.

Nous déclarons de nouveau : organisons-nous nous-mêmes, dans une même communauté de lutte, généralisons le mouvement partout. C’est notre force et la seule garantie de la victoire pour détruire cette société inhumaine.

Vive le soulèvement du prolétariat !
A bas le système du travail et l’Etat !
En avant pour la révolution communiste !

Groupe Communiste Internationaliste
février 2011.




Contre la dictature de l’économie

Vive la révolte internationale du prolétariat !


Quelle est la différence entre ces révoltes dans le “ monde arabe ” et les révoltes précédentes en Amérique latine, en Grèce ou dans les banlieues françaises ? Quelle différence peut-il y avoir entre les luttes des prolétaires en Algérie, Tunisie, en Égypte, en Lybie, au Bahreïn, en Syrie, au Yémen… et en Bolivie, en Chine? Elles n’ont pas de causes différentes, elles n’ont pas d’ennemi différent, elles n’ont pas de perspectives différentes. Si elles éclatent encore de manière décalée dans le temps, c’est d’une part en raison de la capacité du capital mondial à attaquer paquet par paquet le prolétariat, à étaler les plans d’austérité en fonction des directives des appareils de contre-insurrection, et d’autre part à cause de l’incapacité du prolétariat à coordonner ses propres luttes.
Les grands moyens de désinformation que sont les médias ont fait l’impossible pour occulter la réelle force de la révolte prolétarienne. Pour la bourgeoisie, la perspective que sa domination soit déstabilisée n’est pas de la fiction : il faut à tout prix éviter que cette lutte ne devienne un exemple pour d’autres prolétaires dans le monde. Tout doit y être présenté comme différent de nous, sauf la mystification démocratique qui serait le paradis pour tous ! La lutte sociale à laquelle nous assistons dans une partie chaque fois plus étendue de la planète n’est pas une lutte pour plus de démocratie, ni pour imposer telle ou telle secte religieuse, et ce n’est pas seulement une lutte contre tel ou tel dictateur. Il s’agit d’une profonde révolte sociale contre le capitalisme mondial qui condamne une part chaque fois plus grande d’êtres humains à devoir supporter de plein fouet la catastrophe de ce système social.
Les augmentations de prix des céréales, des légumes, de la viande… se sont à nouveau généralisées fin 2010 et début de cette année. Les révoltes en Tunisie, Algérie, Égypte, Palestine, Irak, Libye, Syrie… sont d’abord et avant tout des révoltes d’une même classe sociale et pour les mêmes raisons. La survie est chaque jour plus difficile, la lutte contre l’oppression capitaliste chaque jour plus nécessaire. C’est cette identité de nécessités et de perspectives que l’on tente le plus d’occulter derrière des idéologies de “ révolutions démocratiques ” et/ou religieuses.
Il est vrai que la révolte attaque frontalement la domination politique formelle de tel ou tel pays, de tel ou tel dictateur soudainement présenté comme monstrueux par les dirigeants des États-gendarmes. Rien de plus logique que le soulèvement prolétarien éclate d’abord contre les oppresseurs de leur propre État. Rien de plus normal, quand le terrorisme d’État ne s’en sort pas dans une région du monde, que la bourgeoisie comme classe mondiale laisse tomber ceux qu’elle a toujours appuyés. Comme il est normal que les fractions bourgeoises d’opposition qui souhaitent en finir avec la révolution le plus rapidement possible crient à la “révolution démocratique” ou déterminent que l’objectif de celle-ci est uniquement la liquidation d’un tyran.
Au-delà de la liquidation de tel ou tel chef d’État haï, ce qui fait des différentes révoltes une seule lutte mondiale, c’est cette lutte fondamentale pour la survie, la lutte pour la vie contre le monde mortifère du capitalisme, contre la dictature du marché et du profit. Ce qui est important ce n’est pas ce qui figure sur chaque drapeau ou consigne mais de voir que la négation de tel ou tel personnage contient en même temps la négation du monde capitaliste et donc la possibilité que le prolétariat sous d’autres latitudes se reconnaisse dans ces luttes.
Nous saluons l’attaque des prolétaires contre les bastions et symboles de chacune des dictatures régionales, contre chacun des tyrans, des tortionnaires. Mais dans ces attaques nous réaffirmons l’universalité de cette lutte qui surgit de la contradiction générale entre capitalisme et humanité, entre capital et terre, entre la survie de ce système social et la nécessité pour l’espèce humaine de détruire pour toujours ce système social mondial.
S’il s’agit évidemment de lutter contre la dictature, ce n’est pas contre telle ou telle dictature politique particulière mais bien plus largement contre la dictature sociale et générale du capitalisme.

Vive la lutte contre tous les dictateurs !
Vive la lutte contre la dictature sociale et mondiale !

La fabrication idéologique des “ révolutions démocratiques ” n’est évidemment pas seulement une question idéologique. Les drapeaux que les campagnes d’information relaient et promeuvent sans cesse sont en même temps les limites du mouvement même du prolétariat. De plus, toutes les agences de sécurité, les forces militaires et les structures d’espionnage et de sabotage agissent pratiquement pour transformer ces profondes révoltes sociales en simples luttes politiques entre fractions bourgeoises, entre puissances impérialistes.
Face au prolétariat mondial, et particulièrement quand celui-ci réaffirme sa perspective révolutionnaire internationale de détruire le capitalisme mondial, quand la voie des réformes ne suffit plus à neutraliser la force sociale de la classe prolétarienne, la bourgeoisie internationale a comme unique perspective la destruction de cette force en la canalisant dans des polarisations interbourgeoises et interimpérialistes.
C’est à cette réalité qu’obéissent les actions militaires menées en Libye sous la direction des États-gendarmes. Elles ne veulent pas seulement s’approprier le pétrole libyen ni faire prévaloir leurs intérêts particuliers comme fractions bourgeoise. Leurs actions continuent à avoir le même objectif que celui de Kadhafi : liquider la révolte prolétarienne ! Ranger les combattants dans l’un ou l’autre camp impérialiste !

Contre la guerre impérialiste : la guerre sociale !
La lutte des prolétaires au Maghreb et au Moyen Orient est notre lutte !
L’ennemi c’est le capitalisme et la dictature du marché mondial.
L’objectif est le même partout : la révolution sociale !
Destruction du capitalisme et de l’État !



Groupe Communiste Internationaliste – Mars 2011
http://gci-icg.org et notre email info@gci-icg.org





LA LUTTE PROLÉTARIENNE DANS D’AUTRES PAYS EST NOTRE LUTTE !


La lutte actuelle dans d’autres pays : tunisie, égypte, libye, yémen, bahreïn, oman, jordanie, maroc, irak, iran, arabie saoudite, côte d’ivoire, bangladesh, corée du sud, chine, islande, angleterre, france, irlande, espagne,portugal, italie, turquie, grèce, états-unis, brésil, chili, bolivie,… [ les noms de pays sont en minuscule dans l’original - ndr] est notre lutte parce que l’actuelle et catastrophique crise capitaliste est mondiale et nous attaque nous, les prolétaires de partout, en intensifiant notre exploitation; parce que les conditions précaires de vie des prolétaires de là-bas sont les mêmes que les prolétaires d’ici; parce que les frères de classe sous ces latitudes sont occupés à lutter en réponse à cette crise et aux conditions d’existence qu’elle provoque; parce que, comme le capital, nous, les prolétaires, nous n’avons ni patries ni frontières; parce que notre classe et notre lutte sont mondiales.
Ce n’est pas en vain si la rage sociale qui s’est accumulée et qui s’est déchaînée sous la forme de révoltes dans un pays ou un coin du monde se transmet de manière vertigineuse dans d’autres pays, tel un effet domino ou une traînée de poudre. Elle a ouvert de la sorte la possibilité pour que cette nouvelle vague de luttes s’étende aussi aux pays sud américains comme en équateur, où la contre-révolution citoyenne et le capitalisme du 21ème siècle peuvent encore maintenir ahuri démocratiquement la majorité de la population avec de bons cadenas sabatinas (ndr.: exercice médiatique du président Correa qui tout les samedis adresse un discours public pour justifier sa gestion), des débats sur des lois, des “ consultations populaires ” et, en général, sur des sujets purement bourgeois et secondaires sur lesquels s’entretiennent les droites et les gauches du capital en déviant volontairement l’attention de ce qui est réellement important: nos conditions matérielles d’existence, la crise mondiale, la lutte des classes… Équateur où en même temps, le chômage, le sous emploi, la précarité, la pauvreté, la déprédation de la nature, la cooptation pour la répression de la protestation sociale, en d’autres mots, là où l’exploitation capitaliste et l’oppression étatique sont à l’ordre du jour et continuent à faire des siennes.
Il est donc fort probable que les effets de la crise capitaliste actuelle ne tardent pas à se faire sentir avec force dans nos poches et dans nos estomacs, quand cette même crise mondiale oblige le gouvernement du patron-flic Correa –grenouille de bénitier, ennemi de notre classe– à imposer des mesures d’austérité. En réponse à cela, nous, les prolétaires, nous devons nous lancer dans les rues (comme nos frères/sœurs prolétariens au moyen-orient et en grèce) pour lutter contre la pénurie, la faim et la misère causées uniquement par cette maudite dictature démocratique de l’économie. Pour lutter en profondeur, pour tenter d’émanciper nos vies des griffes du travail, de la routine, de la propriété privée, de l’argent, de l’Etat, de la police, de la patrie, des institutions, des idéologies, des chefs, de la concurrence, de l’individualisme; et, dans le feu de la lutte, côte à côte avec nos frères/sœurs de classe, tenter d’arrêter d’être des marchandises et tenter de reconstruire notre authentique communauté humaine mondiale contre le capital, pour vivre une vie qui mérite d’être vécue. Cela n’est déjà plus une utopie; ça ne l’a jamais été, c’est une possibilité depuis qu’existe le capitalisme et aujourd’hui s’ouvre à nouveau le chemin grâce au nouveau cycle mondial de luttes prolétariennes qui est en train de remettre en question l’ordre social bourgeois.
Si la révolte prolétarienne vient à éclater dans ce coin, il est alors fort probable que tout le pouvoir bourgeois-étatique, apparemment si solide et indestructible, commence à être remis en question et à être contesté dans les rues. Que toute forme de prison étatique et sociale commence à s’effondrer ! Et au plus haut se situe le vol de ces gouvernements capitalistes, populistes et répressifs du “ socialisme du XXI siècle ”, au plus dure sera leurs chutes. Les dernières manifestations des prolétaires en bolivie contre les mesures économiques gouvernementales lancent des signaux clairs à ce propos… Et au centre de ce scénario possible: les nécessités humaines réelles, la vie même qui se pose antagoniquement au capital et à l’Etat.
Les bourgeois et les hommes politiques de ce pays et des autres, même s’ils le dissimulent ou l’occultent bien, sont déjà en train de grincer des dents de peur face au fantasme du prolétariat en lutte, au fantasme du communisme. De fait, les luttes contagieuses que livre notre classe dans divers endroits sont la preuve la plus irréfutable que le monde capitaliste entier se trouve aujourd’hui soumis à une catastrophe irréversible à long terme. Le capitalisme ne peut plus apporter une solution de fond et durable à ses contradictions ! Le capitalisme est devenu absolument incompatible avec toutes formes de vie qui existe sur la planète, parce qu’il la rend malade et la détruit complètement (en provoquant ainsi les dites “ catastrophes naturelles ”) ! La seule chose que puisse nous offrir ce système c’est la misère, la barbarie, la dévastation et la mort: les tragédies en libye et au japon ne sont rien d’autre que des exemples de cette catastrophe capitaliste !
Cependant, la crise mondiale actuelle ne signifie pas la fin du capitalisme, puisque celui-ci s’alimente de ses crises pour se renouveler et maintenir son fonctionnement “naturel” basé sur l’exploitation et la domination sur notre classe. C’est pourquoi, nous ne croirons pas complètement en la crise du capital tant que les bourgeois et leurs laquais ne commenceront à se suicider en masse, et pas avant que nous, les prolétaires, nous ne commencions à comprendre dans cette lutte que l’unique solution radicale et totale à la crise du capitalisme est la révolution sociale, la destruction insurrectionnelle de ce système qui nous détruit quotidiennement et la construction d’une société sans exploiteurs ni exploités, sans oppresseurs ni opprimés : le communisme, l’anarchie…
Malgré les limites et les obstacles des révoltes en cours (manque de constitution du prolétariat en sujet révolutionnaire avec un programme et une force propre, illusions démocratiques et nationalistes, manque de coordination internationale de ces révoltes, répressions sanguinaires –qui a fait des milliers de morts– et/ou des “ réformes démocratiques ” faites par l’Etat, etc), il n’y a aucun doute sur le fait que le lion prolétarien n’est par un géant endormi. Il se réveille. Il réémerge, il résiste, il contre-attaque et ce n’est que le début…
Comme nous l’avons déjà dit, il est fort probable que cette traînée de poudre s’étende et arrive à cette région de la planète. Même comme ça, rien ni personne ne peut le garantir. C’est une possibilité qui, pour qu’elle se concrétise, dépend de nous-mêmes, ceux qui n’ont rien à perdre, les prolétaires. En luttant pour satisfaire nos besoins vitaux, ce que nous faisons ou arrêtons de faire autonomement en tant que classe contre le système capitaliste est déterminant pour que cela se passe. Et c’est précisément pour cela que nous lançons un appel. Rien ni personne ne peut non plus garantir une victoire. Il ne faut pas se faire d’illusions. Ce qui est certain c’est que “ si nous luttons, nous pouvons perdre, mais si nous ne luttons pas, nous sommes perdus ”.
Alerte, prolétaires d’ici et de partout ! La solidarité internationaliste de classe est aussi notre arme ! Empoignions la contre nos ennemis ! Diffusons ces luttes prolétariennes internationales, tirons des leçons de celles-ci et multiplions-les ! Luttons contre “ notre ” “ propre ” bourgeoisie et “ notre ” “ propre ” Etat ! L’ennemi et la lutte de notre classe sont les mêmes partout ! Faisons de l’agitation, organisons-nous, résistons, luttons avec les moyens qui sont à notre portée pour que l’incendie de ces révoltes contre le capital s’étende, arrive ici et ailleurs, continue et se radicalise, jusqu’à se convertir en guerre de classes mondiale et en révolution communiste mondiale !   

Le capitalisme est en crise ? Qu’il explose une bonne fois pour toutes !
Le capitalisme ne se réforme pas, ni ne se soigne, il est à détruire !
L’unique solution ? Le Communisme et l’Anarchie !
Contre la dictature démocratique de l’économie, imposons la dictature de nos besoins humains !

Notre classe prolétarienne n’a pas de patries !
Solidarisons-nous avec les luttes prolétariennes dans d’autres pays
en luttant contre “ notre ” “ propre ” bourgeoisie et “ notre ” “ propre ” Etat !
Pour la Guerre de Classes Mondiale !
A bas tous les Etats et toutes les frontières !
Luttons pour la Révolution Prolétarienne Mondiale !  


Proletarios Salvajes
Quito (équateur)  Mars 2011. 12
comunismoobarbarie@gmail.com



Le même cœur, la même nécessité de vivre… nous changerons le monde de base !



Les travailleurs du monde entier sont les seuls qui puissent en finir avec l’exploitation et l’oppression sociale capitaliste et nous affranchir de la misère dans laquelle se décompose toute l’humanité. Ceci n’est pas une création idéologique de notre part ni une invention prophétique communiste mais bien une réalité historique qui se rebelle contre toute idéologie bourgeoise et qui se manifeste par de massives et combatives luttes prolétariennes partout dans le monde.

Le prolétariat démontre une fois de plus sa condition de classe révolutionnaire, tout le monde vibre au rythme des derniers événements en Egypte et dans les pays voisins. Les bourgeois pleurent, se réunissent, conspirent, font appel à leurs économistes, conseillers et prophètes, ils ne savent pas quoi faire avec les révoltes et les soulèvements des exploités. Des milliers de nos frères se lèvent, rompent les chaînes qui les attachent à la machinerie bourgeoise et prennent leur vie en main. Il ne leur reste pas d’autre chemin, ils se regardent, et voient la même douleur dans leur vie, la même plainte pour le futur de leurs enfants, l’indignation face à l’injustice, et le plus important : ils voient qu’il n’y a qu’eux qui puissent changer leur existence infâme. Les grèves, les protestations dans la rue, la prise de locaux, les barricades, les débats spontanés, l’organisation autonomes des quartiers, les saccages collectifs sont les strophes de la poésie appelée révolte sociale.

Ils n’ont jamais rien eu, nous qui écrivons ceci le savons très bien, nos frères qui ont défié le couvre-feu, les tanks, les bombes lacrymogènes, les balles, les policiers et militaires. Peur de mourir ? Tous les jours nous nous levons et nous existons pour travailler, enrichir quelqu’un d’autre, faire ce qu’on nous ordonne et être jeté à la rue quand nous “ coûtons ” trop cher ; la seule peur que nous pouvons avoir est de passer dans ce monde et ne pas savoir ce que c’est de vivre pour de vrai. C’est le moteur de la lutte et aussi la preuve que la classe travailleuse se réveille, les balles ne peuvent détruire l’espoir d’un monde nouveau, et que nous sommes les seuls à pouvoir émanciper l’humanité de la servitude salariée.

Les quartiers du Caire, de Suez et d’Alexandrie existent pour lutter, le poing levé est la constante en ces lieux. Nous sommes si loin géographiquement de ces quartiers et en même temps si proches des intérêts qui se défendent là-bas ! Nous autres, un secteur des travailleurs du Pérou, nous faisons aussi partie de cette grande masse dépossédée, qui vit et ressent la même exploitation, la même misère, la même pourriture d’un système qui s’alimente de notre vie, de nos fils et de leur innocence, de nos parents et de leur fatigue, de nos frères et de leur jeunesse, de nos rires, joies et rêves. Mais nous faisons partie aussi de l’espoir d’un pouvoir qui surgit, d’un poing qui se lève et frappe, bien qu’à tâtons, mais chaque fois plus près de l’objectif, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Grèce, la Tunisie, l’Algérie, la Chine, le Bangladesh et maintenant l’Egypte… Nous faisons partie d’un géant qui commence à se réveiller, un géant qui commence à se souvenir de ses anciennes batailles contre le démon anthropophage appelé capitalisme et voit un futur prometteur.

La classe des exploiteurs, les maîtres de tout, les maîtres du monde, et ceux qui se sont emparés de notre vie, veulent nous faire penser que les luttes que nous sommes en train de développer ont pour but d’atteindre la démocratie, d’expulser quelque politicien corrompu,  trouver plus de liberté à l’intérieur du capitalisme. Ils veulent nous faire croire que nous luttons seulement pour réformer l’exploitation et la misère, que nous ne luttons pas pour en finir avec ce monde bourgeois, la racine de nos problèmes, mais bien pour le rendre “ un peu meilleur ”. On ne va pas leur permettre de nous duper, d’ici nous dénonçons ces idéologues bourgeois qui, déguisés en défenseurs de nos droits, sont des gauchistes, des nationalistes, des social-démocrates, qui veulent nous faire dévier de notre lutte parce qu’ils veulent nous diriger, ils veulent que nous donnions notre vie pour leur amener le pouvoir et continuer la servitude et l’esclavage. Nous seuls, travailleurs, organisés de façon autonome, pouvons créer un nouveau pouvoir pour décider quoi faire de nos vies et le monde que nous sommes les seuls à pouvoir faire bouger ou arrêter.

Pendant que nous sommes en train d’écrire cette sorte de déclaration, en Egypte se réunissent des millions de nos frères, sans peur et le cœur à nu, l’humanité retient son souffle, son existence dépend uniquement de nos futures luttes. En réalité nous ne savons pas comment se terminera ce processus de combat, cette étape de la lutte historique des exploités contre les exploiteurs, nous ne savons même pas si le poids des idéologies religieuses et gauchistes aura imprégné nos frères. Mais ce que nous savons c’est que cela ne s’arrêtera pas avec une réforme et le départ d’un président. Chaque génération prolétarienne se nourrit des luttes, prend confiance en elle-même, dans l’ensemble des leçons que la classe nous a laissées. La solidarité a été et sera présente dans ce processus, il n’y a que lorsque nous sommes unis que nous sommes forts. Qu’importe comment finira cette bataille, ce sera une grande avancée pour nous dans cette guerre contre le capital.

Notre victoire finale se rapproche chaque jour, elle n’est maintenant plus aussi lointaine que nous le pensions, bien qu’il reste un long chemin à parcourir. L’exemple de l’Egypte comme celui de la Grèce et de la Tunisie alimente l’esprit révolutionnaire et montre le chemin que nous devons suivre, ce sont les étincelles de la grande explosion que sera la révolution.

D’ici nous sentons l’ambiance de la lutte prolétarienne au Caire, Suez et Alexandrie, depuis le Pérou nous ressentons cette émotion indescriptible de nous savoir vivants, de savoir que rien ne fut vain, que l’histoire nous appuie, et que le futur attend d’être construit par l’humanité libre de l’esclavage salarié, libre des classes sociales, libre de l’exploitation. Bien que le chemin ne soit pas encore clair, et que nos coups soient mal ciblés, quelle joie nous ressentons en sachant que nous nous libérons des vieilles attaches, que la classe commence à reconnaître son vrai ennemi et à savoir quelles formes l’affrontement doit prendre ! Les armes de la classe ont été déployées massivement : Le Débat, Les Assemblées, La Grève, La Réflexion, La Solidarité, La Confiance dans le Futur…

Nous terminons en remerciant de tout cœur nos frères travailleurs qui sont en train de lutter, nous sommes une partie de vous, vous nous avez remplis de joie, vous avez rempli nos veines de sang révolutionnaire. Avec vous, nous ferons partie de la révolution mondiale de demain.



Alerte prolétaires, un nouveau monde nous attend !

Prolétaires de tous les pays unissons-nous !



Groupe d’Eclaircissement Communiste.
http://esclarecimientocomunista.blogspot.com/
 



Lutte de classe au Maghreb et au Machrek 1…
Lutte de classe dans le monde entier…

Depuis des semaines et des mois, un fort mouvement secoue le soi-disant “ monde arabe ”, qui n’est rien qu’une partie de l’ensemble du monde du capital. Des pays comme la Tunisie, l’Egypte, le Yémen, Bahreïn, la Libye, la Syrie, etc., des villes comme Tunis, Gafsa, Sfax, Kasserine, Le Caire, Alexandrie, Suez, Sanaa, Aden, Tripoli, Benghazi, Misrata, Tobrouk, Damas, Deraa, Latakieh, Homs, etc. sont en feu et brûlent de notre colère sociale. Protestations et manifestations, affrontements avec la police et les unités spéciales, grèves massives et violentes, pillages, incendies de banques et d’institutions de l’Etat, actions de solidarité et agitation, mise en place de comités et de “ shoras ”… tout cela et beaucoup d’autres choses sont des expressions du mouvement prolétarien qui s’est développé à travers ces régions. C’est notre perspective de classe qui émerge de ces “ révoltes populaires ” – tant en organisant des structures afin de distribuer de la nourriture et de l’aide médicale en-dehors et contre les rapports d’échange comme à Misrata par exemple, que lorsque des ouvriers détruisent le quartier général du syndicat officiel égyptien, ou encore lorsque des manifestations de défaitisme révolutionnaire éclatent en Arabie saoudite contre leurs “ propres ” troupes qui sont envoyées pour écraser la rébellion au Bahreïn.
Les médias continue cependant à décrire le mouvement soit comme une lutte contre la dictature et pour la démocratie, soit comme une action de vandales irresponsables et d’agents provocateurs payés par la CIA ; ces deux versions ayant pour but de toujours occulter et falsifier la véritable et profonde nature de notre mouvement de classe. Sarkozy, Obama, Cameron, Ban Ki-Moon, Schwarzenberg ou Chavez, aussi bien que d’innombrables autres analystes et journalistes politiques et militaires, tous nous offrent telle ou telle explication du mouvement. Ce n’est pas surprenant. Ils le dépeignent de la façon qui corresponde le mieux aux intérêts bourgeois. Et ces intérêts sont clairs : maintenir son ordre mondial, ébranlé par le mouvement prolétarien, par tous les moyens possibles en poussant ses fractions indésirables à quitter le pouvoir et en proclamant “ la révolution victorieuse ” d’un côté (comme en Egypte ou en Tunisie), et écraser les rebelles en envoyant des unités spéciales et des armées contre eux (comme au Bahreïn) d’un autre côté. Quelle que soit la méthode, la tâche est la même – prévenir l’extension du mouvement à “ nos pays bien-aimés ” en insistant sur le fait que les événements sont déterminés par les conditions spécifiques comme les “ régimes autoritaires ”, la “ mentalité moyen-orientale ”, les “ rapports tribaux ”, l’“ avidité pour le pétrole des conspirateurs impérialistes ”, etc. En dépit du fait qu’une telle possibilité n’est pas encore à l’ordre du jour ici, son fantôme hante la bourgeoisie européenne (sûrement plus en Grèce, au Portugal ou en Irlande qu’en République tchèque) et la bourgeoisie dans le monde entier.
C’est parce que c’est la réalité matérielle de la vie partagée par tous les prolétaires autour du globe ; la réalité de l’exploitation, de la pauvreté et de la terreur d’Etat qui est la véritable raison de toute lutte de classe. Hausse des prix des produits de base comme la nourriture, l’essence, l’eau et l’électricité, augmentation du taux de chômage et généralisation des conditions de travail précaires pour ceux qui ont encore un boulot, baisse du salaire réel, problèmes de logement, les prolétaires à travers le monde doivent faire face à cette situation, de l’Europe centrale à la Russie, de l’Amérique du Nord à l’Indonésie, et tout ces problèmes sont aussi la vraie cause du mouvement de l’actuelle lutte de classe au Maghreb et au Machrek.
C’est parce qu’aucun changement de gouvernement ou de régime ne peut résoudre ces problèmes car ils sont le modus vivendi du capital. Grèves, émeutes et expropriation collective de marchandises continuent encore même après que Moubarak et Ben Ali aient été renversés, et que de nombreux gouvernements soient tombés. Les ouvriers textiles d’El-Mahalla El-Koubra ainsi que les ouvriers du canal de Suez ou les ouvriers agricoles et d’autres partout en Egypte ont lancé un mouvement de grève massif pour une augmentation du salaire minimum et contre les prix élevés de la nourriture. Farouchement dénoncé par toutes les fractions bourgeoises en Egypte (l’armée mais aussi les Frères musulmans ou la clique de Mohamed El-Baradei), le mouvement de grève continue en Egypte (comme en Tunisie), en défiant directement son interdiction émise par le gouvernement militaire. Le “ Conseil National de Transition ” libyen (CNT) revendique comme objectif la “ restauration de la vie civile habituelle ”, ce qui en réalité signifie la dépossession des prolétaires de leur propre vie et de son organisation. En désarmant les insurgés et en restaurant le monopole de la violence en faveur de l’Etat, le CNT organise des gardes armés pour maintenir l’ordre sur les champs pétroliers et les raffineries qui avaient subi des actions de grève au début du soulèvement.
C’est parce que tout mouvement prolétarien contient les graines du renversement du capitalisme et exprime la perspective de la communauté humaine sans classe qui se construira sur les cendres de ce vieux monde. Le mouvement prolétarien au Maghreb et au Machrek exprime cette perspective d’une façon limitée et avec beaucoup de faiblesses mais de façon suffisamment forte pour révéler les intérêts prolétariens qui sont antagonistes à ceux des bourgeois. En Libye, le mouvement fit un pas en avant et a organisé une insurrection qui a obligé la bourgeoisie à intervenir (via les bombardements de l’OTAN ainsi que les négociations diplomatiques) et à créer deux camps : la nouvelle/vieille (la moitié d’entre eux sont des hauts fonctionnaires de l’ancien régime) fraction bourgeoise organisée dans le CNT et le “ colonel socialiste ” Kadhafi (l’associé commercial bien-aimé des fractions bourgeoises occidentales jusqu’à très récemment), afin de détourner la frontière entre prolétariat et bourgeoisie, et de transformer la guerre de classe en une guerre civile sanglante.
En Egypte, Tunisie, Libye, Irak, Syrie, au Yémen et Bahreïn, en Grèce et Chine, au Royaume-Uni, Wisconsin et Chili… en République tchèque… partout dans le monde, le capital nous offre soit de mourir lentement au turbin quand il a besoin de notre force de travail, soit la destruction physique de nos vies quand il n’en a plus besoin.

En Egypte, Tunisie, Libye… ce sont nos frères et sœurs de classe, c’est notre classe qui lutte contre le capital et son Etat.
Leur lutte est la nôtre !
Affirmons sa perspective prolétarienne
contre toutes les mystifications démocratiques !

Groupe Guerre de Classe - Avril 2011 - http://www.tridnivalka.tk - E-mail : tridnivalka@yahoo.com




1. Contrairement à l’idéologie euro-centriste qui ne peut considérer le monde qu’en tant qu’entités séparées avec un centre (l’Europe et l’Amérique du Nord) et la périphérie (le reste du monde), nous préférons utiliser les termes arabes “ Maghreb ” (qui signifie le “ Couchant ”) et “ Machrek ” (le “ Levant ”), c.-à-d. l’ouest et l’est de l’aire “ arabo-musulmane ”, plutôt que les expressions Proche- et Moyen-Orient… Proche de quoi ? De l’Europe, bien sûr !





Qu’ils s’en aillent tous !



Nous sommes nombreux à avoir ces jours-ci conflué dans les rues pour protester. Nous nous sommes tous identifiés au refus des partis politiques, des syndicats, des employeurs… Nous nous sommes avant tout rendu compte que nous sommes arrivés à la limite. Qu’on en a ras-le-bol d’être les parias de ce monde. Que nous ne supportons plus que quelques-uns se remplissent les poches et vivent comme des rois, tandis qu’à nous autres, on nous sert la vis au-delà de toute limite, avec l’excuse de maintenir la santé de la sacro-sainte économie. Que nous savons que pour changer cela nous devons lutter nous-mêmes en marge des partis, des syndicats et autres représentants qui prétendent être nos représentants.
Plus que tout, cette réalité exprime une question fondamentale qui affecte le monde entier : la contre-position des besoins et intérêts entre l’économie et l’humanité. Cela nos frères rebelles, en Afrique du nord, l’ont parfaitement compris, cela nous le comprenons aujourd’hui, ici, quand la situation est déjà insoutenable pour nous tous et que nous sortons pour lutter. Nous avons supporté l’insupportable, nous avons souffert d’une dégradation de nos conditions de vie qui ne s’est pas produite depuis des décennies. Mais finalement nous avons dit basta !, et nous sommes ici, exprimant notre refus de tout ce système infernal qui transforme notre vie en marchandise.
Nous voulons exprimer avec force notre refus tranché de l’étiquette de citoyen. Sous celle-ci s’agglutine toute bête vivante depuis le politique au chômeur, depuis le dirigeant syndical à l’étudiant, depuis l’employeur plein aux as à l’ouvrier le plus misérable ; on mélange des conditions de vie totalement antagoniques. Pour nous il ne s’agit pas d’une lutte de citoyens. C’est une lutte de classe entre exploités et exploiteurs, entre prolétaires et bourgeois, comme disent certains. Chômeurs, travailleurs, étudiants, pensionnés, émigrants… formons une classe sociale sur laquelle retombe, dans une plus ou moins grande mesure, tous les sacrifices. Les politiciens, les banquiers, les patrons… forment l’autre classe de la société, celle qui bénéficie, également dans une plus ou moins grande mesure, de nos pénuries. Celui qui ne veut pas voir la réalité de cette société de classe, vit au pays des merveilles. Arrivés jusqu’ici en protestant sur les places de nombreuses municipalités du pays, il est l’heure de réfléchir, de concrétiser nos positions, d’orienter bien notre pratique. L’hétérogénéité est grande sans aucun doute. Tous ont conflué, des camarades qui ont de nombreuses années de lutte contre ce système, d’autres qui sortent pour la première fois dans les rues, quelques-uns qui veulent jouer clairement “ le tout pour le tout ” (“ nous voulons tout et maintenant ”, indiquait une pancarte à la Puerta del Sol), d’autres parlent de réformer certains aspects, d’autres se retrouvent désorientés, d’autres veulent seulement manifester leur ras-le-bol… Et il y a aussi ceux, il faut bien l’avoir en tête, qui tentent de pêcher dans le fleuve agité, qui cherchent à canaliser ce mécontentement pour en neutraliser la force, en profitant des indécisions et faiblesses que nous portons. Depuis longtemps une chose que nous avons discutée entre divers camarades dans les rues, c’est que notre force est dans le refus, dans le mouvement de négation de ce qui nous empêche de vivre. C’est ce qui a forgé notre unité dans les rues. Nous pensons que c’est dans ce sens qu’il faut avancer, approfondir et concrétiser mieux notre refus. C’est pour cela, parce que la force nous l’avons dans cette négation, que nous voyons clairement que nous ne solutionnerons pas nos problèmes en exigeant d’améliorer la démocratie, comme certaines consignes l’ont exprimé, ni même en revendiquant la meilleure démocratie que nous puissions imaginer. Notre force est dans le refus que nous sommes en train de manifester à la démocratie réelle, la démocratie, “ de chair et d’os ”, dont nous souffrons jour après jour et qui n’est rien d’autre que la dictature de l’argent. Il n’y a pas d’autre démocratie. C’est un piège que de revendiquer cette démocratie idéale et merveilleuse, qu’ils nous content depuis tout petits. De la même manière il ne s’agit pas d’améliorer tel ou tel autre aspect, parce que ce qui est fondamental restera debout : la dictature de l’économie. Il s’agit de transformer totalement le monde, de le changer de haut en bas. Le capitalisme ne se réforme pas, il se détruit. Il n’y a pas de chemin intermédiaire. Il faut aller au fond, il faut aller jusqu’à l’abolition du capitalisme.
Nous avons occupé la rue à quelques jours de la fête parlementaire, cette fête où on élit la gueule de celui qui exécutera les directives du marché. Bien, c’est un premier pas. Mais nous ne devons pas en rester là. Il s’agit de donner de la continuité au mouvement, de créer et consolider des structures et des organisations pour la lutte, pour la discussion entre camarades, pour affronter la répression qui nous a déjà frappés à Madrid et Grenade. Il faut être conscient que sans la transformation sociale, sans révolution sociale, tout continuera comme avant.
Nous appelons à continuer à montrer tout notre refus du spectacle du cirque électoral de toutes les manières que nous pouvons. Nous appelons à lever partout la consigne “ qu’ils s’en aillent tous !” Mais nous appelons aussi à ce que la lutte continue après les élections du dimanche 22. A ce que nous allions bien au-delà de ces jours. Nous ne pouvons laisser mourir les liens que nous sommes en train de construire. Nous appelons à la formation de structures pour lutter, nous appelons à développer nos contacts, à coordonner le combat, à lutter dans les assemblées qui sont en train d’être crées, en faisant d’elles des organes pour la lutte, pour la conspiration, pour la discussion de la lutte, non pour des meetings citoyens. Nous appelons à nous organiser dans tout le pays pour lutter contre la tyrannie de la marchandise.




Dans la rue, luttons !
La démocratie c’est la dictature du capital !
Le capitalisme ne se réforme pas, il se détruit !


BLOQUE “ QUE SE VAYAN TODOS ! ” qsevayan@yahoo.es  - 19 mai 2011.
Nous encourageons la reproduction et la diffusion de ce texte par tous les moyens appropriés.







BOLIVIE

“ Si c’est ça le changement, le changement c’est de la merde ”



LE CHANGEMENT : RAISONS ET PROMESSES.


Les luttes historiques et exemplaires du prolétariat en Bolivie ne sont pas suffisamment connues internationalement.  La structuration impériale du monde capitaliste est telle que ce qui se passe dans cet endroit du monde est sous estimé, déprécié, méconnu. Toutes les idéologies eurocentristes et yankicentristes agissent dans le sens d’un isolement du prolétariat dans cette région, de la même manière qu’elles agissent toujours pour surestimer ce qui se passe “ dans le centre ”. “ Ce qui se passe dans ce pays n’est pas très important ”, “ ce n’est qu’une question d’indiens ” (même si ça ne se dit pas, c’est ce qu’on pense jusqu’à Buenos Aires !), et c’est pourquoi les prolétaires en Europe, aux États-Unis, en Asie et même dans les autres pays d’Amérique Latine n’ont pas la moindre idée de ce qui s’y passe. Par contre, certains n’arrêtent pas d’être surpris de constater que oui, le prolétaire en Bolivie se préoccupe de s’informer de ce qui se passe ailleurs : déjà à la grande époque des radios de mineurs1, on savait plus de choses  et on discutait plus dans cette zone du monde que n’importe où ailleurs, sur la lutte de classes internationale.
Dans cette revue, il nous a semblé indispensable de souligner, à contre-courant, quelques éléments sur ce qui se passe en Bolivie vu son importance pour le prolétariat international, comme exemple même où la bourgeoisie, en répondant au mouvement social des années 2000-2005, a dû annoncer des changements  importants (comme certains États dans le “ monde arabe ” sont occupés à faire maintenant). Comme nous le décrivons succinctement ici, il est évident que les changements ont été fait pour tout laisser comme avant et attaquer brutalement le prolétariat. Nous voulons également réaffirmer la réponse du prolétariat aujourd’hui : “ si c’est ça le changement, le changement c’est de la merde ”.
Durant ce cycle de lutte des années 2000-2005, le prolétariat en Bolivie avait également lancé ses protestations sur base de ses besoins, luttant pour de meilleures rémunérations mais aussi contre l’exploitation, l’expropriation et la destruction des ressources naturelles de la Terre: , eau, minerai… Là-bas aussi, la démocratie made in USA (le président était plus gringo que bolivien !) a répondu en tirant dans le tas. Contre les grèves, les occupations, les manifestations, les blocages de route, les pillages…, l’État a réprimé terriblement, causant des centaines de morts et de blessés dans les rangs prolétariens (comme le massacre des 12 et 13 février 2002 !).  Le prolétariat n’a pas reculé mais au contraire a accentué toutes les actions et a bloqué tout le pays. Comme en Égypte ou en Tunisie, le prolétariat a généralisé sa lutte contre le pouvoir politique jusqu’à ce que le président s’échappe dans “ son pays ”… les États-Unis 2 ! Le “ gringo ”, l’ “autocrate” avait été détrôné par la révolte prolétarienne !
La crise politico-sociale était si énorme que l’unique manière d’arracher les gens à la rue et à la bagarre a été de faire apparaître une alternative de changement qui passait pour radical. Après la tourmente et une période de calme électrique, où toute la tension était contenue dans l’attente ce qui se passerait, période durant laquelle la Bolivie était présidée par Carlos Mesa, le gouvernement d’Evo Morales s’imposa en apparaissant précisément comme le représentant même du changement. Ce gouvernement ne promit pas seulement la démocratie, le socialisme et de s’opposer au capitalisme en défendant la Mère Terre mais aussi assura qu’il détruirait l’État. Les promesses allaient beaucoup plus loin que celles d’un Lula ou d’un populiste genre Obama ou encore d’un Kirchner. Evo Morales se montra comme une carte si radicale qu’il annonça non seulement qu’il en finirait avec la structure colonialiste et impérialiste propre au capitalisme dans la région mais annonça aussi textuellement constituer une alternative mondiale au capitalisme.
Cependant, de promesses en promesses, de discours en discours en aymara, avec des figurations et spectacles nationaux et internationaux3, Morales postposa durant les premières années les réalisations promises et dans une certaine mesure aussi les mesures que le capital international exigeait pour améliorer sa rentabilité. Pendant cette période, il essaye plus que tout de liquider certaines fractions ultra-nationalistes et localistes qui s’opposent à ses “ changements ”. Dans cette première phase, les mesures d’austérité qui avaient toujours été refusées par le prolétariat sont relatives et on cherche plus que tout à créer, fomenter un consensus contre les opposants au changement, ce pourquoi on agite sans cesse le drapeau anti impérialiste et nationaliste. Il est clair que cet affrontement cherche à fortifier de manière populaire le gouvernement afin de préparer ce qui vient ensuite.
Ce n’est que dans son second mandat qu’Evo Morales commence enfin à concrétiser le changement. Ainsi “ le 22 janvier 2010, après être entré en fonction pour son second mandat le réélu Evo Morales a déclaré la naissance de l’État Plurinational. Le remplacement de ce qu’il avait appelé : État colonial. Et c’est ici que la lutte répétée pour la liberté acquiert  une autre dimension, celle de l’intégration de la Bolivie qui reconnaît parmi ces habitants l’existence de 36 nations avec une égalité de droits… Nous avons la responsabilité de sauver le monde, déclara Morales ”4… Apparaître comme une alternative mondiale au capitalisme est devenu dominant dans tous les discours du pouvoir : “ Notre modernité étatique, celle que nous allons construire et celle que nous sommes occupé à construire avec la direction populaire est très différente de la modernité capitaliste. Il faut lui donner un nom : notre horizon étatique est un horizon socialiste ” le vice président Álvaro García Linera après avoir apposé le ruban et les médailles présidentielles à Evo Morales. Le ruban présidentiel était cette fois aux couleurs de l’état plurinationale et avait, en plus du drapeau bolivien, le drapeau des indigènes, le wiphala… Álvaro García Linera déclara que “le vieil État était mort et [que] le nouvel État naissait. C’est exactement comme ça, on enterre l’État monoculturel, uninational, raciste, excluant, classiste, seigneurial, patriarcal et adulto-centrique, prébendiste, corrompu qui provient d’un héritage colonial. Et un nouvel État naît qui a pour but essentiel d’arriver à la décolonisation du pays… ”. Et le Gouvernement d’Evo Morales, en réunion de cabinet, décréta le 22 janvier comme jour férié national.


LA REALITE DU “ CHANGEMENT ” : LA LOGIQUE DU CAPITAL


Tout un programme ! Beaucoup, beaucoup plus que les “ changements ” promis aujourd’hui en Égypte, en Tunisie, au Yémen… ! On ne prétend rien de moins que de changer le mode de production social, de détruire l’État capitaliste et de constituer une alternative pour le monde entier ! Mais, sans détruire la marchandise, ni l’argent !
Aussi radical cela puisse paraître, c’est typique du “ socialisme ” des bourgeois, c’est-à-dire de vouloir changer “ tout ” sauf l’essentiel. “ Socialiser ” est identifié à certaines étatisations (et/ou négociations inter-étatiques) sans détruire ni le marché capitaliste ni la propriété privée des moyens de production 5. Pour ce qui est de détruire l’État et de le changer par un autre, cela a été identifié par le gouvernement en Bolivie à un changement de la Constitution en faisant participer davantage “ le peuple ” et particulièrement les “ nationalités ” indigènes ; le changement s’est traduit par le fait de parler plus dans les langues natives et autres spectacles auxquels les indigènes sont invités à participer sans détruire aucune fonction centrale de l’État capitaliste 6. C’est dire combien ce discours du “ socialisme du XXIème siècle ”, dans la pratique ne change non seulement rien d’essentiel au capitalisme, à l’État, à l’exploitation de l’homme par l’homme,… mais n’est en fait qu’une caricature de plus du socialisme, comme tout “ socialisme ” bourgeois.
En toute logique du point de vue bourgeois, cet État a évidemment besoin d’améliorer le profit capitaliste et pour ce faire, d’augmenter le taux d’exploitation (taux de plus-value) dans toute la société. C’est pour cela que “ le changement ” et surtout “ le changement radical ”, avec le masque indigène d’Evo Morales est devenu la forme basique que la bourgeoisie de la région a utilisée pour imposer les brutales mesures d’austérité que le capitalisme a besoin pour améliorer sa rentabilité. Au plus il y eut une intensification des plans de développement (Plan Stratégique 2010 – 2015), au plus clairement s’est confirmé que “ le changement ” serait toujours plus la même chose ! Même Morales a confirmé que le plus important de ce plan et la tâche centrale de son second mandat serait “ l’industrialisation d’autant de ressources naturelles que nous offre la Terre Mère ” (textuellement repris du président ; il faut évidemment lire : “ priorité totale au développement capitaliste ”). Discours ronflant pour annoncer que la concrétisation du changement serait, en réalité, une attaque à peine dissimulée contre le prolétariat et ses revendications historiques. Nombre de prolétaires étaient conscients que ce discours, ils le connaissaient déjà, qu’il était parfaitement identique à celui de Sanchez Lozada et qu’il attaquerait le prolétariat, ses communautés indigènes et qu’il s’approprierait les “ si nombreuses ressources naturelles que nous offre la Terre Mère ”. Depuis le gouvernement de Morales, on a commencé à confesser qu’on ne pouvait même pas garder l’apparence du changement de l’État : certains membres de ce gouvernement ont expliqué publiquement que la consultation préalable des communautés indigènes était tout simplement une “ perte de temps ”. L’antagonisme entre cet “ État Plurinational des Communautés ” (présenté comme un véritable anti-État !) et la réalité concrète de l’État bourgeois qui ne concède aux communautés que la participation qui l’arrange bien est mis à nu.
“ La centralité de l’État et tout le conglomérat théorique (et pratique) surgi dans la modernité européenne qui porte sur ses épaules le Socialisme du XXIème siècle a converti son profil supposément révolutionnaire en une pratique réformiste qui dans l’absolu est dirigée vers un changement véritablement structurel qui implique le dépassement du capitalisme… En ce qui concerne sa relation avec la proposition de pouvoir anti-étatique de la part des peuples indigènes, cette même action de l’État mène à une nouvelle forme d’indigénisme qui, au travers de l’assimilation de son discours au sein du pouvoir, tente de le neutraliser pour laisser la voie libre à ce qui était le projet des États-nations latino-américains… Durant les derniers jours du mois de juin (2010), la confrontation entre le gouvernement et le mouvement indigène bolivien s’est intensifiée. C’est ainsi que, pendant que Morales célébrait,  à la tête d’une grande multitude, le nouvel an Aymara –converti en fête national-, les indigènes de l’orient entamaient une marche jusqu’à La Paz pour revendiquer leurs droits territoriaux et en faveur de l’autonomie des régions. Alors que Morales accusait les indigènes de recevoir des fonds de l’USAID  (U.S. Agency for International Development), on rendait public que 22 projets du Plan National de Développement sont financés par cette même organisation États-unisienne ”7.
Déjà pendant les dernières années du premier mandat et durant la première moitié de 2010, la contradiction de classes s’est accentuée sur base d’attaques et ripostes, de marches et d’affrontements, de grèves et barrages… jusqu’à ce que le gouvernement adopte le fameux Décret 0748. Ce décret, qui a quasi doublé le prix des combustibles et que le pouvoir a justifié au nom de la lutte contre la contrebande et du développement et de l’économie nationale (en fait, ce sont les multinationales pétrolières qui en tirent profit), a été en réalité une véritable attaque du niveau de vie de tous le prolétariat qui a immédiatement baptisé ces mesures “ el gasolinazo ”.




REPONSE PROLETARIENNE


La réponse prolétarienne au “ gasolinazo ” a été générale : des marches ont été menées, des protestations, des barrages et surtout des attaques et incendies d’installations et institutions privées et étatiques. Etant donné que le prix des aliments et aussi du pain a explosé, les pillages se sont généralisés ainsi que les affrontements violents entre prolétaires et tous types de forces policières à travers tout le pays. Aucun discours gouvernemental n’a pu arrêter le prolétariat se battant pour ses besoins. En très peu de temps, les deux classes de la société se sont à nouveau retrouvées dans la même polarisation que celle de 2000-2005, à savoir en guerre totale. Face à ce souvenir, la trouille du gouvernement a eu comme résultat immédiat que la bourgeoisie et l’impérialisme (en particulier la chaîne internationale d’hydrocarbures dont la plus-value profitait le plus du décret Morales) reculèrent sur toute la ligne : le gouvernement abrogea le décret seulement 5 jours après l’avoir approuvé ! Il faut dire que déjà, les prolétaires de “ El Alto ” et les mineurs avaient menacé de faire une marche depuis Oruro pour évacuer Morales du “ Palacio Quemado ” comme il l’avait fait avec Goni en 2003 !
Mais même à ce prix, le capitalisme n’est pas arrivé à imposer une paix sociale relative. Les effets du “ gasolinazo ” sur les prix n’ont pas disparu avec l’abrogation du décret. Le gouvernement a concédé quelques augmentations de salaires et autres appointements sociaux mais ils auront été totalement insuffisants pour arrêter les protestations. En février, les luttes reprennent à nouveau et des milliers de personnes occupent une fois de plus les rues en protestant contre l’augmentation des prix du “ panier de base ” et en réclamant des augmentations plus considérables de salaires. La COB, qui avait été une alliée du pouvoir d’État, radicalise son discours et convoque de nouvelles manifestations et barrages qui se généralisent à nouveau aux villes principales de tous le pays. La lutte prolétarienne contre le “ gasolinazo ” continue même si le décret a été aboli. En mars et avril, au moment où nous clôturons ce numéro, la lutte poursuit son rythme ascendant. De manière chaque fois plus explicite, le prolétariat répudie le gouvernement du “ changement ” en dénonçant ouvertement que rien n’a changé, que Morales aussi devra s’en aller parce qu’entre le peuple et les multinationales pétrolières, il a préféré ces dernières. Le cri par lequel convergent les manifestants est “ si c’est ça le changement, le changement c’est de la merde ”.
Voilà comment les journalistes qui sont ouvertement contre le mouvement décrivent la situation : “ Hier, les explosions de dynamite, destructions d’ornements publics et le chaos qui s’en suivit dans le trafic ont causé de la désolation parmi la population qui s’est vue à nouveau affectée par ces actes… Les manifestants, dans leur troisième jour de grève indéfinie, ont montré une attitude totalement violente en détruisant les barrières de sécurité qu’utilisent les effectifs policiers pour protéger la Plaza Murillo… Un jour avant, le Ministère du Travail a été l’un des plus touchés, car les manifestants ont jeté des bombes de peinture sur sa façade, ont cassé des vitres et détruit la porte en bois en plus de maculer le drapeau national qui se trouvait là, fait qui a été durement désapprouvé par la population (sic)… Les installations de l’Institut National de Réforme Agraire (INRA) ont également subi des bris de vitres à leurs fenêtres. Au Palais des Communications, les manifestants ont cassé les vitres de la cabine de sécurité avec des pierres et par de petites explosions de dynamite. A la porte de la Cour Supérieur de Justice, il y a également des destructions considérables causées par les dynamitages… Pour cette raison, tous les magasins d’accessoires divers et vêtements de la rue Comercio sont restés portes closes  par peur d’être pillés. ” Extrait de El Diario – 8 avril 2011
Un autre journal bourgeois raconte les faits : “ Avec l’arrivée au Siège du Gouvernement de plus de huit mille mineurs, aujourd’hui tous les secteurs sociaux radicaliseront leurs mesures de pression… Des milliers de travailleurs affiliés à la Central Ouvrière Bolivienne ont été hier les protagonistes d’une mobilisation violente, la plus dure des cinq dernières années du gouvernement du président Evo Morales, en prenant virtuellement le Siège du Gouvernement et en encerclant la Plaza Murillo au milieu de fortes détonations de dynamite causées par des mineurs. Le gouvernement ratifia qu’il n’y avait pas grève s’il y avait de la violence. Durant la seconde journée de protestation, le bâtiment le plus touché a été le Ministère du Travail dont la façade a été lapidée et dont la porte principale a été dynamitée par les manifestants… Les actions violentes ont été réprimées par les forces de police à l’aide d’agents chimiques et en réponse à cela, ils ont reçu des pétards et des pierres de la part des manifestants qui étaient postés à deux pâtés de maison du Palais du Gouvernement, pendant qu’un autre groupe essayait de pénétrer à la Plaza Murillo, rencontrant sur leur passage la résistance policière qui tendait un cordon de sécurité avec des barricades en fer. La police a été une nouvelle fois contrainte d’utiliser les chars anti émeutes… Pendant que les forces de police et les manifestants s’affrontaient dans les rues, le centre de la ville resta virtuellement assiégé à cause de la journée de protestation… ” Extrait de Jornada – vendredi 8 avril 2011.
Et il n’y avait pas que les mineurs mais aussi beaucoup d’autres secteurs du prolétariat qui se jetaient dans la lutte : “ Jusqu’à 21 heures hier soir, les professeurs, les travailleurs de la sécurité sociale et quelques mineurs ont continué à tenter de pénétrer sur la Plaza Murillo. L’affrontement s’est accentué dans le tunnel de la rue Potosí, à trois pâtés de maison du centre de La Paz où même un policier motorisé a pris feu en tentant d’éteindre le feu que les marcheurs avaient laissé allumé ”. Extrait de La Razón – 9 avril 2011.
Durant les jours suivants, au moment de clôturer cet article, le mouvement continue à se généraliser, paralysant et bloquant des routes dans tout le pays. Les ouvriers ruraux et les enseignants y jouent le plus grand rôle. C’est ainsi que la presse informe : “ Depuis hier matin, les enseignants ruraux ont radicalisé les mesures de pression et ont procédé au blocage de la route de La Paz à Oruro, dans les secteurs de Senkata, ils bloquent Achica Arriba, Ventilla et la Apacheta. L’opération a laissé un bilan d’au moins sept blessés parmi les enseignants et les policiers, cependant, durant les affrontements, des journalistes de divers médias ont été agressés tant par la Police que par les enseignants ruraux. Le Commando Régional de la ville de El Alto, en coordination avec le Commando Départemental, avec l’appui d’effectifs de police de l’Unité Tactique d’Opération de Police (UTOP) “ Radio Patrullas 110 ” et la Patrouille d’appui Citoyen (PAC), ont maintenu le contrôle de la route vers Oruro, après un blocage de plusieurs heures dans ce secteur effectué par au moins 5.000 enseignants… Cela fait neuf jours consécutifs que les enseignants urbains, ruraux, avec des mineurs salariés, des travailleurs de la santé et des pensionnés, affiliés à la Centrale Ouvrière Bolivienne maintiennent la grève indéfinie avec des mobilisations, en exigeant du gouvernement l’attention à un cahier de charge de huit points ”. Extrait de El Diario – 16 avril 2011.
Alors que de plus en plus de secteurs prolétariens généralisent la lutte et proclament déjà ouvertement qu’ils n’arrêteront pas “ jusqu’à ce que Morales soit jeté ” (qu’ils qualifient chaque fois plus de “ fasciste ”), le gouvernement parvient seulement à refuser les augmentations de salaires exigés au nom de la rentabilité et les investissements capitalistes : “ le ministre de la Présidence, Óscar Coca, a ratifié hier que le Gouvernement ne peut concéder une augmentation de salaires supérieur au 10% sans porter préjudice à la gestion d’œuvres sociales et projets de gouvernement régionales et municipales… En résumé, il a signalé que dans les critères du Gouvernement, ‘il n’est pas juste que pour augmenter le salaire de quatre secteurs, ou pour destiner (l’argent) uniquement au salaire, il faudrait sacrifier des investissements dans tous le pays, étant donné que cela rendrait invivable la gestion de plus de 200 municipalités et sept de la nouvel gouvernance ” Extrait du journal Cambio (Changement –sic-) – 16 avril 2011.
Les deux choses qui préoccupent le plus la contre-révolution sont évidement que le prolétariat montre sa puissance et sa force organisatrice et le fait que toutes les séparations social-démocrates entre revendications économiques et politiques soient facilement dépassées dans la pratique par le mouvement même. Et cela malgré (et contre) les éléments idéologiques que les défenseurs des “ droits de l’homme ” introduisent pour diviser les prolétaires et liquider l’unicité révolutionnaire du mouvement ! “ S’il n’y a pas de réponse du Président, dès lundi nous prendrons l’aéroport ”, a été l’une des résolutions de l’assemblée élargie départementale réalisée à la Plaza 14 de Septiembre de Cochabamba suite à une journée de barrages dans des points stratégiques de la ville à laquelle ont participé plus d’une vingtaine d’organisations des secteurs de la santé, corporatif, industriel, enseignant et autres affiliés… Les mobilisations de las mil esquinas (mille coins de rues) hier, vendredi, ont été accompagnées par la stratégie dénommée “la viborita” : les groupes de protestataires se postaient à des coins stratégiques jusqu’à empêcher le trafic et ensuite, se déplaçaient à un autre point proche. De la sorte, des accès étaient coupés et des espaces chaotiques étaient générés… Sonia Brito, présidente de L’Assemblée Permanente des Droits Humains de La Paz : “ Cela nous préoccupe beaucoup que les mots d’ordre ne sont plus seulement des mots d’ordre revendicatifs des droits des travailleurs ; nous constatons que certains secteurs réactionnaires s’immiscent dans les mobilisations en cherchant pratiquement le renversement du président. Nous voyons que les consignes sont déjà passées d’une demande de droit du travail à demander pratiquement la chute du Président ” Extrait de Cambio (Changement) – 16 avril 2011. Comme il est horrible que les prolétaires ne se limitent pas “ seulement à des mots d’ordre revendicatifs du droit des travailleurs ” et que, contre la gauche bourgeoise, ils osent lutter pour le “ renversement du Président ”  et surtout de tout son programme ! C’est pour cela qu’on utilise tout l’arsenal de la gauche bourgeoise contre le mouvement. C’est ainsi que pendant que cette Assemblée Permanente des Droits Humains propose une augmentation générale des salaires de 15 pour cent, on dit que les mineurs gagnent beaucoup plus que les paysans, “ qu’ils ont toujours trahi les paysans ”, “ qu’il y a des infiltrés de droite ”, “ qu’ils sont manipulés par telle ou telle force ”.
On pourra négocier ou suspendre les mesures de lutte, mais l’accentuation de l’affrontement de classe est déjà inévitable en Bolivie ; De grandes couches du prolétariat ont déjà bien compris que “ le changement ” continuera à être une merde si on ne détruit pas les bases mêmes du capitalisme et en général de la production de marchandises.
 
Notes

1. Les radios de mineurs ont exprimé durant des décennies les positions classistes et révolutionnaires du prolétariat international.
2. Monsieur Gonzalez Sánchez Lozada est en réalité un bourgeois international, propriétaire d’entreprises et de terres dans de nombreux pays malgré qu’il ai vécu la plus grande partie de sa vie aux États-Unis. Il se faisait appeler Goni par les autres bourgeois mais les prolétaires en Bolivie et dans le monde l’appelaient “ el gringo ” parce qu’il parlait l’espagnol avec un fort accent yanquee et qu’il était un véritable représentant des États-Unis en terre bolivienne. Il avait également promis une quantité de changements démocratiques et de “ participation populaire ”. Durant son mandat, il a fait approuver un ensemble de lois tel que la “ loi de Participation Populaire ”, la “ Réforme Educative ” et la “ Loi de Capitalisation ”. Très rapidement, le prolétariat appela ces lois “ les Trois lois Maudites ”.
3. Que peut représenter d’autre l’apparition clownesque de Morales avec son poncho ou ses vêtements indigènes au côté des autres puissants de la planète en costumes-cravates, entourés de militaires et de gardes du corps !
4. Traduction de “ Los Tiempos.com ” - 25 avril 2011
5. En Bolivie, comme au Venezuela,  contrairement au mythe, le schéma classique historique du capitalisme colonial extractif au bénéfice des multinationales, impliquant la destruction de la Terre et des moyens de vie humains, n’a même pas été remis en question. Ce que fait le pouvoir d’État dans ces pays, avec la contre-propagande correspondante, est une véritable renégociation de la rente du sol avec d’autres fractions internationales de la bourgeoisie. Même si nous ne pouvons développer ce thème ici, nous affirmons que le “ socialisme ” et l’ “ anti-impérialisme ” qui s’y rapporte servent uniquement à mobiliser les masses et les faire servir dans ce partage général de la plus-value au bénéfice de la fraction qui contrôle actuellement l’État contre les autres. De la même manière, l’indigénisme de l’État, loin de défendre la communauté indigène et sa relation à la terre, prolonge l’indigénisme colonialiste qui cherche à assimiler ce qui est indigène à la logique du capitalisme et de l’État. C’est-à-dire qu’il assimile ce qui est indigène sur base de la folklorisation des symboles et traditions indigènes en les convertissant au travers du tourisme en pièces de musée mises au service de l’accumulation capitaliste, comme source de bénéfice économique. Les discours officiels prononcés en langues indigènes témoignent de cette cooptation bourgeoise et étatique.
6. Cela nous rappelle inévitablement le dicton : l’histoire se répète, d’abord comme tragédie et ensuite comme comédie. Pour ce qui est du changement pour en réalité maintenir l’essentiel, la Bolivie a déjà connu pas mal de choses à ce sujet avec la fameuse “ révolution ”  de 1952 qui a consisté à récupérer/liquider une puissante révolte insurrectionnelle du prolétariat. D’autre part, cette incorporation caricaturale de ce qui est indigène à l’État et dans les discours de l’État nous fait penser au “ pérouanisme ” et le rôle particulier de Velazco Alvarado.
7. Traduction d’un extrait de l’article de Sergio de Castro Sanchez “Socialismo e indigenismo en Bolivia, Aculturación, Estado y modernidad frente al buen vivir ” paru dans ALAI, América Latina en movimiento 2010.