Organe central en français du Groupe
Communiste Internationaliste (GCI)
COMMUNISME No.63 (Juin 2011) | PDF |
Catastrophe capitaliste et luttes
prolétariennes partout
ÉDITORIAL
Décembre 2010, janvier 2011 : Tunisie, Algérie, Égypte,
Libye, Maroc, Yémen, Oman, Bahreïn, Jordanie, Irak, Iran,
Arabie saoudite, Syrie, mais aussi Chine, Bangladesh, Burkina Faso, Albanie,
Chili, Bolivie (voir dans cette revue) etc… Il n’y a à cette relative
simultanéité d’explosion sociale aucune cause transcendante,
aucune autre explication fondamentale que la révolte de notre classe
contre la dégradation des conditions de survie induites partout
par la valorisation capitaliste. Tandis que la contre-insurrection s’organise
internationalement sur tous les fronts –politique, policier, militaire,
diplomatique et bien sûr, idéologique et médiatique–
on nous parle de mouvement pacifique et citoyen opposé à des
“ dictateurs brutaux et sanguinaires ”, au nom du vieil anti-fascisme recyclé
(voir le chapitre “ Démocratie ” dans le premier texte qui suit).
Au nom de la “ révolution ”, on a une fois de plus tenté
de nous prouver la faiblesse du mouvement, d’un point de vue étriqué
sur les idées et la conscience (voir l’encadré “ A propos
de la conscience ”), ou en y cherchant l’éternelle figure modèle
de l’ouvrier d’usine syndiqué.
On nous a resservi une “ révolte des jeunes ”, évoquant,
à propos de ces pays à forte croissance démographique,
la proportion (autour des 20%) de “ jeunes ” (15-25 ans), en âge
d’être salariés et se trouvant privés de ressources.
S’ils ont joué et jouent encore un rôle moteur dans la révolte,
ils ne sont absolument pas les seuls prolétaires à ne plus
accepter leurs conditions de survie et c’est justement cela qui a conféré
au mouvement son ampleur.
L’extension du mouvement, sa contagion, sa force de résonance
à travers le monde, ont été réduites à
la conception journalistique et marchande d’import/export de la lutte
d’un pays à l’autre. On a aussi excité les fantasmes de
survalorisation du rôle joué par la communication via Internet
et les fameux “ réseaux sociaux ”1.
On nous a enfin vendu à la pelle des projets de réformes
démocratiques comme étant le contenu et le fer de lance
de la lutte. Pour peu, le “ peuple ” n’aspirerait qu’à “ restaurer
le prestige de l’État ” (selon les dires d’un grand réformateur
tunisien), à le purifier de la corruption, sans rappeler que celle-ci
fait partie intégrante du capitalisme 2. On peut dire que les prolétaires
en lutte ne se sont pas embarrassés de considérations si
vertueuses vu qu’ils ne se sont pas contentés de dénoncer
–avec raison– le racket permanent de la corruption dans leur quotidien,
ils ont attaqué divers bâtiments publics, pillé et
saccagé des entreprises privées.
Un dénominateur commun de la situation dans les premiers pays
touchés est incontestablement l’usure de régimes qui, bien
que soutenus politiquement et financièrement par les grands États-gendarmes,
ne parviennent plus à assurer ni paix sociale ni cohésion
sociale 3. La presse a souligné que les pays détenteurs
de rentes énergétiques conséquentes (Algérie,
Arabie saoudite, Libye, Bahreïn, Yémen…) disposent plus que
les autres d’une marge de manœuvre pour tenter d’amortir les tensions sociales
par des subventions, principalement en matière de régulation
des prix des produits dits de première nécessité.
Cependant, les entreprises en général comme les fractions
bourgeoises liées à l’État national et ses rentes,
avec la bénédiction des plans d’ajustement du FMI,
se disputent la répartition de la plus-value avec de tels appétits
concurrentiels que les gouvernements ne consacrent en fin de compte que
peu de moyens à financer la paix sociale autrement que par la surveillance
et la terreur.
Durant ce 1er trimestre 2011, sous la pression de la vague de la lutte,
on a soudainement vu tous les pays touchés lâcher de l’oseille
par ballots, à travers diverses mesures : baisses de prix, raccourcissements
de prêts ou baisse de taux d’emprunt, primes familiales exceptionnelles,
subventions régionales, rencontres soudaines de diverses revendications
d’augmentations salariales parfois assez conséquentes… mais cela
ne suffit visiblement pas à calmer la colère prolétarienne,
à avoir raison de la détermination de notre classe.
S’il y a eu un début de basculement, fin 2010 et début
2011, c’est après les premières balles tirées sur
les premières manifestations et émeutes jugées menaçantes,
lorsque nos frères et sœurs de classe, au lieu de se terrer, ressortent
en rue avec plus de détermination encore, exprimant leur rage trop
longtemps contenue, portant leurs morts à bout de bras, non pour
offrir pacifiquement leurs poitrines aux balles mais pour renverser le
rapport de force en passant à l’offensive, en s’organisant et en
s’armant.
Cet affront fait à la terreur d’État renvoie alors enfin
la peur dans le camp de la bourgeoisie, celle-ci devant faire face à
un mouvement qui riposte à la terreur étatique par la violence
de classe et l’action directe, pousse au défaitisme dans les corps
policiers et militaires, aux désertions et fraternisations (en
Tunisie, en Égypte, au Yémen, en Syrie 4… et le plus fortement
sans doute en Libye avec la formation généralisée
de milices d’insurgés), brise dans la pratique la mystification
idéologique d’une armée “ au service du peuple et de la révolution
”, attaque les prisons et s’y mutine, provoquant des évasions massives
(comme cela s’est fait en Tunisie et en Égypte), s’organise pour
coordonner la lutte sous de multiples formes (diversement radicales ou contradictoires
quant à leurs objectifs, leurs pratiques) : “ comités de
défense de la révolution ” en Tunisie et en Égypte,
“ comités populaires ” en Libye, apparition et développement
de centaines de “ tansiqyat ” (“ coordinations ”) au Maroc mais surtout
en Syrie…5 Ce mouvement enfin crache partout sur le spectacle de “ changement
” (en Bolivie, Tunisie, Égypte, Syrie…) et commence à se
reconnaître par-delà les frontières comme un même
mouvement contre la non-vie que nous impose le capital, contre le même
“ pouvoir assassin ” à travers le monde.
En 1993, il y a près de vingt ans et tandis que vingt années
nous séparaient de la dernière vague de lutte internationale,
celle des années 1968-70, nous avions publié une contribution
sur les “ caractéristiques générales des luttes de
l’époque actuelle ”6. Dans ce texte, nous décrivions les
luttes de notre classe de l’époque comme des explosions brisant
rapidement les carcans sectoriels et corporatistes, s’affirmant directement
en-dehors et contre les encadrements social-démocrates, mais demeurant
circonscrites dans l’espace et dans le temps, se faisant écraser
dans une relative indifférence.
Aujourd’hui, ainsi que nous le développons dans la présente
revue :
“La généralisation au niveau du territoire et le fait
de recouvrir des problèmes plus généraux et reconnus
comme sociaux, sont devenus quasi la norme. (…) Dans cette décennie
on entre dans une phase de permanence et d’intensification méconnue
jusqu’à présent. C’est justement ce que nous vérifions
au cours de la révolte actuelle, il semblerait qu’elle se généralise
encore plus qu’en 2008, qu’elle touche plus de régions et plus
de pays, qu’elle présente plus d’émulation mutuelle et aussi
plus de conscience que c’est la même chose qu’ailleurs et que c’est
relativement pour les mêmes raisons ”.
Face à l’extension et à l’approfondissement de la lutte,
la clef de la domination bourgeoise, la clef de la contre-insurrection
–outre la cooptation de forces de répression à sa solde–
demeure la repolarisation du conflit de classe. La paix sociale elle-même
n’est pas un état statique, figé, mais la manifestation de
cette repolarisation permanente (voir le chapitre “ Prolétariat et
idéologie bourgeoise ” du texte qui suit). Nous l’affirmions également
dans notre précédente revue, dans notre texte “ Prolétaire,
moi ? Contribution à la définition du prolétariat
” :
“ Ce n’est pas par hasard si les outils du pouvoir du capital sont
toujours les mêmes. La repolarisation de la société
en différentes alternatives bourgeoises, du style droite contre
gauche, antifascistes contre fascistes, libéraux contre anti-néolibéraux,
nationalistes contre impérialistes, front populistes contre nationalistes,
dictateurs contre démocrates, militaristes contre pacifistes, islamistes
contre chrétiens, républicains contre monarchistes... n’est
pas une forme parmi d’autres de réorganiser la domination bourgeoise
en danger, mais la méthode générale qu’a la société
(depuis de nombreux siècles!) pour transformer la rage sociale
contre la société en rage sociale à l’intérieur
de la société, la guerre sociale en guerre interbourgeoise
[comme en Libye], la rage prolétarienne en délégation
et négociation à l’intérieur de l’Etat, la remise
en question de toute la société en remise en question d’une
forme particulière de domination, la lutte contre le capitalisme
en lutte contre une fraction bourgeoise, en faveur d’une autre ”.7
En ce moment-même, les grands États-gendarmes interviennent
militairement en Libye contre l’insurrection “ pour sauver les insurgés
”, au Bahreïn pour les écraser sans fioriture 8, et annoncent
triomphalement au G8 réuni en ce mois de mai à Deauville
des investissements pour “ soutenir financièrement le printemps
arabe ”, entendez la contre-révolution dans tous les pays concernés.
Même si les textes de la présente revue ont été
clôturés en avril-mai, nous profitons de cet éditorial
pour évoquer l’éclosion du mouvement de lutte en Espagne.
Nous appuyons les camarades qui y mettent en avant l’unicité de
la lutte mondiale contre la dictature du capital –matérialisée
dans chaque État, chaque entreprise, chaque flic, chaque carte de
banque, chaque relation sociale de cette société, chaque nouvelle
promesse de “ changement ”– contre la catastrophe capitaliste dont
on nous fait toujours plus payer le prix. On lira à ce propos dans
les pages qui suivent le tract “ Que se vayan todos ! ” (“ Qu’ils s’en aillent
tous ! ”) issu du mouvement en Espagne. Il nous faut en même temps
souligner que du fait de la stratégie mondiale du Capital (voir dans
notre premier texte l’encadré “ Les décalages dans les mesures
d’austérité ”) et en dépit du lien affirmé avec
ce qui se passe dans le reste du monde, ce mouvement en Espagne (auquel
ont fait écho diverses occupations dans d’autres villes d’Europe)
présente nettement plus d’illusions sur la démocratie, nettement
moins de ruptures que les luttes dont nous parlons dans cette revue. Sur
base de ses faiblesses, la révolte des “ indignés ” est même
promotionnée par la bourgeoisie comme un modèle de lutte pacifique
et citoyenne en Europe. Il est significatif que la gauche en Grèce
reprenne actuellement les mots d’ordre citoyens des “ indignés ”
pour se démarquer de la lutte de 2008-2009 dans ce pays et la disqualifier
comme trop violente !
En continuité avec nos précédentes revues 9, précisons
encore qu’il nous a semblé prioritaire dans cette revue de présenter
une analyse globale et internationale des luttes actuelles –des rapports
de force qui s’y jouent entre révolution et contre-révolution,
entre revendications prolétariennes et réformes bourgeoises
10, entre associationnisme prolétarien et réorganisation
citoyenne de l’État– et de la compléter par une série
de tracts et documents témoignant de la communauté de lutte
prolétarienne mondiale ; ainsi avons-nous manqué de place
pour des contributions centrées plus spécifiquement sur le
processus d’extension de la lutte en Tunisie, Égypte, Libye… Celles-ci
seront dès lors publiées sur notre site Internet et sur notre
blog, que nous invitons le lecteur à visiter.
http://gci-icg.org
http://gcinfos.canalblog.com
Notes
1. Les médias ont insisté tant et plus sur le déverrouillage
d’Internet dans les pays touchés par la révolte, au rang
des réformes démocratiques auxquelles devait être réduit
le contenu de la lutte. Les bons citoyens pacifiques des “ pays libres
” oublient vite que leurs “ droits et libertés ” sont strictement
conditionnés par leur propre soumission et conformation à
l’ordre établi. Des camarades rappellent ainsi que “ le 16 février
2011, par exemple, les législateurs espagnols s’apprêtaient
à voter une loi autorisant le gouvernement à fermer tout site
sans passer par l’appareil judiciaire ”.
2. La corruption est le lubrifiant des affaires qui roulent (en premier
chef avec “ nos bons gouvernants et entrepreneurs intègres ”) mais
au-delà d’une certaine dose, elle encrasse la machinerie et en entrave
la bonne marche, raison pour laquelle la bourgeoisie entend régulièrement
nous distraire avec des accès de croisade morale en faveur de “ l’intégrité
dans les affaires publiques et privées ”.
3. Au-delà de la lutte d’influence politique et économique
que s’y livrent l’appareil militaire et l’appareil des forces de sécurité
(liés aux secteurs majeurs d’extraction de la plus-value ainsi
qu’au juteux marché des attributions de “ licences d’exploitation
” des ressources), c’est sur eux que repose la stabilité de l’État
et en temps “ normal ”, ce sont eux qui décident comment se font
et se défont les dirigeants politiques, avec l’aval des États-gendarmes.
4. Il semble bien qu’un massacre d’une centaine de soldats attribué
début juin par l’État syrien à des “ groupes armés
non identifiés ” cache sa propre répression contre une mutinerie
et un refus collectif de tirer sur les prolétaires.
5. Nous manquons certainement de sources directes pour approfondir
notre compréhension de toutes ces expressions d’associationnisme
prolétarien.
6. “ Caractéristiques générales des luttes de
l’époque actuelle ”, dans Communisme n°39, octobre 1993.
7. “ Prolétaire, moi ? Contribution à la définition
du prolétariat (1ère partie) ” dans Communisme n°62,
décembre 2010.
8. Au Bahreïn, au plus fort du mouvement, peu avant l’intervention
militaire du Conseil de Coopération du Golfe, des prolétaires
ont exprimé qu’ils ne voulaient pas se contenter de quelques changements
constitutionnels et qu’au contraire ils voulaient radicaliser leur lutte.
9. Et en particulier avec nos textes “ Catastrophe capitaliste et luttes
prolétariennes ” dans Communisme n° 60 (novembre 2008) et n°61
(juin 2009).
10. Voir “ Revendications et réformes ” dans Communisme n°62,
décembre 2010.
Catastrophe capitaliste et révoltes prolétariennes partout
L'ABC
La force et l’importance des révoltes prolétariennes
actuelles ne peuvent être comprises dans toute leur profondeur et
leur signification historique qu'en les considérant comme la réponse
actuelle de l’humanité face à la société bourgeoise
et à son développement chaque fois plus catastrophique ;
leurs réelles prémisses étant le désastre généralisé
que constitue la société bourgeoise pour la Terre, pour
la vie en général et en particulier pour l’espèce
humaine 1.
Contredisant tout ce qui se raconte et se manigance, le prolétariat
mondial réapparaît sur la scène mondiale. Ce n’est
ni à cause de ses “ dictateurs ” directs ni seulement contre eux
que les prolétaires en Tunisie, en Algérie, en Égypte,
au Yémen, en Syrie, en Irak, en Libye, au Bahreïn…2 sortent
dans la rue, attaquent et incendient les bastions et symboles du pouvoir.
Une fois de plus, le prolétariat sort dans la rue pour lutter parce
que sa propre existence est menacée par l’augmentation des prix de
tous les produits de premières nécessités, parce que
la société actuelle affame les prolétaires, parce qu’entre
les nécessités de l’accumulation capitaliste et la vie humaine,
la contradiction a déjà explosé !
La contestation chaque fois plus universelle n’est pas dirigée
contre tel ou tel tyran ou contre telle ou telle dictature particulière
mais bien globalement contre la dictature générale du capitalisme
mondial. Les luttes qui se généralisent partout ne sont
pas menées contre la dictature politique de tel ou tel oppresseur,
mais bien contre la tyrannie sociale d’une société qui leur/nous
est devenue totalement insupportable.
Il n’y a pas que les minorités révolutionnaires qui mettent
en évidence l’augmentation du prix des articles alimentaires de
première nécessité comme cause initiale des révoltes
dans le monde arabe 3. Mais rares sont les expressions qui reconnaissent
le prolétariat comme classe en lutte (et non comme une simple classification
sociologique) et qui ont insisté sur le fait que ce qui se passe
dans tous ces pays n’est rien d’autre que la lutte du prolétariat
international contre le capitalisme mondial. Voilà la vérité
occultée par toutes les fractions bourgeoises du monde, par tous
les moyens de déformation de l’opinion publique, par tous ceux qui
prétendent changer quelque chose tout en conservant l’essentiel
de ce monde catastrophique, par toutes les forces qui prétendent
changer la face visible de tel ou tel État (“ le dictateur ”) mais
qui laissent intacts les fondements de cette société. Toute
la puissance de domination du monde s’est concentrée pour occulter
ce qui est important et pour faire diversion en promotionnant des alternatives
à la forme actuelle de la dictature (alternatives politiques, démocratiques
et/ou religieuses), afin de préserver l’essentiel de la dictature
démocratique et religieuse du capital.
Dans le fond, quelle est la différence entre ces révoltes
en Afrique méditerranéenne et au Proche-Orient (en pleine
expansion au moment où nous écrivons ces lignes), celles qui
commencent à éclater en Chine, en Inde… et les récentes
révoltes en Amérique latine, en Afrique subsaharienne, en Grèce,
dans les banlieues en France ? Quelle différence pourrait-il y avoir
entre la lutte des prolétaires en Tunisie, en Égypte, en Syrie...
avec celles qui se déroulent en ce moment même en Bolivie ?
Et aux États-Unis, peut-on encore croire que la richesse nationale
de l’économie peut empêcher la misère des prolétaires
et leur inéluctable révolte ? Nous augurons le contraire:
le prolétariat aux États-Unis ou dans la “ riche ” Allemagne
sera tout autant forcé d’entrer dans cette lutte que mènent
aujourd’hui leurs frères de classe. Il n’y a pas de causes différentes,
il n’y a pas de méthodes différentes, il n’y a pas d’ennemi
différent, il ne peut y avoir de perspectives différentes.
Si la révolte éclate encore de manière décalée,
c’est d’une part en raison de la capacité du capital mondial à
attaquer le prolétariat paquet par paquet, à étaler
les plans d’austérité (capacité qui va en se réduisant
à cause de la catastrophe capitaliste elle-même)4, grâce
aussi aux directives des appareils de contre-insurrection mais également
à cause de l’incapacité du prolétariat à organiser
et à centraliser sa lutte en tant que classe, à cause de
nos propres faiblesses, c’est-à-dire à cause de la désorganisation
historique du prolétariat en tant que parti révolutionnaire.
Il est évident que dans ces luttes audacieuses du prolétariat
en Afrique méditerranéenne et au Proche-Orient, un “ dictateur
” apparait toujours comme l’ennemi principal mais ce “ dictateur ” n’est
pas seulement le résultat d’une oppression nationale et encore moins
d’une folie assassine et tortionnaire particulière. Au niveau global,
l’exploitation et l’oppression locale ne sont rien de plus que des représentations
du capital mondial. A un niveau plus concret, l’oppression politique des
dictatures en question a été systématiquement imposée
et entretenue par les grandes puissances impérialistes mondiales
(USA, États européens, Israël,...). Partout, les flics
français, anglais, nord-américains, israéliens… ont
enseigné et appliqué la recette essentielle de la démocratie
internationale basée sur la torture et le terrorisme d’État.
Les armes avec lesquelles on réprime dans tous ces pays viennent
de France, des USA, d’Espagne,… Toute la domination démocratique
du capitalisme mondial est fondée sur cette terreur d’État
internationale ! C’est eux qui ont formé et entrainé les escadrons
de la mort argentins, chiliens, uruguayens, brésiliens, mais aussi
égyptiens, tunisiens, marocains, syriens, saoudiens, yéménites…
Le modèle est le même, les intérêts défendus
sont les mêmes: le capitalisme coûte que coûte et quoi
qu’il arrive. Les assassinats politiques, la torture, la disparition de
personnes comme méthode générale de domination et d’oppression
ne sont pas une invention des Moubarak, Ben Ali, Kadhafi,… mais bien la
méthode générale de domination propre à la civilisation
capitaliste et son idéologie judéo-chrétienne (et islamique
!) imposée par la violence et garantie sur les cinq continents par
les puissances Européennes, les USA, la Russie, Israël…
Et ils viennent nous parler de dictature ! Quelle dictature n’a pas
été appuyée par les démocrates du monde entier
! Alors que justement, la démocratie, mode de vie et de domination
du capital est toujours dictatoriale ; la terreur d’État a toujours
été l’essence du mode de production capitaliste à l’échelle
internationale.
Ils nous bombardent avec des images ignobles de tel ou tel despote
pour nous faire oublier qu'ils continuent à défendre le principal
despote universel: le despotisme du profit du capital, la tyrannie du marché
capitaliste !
Une des meilleures synthèses de cet ABC de la lutte est contenue
dans un tract en espagnol signé par “ los amigos de octubre ” et
dont nous reproduisons sur la page suivante une bonne partie en encadré.
Contre toutes les séparations, les révolutionnaires affirment
que “ c’est l’humanité qui se lève contre la tyrannie de
l’économie ” ; contre toutes les limitations géographiques,
la communauté de lutte crie que la lutte est la même partout
; contre toute récupération démocratique, les militants
prolétariens affirment que nous luttons pour détruire le
système ; contre ceux qui falsifient la réalité de
nos frères de classe en lutte de l’Afrique méditerranéenne
à l’Asie, les révolutionnaires affirment que la lutte est
une et une seule; contre ceux qui divisent le prolétariat en couches
sociales, les protagonistes de tous les continents affirment que nous sommes
une même communauté de lutte qui se lève contre la dictature
du capitalisme.
“ Ici ou ailleurs, une seule lutte: la lutte des classes! Les révolutions
qui enflamment le monde arabe pourraient bien être ainsi les premiers
signes annonciateurs d’une révolution sociale et politique qui
traverse les mers et les océans, pour enfin renverser l’ordre capitaliste
mondial ”.5
C’est ainsi que se forge et s’affirme, à contre-courant, la
position des révolutionnaires partout dans le monde:
Contre la dictature de l’économie,
vive la révolte internationale
du prolétariat !
La lutte des prolétaires au Maghreb et au Moyen-Orient est notre
lutte !
L’ennemi c’est le capitalisme
et la dictature du marché mondial.
L’objectif est le même partout:
la révolution sociale !
Destruction du capitalisme
et de l’État ! 6
LA FORCE DE LA REVOLTE
La force de la révolte émane de ce contenu universel,
du fait que, même si les prolétaires de ces pays ne se sont
pas consultés démocratiquement (comme le voudraient leurs
ennemis), ils coïncident dans le combat pour leurs propres intérêts.
La force de la révolte est qu’aucune des puissances étatiques
au monde n'a pu l’arrêter. Et dans le monde arabe, toutes, absolument
toutes sont présentes !
La force de la révolte repose sur cette organicité naturelle
de l’action du prolétariat qui se bat partout pour ses intérêts
et cette force s'est déchaînée sur base d'une augmentation
généralisée des prix d’une partie très importante
d'articles de première nécessité. Le pouvoir unifié
de la bourgeoisie n’est absolument pas arrivé à la cantonner
ni nationalement, ni régionalement ni religieusement.
Partout, on parle de l’effet domino, d’imitation, de contagion. En
réalité, il s’agit d’un même intérêt,
un même mouvement, une stimulation mutuelle, une même organicité
fondée sur les intérêts communs et où chaque
partie se sent partie du tout.
La négation historique du prolétariat a été
trop profonde pour que cette classe se nomme par son nom et proclame la
nécessité historique et inévitable de la révolution
communiste, mais on ne peut occulter que dans tous les pays, la stimulation
des prolétaires en lutte a dépassé les frontières
et que peu à peu, les protagonistes réels se sont affirmés
en tant que partie d’UN MÊME ET UNIQUE MOUVEMENT CONTRE LE POUVOIR.
On ne peut nier la symbiose réelle de toutes les “ fractions nationales
7” d’une classe qui n’a d’intérêts ni fractionnels ni nationaux
et qui lutte contre tout le système social. La grande majorité
des protagonistes ne proclament pas encore qu’ils veulent abolir le capital
et l’État mais ces prolétaires, dans la pratique, ne doutent
pas d’être partie prenante de la même lutte contre le statu
quo dictatorial qui empêche de vivre. Plus encore, pour la première
fois depuis très longtemps, il y a un sentiment de force sociale
dépassant les frontières et s’affrontant au pouvoir.
Voilà ce qui restera un secret pour les analystes et sociologues
experts dans les changements mais pour les combattants sociaux qui sont
en train de s’affronter au capitalisme armé où que ce soit
dans le monde, ce n’est déjà plus un secrêt et
LE SENTIMENT D’APPARTENIR À UNE MÊME COMMUNAUTÉ DE LUTTE
COMMENCE À S’AFFIRMER.
“Le même cœur, la même nécessité de vivre…
nous changerons le monde de base !
Les travailleurs du monde entier sont les seuls qui puissent en finir
avec l’exploitation et l’oppression sociale capitaliste et nous affranchir
de la misère dans laquelle se décompose toute l’humanité.
Ceci n’est pas une création idéologique de notre part ni
une invention prophétique communiste mais bien une réalité
historique qui se rebelle contre toute idéologie bourgeoise et qui
se manifeste par de massives et combatives luttes prolétariennes
partout dans le monde.”8
Cet élément qualitatif que nos ennemis arrivent encore
à cacher plus ou moins et dont le fondement est l’identité
d’intérêts et de perspective, s’est également développé
par la qualité et le type de la révolte. Effectivement, le
“ on n’en peut plus ” fut général ; le “ qu’il s’en aille
!, qu’ils s’en aillent ! ”, ils n’ont pu l’enfermer dans aucune frontière
ou drapeau national.
En réalité, le mouvement a montré non seulement
qu’il était fatigué des tyrans au pouvoir mais aussi de
tous ceux qui avaient demandé de la patience, de la résignation,
de la soumission et donc un comportement citoyen. Et rappelons que l’islamisme
est et représente précisément ce conformisme, que
le terme “ islamisme ” signifie littéralement “ soumission ”9. Le
prolétariat a totalement fait la sourde oreille aux islamistes
et autres démocrates quand, plutôt que de “ lutter ” démocratiquement
et de vouloir “ changer le monde ” par des votes ou des prières
aux dieux, il est sorti dans la rue et s’est battu ouvertement. Contre
le terrorisme d’État, le prolétariat a assumé la nécessité
de la violence prolétarienne. N’écoutant aucun type de pacifiste,
d’islamiste ou autre démocrate, il s’est organisé pour une
lutte ouverte contre l’État, dans laquelle les détachements
armés n’ont pas manqué, ni les actions décidées
de minorités prolétariennes qui, répondant aux nécessités
sociales, ont planifié et assumé des actions décisives
contre l’État. La lutte est chaque fois plus antagonique vis-à-vis
des conseillers démocratico-bourgeois; le prolétariat s’est
organisé en dehors et contre les partis, les syndicats officiels
et l’opposition démocratique 10. Au monde de la marchandise, de
la faim et de la terreur d’État, le prolétariat a opposé
et continue à opposer la violence révolutionnaire.
L’importance historique de cet antagonisme général entre
le prolétariat généralisant sa lutte et la dictature
de l’économie mondiale a été soulignée par
des organisations révolutionnaires et internationalistes dans d’autres
endroits du monde.
Contrairement à tous ceux qui font l’apologie de la “révolution
citoyenne et pacifique”, tout ce que le prolétariat a fait d’important,
il l’a fait en dehors et contre la loi. La clé de la révolte
a justement été cette désobéissance collective
et généralisée à tous les conseils citoyens
et démocratiques. Les manifestations étaient interdites,
les prisonniers n’ont pas été libérés par des
lois et des amnisties mais arrachés des prisons par leurs camarades
et leurs proches; les prolétaires n’avaient aucun droit démocratique
pour sortir dans la rue et s’organiser et encore moins pour attaquer et
incendier les palais, les commissariats, les prisons, les locaux des corps
spéciaux, les tribunaux. L’organisation du prolétariat comme
force contre l’oppression et le terrorisme d’État n’a jamais été
autorisée, ni permise, ni légalisée par personne.
Elle a été assumée et impulsée par des minorités
décidées !
Personne ne peut nier que cette dissipation de la peur, face à
la terreur d’État unifié, s’est étendue comme une trainée
de poudre et que lorsque dans l’un ou l’autre pays, le prolétariat
s’est imposé dans la rue, et que le répression a commencé
à être déstabilisée, cela a rempli de courage
les prolétaires des autres pays et, par la même occasion,
cela a déstabilisé les États régionaux de même
que la politique impériale internationale qui leur offrait du soutien.
Plus qu’une contagion ou un effet domino, nous devons parler d’organicité,
d’unité d’intérêt et de perspective. Chaque victoire
devient un jalon et un exemple, chaque saut de qualité une impulsion
révolutionnaire. Chaque appareil de terreur détruit12 est
une illustration vivante de ce qui peut être fait partout et constitue
un puissant appel à l’unification réelle de la classe. Dans
certains pays, les prisons se vident, la joie revient dans les foyers prolétariens.
Tortionnaires du monde, tremblez ! Brûlons et faisons exploser tous
les bastions du terrorisme d’État ! 13
Cela fait également partie des secrets les mieux gardés
d’une partie essentielle de la politique de contre-insurrection mondiale.
C’est pour cette raison qu’il faut le crier haut et fort: dans la mesure
où le prolétariat gagnait en décision et en force (justement
pour ne se comporter en rien démocratiquement, pour avoir refusé
ce comportement d’animal civilisé qu’est le citoyen) et que ce sentiment
de force dépassait les frontières, la contre-révolution
internationale commença à comprendre qu’il ne suffisait
plus de sacrifier tel ou tel tyran régional, qu’il ne suffisait
plus d’appuyer tel ou tel agent du capital local mais que ce qui se profilait,
c’était la menace générale contre l’ordre bourgeois
et contre le terrorisme d’État démocratique mondial. Les consignes
“ dégage ”, “ qu’il s’en aille ”, “ qu’ils s’en aillent tous ” (comme
quelques années plus tôt en Amérique du Sud) prononcées
localement, ont été ressenties, tant par ceux qui les criaient
que par ceux contre qui on les criait, pour ce qu’elles sont réellement:
des consignes internationales, expression de la nécessité
et de la rage collective internationale.
Bien sûr, chacune de ces phrases ou consignes peut être
interprétée dans sa forme la plus restreinte, pacifiste et
limitée comme le font toutes les forces de la contre-révolution
(la presse traduit: “ les manifestants ont demandé le renoncement
de Machin Chose ” et des “ élections libres ”), ou d’une manière
plus ou moins centriste (“ contre tel parti ” “ contre la corruption ”),
ou pour ce qu’elles contiennent réellement: une remise en question
de tout le pouvoir, de toute l’oppression, de toute la société.
Ces “ lectures ” ou interprétations correspondent bien entendu aux
intérêts de classe de ceux qui les font: il est normal que
ceux qui possèdent le pouvoir dans le monde les traduisent uniquement
par “ ils demandent le renoncement de tel dictateur ”, comme il est
normal que, de notre point de vue de classe, nous le vivions comme un saut
qualitatif dans la lutte contre le capital et l’État mondial.
Dans certains cas, pour que l’ennemi ne puisse magouiller ou déformer
les consignes, les protagonistes sur chaque barricade (comme nous-mêmes
où nous le pouvons) cherchent à être plus explicites
et expriment clairement qu’ils ne veulent pas de demi-mesures, qu’ils n’acceptent
pas un simple changement de gouvernant ou de dictateur. Dans le “ Que
se vayan todos ! ” (“ Qu’ils s’en aillent tous ! ”) en Argentine 2001-2002,
on crie explicitement que la lutte est contre tout le système politique.
En Algérie, les prolétaires dans des révoltes précédentes
disaient clairement “ Pouvoir assassin ! ”, et expriment maintenant clairement
que ce qui doit disparaître, c’est tout le système social
; au “ Dégage !” est venu se coupler le système: “ Dégage
le système ! ”
LA CONTRE-INSURRECTION
De la falsification au changement pour que tout reste identique, du
changement à la guerre impérialiste .
D’abord on nie le mouvement ou les raisons de celui-ci, ensuite on
le falsifie et on impulse le changement pour que tout demeure tel quel,
et enfin, dans un troisième temps, lorsque le supposé changement
est remis en question et que le mouvement continue à s’affirmer, la
stratégie de toujours s'impose: transformer la protestation sociale
en contradiction inter-bourgeoise, passer à la phase supérieure,
l’action militaire ouverte impérialiste dont l’objectif est la transformation
de la révolution en guerre impérialiste, la liquidation de
la force prolétarienne et sa repolarisation en deux camps impérialistes
opposés.
Tout ce que fait la bourgeoisie dans le monde est contre le mouvement
prolétarien. Toute répression, falsification de l’information,
appel à des élections et à des changements politiques,
actions de guerre… sont des actions qui font partie d’une stratégie
générale de réponse au mouvement, c’est-à-dire
des stratégies contre-insurrectionnelles. Au centre de toute
cette stratégie se trouve la désinformation, la fabrication
d’idéologies de rechange, la nécessité de nier le prolétariat
comme classe. Tout est fait pour déposséder l’ennemi historique
de sa perspective d’ensemble, pour tenter d’empêcher la radicalisation
et l’extension.
C’est à cela qu’obéit l’intense mobilisation internationale
orchestrée fondamentalement par les États-gendarmes tant
de manière cachée (diplomatie secrète, service d’intelligence,
opération de corps militaires spécialisés, experts
politico-militaires en contre-insurrection), que de manière ouverte
(tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays
concerné), tentant d’imposer partout un “ réalisme politique
” qui consiste invariablement à recourir au bon vieux guépardisme
14, changer un petit quelque chose pour que tout reste pareil. Tous les
moyens d’information sont huilés pour réciter un même
discours et fonctionner au diapason d’un nouveau discours officiel. En réalité,
cela fait déjà plus d’une décennie que la classe dominante
a recommencé à parler d’un changement en préparation,
d’une option de rechange que les services de contre-insurrection savaient
inévitable. Ce n’est pas par hasard si le changement a été
le discours dominant de Lula, d’Obama et de fractions dominantes dans le
monde entier. En ce sens, il est clair que la social-démocratie n’a
pas perdu son rôle historique de parti d’encadrement et de liquidation
du prolétariat, bien au contraire. Par l’unification du programme
de toute la bourgeoisie, sa fonction est assumée de manière
beaucoup plus générale par toutes ces fractions du capital
qui parlent de réformes, de changement, d’anti-impérialisme.
Ce n’est pas que la social-démocratie se soit embourgeoisée
(comme le laisse entrevoir ceux qui lui attribuent d’être plus néolibérale,
alors qu’elle a toujours été bourgeoise !) mais bien que
la situation soit devenue tellement critique pour la domination politique
qu’un nombre toujours croissant de fractions du parti de l’ordre classique
ont introduit “ le changement ” dans leurs discours, assumant de la sorte
les fonctions classiques de la social-démocratie.
Ce discours pour le “ changement ” était inévitable,
évident face à l’explosion dans le “ monde arabe ”. Quand
la remise en question du prolétariat dans la rue s’avéra
imparable et généralisée, nous avons “ commencé
à nous rendre compte ”, via les médias qu’ils contrôlent,
que les régimes qu’ils avaient toujours appuyé, étaient
à présent “ corrompu ”, qu’il y avait de “ l’enrichissement
personnel excessif ”, qu’il y avait un “ mépris du peuple ”, qu’il
existait un “ véritable népotisme ”, qu’il s’agissait d’une
véritable “ autocratie ”, qu’il existait une véritable “
cleptocratie ” (gouvernement de cleptomane). Arrivé à l’extrême,
ces mêmes et cyniques médias confessent ce qu’ils avaient
toujours occulté: “ dans le fond, il s’agissait de véritables
dictatures ”. Bien évidemment, le problème pour le capitalisme
n’est pas de sacrifier une fraction au gouvernement qui, après des
décennies de bons et loyaux services, se voit maintenant incapable
de continuer à assurer la paix sociale, mais bien de constituer
une carte de rechange et de contrôler le processus.
Ils en ont plein la bouche de la “ communauté internationale
”, des “ États démocratiques ”, du “ concert des nations ”,
comme s’il y avait réellement une autre communauté capitaliste
que celle qui est dirigée contre nous. Avec ce verbiage vide et
cynique, on cherche à cacher la guerre de charognards aux aguets
convoitant la place vacante pour tirer profit des matières premières
et de l’exploitation des êtres humains. Le sale monde issu de la nouvelle
répartition du butin, avec ses accords marchands, ses accords commerciaux
et militaires, ses collaborations entre tortionnaires et escadrons de
la mort, tout cela est couvert par cette même “ communauté
des nations ” qui dénonce tel ou tel dictateur.
Parallèlement à la redistribution des cartes entre fractions
bourgeoises et à la constitution d’une alternative politique, on
“ politise ” le mouvement prolétarien, dans le sens d’une réduction
à la politique bourgeoise. Il s’agit de faire passer au second
plan les raisons matérielles de la lutte et donc sa perspective
révolutionnaire. A la place de ça, les politiques, les intellectuels,
les médias… à la Kautsky, à la Lénine, introduisent
l’idéologie dans la conscience des prolétaires. Ils expliquent
que ce qui est important, ce ne sont pas leurs intérêts immédiats
et économiques mais bien les intérêts politiques, les
“ changements démocratiques ”.
Idéologiquement, pour enlever au mouvement sa radicalité,
on le réduit à la lutte contre tel ou tel personnage et simultanément,
on l’épure de toutes ses composantes de classe, et en particulier
de sa violence radicale. On nie l’évidence ou l’on déplore
les “ excès ”, on dénature l’action minoritaire, on condamne
les “ incontrôlés ” et en général tout acte de
débordement classiste. On en arrive à pratiquer systématiquement
l’amalgame entre les secteurs les plus radicaux du prolétariat –qui
en réalité ont été les plus décisifs
pour mener à cette situation– avec telle ou telle action répressive.
Des actes de terreur de l’appareil répressif d’État contre
tel ou tel petit propriétaire ou contre des quartiers entiers sont
présentés comme similaires et on tente de les identifier
à des actions des groupes d’insurgés les plus décidés.
Ce que le prolétariat prend comme cibles de sa rage, qu’elles soient
étatiques et/ou marchandes, est systématiquement occulté
ou falsifié, car la véritable connaissance de ces cibles
peut servir d’exemple et contribuer à l’extension du mouvement.
La meilleure manière d’affaiblir un mouvement consiste toujours
à faire l’apologie de ses faiblesses. On le dissèque, on
y sépare ce qui pour nous y est inséparable (ainsi les intérêts
immédiats et historiques de notre classe), on dévitalise
sa subversion, on la dépèce pour en recoudre les restes avec
de la charogne réformiste, amenant alors sous les feux de la rampe
médiatique une créature digne de Frankenstein que l’on baptisera
sans vergogne du nom de “ révolution ”, heureusement flanqué
de qualificatifs rassurants, colorés et fleuris (“ de jasmin ”,
“ démocratique ”, “ arabe ”, etc).
Cette œuvre frankensteinienne, spectacularisée et transformée
en vedette universelle par tous les médias grâce à
toute la puissance de disqualification de toute pratique qui ne correspond
pas à celle du bon citoyen, traduit dans son propre langage dominant
toute revendication exprimée par le mouvement en une bonne réforme
citoyenne 16. C’est ainsi que la lutte “ contre le pouvoir ” se traduit
en “ demande pour que tel ou tel dictateur renonce ”. L’affrontement à
l’État se traduit en “ manifestants qui réclament des élections
démocratiques ”, les protestations contre les augmentations de prix
en “ nécessité de changements dans la politique économique
”.
La réussite de toute la manœuvre contre-insurrectionnelle ne
se juge pas dans la capacité de l’Etat, de la bourgeoisie, à
mettre les canaux de désinformation susmentionnés à
l’unisson, ce n’est en effet que de routine, mais à imposer cette
représentation intégralement idéologique (“ frankensteinienne
”) du mouvement comme une force matérielle agissant dans et contre
le mouvement lui-même. La représentation que le mouvement
se fait de lui-même, de sa force, de son potentiel mais aussi de
ses contradictions, est en effet partie prenante du rapport de force entre
les classes.
Aussi, l’élan révolutionnaire qui surgit dans telle région
va à certains endroits stimuler et faire entrer en résonance
le mouvement tandis qu’en d’autres endroits, l’État parvient à
défigurer cet élan... La réussite de la manœuvre
consiste évidemment à œuvrer en faveur du renoncement à
la lutte, à reproduire industriellement dans le mouvement les idées
de la classe dominante et en premier lieu l’idée majeure que le
mouvement ne pourra se réaliser pleinement que comme mouvement
d’opposition politique interne au capitalisme.
D’un même élan à reculons, d’une même glissade,
renonçant à sa lutte et aux intérêts de classe
qu’il a mis en jeu en s’affrontant violemment à la brutalité
de l’Etat, le prolétariat est “ invité ” à voir dans
les réformes une application (certes insuffisante, mais au moins
“ réaliste ”) de ses aspirations, et est sommé de rentrer
chez lui, de se remettre au travail et de mettre son sort entre les mains
du parlementarisme et de cette providentielle “ opposition ”, promotionnée
par tous les moyens de fabrication de l’information.
Voici en somme ce que la bourgeoisie réclame de nous: que nous
nous laissions arracher notre cœur palpitant de rage contre ce monde pour
nous faire greffer à la place un pacemaker battant au tempo de la
valorisation capitaliste et de la succession des calendriers de réformes.
Dans le même temps, on (re)constitue et l’on finance donc une
“ opposition politique ” aussi crédible que possible (en l’honorant
de la présence de victimes –social-démocrates et pacifistes–
de la répression du régime déchu), dont la lourde tâche
consiste à engloutir les aspirations et revendications prolétariennes
et à vomir un spectacle de réformes, aux accents de libération
nationale du joug impérialiste, d’économie nationale tournée
à nouveau vers les besoins intérieurs etc. Sempiternelle
promesse qu’aux jours de sacrifice succédera un avenir prospère.
Dans cette panoplie, la carte éculée de “ l’Assemblée
constituante ”, vieille rengaine social-démocrate (reprise en sont
temps avec beaucoup de conviction par Lénine jusqu’à ce
qu’il doive y renoncer sous la pression révolutionnaire du prolétariat),
semble encore avoir quelques beaux jours devant elle aux funérailles
des luttes.
Jugeant à la fois la manœuvre suffisamment accomplie (en y mettant
le paquet en termes de moyens déclinés sur les modes médiatiques,
militaires, diplomatiques et policiers, indissociables dans la pratique)
et dans le but évident de la consolider, les ténors politiques
mondiaux mettent alors au point des sorties remarquables, encensant ladite
“ révolution démocratique ” en cours, saluant le courage
et l’abnégation des peuples à chasser les tyrans, condamnant
la violence (certes “ disproportionnée ” ou “ aveugle ”) des “ régimes
” avec lequels ces même ténors signaient hier encore des
traités économico-militaires dont l’encre de sang n’est
pas encore sèche.
La bourgeoisie adapte aux circonstances alarmantes ses mécanismes
d’isolement des luttes, de séparation de l’ici et du là-bas,
et tente de masquer le processus réel derrière un double
écran de fumée: au discours habituel sur l’altérité17,
en l’occurrence du “ monde arabe ”, des “ régimes arabes ”, des “
révoltes dans le monde arabe ”… se substitue l’apologie dégoulinante
d’une communauté de destin et d’aspiration… démocratique et
progressiste, avec les “ peuples arabes ” qui devraient passer par les mêmes
étapes historiques que nous, éclairés par nos fameuses
“ Lumières ” eurocentristes.
DEMOCRATIE
Résumons donc le rôle de la démocratie internationale
comme méthode de contre-insurrection. Dans cette politique anti-insurrectionnelle,
la démocratie internationale joue un grand rôle à
tous les niveaux 18:
• D’abord et avant tout, en tirant contre la protestation quand elle
devient réellement forte. La réaction unanime des États
et de la démocratie marchande universelle (TOUS ET PARTOUT !) est
invariablement d’envoyer ses corps de choc, de tirer sans compter contre
le mouvement social, de torturer, de faire disparaître,… Dans cette
première phase (qui dure parfois des décennies !), il n’y
a aucune démarcation avec le tyran. On le reconnait pour ce qu’il
a toujours été: une partie de la totalité. La démocratie
arme les tyrans, forme des escadrons de la mort, assassine sans compter,
tire contre les manifestations…19.
• Quand le mouvement ne peut plus être contenu, on se démarque
des personnages les plus haïs comme meilleur moyen d’enfermer le
mouvement et d’imposer l’horizon démocratique: renverser “ le tyran
” pour conquérir la “ révolution démocratique ” (celle
dont les colonisateurs actuels disent: “ nous, les pays civilisés,
l’avons réalisée il y a 100, 200 ou 300 ans ! ”)
• La démocratie se refait une nouvelle gueule supposée
différente de la terreur d’État, comme objectif supposé
de toutes les révoltes. Avec cette nouvelle façade, la démocratie
est en réalité un véritable rempart (défendu
par des gardiens bien armés !) qui prétend être infranchissable.
• La démocratie agit ensuite comme puissance de contre-insurrection
à un autre niveau: dans la mesure où elle s’applique comme
méthode de dilution de la classe en individus atomisés, elle
condamne la classe. Des corps para-policiers, des corps spéciaux
des forces de sécurité internationales (du Royaume-Uni, des
États-Unis, d’Israël…), et nationales (Égypte, Arabie
saoudite, Syrie, Iran…) exécutent des actions contre les gens et
contre les infrastructures qui affectent la population pour tenter de créer
la confusion générale et l’amalgame entre ces actions et
les actions décidées des minorités prolétariennes
.
• La démocratie, présentée comme méthode
de décision, agit en cherchant à paralyser et à détacher
l’avant-garde du reste du prolétariat en l’accusant de ne pas respecter
“ l’opinion majoritaire ”. Dans ce sens, la démocratie est une puissance
de désorganisation politico-militaire de l’adversaire.
• Dans le même temps, elle fonctionne pour faire la propagande
de tout le spectre social qui s’oppose à l’action révolutionnaire,
elle disqualifie et isole (en la présentant comme “ excès
”) toute expression classiste qui assume de manière organique les
intérêts subversifs du mouvement en cours. La démocratie
s’oppose par tous les moyens à la nécessité de négation,
de destruction que contient tout mouvement sain !
• La démocratie promotionne le plus petit commun dénominateur
des luttes, ce qui liquide la rupture qualitative dans l’addition individuelle,
base indispensable de la reproduction de la domination bourgeoise. C’est
l’expression même de l’évolution et du progrès qui
s’oppose à la négation révolutionnaire.
• Enfin, la démocratie prépare le changement politique
pour réimposer le monde épouvantable, terrorisant, celui
de la résignation, de la soumission de l’exploitation et du citoyen.
Tous ces plans ont été utilisés depuis le début
pour calmer et canaliser les révoltes du prolétariat en
Afrique, au Proche-Orient en dans la péninsule arabique, y compris
le niveau supérieur de la stratégie de la contre-insurrection
qui consiste à transformer la guerre sociale en guerre impérialiste.
C’est l’objectif suprême du capital parce que c’est celui qui liquide
totalement le prolétariat en tant que classe opposée à
toute la bourgeoise et à tous les États en réimposant
une polarisation interbourgeoise et en dernière instance, interimpérialiste.
Dans la situation internationale actuelle, seule l’opposition du prolétariat
à cette transformation peut arrêter la guerre et conjointement,
toute la lutte actuelle du prolétariat contient la tendance à
liquider ces guerres et à imposer la révolution sociale.
INTERETS IMPERIALISTES ET INTERETS GENERAUX DU CAPITAL
Comme nous l’avons déjà développé à
d’autres occasions, le capital total n’est rien de plus que des capitaux
en concurrence et en opposition, chaque atome du capital contient la guerre
impérialiste. Même si chaque fraction du capital entre en
guerre pour ce que chacune de ses fractions veut imposer, dans la guerre
se réalise l’intérêt général du capital
; la guerre impérialiste est toujours contre le prolétariat.
En pleine généralisation du mouvement prolétarien
international, la guerre impérialiste est objectivement l’arme suprême
pour détruire la révolution sociale, canalisant et aliénant
les prolétaires dans les forces impérialistes ; amenant les
masses aliénées sous les bannières nationales et impériales
dans la boucherie généralisée. La transformation de
la révolte internationale du prolétariat en guerre interbourgeoise
est en ce sens l’objectif réel de toute la polarisation interimpérialiste.
Au-delà de la lutte pour des matières premières
et la conquête de marchés, au-delà de la rupture d’alliances
et la reconstitution de nouvelles constellations impériales, la
propagande tend à imposer ces contradictions intercapitalistes pour
nier les objectifs généraux de la lutte prolétarienne,
ceux qui concernent toute l’espèce humaine.
L’action des diverses fractions bourgeoises pour la défense
de ses intérêts particuliers coïncide avec l’intérêt
de la bourgeoisie d’encadrer le prolétariat en le dissolvant dans
différentes alliances et fronts, allant jusqu’à le liquider
comme citoyen, et est en même temps l’expression même de la
nature profonde du capital qui contient la guerre et la nécessité
de détruire le prolétariat en tant que force en constitution.
Contre toutes les luttes prolétariennes actuelles, cette tendance
inéluctable du capital agit pour pousser à la guerre impérialiste
et détruire le prolétariat en tant que classe autonome.
Dans ce sens et en tant que tendance inéluctable du capital contre
le prolétariat, le cas libyen est emblématique. En effet,
c’est sur ce territoire qu’est donné de manière ouverte
le saut qualitatif dans l’application de la violence contre-révolutionnaire
des puissances impérialistes internationales, c’est l’endroit où
la population civile est bombardée avec des armes de longue portée
ne lui laissant d’autres options que celle de lutter contre ceux qui la
bombardent, c’est là qu’apparaissent plus clairement les camps impérialistes
qui s’affrontent.
Cependant, il ne faut pas oublier que la guerre impérialiste
n’est qu’une généralisation de la guerre entre fractions bourgeoisies
par laquelle la bourgeoisie répond aux soulèvements toujours
et partout: il ne faut pas oublier que depuis le début, la réponse
bourgeoise aux soulèvements prolétariens dans le “ monde
arabe ” est de tenter par tous les moyens de les encadrer dans des contradictions
interbourgeoises, que la procédure générale consistant
à liquider une fraction bourgeoise qui serait trop “ dictatoriale
” n’est rien de plus qu’un ravalement de façade de l’ancienne fraction,
que tout ce processus contient toujours l’intérêt capitaliste
consistant à canaliser le prolétariat dans des camps interbourgeois
qui s’affrontent, et qu’en dernière instance, dans chacun de ces
pays, toutes les puissances et intérêts impérialistes
qui s’affrontent agissent en cherchant à tirer la meilleure part
du gâteau d’une nouvelle répartition.
Les actions armées impérialistes n’ont pas commencé
quand ils nous ont dit que l’ONU, l’OTAN, les États-Unis, le Royaume
Uni, la France,… avaient commencé à envoyer des bombes contre
le territoire et les gens en Libye. Il y a eu des actions militaires,
essentiellement effectuées par des forces spéciales et de
contre-insurrection de ces puissances sur le même territoire libyen
bien avant et leurs actions contre la population ont été
dénoncées partout par de nombreux médias en marge
des médias officiels. Dans d’autres pays, la présence militaire
directe des gendarmes internationaux est permanente et fait bien entendu
partie des forces de contre-insurrection, tout en défendant les
intérêts particuliers de ces puissances respectives et jusque
dans certains cas, de telle ou telle entreprise pétrolière
ou de l’armement yanquee, anglaise ou française… Personne ne doute
de l’importance de cette présence et de l’action militaire en Egypte
ou en Arabie saoudite et de leur action permanente dans ces pays, ainsi
que pour des opérations ponctuelles d’ “ invasion militaire préventive
” comme l’a fait, par exemple, l’État d’Arabie saoudite contre le
mouvement prolétarien au Bahreïn. Mais ces éclaircissements
faits, il ne peut subsister aucun doute sur le fait que le saut qualitatif
dans cet effort militariste pour détruire l’autonomie du prolétariat,
c’est l’action militaire elle-même: le bombardement et la militarisation
de toute la contradiction politique. Au moment d’écrire ces lignes,
nous sommes en pleine agression impérialiste généralisée
sous le prétexte grossier de défendre les humains, même
s’ils n’ont pas de scrupules à dire que s’ils ne vont pas envahir
d’autres pays où les massacres ne peuvent être occultés
tel qu’au Yémen, en Syrie,… c’est parce qu’ils ne possèdent
pas de pétrole dans leur sous-sol. Le cynisme est tel que même
ceux qui poussent à bombarder admettent publiquement que la Libye
est importante parce que son pétrole est bon et léger et pas
par la quantité ou la qualité de ses morts que fait monsieur
Kadhafi.
Le bombardement systématique des villes,
comme les puissances gendarmes sont occupées à le faire
en Libye, rend évidement la survie très difficile et, bien
que la lutte du prolétariat soit exemplaire, si les prolétaires
d’autres endroits n’empêchent pas cette guerre impérialiste
contre le prolétariat qui vit dans ce pays, il est très difficile,
sinon impossible de maintenir l’autonomie de classe. Les bombes, les camarades
et membres de familles morts, les innombrables difficultés pour
arriver à subsister font de la vie quotidienne un enfer. Même
si on sait que les deux camps de la guerre impérialiste sont des
assassins, il est impossible d’assurer la survie et d’affirmer l’autonomie
du prolétariat sans empêcher par la force ces bombardements
internationaux.
En Libye, la lutte du prolétariat a eu un développement
extraordinaire, allant jusqu’à attaquer des centres historiques répressifs
(direction de la Sécurité), encercler et incendier des casernes,
liquider des personnages clés de la répression et des tortionnaires
connus, incendier des banques, des tribunaux, des prisons, des commissariats
et des centres de la police militaire. Durant ce développement, le
prolétariat s’est armé de manière embryonnaire et s’est
affirmé au fur et à mesure avec une relative autonomie face
aux groupes d’action étatiques, para-étatiques et d’autres
forces spéciales des puissances occidentales qui évoluaient
dans la région. Cependant, face au bombardement systématique
des puissances impérialistes, sans la logistique des forces impérialistes
en présence dans les deux camps, il est impossible pour le prolétariat
d’apparaître comme une force autonome et d’acquérir une puissance
représentant une opposition crédible face aux camps impérialistes.
La subsistance la plus élémentaire est totalement désorganisée
en Libye par la force impérialiste du capital international et
réorganisée au bénéfice du capitalisme depuis
l’extérieur. Comme dans d’autres guerres contre la révolution
(par exemple en Irak en 1991), cette désorganisation/organisation
par le capital tend à réduire objectivement le prolétariat
à une population d’assisté. L’objectif de l’État est
toujours: “ qu’ils remettent leurs armes et nous leurs donnerons de quoi
manger et nous soignerons leurs blessures ”. Les bombes et la charité
organisée, une fois de plus, le gourdin et le plat de lentilles tentent
de liquider toute l’autonomie classiste qui s’était développée
contre le régime.
Seule la débandade généralisée et le défaitisme
révolutionnaire partout, dirigé par le prolétariat
en armes, peut inverser ce processus. Cependant, une lutte conséquente
des prolétaires dont les États sont occupés à
intervenir nous semble indispensable, ce qui n’est malheureusement pas
le cas. Et c’est précisément contre ce risque que ces puissances
lancent des bombes de loin, parce qu’ils craignent une guerre d’usure
pour leurs militaires. S’ils bombardent la Libye et non d’autres pays,
ce n’est bien entendu pas pour défendre des gens mais, en plus
du pétrole, en plus des contradictions qu’ils peuvent avoir avec
Kadhafi, en plus de la nécessité de polariser la société
en termes interimpérialistes, c’est parce qu’il est bien plus facile
de faire des interventions uniquement de loin, dans un pays désertique
et dont les villes ne se situent que sur la côte totalement exposées
aux bombardements. L’option militariste bourgeoise et de gendarmerie est
bien plus facile en Libye qu’ailleurs, tant pour ceux qui font la guerre
sur le terrain que pour les prolétaires qui constituent l’arrière-garde,
puisqu’elle peut se vivre de loin, en poussant sur des boutons, sans les
horreurs de la guerre. Une chose bien différente pour les puissances
impérialistes et leurs arrière-gardes serait d’aller aider
militairement (en faveur ou contre le gouvernement, peu importe) le pouvoir
en Egypte, en Syrie, en Iran… là où les armées devraient
s’enfoncer dans le territoire et (comme c’est le cas en Irak ou en Afghanistan),
où les militaires s’embourberaient dans une intervention sans fin
et où le défaitisme révolutionnaire pourrait se généraliser,
d’autant plus dans une vague de luttes comme celle-ci qui confronte le
gendarme international à des mouvements sociaux massifs. Voilà
pourquoi il faut dire les choses clairement: celui qui peut empêcher
cette action impérialiste contre le mouvement social, c’est le prolétariat
international et principalement le prolétariat des pays qui agissent
comme puissances gendarmes, c’est la lutte contre “ sa propre ” bourgeoisie,
contre “ses propres” États.
Comme nous l’avons déjà exprimé, en plus du bombardement
en Libye, la tendance à imposer la guerre impérialiste est
générale. Même si elle fut bien moins médiatisée
que la “ question libyenne ”, la véritable invasion militaire au
Bahreïn par l’État d’Arabie saoudite a une énorme importance
stratégique: que ce soit pour contenir le mouvement ou de manière
générale comme répétition d’une repolarisation
impérialiste de grande envergure. Cette invasion constitue sans aucun
doute un saut de qualité décisif dans l’agissement du capitalisme
contre le prolétariat, non seulement par la quantité et la
qualité de la présence militaire de l’Arabie saoudite au Bahreïn
(en protégeant du même coup la puissante base militaire des
États-Unis à Juffair, centre stratégique de répression
!)… contre les manifestations prolétariennes (dans ce tout petit pays,
ces mille 20 militaires plus forts et armés de manière moderne
par les puissances impérialistes occidentales, pèsent énormément),
mais parce que cela déstabilise reconfigure toute la région
au niveau interimpérialiste en affirmant la présence pro-nord-américaine
et pro-européenne contre l’État d’Iran qui, d’entrée
de jeu a réagit par des dénonciations, des déclarations
et des menaces à peine voilées d’intervention en Arabie saoudite
21.
C’est dans ce même sens qu’il faut comprendre les autres actions
militaires des États de la région et des puissances occidentales.
En ce moment même, au mépris de tous les critères
qu’ils prétendent défendre, les odieux militaires français
n’ont pas hésité à tirer contre la population en
Afrique comme par exemple en Côte d’Ivoire. Le changement d’un président
par un autre ne s’est pas fait sans armer une fraction contre une autre,
sans tirer contre la population, sans imposer à feu et à
sang son candidat et agent du Fond Monétaire International. Même
s’il était caché derrière les forces de ce président
ou vêtu de l’uniforme des Nations-Unies, le terrorisme séculaire
en Afrique assuré par l’État français a été
prédominant pour préserver la propriété privée
et continue à être le principal gardien de l’ordre bourgeois.
PROLETARIAT: FORCES, FAIBLESSES ET PERSPECTIVES
Le prolétariat se définit en tant que classe défendant
ses intérêts vitaux contre le capital. Mais évidement,
ce n’est pas suffisant pour imposer ses intérêts contre le
capitalisme et encore moins pour le détruire. Le pouvoir historique
de la bourgeoisie n’a fait que se perfectionner, développant ses
forces, ses idéologies, ses structures spécialisées
contre tout mouvement qui prétendrait subvertir l’ordre.
Pour que le prolétariat puisse triompher, il doit être
une force plus puissante que son ennemi historique et, même s’il a
l’avantage stratégique d’être la classe qui crée tout
la richesse de ce monde, il faut admettre que sans l’organisation, sans
la structuration, sans la direction, sans la conscience… qui correspondent
à ses intérêts et à sa perspective révolutionnaire,
il ne peut liquider la société bourgeoise. C’est ce qu’avec
les autres révolutionnaires, nous appelons la constitution du prolétariat
en classe et donc en parti opposé à tout le système
social capitaliste.
Les révoltes actuelles du prolétariat international (situées
principalement de l’Afrique méditerranéenne à la
péninsule arabique en passant par le Proche-Orient mais avec une
tendance à la généralisation à toute la planète)
possèdent les caractéristiques que nous mettons en avant
depuis des décennies 24. Dans le présent texte, nous avons
parlé des éléments de force et nous avons souligné
qu’on a été plus loin au niveau de la généralisation,
de l’organicité de l’action, de la stimulation mutuelle,…
Maintenant nous voudrions parler un peu des faiblesses en commençant
par éclaircir que nous ne pouvons pas le faire en permanence parce
que cela nous amènerait à nous répéter indéfiniment
sur ce sujet sans pouvoir donner des éléments qualitatifs
différents. Si les forces peuvent être très différentes
dans chaque mouvement, dans chaque généralisation ou comme
maintenant quand le mouvement dépasse les frontières nationales,
les faiblesses sont systématiquement les mêmes. En effet,
quand le mouvement démarre, il peut le faire pour des raisons locales
ou pour la concrétisation locale de causes générales,
comme c’est le cas avec les augmentations généralisées
des prix de l’alimentation, mais dans les deux cas, il y a toujours, en
terme de forces, quelques caractéristiques qui sont différentes
comme pour toute résurgence, comme si chaque ascension d’un mouvement
apportait quelque chose de relativement “ nouveau ”, d’“ original ”.
Les faiblesses, au contraire, sont globalement les mêmes parce
que c’est en tant que classe mondiale que le prolétariat a historiquement
été défait par la contre-révolution, parce
que depuis quelques 90 ans, il n’est plus arrivé à s’imposer
comme force mondiale, parce que l’organisation et la conscience internationale
du prolétariat en tant que classe est une véritable catastrophe.
Au niveau mondial, il existe moins de centralisation prolétarienne
que dans toute l’histoire du capitalisme, il existe moins d’organisations
et de publications classistes qu’au début du vingtième siècle
et même qu’au milieu du dix-neuvième siècle. Chaque
fois que nous intervenons dans les luttes prolétariennes ou que
nous écrivons sur elles, nous ne pouvons répéter qu’il
“ manque la conscience ”, qu’il “ manque l’organisation ”, qu’il “ manque
l’autonomie classiste ”, qu’il “ manque l’internationalisme ”, qu’il manque
“ le fait d’aller à la racine de la critique du capital ”, qu’il
“ manque la centralisation internationale ”, qu’il y a “ trop de drapeaux
nationaux ”… parce que, même si tout cela est vrai et qu’il n’est
jamais inutile de le souligner au moins succinctement, nous préférons
nous concentrer sur les apports plus qualitatifs qui sont différents
selon les cas.
Est-ce que cela voudrait dire que la révolution est encore plus
lointaine qu’il y a deux siècles ? Catégoriquement NON,
et ce n’est pas grâce à l’organisation, la centralisation
et la conscience de classe du prolétariat mondial, parce qu’il faut
reconnaître que de ce point de vue là, c’est pire 25, mais
bien parce que le capitalisme n’a aucun futur et que sa situation est et
sera chaque fois plus catastrophique. Pour être encore plus clair:
il est certain que le capitalisme continuera à pousser les masses
de déshérités à la lutte dans le monde entier
parce qu’il n’a rien à leur offrir, parce que le futur du capitalisme
est une catastrophe permanente et chaque fois pire pour le prolétariat
mondial. Autrement dit, si avant, les révoltes étaient sporadiques
ou éclataient dans l’une ou l’autre région “ isolée
”, maintenant il est courant qu’il y ait des centaines de milliers de prolétaires
qui se battent et qui luttent quasi en permanence et quand il semble que
d’un côté la révolte se termine, cela recommence ailleurs
avec plus de force. Il se passe le même phénomène avec
les divisions au sein du prolétariat, avant les révoltes
étaient celles des “ exclus ”, des “ immigrés ”, des “ chômeurs
”, des “ ouvriers agricoles ”… maintenant la généralisation
au niveau du territoire et le fait de recouvrir des problèmes plus
généraux et reconnus comme sociaux, sont devenus quasi la
norme. En réalité, le prolétariat avec ou sans travail,
agricole ou urbain, femme et homme, vieux et enfant et de toute couleur
de cheveux et de peau se voit poussé chaque fois plus à la
lutte ouverte contre l’État.
Il est fondamental de souligner qu’en plus, le prolétariat est
poussé à lutter aussi contre ses croyances morales ou politiques.
Qu’il croie en dieu ou non, qu’il croie que la gauche sera moins mauvaise
que la droite ou qu’il sache que c’est la même chose, qu’il s’illusionne
sur l’ “ anti-impérialisme ” de Kadhafi ou qu’il sache que ce dernier
est l’autre face de l’impérialisme, sa survie sociale se verra
menacée par la catastrophe du monde du capital et il se verra chaque
fois plus forcé à lutter pour sa vie.
C’est-à-dire qu’au-delà d’une quelconque croyance ou
idéologie, la “ normalité ” du capitalisme comme catastrophe
permanente fait que celle-ci s’approfondit dans de nombreuses régions
et pays à la fois, qu’aucune catégorie du prolétariat
ne reste en marge de la catastrophe et de la lutte, que la lutte pour
la survie implique chaque fois plus une guerre sociale générale
internationale. Il est compliqué de prédire les cycles de
cette guerre internationale de classes, mais on peut affirmer que dans
cette décennie on entre dans une phase de permanence et d’intensification
méconnue jusqu’à présent.
C’est justement ce que nous vérifions au cours de la révolte
actuelle, il semblerait qu’elle se généralise encore plus
qu’en 2008, qu’elle touche plus de régions et plus de pays, qu’elle
présente plus d’émulation mutuelle et aussi plus de conscience
que c’est la même chose qu’ailleurs et que c’est relativement pour
les mêmes raisons.
Cependant, il est évident que l’organicité réelle
dont fait preuve le prolétariat dans la révolte internationale
actuelle, dans la simultanéité de la lutte contre le capitalisme
partout, ne se traduit pas encore suffisamment en organisation, en conscience,
en direction… Même si nous sommes certains que toutes les tromperies
et pseudo-changements au sein du pouvoir politique ne changent absolument
rien, même si nous savons que les ravalements de façade de
chacun de ces petits États ne changent rien d’essentiel (l’État
mondial reste intact !), même si nous savons que toutes les consignes
démocratiques, religieuses ou “ marxiste-léninistes ” ne
solutionneront rien, nous ne pouvons assurer que le mouvement continuera
à grandir et à se développer comme la logique le voudrait.
L’expérience passée indique qu’une partie du mouvement croit
en ces changements de gueule de la dictature comme étant un pas
vers la liberté. Il est à craindre que ces “ changements
” désarticulent la force en plein processus de constitution, que
le prolétariat se disloque en tant que force du mouvement et qu’il
disparaaisse pour un moment plus ou moins long de la scène politique.
Par exemple, au moment où nous écrivons ces lignes et que
la lutte continue à se radicaliser dans de nouveaux pays, dans certains
parmi les premiers à être entrés en lutte, les guépardistes
sont arrivés à imposer un certain ordre sur base du changement
“ réussi ” du dictateur défenestré… ce qui est bien
entendu un obstacle au processus de constitution du prolétariat
en classe mondiale.
En fonction de tout ce qui a été dit précédemment,
il nous semble néanmoins que cette disparition ne peut durer ni
dans le temps, ni dans l’espace. Il est impossible que le capitalisme dans
la situation actuelle puisse modérer son antagonisme avec les intérêts
de l’humanité, les possibilités d’imposer la paix sociale
avec une stabilité comme celle du passé semblent impensables.
D’autre part, nous croyons que le mouvement a avancé dans
le sens d’avoir conquis non pas une quelconque réforme ou le renoncement
d’un tyran mais plutôt ce sentiment de force qu’en descendant dans
la rue, on peut s’imposer. Nous pensons, même si ce n’est pas garanti,
que c’est ça qui sera le plus difficile à effacer pour tous
les dominateurs et les oppresseurs. Sur cette base, nous pensons que même
si le prolétariat disparait à nouveau ponctuellement de
la rue, il gardera son expérience et émergera à nouveau
bientôt plus fort et plus puissant. Nous pensons également
que cela dépend beaucoup de la capacité des minorités
classistes les plus conséquentes.
De plus, même si le capitalisme colmate une brèche,
il y en aura beaucoup d’autres qui s’ouvriront ailleurs, parce que le
calme qu’il imposera dans un endroit ou sur un front, à une ou plusieurs
catégories, sera plus difficile à généraliser
et sera précaire comme la vie-même de l’être humain
soumise à la catastrophe actuelle. Nous pensons que cette caractéristique
consistant en de grands sauts et des périodes plus calmes de reconstitution,
durant lesquels recommence à se forger les combattants et les consciences
prolétariennes pour sauter chaque fois plus fort et plus haut,
sera l’évolution prolétarienne désordonnée
jusqu’à l’organisation en tant que classe qui permet d’affronter
plus globalement l’ennemi et pas seulement ses gueules visibles.
Au moment où nous écrivons ces lignes, alors que “ le
changement ” a réussi à imposer le calme, même très
relatif sur base d’une certaine expectative (Tunisie, Egypte…26), dans d’autres
régions par contre, on est en pleine expansion des affrontements
et de la répression ouverte (Syrie, Bahreïn, Yémen…
et dans une certaine mesure en Jordanie, en Irak, en Chine, en Bolivie…)
; alors que là où le discours du changement est au pouvoir
depuis un bon moment comme en Amérique latine, ce dernier se montre
chaque fois plus usé et déjà, la remise en question
prolétarienne apparaît en exprimant clairement que le supposé
changement ne change rien d’essentiel. Une fois de plus, nous devons signaler
l’exemple que le prolétariat en Bolivie donne au monde. Ni le gouvernement
d’Evo Morales, ni la COB (Centrale Ouvrière Bolivienne) ne sont
arrivés à contrôler le prolétariat qui s’affirme
chaque fois plus dans la rue. Les mineurs se sont trouvés à
la tête des manifestations qui ont débordé toutes les
structures de contrôle et contre toutes les interdictions, sont rentrés
dynamite à la main dans le centre historique de La Paz en attaquant
les locaux officiels. La consigne centrale semble expressément destinée
à ce que leurs frères vivent sous d’autres latitudes: “Si
c’est ça le changement, le changement est une merde ”. Une consigne
simple qui peut sembler limitée et qui cependant exprime avec beaucoup
de clarté les intérêts du prolétariat face à
la bourgeoisie qui se consacre justement à changer pour que rien
ne change et qui, au niveau international, peut seulement faire ces changements
de merde 27.
Aucun des problèmes centraux pour lesquels des centaines
de milliers, des millions de prolétaires sont sortis dans la rue
ne peuvent être solutionnés par le capital en pleine catastrophe,
aucun des petits États régionaux ne peut calmer les masses
avec de réelles carottes (les fictives, ils les ont déjà
toutes promises !). Ce qui serait normal pour une classe qui s’affirme
comme mondiale, c’est que d’autres expressions dans d’autres régions
prennent la relève et que ceux qui sont dans la rue continuent à
s’affirmer en tant que classe et pouvoir… Toutefois, sans structures permanentes,
sans s’affirmer réellement comme classe organisée, personne
ne peut assurer que le mouvement sera plus fort, comme ce serait indispensable,
à court terme. C’est pour cela que nous ne devons pas nous étonner
qu’il y ait prochainement un certain reflux, d’autres sursauts, encore des
reflux, plus d’affrontements et d’affirmations régionales. Nous
ne pouvons pas non plus assurer que dans telle ou telle région,
la lutte ait plus de perspective que dans telle autre, mais il est évident
que la lutte, qui dans son extension a débordé de partout les
limites des “ pays arabes ” et qui a eu des répercussions en Chine,
en Inde ou en Amérique du Nord, du Centre et du Sud, indique qu’il
est possible qu’on se dirige vers ce fameux saut de qualité que constituerait
la simultanéité généralisée internationale.
Nous sommes peut-être très proches de cette généralisation
de la lutte mondiale classe contre classe que les révolutionnaires
du monde ont toujours auguré 28.
Le capitalisme fait tout pour l’empêcher mais la dynamique
catastrophique même de la société bourgeoise tend
irrémédiablement vers cette division du monde en deux camps
ennemis. Les révolutionnaires ne doivent pas seulement espérer
cette phase mais l’impulser, la théoriser, l’organiser et la diriger,
parce que sans la constitution du prolétariat en parti mondial
opposé à tout l’ordre établi, cette inévitable
phase sera horriblement longue et sanglante. Dans ces batailles présentes
et futures, le développement de la lutte pour imposer la conscience
de constituer une seule classe, une seule force, une seule direction, imposer
la perspective de la révolution communiste mondiale est une part
décisive de la lutte de l’avant-garde révolutionnaire.
Luttons de toutes nos forces
pour l’organisation du prolétariat
en classe et donc en parti !
Développons la lutte
contre tous les tyrans et les oppresseurs,
jusqu’à ce qu’elle soit assumée ouvertement
comme une lutte contre toute la tyrannie
et l’oppression du capitalisme mondial !
Avril 2011
Encadrés
Éléments sur
l’augmentation de prix
des produits alimentaires
Le 11 janvier 2011: “ l’ONU annonce le risque d’une nouvelle crise
alimentaire ” Agence AFP.
La FAO concorde: “ Nous sommes face à une situation très
tendue ”... “ Quelques 80 pays sont confrontés à une carence
en nourriture… ”
“ L’indice global des prix des produits agricoles de base (céréales,
viande, sucre, oléagineuses, produits laitiers) se situe actuellement
à son niveau maximum depuis que la FAO a commencé à
élaborer cet indice il y a 20 ans ” (Nations Unies, janvier
2011 - IPS).
“ L’Organisation des Nations-Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation
(FAO), dont le siège se trouve à Rome, a lancé une
alerte la semaine passée concernant une augmentation significative
en 2011 des prix mondiaux du riz, du blé, du sucre, de l’orge et de
la viande … ”.
“ Paris, janvier 2011 (Reuters) – le président français,
Nicolas Sarkozy, mènera cette semaine à Washington sa campagne
pour contrecarrer l’augmentation globale des prix des aliments… ”. (Bâle
(Suisse), 10 janvier - EFE)
“Le président de la Banque Centrale Européenne (BCE),
Jean Claude Trichet, porte-parole des gouverneurs des banques centrales
du Groupe des 10 (G-10), a lancé une alerte aujourd’hui concernant
la forte montée du prix des aliments et la menace inflationniste dans
les économies émergentes ”.
“ La Banque Mondiale craint une crise du prix des aliments” (15 janvier
- BBC)
“ Le président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, a affirmé
à la BBC que la crise serait plus profonde que celle de 2008 ”.
(Mexico DF, 7 janvier - Reuters)
“Le rythme annuel d’inflation des aliments a triplé au Mexique
en novembre comparativement aux deux mois antérieurs… ” (Washington,
18 février -EFE)
“Le changement climatique aggravera la pénurie d’aliments, selon
un étude ”
“ Depuis plus de 20 ans, les scientifiques ont lancé une alerte
sur l’impact du changement climatique, mais rien ne change à part
l’augmentation des émissions qui causent le réchauffement
global, a dit Liliana Hisas, directrice exécutive de la filiale
étasunienne de cette organisation à EFE ”.
“ Osvaldo Canziani, gagnant du Prix Nobel de la Paix en 2007 et assesseur
scientifique du rapport, indiqua que “ partout dans le monde, on enregistrera
des épisodes météorologiques et des conditions climatiques
extrêmes et les augmentations de la température moyenne superficielle
exacerberont l’intensité de ces épisodes ”.
“ Reuters, 18 janvier – L’Algérie achète du blé
pour éviter la pénurie et les émeutes. ”
“ L’agence étatique de grains d’Algérie a acheté
environ 1 million de tonnes de blé ces deux dernières semaines
pour éviter la pénurie en cas de troubles, a déclaré
une source du Ministère de l’Agriculture à Reuters. ”
“ Reuters - 18 janvier: le blé augmente fortement à Chicago
suite aux achats de l’Algérie. ”
El Economiste, 18 janvier 2011: “ Alerte mondiale pour le prix des
aliments - Parmi les principales causes, il y a les inondations et les
sécheresses occasionnées par le changement climatique, l’utilisation
d’aliments pour produire des biocombustibles et la spéculation
sur le prix des matières premières. ”
NDR: Il s’agit d’une compilation présentée par Fidel
Castro. Nous ne doutons pas un instant que sa réalisation ait été
motivée par ses propres enjeux politiques mais elle nous semble
particulièrement éclairante sur la situation.
Pour seulement mentionner un exemple concret, les gaz lacrymogènes
des milices tunisiennes sont fabriquées en France par la société
Sofexi ; les corps répressifs égyptiens entraînés
par les experts français en 2010 (le cours commencé en octobre
s’appelle élégamment “gestion des foules et des grands
événements”. L’État libyen de Kadhafi a négocié
l’achat de 120 VBR (véhicules blindés à roues) de
chez Panhard, la Russie a commandé 500 chars légers à
la France (également prévus contre les mouvements sociaux).
Les commandes affluent aussi des États du Golfe (Source: Jura Libertaire,
février 2011).
Maghreb et Moyen-Orient,
la réémergence du prolétariat
Depuis décembre 2010, la flamme de la révolte traverse
les pays du Maghreb comme une traînée de poudre, tandis que
les échos de la révolte débordent toute limite géographique,
arrivent à d’autres pays limitrophes où commencent à
résonner les voix de leurs voisins et le son des sabres, faisant
palpiter le cœur de leurs frères de classe qui relèvent le
défi de s’affronter également à la tyrannie capitaliste
pour défendre leurs conditions de vie.
La bourgeoisie internationale se réunit jour après jour
pour orienter sa manière d’affronter la révolte ; simultanément
les armes de la démocratie se déploient sur tout le territoire:
les armées sont depuis des semaines dans les rues pour réprimer,
les visages des différents gouvernements changent à chaque
instant, les formules de rechange font la file pour tenter de séduire
les rebelles, les promesses de réformes se bousculent les unes après
les autres, le fondamentalisme démocratique se rénove, la
transformation en conflit interbourgeois tente de se frayer un chemin.
La presse internationale de nos ennemis n’a cessé de manœuvrer
et d’intoxiquer pour occulter la véritable cause de la révolte.
D’abord, elle l’a disqualifiée en tant que “ manifestation typique
de populations non civilisées propre aux pays sous développés
”, ensuite elle a dû la qualifier de révolte tunisienne “
en faveur de plus de libertés ”, pour plus tard en venir à
dire la même chose sur l’Égypte. Aujourd’hui, la lutte pour
les droits démocratiques est le recours médiatique. Comme
tout outil du capital, la presse cherche à coincer la révolte,
à empêcher qu’elle continue à se propager comme la peste,
à empêcher que les prolétaires d’autres pays puissent
s’identifier avec les protestations et que nous sortions dans les rues pour
nous affronter à nos oppresseurs. C’est une des méthodes par
excellence pour affronter les luttes prolétariennes: les étouffer
entre les cordons sanitaires d’un pays.
Malgré tout, la flamme continue à se propager. La Tunisie,
l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, la Libye, la Mauritanie,
Oman, le Yémen, le Maroc, la Syrie, le Koweït ou la Palestine,
avec plus ou moins d’intensité, ont démontré que le
prolétariat n’attend qu’un petit signe pour sortir pour en découdre
avec tout.
La formidable extension de la révolte est en train de foutre
en l’air l’intoxication des moyens de communication, montrant que le soulèvement
répond à des critères très différents
de ceux qu’ils veulent nous vendre, des critères qui affectent tous
les prolétaires de ce monde et qui, profondément enracinés
dans ce système, remettent en question les fondations sur lesquelles
repose ce monde de misère: les classes sociales.
L’abolition de la société de classe. Voilà l’essence
de la révolte. Si les prolétaires de tous ces pays sortent
dans la rue, ce n’est pas simplement pour chasser le président ou
le gouvernement en place, ni pour des irrégularités dans la
gestion, pour les libertés démocratiques ou une quelconque
autre particularité locale. L’essence de la révolte est la
même qu’en Grèce il y a quelques années, la même
qui traverse les récentes manifestations en Europe, ou dans les pays
d’Amérique Latine. C’est le refus de supporter les coups de fouet
de la crise économique qui nous écrase partout, c’est le refus
de continuer à supporter le régime d’exploitation et de domination
capitaliste, c’est le refus de continuer à vivre où on ne peut
pas vivre. C’est la réémergence du prolétariat qui,
après des années de paix sociale, réapparait tel un
cauchemar devant les yeux de ses maîtres qui le croyaient enterré,
pour assumer à nouveau son devoir historique consistant à envoyer
au musée de l’histoire toute société de classe. C’est,
en définitive, l’humanité qui se lève contre la tyrannie
de l’économie.
Amigos de octubre amigosoctubre@gmail.com
LA LUTTE PROLÉTARIENNE
DANS D’AUTRES PAYS
EST NOTRE LUTTE !
La lutte actuelle dans d’autres pays: tunisie, égypte, libye,
yémen, bahreïn, oman, jordanie, maroc, irak, iran, arabie
saoudite, côte d’ivoire, bangladesh, corée du sud, chine,
islande, angleterre, france, irlande, espagne,portugal, italie, turquie,
grèce, états-unis, brésil, chili, bolivie,… [ les
noms de pays sont en minuscule dans l’original - ndr ] est notre lutte
parce que l’actuelle et catastrophique crise capitaliste est mondiale
et nous attaque nous, les prolétaires de partout, en intensifiant
notre exploitation; parce que les conditions précaires de vie des
prolétaires de là-bas sont les mêmes que les prolétaires
d’ici; parce que les frères de classe sous ces latitudes sont occupés
à lutter en réponse à cette crise et aux conditions
d’existence qu’elle provoque; parce que, comme le capital, nous, les prolétaires,
nous n’avons ni patries ni frontières; parce que notre classe et
notre lutte sont mondiales...
Le capitalisme est en crise ?
Qu’il explose une bonne fois pour toutes !
Le capitalisme ne se réforme pas,
ni ne se soigne, il est à détruire !
L’unique solution ? Le Communisme et l’Anarchie !
Contre la dictature démocratique de l’économie, imposons
la dictature de nos besoins humains !
Notre classe prolétarienne n’a pas de patries !
Solidarisons-nous avec les luttes prolétariennes dans d’autres
pays
en luttant contre “notre” “propre” bourgeoisie et “notre” “propre”
Etat !
Pour la Guerre de Classes Mondiale ! A bas tous les Etats et toutes
les frontières !
Luttons pour la Révolution Prolétarienne Mondiale !
Proletarios Salvajes
Quito (équateur) Mars 2011. 11
Le cynisme des médias
Un autre exemple du rôle qu’occupe la presse bourgeoise dans
la reproduction de cette société.
En Algérie, depuis des décennies 15, le prolétariat
n’a cessé de se définir comme classe, il n’a pas arrêté
d’affirmer son autonomie face à ses oppresseurs et à ses
exploiteurs, il n’a jamais arrêté d’opposer ses intérêts
propres de classe aux intérêts du capitalisme.
C’est ainsi qu’a surgi une consigne “ POUVOIR ASSASSIN ” qui ne centralisait
pas seulement les luttes en Algérie mais qui désignait
l’État et son terrorisme comme l’ennemi à affronter, à
détruire. L’assassin est clairement le POUVOIR et pas seulement
l’un ou l’autre gouvernement.
Jusqu’en France, dans différentes manifestations en solidarité
avec la lutte prolétarienne en Algérie, le prolétariat
scande cette consigne! Et on ne crie pas uniquement contre la fraction
gouvernementale en place mais aussi contre les fractions de rechange, y
compris les social-démocrates et les trotskystes ! Avec quelle clarté
nos frères de classe désignent leurs ennemis ! Cette même
consigne a également été reprise par les prolétaires
en Égypte et dans d’autres pays de la région !
Une équipe de la presse française a été
couvrir les manifestations en Algérie. Au moment de filmer, alors
que le prolétariat criait, EN FRANÇAIS, “ POUVOIR ASSASSIN
”, les journalistes n’ont pu faire autre chose que “ traduire ” cette consigne
ÉGALEMENT EN FRANÇAIS par “ GOUVERNEMENT ASSASSIN ” et commenter
“ qu’ils étaient en train de lutter pour changer Bouteflika, pour
plus de démocratie… ”
Marchands au service du capital, en tant qu'agents de ce pouvoir, ils
tentent comme toujours et sans aucun scrupule, de transformer nos luttes,
nos consignes de classe, en luttes inter-bourgeoises.
LES DÉCALAGES DANS LES MESURES D’AUSTÉRITÉ
Avant, la bourgeoisie pouvait réellement présenter des
gueules différentes, il y avait des politiques économiques
relativement différentes. Même si la droite et la gauche
ont sur l’essentiel toujours représenté la même chose,
elles se distinguaient par des plans économiques sociaux différents:
les unes étaient plus libérales, les autres plus keynésiennes,
c'est-à-dire que les unes suivaient directement les diktats du
taux de profit, les autres avaient compris qu’à moyen terme il
était préférable de créer la capacité
d’achat pour améliorer ce taux de profit, ce pourquoi les unes étaient
partisanes du serrage de ceinture et les autres préconisaient un
certain bien-être général comme meilleur manière
d’améliorer le profit capitaliste. En revanche, face à la
catastrophe généralisée du système capitaliste
mondial, il existe UNE ET UNE SEULE politique de la bourgeoisie. Même
à court terme et même si les laïus simulent une différence
allant jusqu’à une opposition, la politique de la bourgeoisie est
maintenant l’austérité totale pour le prolétariat (ce
que les bourgeois appellent “ libéralisme ” ou “ néolibéralisme
”, comme si cela représentait quelque chose de nouveau !) parce qu’en
dernière instance, la politique du Fond Monétaire International
est aujourd’hui adoptée partout, ce qui implique toujours une plus
grande détérioration de tous les moyens et formes de vie,
de contamination de toute l’existence (de ce qui se mange, ce qui se respire,
ce qui se boit,…), plus de marginaux et de gens qui dorment dans la rue,
plus de contrôle, plus de répression, plus de réfugiés
et de sans-papiers, plus de discours démocratiques, plus de prisons
et d’hôpitaux psychiatriques et plus de terrorisme d’État.
Trouvez un seul pays où ça ne se passe pas comme ça
!
Et cependant, ça, ils ne le confessent pas. Le fait qu'est partout
appliquée la même politique économique, que toutes
les fractions bourgeoises finissent par faire la même chose, c'est
le véritable secret de la domination. Pourquoi ?
Parce que s’ils confessaient que le capital attaque partout les conditions
de vie de l’humanité, le capital perdrait sa légitimité,
parce que pour reproduire la domination et l’exploitation dans la situation
actuelle de désastre extrême, il est indispensable de maintenir
l’apparence de l’opposition dans le pouvoir et, pour ce faire, même
si les mesures à imposer à l’humanité sont exactement
les mêmes, les services internationaux de contre-insurrection (et
très particulièrement les moyens de désinformation
mondial) conseillent que ces mesures NE soient PAS imposées partout
en même temps. Sans cela, il serait trop simple pour le prolétariat
de s’identifier en tant que classe, de s’organiser en tant que tel, de reconnaître
son ennemi historique.
Il est indispensable d’embrouiller tout, de créer d’autres tronches,
d’autres oppositions, d’autres canalisations. Même si aujourd'hui
il n'y a qu’une seule politique économique (toujours contre le
prolétariat !), même si l’unification réelle de l’État
mondial est plus achevée que jamais, même si les organismes
internationaux de politique économique dirigent chaque petit État
(Fond Monétaire International, Banque Mondiale, banques internationales
tel que la BCE ou la BID, Unions internationales…), même si les services
de contre-insurrection sont également exactement les mêmes
partout (centralisés, par exemple, par le Pentagone qui agit et
dirige les services répressifs de plus de cent pays), les mesures
les plus ouvertement antihumaines se présentent sous des visages
différents et tout est fait pour décaler ces mesures dans
le temps. Même si la militarisation générale de la vie
est un plan généralisé et que les plans politiques
obéissent à cela au niveau de toute la planète (ce qui
se fait dans ce sens en ce moment même au Brésil dans les favelas
est monstrueux !), on attaque en séparant, en divisant, en réprimant
paquet par paquet, pays par pays, région par région.
La création historique de la polarisation
fascisme-antifascisme a suivi le même chemin
L’État démocratique (il y a un seul État !), par
exemple la République Espagnole, assume la répression ouverte
des luttes prolétariennes et au cours de celle-ci, des secteurs et
forces se distinguent par leur côté particulièrement
sanguinaire. Cependant, tous sont de la partie et ce sont des républicains
parmi les plus illustres qui donnent les ordres de tirer aux généraux
qui les exécutent (comme à Casa Viejas en 1933 et en Asturies
en 1934!).
La répression est pointée du doigt, dénoncée
et affrontée, provoquant en réponse une radicalisation du
mouvement social. C’est alors qu’une fraction de cet État essaye
d’en accuser une autre d’avoir effectué cette répression,
d’être tyrannique, dictatoriale, fasciste… Comme stratégie
de défense la plus efficace, l’État se dissocie, se divise
en deux et présente l’autre partie comme un corps étranger,
différent et qui n’émane pas de lui. L’ “antifascisme ” peut
ainsi se laver le visage et les mains du sang qu’elles ont fait couler et
créer un épouvantail avec ce qui serait pire que lui, le “
fascisme ”. “ Ce n’est pas nous qui avons commis cette barbarie, ce sont
les généraux fascistes ”. Hier, ils étaient main dans
la main, Alcalá Zamora avec Franco, Staline avec Hitler, Allende
avec Pinochet, Obama avec Ben Ali, Sarkozy avec Moubarak, Berlusconi avec
Kadhafi… et participaient aux mêmes banquets pendant que le prolétariat
se faisait massacrer.
Dans le troisième acte, les vêtements et les costumes
sont déjà changés pour en ôter le sang déjà
bien sec. On les a lavés avec tous les types d’agents blanchissants
tels que la dénonciation contre “ les dictateurs ”, “ les fascistes
”, “ les corrompus ”… Bien propres grâce aux dénonciations
et aux beaux discours, ils se préparent à “ aider le peuple
dans sa lutte pour la démocratie ”… Avec les mêmes armes qui
ont servi hier à nous tirer dessus, ils disent nous défendre
et vouloir “ abolir la tyrannie ”. Ils cherchent la complicité des
prolétaires du reste du monde afin qu’ils contribuent à cette
nouvelle guerre, que ce soit activement ou simplement en étant de
bons travailleurs, citoyens, contribuables et téléspectateurs.
En réalité, ils sont en train d’imposer le quatrième
acte, le plus sinistre de tous: la transformation de la lutte entre classes
sociales opposées en une lutte entre fractions bourgeoises, ils
recrutent pour la guerre entre fractions bourgeoises, entre forces impérialistes
opposées. La liquidation du prolétariat, qu’ils ne sont
pas arrivés à obtenir par la répression directe,
est maintenant à leur portée dans la croisade “ anti-dictature
”, par la déstructuration de la classe dans un front anti-dictateur,
par l’enrôlement dans le front unique antifasciste. L’objectif est
la liquidation du prolétariat en tant que classe dans un bain de
sang entre partisans et opposants à tel ou tel dictateur. L’objectif
final du capital est la disparition du prolétariat en tant que classe
antagonique à l’ordre établi, dans une guerre impérialiste
entre fascisme et antifascisme. La guerre contre Franco, Hitler ou Mussolini…
a coûté non seulement 60 millions de morts mais aussi la disparition
du prolétariat de la scène historique pour des décennies.
De cette gigantesque boucherie, les Staline, Truman et Wilson sont sortis
triomphants, c’est-à-dire les camps de concentration, les bombes
atomiques, les nouvelles guerres et tortures comme système général
des oppresseurs. L’antifascisme n’a rien à envier au fascisme !
Libye
Concurrence interbourgeoise
et contre-insurrection.
Que l’histoire soit fondamentalement l’histoire de la lutte des classes,
cela ne fait évidemment aucun doute pour nous. C’est précisément
pour l’occulter que tous les moyens de désinformation internationaux
sont mobilisés en permanence (y compris “ au nom de la révolution
”) pour mettre en scène ou “ révéler ” des contradictions
interbourgeoises (entre pays, coalitions, secteurs, gouvernement et “
opposition ”, etc), réelles ou purement spectaculaires, superficielles
ou profondes… derrière lesquelles nous sommes (exclusivement) sensés
nous mobiliser. Prendre parti dans ce monde ne peut être que prendre
parti pour l’une ou l’autre de ces fractions bourgeoises, pour l’un ou
l’autre intérêt égoïste interne à cette
société. Notre parti, celui de la subversion de l’ordre social,
doit demeurer officiellement inexistant. Or pour nous, les contradictions
interbourgeoises ne détermineront jamais le contenu de la lutte
de notre classe, ni la nécessité bourgeoise de l’écraser,
mais seulement quelles fractions ou coalitions bourgeoises entreront en
jeu pour embrigader le prolétariat et le réprimer. Contre
ceux qui, en particulier à propos de la Libye, nient la lutte de
notre classe au nom des contradictions interbourgeoises qui sont en jeu,
comme si ces deux aspects de la réalité ne coexistaient pas
en permanence dans cette société, nous pouvons au contraire
prendre la mesure de ces contradictions en regard de l’actuelle vague de
révolte.
Dans un cas comme celui de la Libye, suscitant de vifs appétits
économiques internationaux, une opposition courante existe entre
les pays déjà bien placés en ordre utile de parts
de marché et d’accords commerciaux et stratégiques, et les
autres qui tentent de prendre leur place. Cette hiérarchie déterminent
évidemment la position politique de chaque partenaire, avec toute
la souplesse qui règle la vie des États: en façade,
rien que des principes, en coulisses, rien que des intérêts.
Ainsi, l’Italie, la Russie et la Chine auraient plutôt eu intérêt
au statu quo politique en Libye et ont choisi de miser sur le maintien
en place du régime de Kadhafi. Les États-Unis, l’Angleterre
et la France avaient plutôt intérêt à voir la
donne se modifier (hormis bien sûr au prix d’une déstabilisation
révolutionnaire de l’État), et ont misé sur le renversement
de Kadhafi au profit d’un régime plus favorable à leurs ambitions
marchandes (pétrole, armement, blé,…), comme la France en
Côte-d’Ivoire au même moment. Qu’on ne s’étonne pas que
le même Sarkozy à peine élu président français
en 2007 ait d’abord joué la carte du rapprochement (économique
et militaro-policier) avec la Libye de Kadhafi, c’est… de bonne guerre.
Cette option s’inscrivait d’ailleurs dans la continuité des accords
franco-libyens depuis une quarantaine d’années.
Début novembre 2010, la France et l’Angleterre concluent un
accord de coopération militaire. Selon le site Internet de l’armée
de l’air française, l’opération franco-britannique Southern
Mistral qui s’inscrit dans le cadre de ces accords devait se dérouler
du 21 au 25 mars 2011 sur plusieurs bases aériennes françaises.
A cette occasion, les forces françaises et britanniques devaient
effectuer des missions aériennes de type COMAO (Composite Air Operation,
missions aériennes combinées) et un raid aérien spécifique
(Southern Storm, Tempête du Sud) en vue de délivrer une frappe
conventionnelle à très longue distance. L’opération
a été annulée… pour cause d’intervention commune –bien
réelle– en Libye.
Peu importe pour nous si ce plan visait expressément ou non
la Libye, il dénote en tout cas l’affirmation d’intérêts
stratégiques communs et la volonté de se doter des capacités
opérationnelles pour les défendre. De fait, il a permis à
la France et à l’Angleterre de prendre l’initiative face au mouvement
insurrectionnel en Libye, à la fois sur le terrain politique, militaire
et contre-insurrectionnel, en se faisant de surcroît soutenir
par l’ONU et par l’OTAN (sous commandement américain).
Le scénario russe, italien ou chinois s’est ainsi trouvé
battu en brèche: qu’il eut ou non tenu compte de la possibilité
d’une vague de lutte comme celle d’aujourd’hui, il misait quoi qu’il advienne
sur la capacité du régime de Kadhafi à se maintenir,
ce qui constituait un pari pour le moins incertain.
Pour ne pas être mise au rencard des dividendes de la guerre,
l’Italie a finalement été contrainte à se joindre à
la coalition et, le 28 février, à renoncer à son Traité
d’amitié avec la Libye qui comprenait de nombreux et juteux accords
de coopération économique ainsi que le contrôle de
l’immigration, euphémisme pour une politique particulièrement
brutale, cynique et meurtrière de renvoi des demandeurs d’asile
traversant la Méditerranée vers la Libye, politique qui ne
manquera certainement pas d’être rétablie aussitôt que
possible avec l’aval européen.
Quant à la Russie et la Chine, très impliquées
en Libye (la Chine a dû en évacuer pas moins de 36 000 ressortissants
affectés à diverses entreprises), elles ont d’abord renoncé
à opposer leur veto à la résolution 1973 de l’ONU
en faveur de l’intervention militaire avant de critiquer l’interprétation
élargie (bien prévisible) qu’en fait l’hégémonique
OTAN sur le terrain. On a pu observer une similaire versatilité
toute mesurée du côté des États arabes, comme
l’Arabie saoudite qui a soutenu la résolution de l’ONU tout en se
tenant militairement à l’écart de son application:
il faut dire que ces alliés de la grande cause humanitaire Onuso-Otanesque
ont fort à faire au Bahreïn qu’ils occupent militairement
pour y écraser l’insurrection. Dans la grande cacophonie meurtrière
du marché, il est en effet un point crucial sur lequel les violons
des États s’accordent invariablement: l’impératif supérieur
de la contre-insurrection.
A propos du Comité National
de Transition (CNT) en Libye
Il est évident pour nous que le Comité National de Transition
n’est pas une émanation de la lutte mais une initiative intégralement
bourgeoise, impérialiste, dont la finalité est de casser
par le sommet la dynamique bien réelle de centralisation et de coordination
de la lutte. Ce Comité n’est qu’une des pointes de l’iceberg de
la contre-insurrection, au sens où les forces spéciales et
services secrets anglais, français et états-uniens sont également
intervenus assez tôt sur le terrain, parallèlement à
la campagne internationale de désinformation, pour pousser
partout les contradictions dans le sens d’une reprise en main bourgeoise,
d’une repolarisation interimpérialiste de la lutte (notamment en
tentant de dissoudre le prolétariat en arme, ses milices, dans une
armée régulière opposée à celle de Kadhafi),
pour casser le développement de l’autonomie de notre classe (notamment
dans les diverses initiatives organisatives des comités de lutte
territoriaux: villes, régions…).
La presse européenne s’est bien gardée de donner une
grande publicité aux états de service des membres de ce
Comité, et pour cause, car en plus de quelques opposants droits-de-l’hommistes
y jouant leur figuration habituelle, il est le pur produit d’un travail
de recrutement et de retournement de dirigeants libyens de premier ordre,
soutenus politiquement et militairement par la France, l’Angleterre et les
Etats-Unis, et dont certains travaillaient déjà pour les services
secrets de ces pays. En voici une brève mais éloquente présentation:
Dès le 27 février, “ le comité se met en place
et nomme Moustapha Abdel-jalil à sa tête. C’est l’ancien ministre
de la justice libyen, c’est-à-dire un homme clé du système
Kadhafi. Il est secondé par Abdelhafed Ghoga, un avocat et militant
des droits de l’homme, qui selon le Monde lui est ouvertement hostile.
Le 2 avril, devant les tensions internes qui déstabilisent le comité,
le porte-parole, Moustapha Al-Gueriani annonce la création d’une
équipe de crise de 10 spécialistes, de libyens revenus de
l’étranger avec leur savoir-faire. Le conseil devenant désormais
l’organe législatif ” toujours selon Le Monde du 5 avril, qui présente
aussi le “ ministre des finances ” de ce nouveau conseil, Ali Tarhouni,
professeur d’économie aux USA, où il vivait depuis trente-cinq
ans jusqu’au mois dernier. C’est un partisan de l’ultra- libéralisme,
et sa présence aux finances est un signe clair de l’orientation économique
et sociale du groupe de Benghazi. A la tête du nouveau comité,
il y a désormais Mahmoud Jibril. C’est un homme d’affaires déjà
présent dans l’ancien comité. Toujours selon le Monde “
C’est lui qui, avec Ali Al-Essawi, ancien ambassadeur, et désormais
ministre des affaires étrangères, avait rencontré
le président Sarkozy, le 11 mars à Paris ”. En charge des
affaires militaires, on trouve le général Abdel Fatah Younès,
ancien ministre de l’Intérieur, présent aux côtés
de Kadhafi depuis 1969 et le putsch ayant abattu la royauté. Il
dispose de soldats spécialement entraînés par les SAS
britanniques, et des commandos français, probablement le 13ème
RDP, ce qui au regard de l’incompétence militaire des “ chebbabs
” lui donne de fait un avantage sur le terrain, et donc un avantage du point
de vue politique ”. 1
De plus, début avril, les USA affirment que la CIA “coordonne”
les mouvements des “ rebelles ” sur le terrain. La CIA a bel et bien ramené
à Benghazi un certain Khalifa Hifter, ex-chef du Front National
de Salut de la Libye dans les années 1980, à l’époque
principal groupe anti-Kadhafi financé par les États-Unis,
et qui vivait un exil paisible à Langley en Virginie depuis plus
de 20 ans, dans un véritable fief de la CIA. “ Son arrivée
à Benghazi est d’abord relayée par la chaîne Al-Jazeera,
le 14 mars. Sans faire référence à son appartenance
à la CIA, le Daily mail fait son éloge le 19 mars. Enfin le
chef de guerre est interviewé par ABC news le dimanche soir suivant.
(…) Aucun des médias qui ont publié des articles à son
sujet n’a jugé utile de mentionner ces informations accessibles sur
internet, ni de se demander comment un militaire libyen a pu s’installer
et vivre aux USA, alors que la Libye subissait embargo et représailles
militaires à la suite de l’attentat de Lockerbie. Personne ne s’est
non plus demandé comment il est arrivé à Benghazi ”.
2
Tout le reste est pur spectacle: dès le 5 mars, le Ministère
des Affaires étrangères français suit la partition
franco-britannique et états-unienne en saluant la création
du CNT. De son côté, l’époustouflant philosophe français,
lèche-botte et va-t-en-guerre Bernard Henri-Lévy (“ BHL ”)
se fait amener à Benghazi et c’est de là qu’il téléphone
au président Sarkozy “ en tant que citoyen ”, joignant sa voix à
l’appel à la guerre afin d’“ éviter un horrible massacre ”
(sic).
Le 10 mars, trois éminents membres du CNT sont reçus
à Paris par Sarkozy (avec quelques ministres… et BHL) et déclarent
à leur sortie que “ la France a reconnu le Conseil national de transition
comme étant le représentant légitime du peuple libyen
”. Grand visionnaire en matière de bienfaits démocratiques,
BHL pour sa part annonce déjà “ des frappes ciblées
” alors qu’aucun accord n’est encore acquis ni au niveau européen,
ni au niveau de l’OTAN ni de l’ONU, ce qui sera chose faite une semaine
plus tard, le 18 mars.
1. Moulay Siba, “ Libye, les dessous d’une révolution ”, Indymedia,
avril 2011.
2. Idem
Prolétariat et idéologie bourgeoise
Si le prolétariat en tant que classe connaissait la puissance
internationale qu’il possède, ce serait trop simple de faire la
révolution. Le premier secret de la négation de la révolution,
de la politique de contre-insurrection pratique, c’est de nier cette puissance,
cette pratique, cette force. Il n’est peut-être pas de trop d’indiquer
ici le rôle contre-révolutionnaire qu’ont toujours joué
les idéologies social-démocrates ouvriéristes et
eurocentristes qui réduisent le concept de prolétariat du
point de vue quantitatif et qualitatif, le limitant sociologiquement et
géographiquement à une catégorie de producteurs ou
à un espace géographique. Nous nous référons
à tous ceux qui aujourd’hui nient pratiquement le prolétariat
en appuyant “ les masses arabes ”, parmi lesquels les agents bourgeois
les plus éhontés rajoutent “ dans leur lutte pour la révolution
démocratique ”.
La contre-révolution n’a aucun intérêt à
ce que le prolétariat se reconnaisse lui-même par sa vie, par
sa pratique, par son antagonisme général au monde de la propriété
privée, pour se retrouver dans la rue en criant “ assez ” contre
tout ce système d’oppression. Contre cela, depuis des siècles,
les spécialistes en sciences sociales (qui formulent la base idéologique
de toute la social-démocratie) ont constitué les catégories
sociologiques basées sur la division des couches sociales en fonction
de différents critères que le socialisme bourgeois a codifiés
sur base du travail et de la production. A la place d’un prolétariat
comme force dynamique en constitution en opposition à la propriété
privée et s’affrontant à l’État, la social-démocratie
définit le prolétariat comme synonyme d’ouvrier industriel
et en général comme ouvrier de la grande industrie 22. Dans
les cas extrêmes, cette conception élitiste du prolétariat
et implicitement apologétique du travail industriel, limite le prolétariat
à l’ouvrier des villes et également aux ouvriers des “ pays
industrialisés ”. Face à la lutte des prolétaires
en Afrique méditerrannéenne, au Proche-Orient, dans la péninsule
arabique..., ces idéologies et forces s’allient pour “ appuyer ”
les révoltes des “ masses arabes ”. C’est fondamentalement
contre le mouvement ! Cette idéologie, qui coïncide avec tout
ce que la bourgeoisie tente de jouer comme carte de rechange contre-insurrectionnelle,
sert uniquement à mettre des obstacles à la nécessaire
unification du prolétariat international en lutte:
• Cela contribue à la division du prolétariat tant géographiquement
que sectoriellement ;
• Cela contribue à la propagande pour que les prolétaires
en Europe, aux États-Unis, en Amérique Latine… se sentent
moins concernés par la lutte de leurs frères ;
• Cela tente d’introduire la vieille idéologie ouvriériste
qui considère comme supérieur (plus près de la lutte
grâce au socialisme) l’ouvrier industriel que le chômeur,
le prolétaire agricole, l’employé d’un magasin et de bureau,
le professeur, l’ouvrier du transport…
Cette conception est indissociablement liée au fait d’attribuer
des objectifs différents, comme par “ hasard ” démocratico-bourgeois,
à la lutte des “ peuples arabes ”, à l’intérieur
de laquelle les variantes partisanes de l’ “ Assemblée Constituante
” , de “ gouvernements réellement démocratiques ” ou de la
nécessité des “ tâches démocratiques bourgeoises
” ne sont que des variantes secondaires. Cette idéologie marxiste-léniniste
progressiste, en plus d’être ouvriériste comme nous l’avons
déjà dénoncé, contient l’essence de l’eurocentrisme,
le racisme historique (peuple élu !) typique du judéo-christianisme:
“ tous les peuples sont arriérés par rapport au mien ”, “
le véritable prolétariat est celui de mon pays ”, “ les peuples
arabes doivent passer par les étapes par lesquelles est passés
le peuple européen depuis longtemps ”, “ ils doivent faire leur révolution
démocratique ”. Son expression de gauche, pas moins cynique (comme
le fait le CCI, par exemple), est de considérer que les masses arabes
ont trop d’illusions démocratiques 23. Comme si en Europe ou aux
États-Unis, ils en avaient moins ! Comme si les ouvriers industriels
étaient moins manipulables ! Si c’était le cas, ils sortiraient
dans la rue pour empêcher que leurs États continuent à
intervenir militairement et à appuyer massivement les dictatures
sanguinaires dans tous ces pays ! Une fois de plus, on oublie que les
plus grands mouvements insurrectionnels du prolétariat contre l’État
au vingtième siècle ne se sont pas développés
dans les pays “ plus démocratiques ” comme le prétend cette
idéologie, mais bien au Mexique, en Russie, en Allemagne, en Chine,
en Espagne, en Iran, en Irak… !
22. La falsification consiste à fragmenter et à figer
ce qui est en mouvement, à confondre la photo avec la réalité,
sa perspective (de classe) avec la vie et analyser la vie sociale en fonction
de ces photos.
23. “ La nature de classe de ces mouvements n’est pas uniforme et varie
d’un pays à l’autre et selon les différentes phases. On peut,
cependant, dans l’ensemble, les caractériser comme des mouvements
des classes non-exploiteuses... la classe ouvrière n’a pas été
à la tête de ces rébellions...[mais plutôt] la
paysannerie et d’autres couches provenant de modes de production encore plus
anciens... ”. Pour le CCI c’est très clair, il s’agit de pays plus
arriérés qui ont des modes de productions antérieurs
au capitalisme; implicitement: c’est seulement quand ces pays deviendront
capitalistes qu’il y aura de vrais prolétaires qui pourront lutter
pour le socialisme. Et ils ajoutent: “ Des illusions, surtout dans la démocratie,
qui sont extrêmement fortes dans les pays qui ont été
régis par une combinaison de tyrannie militaire et de monarchies corrompues
”. Ces expressions, que nous avons extraites du texte Que se passe-t-il
au Moyen-Orient ? publié par Revue Internationale le 18 mars 2011,
résument à la perfection le cœur de l’idéologie dominante.
A PROPOS DE LA CONSCIENCE
Non seulement dans la presse bourgeoise mais aussi dans les journaux
qui se revendiquent du prolétariat, de la révolution, de
l’anarchisme… nous voyons que l’analyse des luttes actuelles part de la
conscience. C’est ainsi qu’après avoir découvert que les
révoltes dans le monde arabe et dans le reste de l’Afrique “ ne
sont pas révolutionnaires ” (ou que “ la révolution sociale
n’est pas au programme ”), que les peuples de la région “ luttent
seulement contre les tyrans et veulent la démocratie ”, ils se lamentent
en disant par exemple que “ c’est la bourgeoisie occidentale qui tirera
parti de ces révoltes ”. Ce que nous répondons c’est que si
la révolte ne s’approfondit pas et ne s’étend pas, il est
évident que des fractions dominantes peuvent en “ tirer parti
” et que c’est toujours comme ça quand le mouvement arrête
de s’affirmer. Mais il n’empêche que ce qui se joue maintenant, pour
que la révolte ne continue à se généraliser
et à s’étendre, c’est la diffusion de ce genre d’idées
que la bourgeoisie au travers de tous les médias tente de renforcer
face à la révolte et contre elle: la révolte n’aurait
que des causes propres à ces pays, ce que veulent les “ révoltés
” c’est la “ démocratie ”; plutôt que de capter et sentir
l’unicité d’intérêt et de projet du prolétariat,
on accepte ce que la classe dominante propage. Et les “ révolutionnaires
” qui répètent que “ la révolution sociale n’est pas
au programme ” contribuent à l’idéologie bourgeoise.
Contre cela, nous répondons que la conscience actuelle qu’a
la majorité des prolétaires c’est la conscience aveugle que
la bourgeoisie nous impose, que les idées dominantes sont les idées
de la classe dominante, que pour cette raison, aucun élément
de conscience ne peut changer les choses s’il n’y a pas une force vitale
qui la contredit et la remet en question. La révolte prolétarienne
part précisément des besoins vitaux, contredit et remet en
question tout cela, mais s’exprime toujours avec beaucoup de retard et de
déformation en terme de conscience. Dans les zones où la
révolte prend racine et s’étend, la falsification est plus
difficile, mais de loin et filtrée (faussée) par tous les
médias, il est évident que la révolte semble bien moins
radicale, beaucoup plus circonstancielle et il est facile pour la bourgeoisie
locale de nous “ démontrer ” que cela ne nous concerne pas, que
“ là-bas ils commencent à se battre pour ce que nous avons
ici depuis longtemps ”. Voilà les idéologies qui maintiennent
les prolétaires de certains pays en marge de la révolte et
qui contribue à la complicité de ces prolétaires locaux
avec les États qui continuent à réprimer les prolétaires
en lutte. Aujourd’hui-même, ce n’est pas dans les pays où le
prolétariat est dans la rue que s’impose le mythe que les “ luttes
sont pour la démocratie ”, mais en-dehors d’elles (au plus éloigné,
au mieux ça marche !) et particulièrement dans les endroits
où les prolétaires n’ont pas encore souffert d’une attaque
similaire. L’eurocentrisme, euroracisme et jusqu’à l’impérialisme,
en tant que structuration systématique de l’oppression et de la domination
capitaliste, se basent sur ce point de vue. Mais même cette différence
tendra à disparaître: la généralisation des politiques
d’austérité et la répression ouverte conséquente
arriveront dans tous les pays: le prolétariat sera ainsi contraint
à se reconnaître lui-même et à reconnaître
son ennemi historique.
Salut aux camarades en lutte
dans le Wisconsin, aux USA!
Dans cet Etat, en février 2011, une lutte remarquable a perturbé
le fonctionnement normal du capital. Contre les mesures d’austérité,
le prolétariat s’est réveillé et s’est manifesté
par:
• des grèves;
• des manifestations monstres de prolétaires, toutes catégories
du capital confondues: service public et entreprises privées, étudiants,
paysans, infirmiers, profs, etc.;
• une occupation du Capitol, un bâtiment central de l’Etat, à
Madison, la capitale, pendant des semaines… évacuée par
la force, en mars;
• l’extension à d’autres Etats: Ohio, Indiana, Michigan…
Ce mouvement s’est, dès le début, identifié à
la lutte en Afrique du nord.
Cet internationalisme est une direction donnée au prolétariat
mondial:
Reconnaissons-nous dans les luttes de nos frères de classe,
partout dans le monde!
Identité d’exploitation, identité de lutte!
Dégage, Obama!
Seule notre lutte mondiale abattra le capitalisme mondial!
Notes
1. Sur ce thème, voir “ Catastrophe capitaliste
et luttes prolétariennes ” dans Communisme n°60 (novembre 2008)
où l’on traite de la grande vague de luttes prolétariennes
en 2008 et qui se concentre sur l’explication de la contradiction du Capital
avec la terre et la vie, de même que “ Catastrophe capitaliste et
luttes prolétariennes: ça continue ” qui aborde plus particulièrement
la révolte prolétarienne en Grèce dans Communisme
n° 61 (juin 2009).
2. Comme en 2008, toute énumération
de la révolte du prolétariat par pays, tel que le font les
médias, est une limitation (inconsciente ou délibérée)
et systématiquement une réduction. Les dénominations
telles que “Maghreb” ou “monde arabe” ou quoi que ce soit, que nous nous
voyons contraints d’utiliser ici faute de mieux, n’ont pas beaucoup plus
de sens et ont de plus été débordées par la
réalité sociale que le mouvement recouvre. Quant au nombre
de zones affectées et de prolétaires qui entrent dans la
bataille, les vagues de révoltes antérieures sont déjà
dépassées et c’est pourquoi toute dénomination réductrice
devient ridicule ou simplement dépassée puisque, au moment
d’écrire ces lignes, on se bat également dans les rues en
Chine ! au Burkina Faso ! en Bolivie !...
3. Il nous semble fondamental de souligner que dès la première
semaine de janvier 2011, la situation était insoutenable, que la
catastrophe du capitalisme assumait déjà ouvertement cette
crise qui impliquait une nouvelle vague de faim et de misère pour
la population mondiale et que c’est à partir de ce moment là
que la révolte prolétarienne internationale commence sa phase
en Afrique méditerranéenne avec la révolte en Tunisie,
Égypte, Algérie, Maroc…
4. C’est-à-dire qu’il est encore possible
pour certains secteurs de la bourgeoisie dans certaines régions
de ne pas appliquer les plans d’austérité qui leur sont indispensables.
Avec quelques carottes et miroirs aux alouettes, on tente de faire en sorte
que certaines franges du prolétariat ne se sentent pas concernées
par ce qui se passe pour le reste du prolétariat mondial. C’est historiquement
sur ce principe que les pays dont les États fonctionnent comme gendarmes
répressifs dans d’autres endroits du monde, maintiennent la complicité
de “ leurs ” prolétaires qui leur est indispensable pour exercer
cette fonction répugnante. Mais cela dépend de leur capacité
à octroyer certains bénéfices ou certaines réformes
syndicales à leurs prolétaires et même cela, comme
c’est le cas dans des pays tels que les États-Unis ou en Europe,
c’est aujourd’hui compliqué à maintenir par leurs bourgeoisies
respectives.
5 . Titre et extrait d’un tract publié en
France et dont nous publions le texte complet en annexe. Contact: comitesoutienstbg@yahoogroupes.fr
6. Début et fin d’un des tracts publiés
par notre groupe en mars 2011. Voir le texte complet de ce tract et d’autres
tracts de notre groupe en annexe.
7. La dénomination classique de “ fractions
nationales ” correspond à un certain niveau d’organisation de la
bourgeoisie, tant dans sa lutte contre d’autres fractions que pour exploiter
et dominer le prolétariat. Quand on l’applique au prolétariat,
qui n’a pas d’intérêts fractionnels ni nationaux, on est
en réalité occupé à nier le prolétariat
ou mieux dit, on le conçoit comme soumis aux intérêts
de la bourgeoisie. La constitution du prolétariat en classe et
donc en parti est précisément la négation de tous
ces fractionnismes.
8. Un “ même cœur ”, une même organicité,
une même nécessité de vivre exprime lucidement l’organicité
du prolétariat en tant que classe. Voilà la réalité
que tout le monde bourgeois veut occulter. La citation est extraite d’un
tract réalisé par le “ Grupo de Esclarecimiento Comunista
– G.E.C. (Pérou) - http://esclarecimientocomunista.blogspot.com/
et que nous reproduisons également en annexe.
9 . Le mot “ islam ”, vient d’un mot arabe qui signifie
“ soumission ”, “ allégeance ”, sous-entendu “ à Dieu ”.
10. Dans certains cas, des structures surgissent,
assumant une fonction décisive quant à la radicalisation du
prolétariat, exprimant le besoin pour les prolétaires de
s’associer pour lutter, mais aussi la nécessité pour la bourgeoisie
de répondre à cette radicalisation par des encadrements plus
radicaux. Ce sera le développement de cette contradiction qui conduira
à l’explosion ; dans certaines structures, des formes ou expressions
de l’autonomie prolétarienne pourront s’affirmer même circonstanciellement;
mais la majorité d’entre elles, si elles ne sont pas déjà
bourgeoises seront récupérées et s’affirmeront
comme nouveaux syndicats et partis qui changent quelques détails
pour que l’essentiel reste tel quel.
11. comunismoobarbarie@gmail.com – Etant donné
son importance et sa clarté, nous publions l’intégralité
de ce tract en annexe.
12 Dans un sens plus global, il est clair que le
prolétariat n’a pas détruit l’appareil général
de l’Etat terroriste. Nous voulons souligner ici les cas dans lesquels
l’action du prolétariat paralysa, désorganisa et liquida
l’esprit de corps (grâce à l’indiscipline et au défaitisme
dans les rangs de la répression) détruisant ainsi sa fonction
première et essentielle qui est celle de réprimer.
13. Ce sentiment de puissance contre l’oppression
continue à s’approfondir tout en devenant plus explicite sous d’autres
latitudes au moment même où nous écrivons ces lignes
(avril 2011). La rage contre l’oppression ne peut être arrêtée
par des frontières. On recommence à sentir la fraternité
(encore de manière naissante) face à la tyrannie de tout
le système social, la joie de voir un tyran qui tombe ou une prison
vide ou encore un bastion de la tyrannie qui brûle se répand
et se lève ailleurs comme des drapeaux. En Chine, les prolétaires
sortent avec des pancartes en scandant: Vive les combattants du monde arabe!
Dans le “monde arabe” même, on continue à se battre à
couteaux tirés, un feu de la révolte s’éteint et un
autre renaît en dénonçant les pseudo-changements.
14. Le terme de “ guépardisme ” provient du
personnage créé par Giuseppe Tomasi dans son roman publié
en 1958 et situé dans la période du “ Risorgimento ” dans
l’Italie du milieu du 19ème siècle. En exprimant la pensée
politique du personnage principal, don Fabrizio Corbera, prince Salina,
alias “ le Guépard ”, son neveu lui déclare “ Se vogliamo
che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi! ” (“ Si nous voulons
que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ”).
15. Voir sur cette lutte et sur la consigne “ Pouvoir
assassin ! ”: “ Prolétaires de tous les pays, la lutte de classes
en Algérie est la nôtre ”, publié dans Communisme n°
52 (2002) ; “ Algérie: Il n’y aura aucun vote même si
nous devons tout brûler ” dans Communisme n° 53 (2002).
16. Voir “ Revendication et réforme ” Communisme
n°62.
17. Voir “ Prolétaire, moi ? Contribution
à la définition du prolétariat (1ère partie)
” dans Communisme n°62, décembre 2010, et en particulier la
page 43.
18. Comme pour toute énumération de
ce type, les points ne sont pas séparables. Il s’agit de facettes
d’une même réalité, d’expressions successives et complémentaires
de ce qui est essentiel dans la domination bourgeoise mercantile, dans
l’oppression socio-politique capitaliste.
19. Il ne faut pas oublier que le démocratique
et populiste Obama a ratifié tout ce qu’avaient fait les États-Unis
avant lui en Afrique, au Proche-Orient et dans la péninsule arabique,
y compris l’appui inconditionné aux massacres effectués
par chacun de ces États, par chacun de ces dictateurs et tout particulièrement
ceux réalisés par Israël.
20. Il y a des dénonciations qui soutiennent
qu’en réalité, les oppresseurs envoyés dans ce pays
sont le double ou le triple de ce chiffre.
21. Il faut remarquer que l’État iranien est
l’un des rares qui dit appuyer tout le mouvement social dans le “ monde
arabe et musulman ” étant donné qu’il le considère comme
une “ vague de réveil islamique ”, comme un produit de la “ chute de
l’influence ” des États-Unis et de l’Europe dans la zone ”. Voir à
ce sujet “ l’Iran prévient l’Arabie saoudite qu’il pourrait intervenir
militairement ” ABC – 18 avril 2011.
24. Sur ce sujet voir le texte: “ Caractéristiques
générales des luttes à l’époque actuelle ”
dans Communisme n°39 (octobre 1993).
25. Cette affirmation est valable au niveau global
mais pas au niveau particulier. Nous pensons qu’il y a des minorités
presque partout qui agissent de manière organisée et pour
qui la lutte contre tous les récupérateurs est très
claire; que ces dernières organisent des actions décidées
contre les oppresseurs et réaffirment également le classisme
révolutionnaire. En ce sens, de rupture en rupture, il y a des
avancées qualitatives mais celles-ci ne s’assument pas encore de
manière ni organisée, ni programmatique au niveau d’une centralisation
internationale.
26 . Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il
n’y a pas de lutte, de répression et de réorganisation du
terrorisme d’État, ce que confirment même les sources bourgeoises.
27. Et désolé pour la merde, nous n’avons
rien contre elle !
28. “ De plus en plus, la société se
divise en deux camps ennemis, en deux grandes classes qui s’affrontent
directement: la bourgeoisie et le prolétariat ”, Manifeste
du Parti Communiste, 1847.
TRACTS
La vague de manifestations arrive au Kurdistan.
En même temps que les soulèvements révolutionnaires
en Tunisie, Egypte, Yémen, Liban, Iran, Bahrein, Jordanie, la vague
de luttes se manifeste au Kurdistan et dans d’autres villes, en Irak. Cette
rupture commune et violente a libéré des forces révolutionnaires
contre l’exploitation et nous montre la force de notre classe internationale.
Cette vague internationale est le résultat d’une accumulation et
d’un approfondissement d’un problème social que le capital n’est
pas capable de solutionner. L’Etat est faible et incapable de nous fermer
la gueule. C’est pourquoi nous avons pu nous exprimer sans qu’il nous la
boucle avec une nouvelle carotte. A Souleymania, les bureaux du parti de
l’Etat ont été attaqué par les jets de pierre des manifestants
et ceci fait partie des actions du prolétariat international actuel.
L’Etat en tirant sur les manifestants, en les tuant, les arrêtant,
relance le terrorisme d’Etat de toujours, de même qu’à Pirra,
Magrun et Halabja où les manifestations s’étaient propagées.
Alors que là-bas on réprime, à Bagdad, Bassora, Kut,
Wasset, les manifestants ont ébranlé la paix sociale, déstabilisé
l’Etat et terrorisé nombre de ses membres. Ces manifestations n’ont
rien à voir avec un changement de gouvernement, que réclame
juste l’opposition bourgeoise “Changement” (un nouveau parti, constitué
sur la base de la gauche du parti de Talabani, UPK - Ndr) et les fractions
islamistes. Au contraire, tous ces partis vont main dans la main avec le
gouvernement pour réprimer les manifestations. “Changement” ne nie
pas cette collaboration et appelle publiquement à la paix sociale,
comme le gouvernement et demande des réformes. L’Etat traite les manifestants
de subversifs, étrangers, voleurs, en niant la profondeur sociale
du mouvement, comme il l’a toujours fait. Pour affronter la terreur
de l’Etat, nous devons:
1- nous organiser nous-mêmes, concentrer nos
forces, pour généraliser le mouvement partout, en connectant
toutes les parties de l’Irak et en créant des comités
insurrectionnels révolutionnaires;
2- armer le mouvement contre la terreur de l’Etat;
3- attaquer les centres des partis de l’Etat et les
brûler;
4- appeler les pauvres de ces partis bourgeois à
rompre avec eux et à nous rejoindre, avec leurs armes;
5- appeler à la grève générale,
à ce que personne n’aille travailler et à fermer bureaux,
usines et administrations étatiques;
6- cracher contre les moyens de diffusion bourgeois
et briser les caméras;
7- ne pas se concentrer dans un seul lieu pour ne
pas faciliter le travail de répression.
GCI
février 2011
Appel à ceux qui luttent au Kurdistan et en Irak.
Les manifestations dans toutes les villes et villages du Kurdistan
sont l’expression directe de la colère du prolétariat contre
l’exploitation, contre l’Etat, et le résultat de la crise sociale,
et la contradiction entre le travail et le capital. Ces luttes ne sont
pas isolées de la chaîne de manifestations et de soulèvements
en Grèce, en France, et plus tard, en Tunisie, Egypte et Libye
et du reste du monde. C’est le début de l’éclosion d’une
révolution sociale internationale qui touche aujourd’hui le Kurdistan.
En ce sens, ces luttes sont une réponse des exploités du
Kurdistan qui expriment que c’est la même classe qui lutte partout
et donnent une continuité aux actions révolutionnaires de
notre classe entamées ailleurs. Sans aucun doute, c’est la même
lutte contre l’Etat partout, qui crée la panique et l’instabilité
au sein de chaque Etat dans le monde.
L’ennemi essaie de dévier la lutte pour qu’elle ne touche pas
les centres décisifs: Arbil (capitale du Kurdistan et siège
du gouvernement), Kirkouk (centre pétrolier) et Duhok (siège
central du PDKI et des affaires). Voici la tactique de l’État :
- d’abord, pour empêcher l’expansion de la protestation, faire
venir d’ailleurs des forces militaires spéciales, pour entourer
Souleymania ;
- ensuite, utiliser le Square de la Libération pour créer
un centre permanent de célébration pour répéter
jour et nuit des slogans patriotiques ;
- appeler à des réformes de la société
civile, renforcer le civisme ;
- autres mesures: utiliser les gaz lacrymogènes, dénoncer
les “casseurs”, les pilleurs, faire une propagande contre le terrorisme
armé par l’étranger ;
- renouveler les saloperies autour de la “Libération de Kirkouk”
pour réactiver le patriotisme.
Tous ces mouvements, d’après ce que nous savons, ont commencé
par des petites expressions locales et avec peu de monde. Plus tard, la
direction se transforma et devint puissante et a donné beaucoup
d’énergie aux exploités pour briser le mur de la peur. Des
milliers de militants et de combattants prolétaires ont affronté
l’Etat. La classe dominante sait très bien que ce mouvement sonne
l’alarme de sa propre mort, c’est pourquoi elle fait tout son possible
pour nous séparer, nous individualiser, nous disperser, nous diviser
par catégories, empêcher la généralisation des
manifestations. Dans ce sens, toutes les fractions de L’Etat, avec l’aide
des médias, des collaborateurs de l’Etat (par exemple les écrivains,
les profs d’université, tous ceux qui parlent au nom du peuple),
se mettent secrètement d’accord avec l’Etat pour défendre
le parlementarisme et détruire la révolution sociale. D’un
côté, la terreur, les arrestations, les assassinats, les emprisonnements,
les disparitions, et comme ce n’est pas assez efficace, la cooptation des
personnes les plus représentatives (les religieux, les réformistes),
les gens acceptables qui ne veulent que réformer le nouveau et “
fragile Etat kurde ”, dont il faut “ préserver la jeune expérience
”. Quelle expérience veulent-ils défendre quand ils disent,
au nom de l’Etat capitaliste: tais-toi et ne lutte pas?! Nous leur répondons
: vous êtes une partie de l’Etat mondial, mais nous faisons partie
de cette situation révolutionnaire, qui, avec sa propre expérience,
s’étend partout, jalon après jalon, par ses victoires sur
le capital mondial, y compris l’Etat au Kurdistan.
L’Etat veut pacifier et citoyenniser la lutte, avec la permission de
la police et, face aux caméras des médias, il nous demande
de dire au monde qu’on veut des réformes, de nouvelles élections
et seulement changer de gouvernement. Ils font cela parce qu’ils ont peur
de la généralisation de la lutte à d’autres régions.
Nous déclarons de nouveau : organisons-nous nous-mêmes,
dans une même communauté de lutte, généralisons
le mouvement partout. C’est notre force et la seule garantie de la victoire
pour détruire cette société inhumaine.
Vive le soulèvement du prolétariat !
A bas le système du travail et l’Etat !
En avant pour la révolution communiste !
Groupe Communiste Internationaliste
février 2011.
Contre la dictature de l’économie
Vive la révolte internationale du prolétariat !
Quelle est la différence entre ces révoltes dans le “
monde arabe ” et les révoltes précédentes en Amérique
latine, en Grèce ou dans les banlieues françaises ? Quelle
différence peut-il y avoir entre les luttes des prolétaires
en Algérie, Tunisie, en Égypte, en Lybie, au Bahreïn,
en Syrie, au Yémen… et en Bolivie, en Chine? Elles n’ont pas de causes
différentes, elles n’ont pas d’ennemi différent, elles n’ont
pas de perspectives différentes. Si elles éclatent encore
de manière décalée dans le temps, c’est d’une part
en raison de la capacité du capital mondial à attaquer paquet
par paquet le prolétariat, à étaler les plans d’austérité
en fonction des directives des appareils de contre-insurrection, et d’autre
part à cause de l’incapacité du prolétariat à
coordonner ses propres luttes.
Les grands moyens de désinformation que sont les médias
ont fait l’impossible pour occulter la réelle force de la révolte
prolétarienne. Pour la bourgeoisie, la perspective que sa domination
soit déstabilisée n’est pas de la fiction : il faut à
tout prix éviter que cette lutte ne devienne un exemple pour d’autres
prolétaires dans le monde. Tout doit y être présenté
comme différent de nous, sauf la mystification démocratique
qui serait le paradis pour tous ! La lutte sociale à laquelle nous
assistons dans une partie chaque fois plus étendue de la planète
n’est pas une lutte pour plus de démocratie, ni pour imposer telle
ou telle secte religieuse, et ce n’est pas seulement une lutte contre
tel ou tel dictateur. Il s’agit d’une profonde révolte sociale
contre le capitalisme mondial qui condamne une part chaque fois plus grande
d’êtres humains à devoir supporter de plein fouet la catastrophe
de ce système social.
Les augmentations de prix des céréales, des légumes,
de la viande… se sont à nouveau généralisées
fin 2010 et début de cette année. Les révoltes en
Tunisie, Algérie, Égypte, Palestine, Irak, Libye, Syrie…
sont d’abord et avant tout des révoltes d’une même classe
sociale et pour les mêmes raisons. La survie est chaque jour plus
difficile, la lutte contre l’oppression capitaliste chaque jour plus nécessaire.
C’est cette identité de nécessités et de perspectives
que l’on tente le plus d’occulter derrière des idéologies
de “ révolutions démocratiques ” et/ou religieuses.
Il est vrai que la révolte attaque frontalement la domination
politique formelle de tel ou tel pays, de tel ou tel dictateur soudainement
présenté comme monstrueux par les dirigeants des États-gendarmes.
Rien de plus logique que le soulèvement prolétarien éclate
d’abord contre les oppresseurs de leur propre État. Rien de plus
normal, quand le terrorisme d’État ne s’en sort pas dans une région
du monde, que la bourgeoisie comme classe mondiale laisse tomber ceux
qu’elle a toujours appuyés. Comme il est normal que les fractions
bourgeoises d’opposition qui souhaitent en finir avec la révolution
le plus rapidement possible crient à la “révolution démocratique”
ou déterminent que l’objectif de celle-ci est uniquement la liquidation
d’un tyran.
Au-delà de la liquidation de tel ou tel chef d’État haï,
ce qui fait des différentes révoltes une seule lutte mondiale,
c’est cette lutte fondamentale pour la survie, la lutte pour la vie contre
le monde mortifère du capitalisme, contre la dictature du marché
et du profit. Ce qui est important ce n’est pas ce qui figure sur chaque
drapeau ou consigne mais de voir que la négation de tel ou tel personnage
contient en même temps la négation du monde capitaliste et
donc la possibilité que le prolétariat sous d’autres latitudes
se reconnaisse dans ces luttes.
Nous saluons l’attaque des prolétaires contre les bastions et
symboles de chacune des dictatures régionales, contre chacun des
tyrans, des tortionnaires. Mais dans ces attaques nous réaffirmons
l’universalité de cette lutte qui surgit de la contradiction générale
entre capitalisme et humanité, entre capital et terre, entre la
survie de ce système social et la nécessité pour l’espèce
humaine de détruire pour toujours ce système social mondial.
S’il s’agit évidemment de lutter contre la dictature, ce n’est
pas contre telle ou telle dictature politique particulière mais bien
plus largement contre la dictature sociale et générale du
capitalisme.
Vive la lutte contre tous les dictateurs !
Vive la lutte contre la dictature sociale et mondiale !
La fabrication idéologique des “ révolutions démocratiques
” n’est évidemment pas seulement une question idéologique.
Les drapeaux que les campagnes d’information relaient et promeuvent sans
cesse sont en même temps les limites du mouvement même du prolétariat.
De plus, toutes les agences de sécurité, les forces militaires
et les structures d’espionnage et de sabotage agissent pratiquement pour
transformer ces profondes révoltes sociales en simples luttes politiques
entre fractions bourgeoises, entre puissances impérialistes.
Face au prolétariat mondial, et particulièrement quand
celui-ci réaffirme sa perspective révolutionnaire internationale
de détruire le capitalisme mondial, quand la voie des réformes
ne suffit plus à neutraliser la force sociale de la classe prolétarienne,
la bourgeoisie internationale a comme unique perspective la destruction
de cette force en la canalisant dans des polarisations interbourgeoises
et interimpérialistes.
C’est à cette réalité qu’obéissent les
actions militaires menées en Libye sous la direction des États-gendarmes.
Elles ne veulent pas seulement s’approprier le pétrole libyen ni
faire prévaloir leurs intérêts particuliers comme fractions
bourgeoise. Leurs actions continuent à avoir le même objectif
que celui de Kadhafi : liquider la révolte prolétarienne
! Ranger les combattants dans l’un ou l’autre camp impérialiste !
Contre la guerre impérialiste : la guerre sociale !
La lutte des prolétaires au Maghreb et au Moyen Orient est notre
lutte !
L’ennemi c’est le capitalisme et la dictature du marché mondial.
L’objectif est le même partout : la révolution sociale
!
Destruction du capitalisme et de l’État !
Groupe Communiste Internationaliste – Mars 2011
http://gci-icg.org et notre email info@gci-icg.org
LA LUTTE PROLÉTARIENNE DANS D’AUTRES PAYS EST NOTRE LUTTE !
La lutte actuelle dans d’autres pays : tunisie, égypte, libye,
yémen, bahreïn, oman, jordanie, maroc, irak, iran, arabie saoudite,
côte d’ivoire, bangladesh, corée du sud, chine, islande, angleterre,
france, irlande, espagne,portugal, italie, turquie, grèce, états-unis,
brésil, chili, bolivie,… [ les noms de pays sont en minuscule dans
l’original - ndr] est notre lutte parce que l’actuelle et catastrophique
crise capitaliste est mondiale et nous attaque nous, les prolétaires
de partout, en intensifiant notre exploitation; parce que les conditions
précaires de vie des prolétaires de là-bas sont les
mêmes que les prolétaires d’ici; parce que les frères
de classe sous ces latitudes sont occupés à lutter en réponse
à cette crise et aux conditions d’existence qu’elle provoque; parce
que, comme le capital, nous, les prolétaires, nous n’avons ni patries
ni frontières; parce que notre classe et notre lutte sont mondiales.
Ce n’est pas en vain si la rage sociale qui s’est accumulée
et qui s’est déchaînée sous la forme de révoltes
dans un pays ou un coin du monde se transmet de manière vertigineuse
dans d’autres pays, tel un effet domino ou une traînée de poudre.
Elle a ouvert de la sorte la possibilité pour que cette nouvelle
vague de luttes s’étende aussi aux pays sud américains comme
en équateur, où la contre-révolution citoyenne et le
capitalisme du 21ème siècle peuvent encore maintenir ahuri
démocratiquement la majorité de la population avec de bons
cadenas sabatinas (ndr.: exercice médiatique du président
Correa qui tout les samedis adresse un discours public pour justifier sa
gestion), des débats sur des lois, des “ consultations populaires
” et, en général, sur des sujets purement bourgeois et secondaires
sur lesquels s’entretiennent les droites et les gauches du capital en déviant
volontairement l’attention de ce qui est réellement important: nos
conditions matérielles d’existence, la crise mondiale, la lutte
des classes… Équateur où en même temps, le chômage,
le sous emploi, la précarité, la pauvreté, la déprédation
de la nature, la cooptation pour la répression de la protestation
sociale, en d’autres mots, là où l’exploitation capitaliste
et l’oppression étatique sont à l’ordre du jour et continuent
à faire des siennes.
Il est donc fort probable que les effets de la crise capitaliste actuelle
ne tardent pas à se faire sentir avec force dans nos poches et
dans nos estomacs, quand cette même crise mondiale oblige le gouvernement
du patron-flic Correa –grenouille de bénitier, ennemi de notre
classe– à imposer des mesures d’austérité. En réponse
à cela, nous, les prolétaires, nous devons nous lancer dans
les rues (comme nos frères/sœurs prolétariens au moyen-orient
et en grèce) pour lutter contre la pénurie, la faim et la
misère causées uniquement par cette maudite dictature démocratique
de l’économie. Pour lutter en profondeur, pour tenter d’émanciper
nos vies des griffes du travail, de la routine, de la propriété
privée, de l’argent, de l’Etat, de la police, de la patrie, des
institutions, des idéologies, des chefs, de la concurrence, de l’individualisme;
et, dans le feu de la lutte, côte à côte avec nos frères/sœurs
de classe, tenter d’arrêter d’être des marchandises et tenter
de reconstruire notre authentique communauté humaine mondiale contre
le capital, pour vivre une vie qui mérite d’être vécue.
Cela n’est déjà plus une utopie; ça ne l’a jamais
été, c’est une possibilité depuis qu’existe le capitalisme
et aujourd’hui s’ouvre à nouveau le chemin grâce au nouveau
cycle mondial de luttes prolétariennes qui est en train de remettre
en question l’ordre social bourgeois.
Si la révolte prolétarienne vient à éclater
dans ce coin, il est alors fort probable que tout le pouvoir bourgeois-étatique,
apparemment si solide et indestructible, commence à être
remis en question et à être contesté dans les rues.
Que toute forme de prison étatique et sociale commence à
s’effondrer ! Et au plus haut se situe le vol de ces gouvernements capitalistes,
populistes et répressifs du “ socialisme du XXI siècle ”,
au plus dure sera leurs chutes. Les dernières manifestations des
prolétaires en bolivie contre les mesures économiques gouvernementales
lancent des signaux clairs à ce propos… Et au centre de ce scénario
possible: les nécessités humaines réelles, la vie
même qui se pose antagoniquement au capital et à l’Etat.
Les bourgeois et les hommes politiques de ce pays et des autres, même
s’ils le dissimulent ou l’occultent bien, sont déjà en train
de grincer des dents de peur face au fantasme du prolétariat en
lutte, au fantasme du communisme. De fait, les luttes contagieuses que
livre notre classe dans divers endroits sont la preuve la plus irréfutable
que le monde capitaliste entier se trouve aujourd’hui soumis à une
catastrophe irréversible à long terme. Le capitalisme ne
peut plus apporter une solution de fond et durable à ses contradictions
! Le capitalisme est devenu absolument incompatible avec toutes formes
de vie qui existe sur la planète, parce qu’il la rend malade et la
détruit complètement (en provoquant ainsi les dites “ catastrophes
naturelles ”) ! La seule chose que puisse nous offrir ce système
c’est la misère, la barbarie, la dévastation et la mort:
les tragédies en libye et au japon ne sont rien d’autre que des
exemples de cette catastrophe capitaliste !
Cependant, la crise mondiale actuelle ne signifie pas la fin du capitalisme,
puisque celui-ci s’alimente de ses crises pour se renouveler et maintenir
son fonctionnement “naturel” basé sur l’exploitation et la domination
sur notre classe. C’est pourquoi, nous ne croirons pas complètement
en la crise du capital tant que les bourgeois et leurs laquais ne commenceront
à se suicider en masse, et pas avant que nous, les prolétaires,
nous ne commencions à comprendre dans cette lutte que l’unique
solution radicale et totale à la crise du capitalisme est la révolution
sociale, la destruction insurrectionnelle de ce système qui nous
détruit quotidiennement et la construction d’une société
sans exploiteurs ni exploités, sans oppresseurs ni opprimés
: le communisme, l’anarchie…
Malgré les limites et les obstacles des révoltes en cours
(manque de constitution du prolétariat en sujet révolutionnaire
avec un programme et une force propre, illusions démocratiques et
nationalistes, manque de coordination internationale de ces révoltes,
répressions sanguinaires –qui a fait des milliers de morts– et/ou
des “ réformes démocratiques ” faites par l’Etat, etc), il n’y
a aucun doute sur le fait que le lion prolétarien n’est par un géant
endormi. Il se réveille. Il réémerge, il résiste,
il contre-attaque et ce n’est que le début…
Comme nous l’avons déjà dit, il est fort probable que
cette traînée de poudre s’étende et arrive à
cette région de la planète. Même comme ça, rien
ni personne ne peut le garantir. C’est une possibilité qui, pour qu’elle
se concrétise, dépend de nous-mêmes, ceux qui n’ont
rien à perdre, les prolétaires. En luttant pour satisfaire
nos besoins vitaux, ce que nous faisons ou arrêtons de faire autonomement
en tant que classe contre le système capitaliste est déterminant
pour que cela se passe. Et c’est précisément pour cela que
nous lançons un appel. Rien ni personne ne peut non plus garantir
une victoire. Il ne faut pas se faire d’illusions. Ce qui est certain c’est
que “ si nous luttons, nous pouvons perdre, mais si nous ne luttons pas,
nous sommes perdus ”.
Alerte, prolétaires d’ici et de partout ! La solidarité
internationaliste de classe est aussi notre arme ! Empoignions la contre
nos ennemis ! Diffusons ces luttes prolétariennes internationales,
tirons des leçons de celles-ci et multiplions-les ! Luttons contre
“ notre ” “ propre ” bourgeoisie et “ notre ” “ propre ” Etat ! L’ennemi
et la lutte de notre classe sont les mêmes partout ! Faisons de l’agitation,
organisons-nous, résistons, luttons avec les moyens qui sont à
notre portée pour que l’incendie de ces révoltes contre le
capital s’étende, arrive ici et ailleurs, continue et se radicalise,
jusqu’à se convertir en guerre de classes mondiale et en révolution
communiste mondiale !
Le capitalisme est en crise ? Qu’il explose une bonne fois pour toutes
!
Le capitalisme ne se réforme pas, ni ne se soigne, il est à
détruire !
L’unique solution ? Le Communisme et l’Anarchie !
Contre la dictature démocratique de l’économie, imposons
la dictature de nos besoins humains !
Notre classe prolétarienne n’a pas de patries !
Solidarisons-nous avec les luttes prolétariennes dans d’autres
pays
en luttant contre “ notre ” “ propre ” bourgeoisie et “ notre ” “ propre
” Etat !
Pour la Guerre de Classes Mondiale !
A bas tous les Etats et toutes les frontières !
Luttons pour la Révolution Prolétarienne Mondiale !
Proletarios Salvajes
Quito (équateur) Mars 2011. 12
comunismoobarbarie@gmail.com
Le même cœur, la même nécessité de vivre…
nous changerons le monde de base !
Les travailleurs du monde entier sont les seuls qui puissent en finir
avec l’exploitation et l’oppression sociale capitaliste et nous affranchir
de la misère dans laquelle se décompose toute l’humanité.
Ceci n’est pas une création idéologique de notre part ni
une invention prophétique communiste mais bien une réalité
historique qui se rebelle contre toute idéologie bourgeoise et qui
se manifeste par de massives et combatives luttes prolétariennes
partout dans le monde.
Le prolétariat démontre une fois de plus sa condition
de classe révolutionnaire, tout le monde vibre au rythme des derniers
événements en Egypte et dans les pays voisins. Les bourgeois
pleurent, se réunissent, conspirent, font appel à leurs
économistes, conseillers et prophètes, ils ne savent pas
quoi faire avec les révoltes et les soulèvements des exploités.
Des milliers de nos frères se lèvent, rompent les chaînes
qui les attachent à la machinerie bourgeoise et prennent leur vie
en main. Il ne leur reste pas d’autre chemin, ils se regardent, et voient
la même douleur dans leur vie, la même plainte pour le futur
de leurs enfants, l’indignation face à l’injustice, et le plus important
: ils voient qu’il n’y a qu’eux qui puissent changer leur existence infâme.
Les grèves, les protestations dans la rue, la prise de locaux, les
barricades, les débats spontanés, l’organisation autonomes
des quartiers, les saccages collectifs sont les strophes de la poésie
appelée révolte sociale.
Ils n’ont jamais rien eu, nous qui écrivons ceci le savons très
bien, nos frères qui ont défié le couvre-feu, les
tanks, les bombes lacrymogènes, les balles, les policiers et militaires.
Peur de mourir ? Tous les jours nous nous levons et nous existons pour
travailler, enrichir quelqu’un d’autre, faire ce qu’on nous ordonne et
être jeté à la rue quand nous “ coûtons ” trop
cher ; la seule peur que nous pouvons avoir est de passer dans ce monde
et ne pas savoir ce que c’est de vivre pour de vrai. C’est le moteur de
la lutte et aussi la preuve que la classe travailleuse se réveille,
les balles ne peuvent détruire l’espoir d’un monde nouveau, et que
nous sommes les seuls à pouvoir émanciper l’humanité
de la servitude salariée.
Les quartiers du Caire, de Suez et d’Alexandrie existent pour lutter,
le poing levé est la constante en ces lieux. Nous sommes si loin
géographiquement de ces quartiers et en même temps si proches
des intérêts qui se défendent là-bas ! Nous autres,
un secteur des travailleurs du Pérou, nous faisons aussi partie de
cette grande masse dépossédée, qui vit et ressent la
même exploitation, la même misère, la même pourriture
d’un système qui s’alimente de notre vie, de nos fils et de leur innocence,
de nos parents et de leur fatigue, de nos frères et de leur jeunesse,
de nos rires, joies et rêves. Mais nous faisons partie aussi de l’espoir
d’un pouvoir qui surgit, d’un poing qui se lève et frappe, bien qu’à
tâtons, mais chaque fois plus près de l’objectif, la France,
la Grande-Bretagne, l’Italie, la Grèce, la Tunisie, l’Algérie,
la Chine, le Bangladesh et maintenant l’Egypte… Nous faisons partie d’un
géant qui commence à se réveiller, un géant qui
commence à se souvenir de ses anciennes batailles contre le démon
anthropophage appelé capitalisme et voit un futur prometteur.
La classe des exploiteurs, les maîtres de tout, les maîtres
du monde, et ceux qui se sont emparés de notre vie, veulent nous
faire penser que les luttes que nous sommes en train de développer
ont pour but d’atteindre la démocratie, d’expulser quelque politicien
corrompu, trouver plus de liberté à l’intérieur
du capitalisme. Ils veulent nous faire croire que nous luttons seulement
pour réformer l’exploitation et la misère, que nous ne luttons
pas pour en finir avec ce monde bourgeois, la racine de nos problèmes,
mais bien pour le rendre “ un peu meilleur ”. On ne va pas leur permettre
de nous duper, d’ici nous dénonçons ces idéologues
bourgeois qui, déguisés en défenseurs de nos droits,
sont des gauchistes, des nationalistes, des social-démocrates, qui
veulent nous faire dévier de notre lutte parce qu’ils veulent nous
diriger, ils veulent que nous donnions notre vie pour leur amener le pouvoir
et continuer la servitude et l’esclavage. Nous seuls, travailleurs, organisés
de façon autonome, pouvons créer un nouveau pouvoir pour
décider quoi faire de nos vies et le monde que nous sommes les
seuls à pouvoir faire bouger ou arrêter.
Pendant que nous sommes en train d’écrire cette sorte de déclaration,
en Egypte se réunissent des millions de nos frères, sans
peur et le cœur à nu, l’humanité retient son souffle, son
existence dépend uniquement de nos futures luttes. En réalité
nous ne savons pas comment se terminera ce processus de combat, cette étape
de la lutte historique des exploités contre les exploiteurs, nous
ne savons même pas si le poids des idéologies religieuses
et gauchistes aura imprégné nos frères. Mais ce que
nous savons c’est que cela ne s’arrêtera pas avec une réforme
et le départ d’un président. Chaque génération
prolétarienne se nourrit des luttes, prend confiance en elle-même,
dans l’ensemble des leçons que la classe nous a laissées.
La solidarité a été et sera présente dans
ce processus, il n’y a que lorsque nous sommes unis que nous sommes forts.
Qu’importe comment finira cette bataille, ce sera une grande avancée
pour nous dans cette guerre contre le capital.
Notre victoire finale se rapproche chaque jour, elle n’est maintenant
plus aussi lointaine que nous le pensions, bien qu’il reste un long chemin
à parcourir. L’exemple de l’Egypte comme celui de la Grèce
et de la Tunisie alimente l’esprit révolutionnaire et montre le chemin
que nous devons suivre, ce sont les étincelles de la grande explosion
que sera la révolution.
D’ici nous sentons l’ambiance de la lutte prolétarienne au Caire,
Suez et Alexandrie, depuis le Pérou nous ressentons cette émotion
indescriptible de nous savoir vivants, de savoir que rien ne fut vain,
que l’histoire nous appuie, et que le futur attend d’être construit
par l’humanité libre de l’esclavage salarié, libre des classes
sociales, libre de l’exploitation. Bien que le chemin ne soit pas encore
clair, et que nos coups soient mal ciblés, quelle joie nous ressentons
en sachant que nous nous libérons des vieilles attaches, que la classe
commence à reconnaître son vrai ennemi et à savoir
quelles formes l’affrontement doit prendre ! Les armes de la classe ont
été déployées massivement : Le Débat,
Les Assemblées, La Grève, La Réflexion, La Solidarité,
La Confiance dans le Futur…
Nous terminons en remerciant de tout cœur nos frères travailleurs
qui sont en train de lutter, nous sommes une partie de vous, vous nous
avez remplis de joie, vous avez rempli nos veines de sang révolutionnaire.
Avec vous, nous ferons partie de la révolution mondiale de demain.
Alerte prolétaires, un nouveau monde nous attend !
Prolétaires de tous les pays unissons-nous !
Groupe d’Eclaircissement Communiste.
http://esclarecimientocomunista.blogspot.com/
Lutte de classe au Maghreb et au Machrek 1…
Lutte de classe dans le monde entier…
Depuis des semaines et des mois, un fort mouvement secoue le soi-disant
“ monde arabe ”, qui n’est rien qu’une partie de l’ensemble du monde du
capital. Des pays comme la Tunisie, l’Egypte, le Yémen, Bahreïn,
la Libye, la Syrie, etc., des villes comme Tunis, Gafsa, Sfax, Kasserine,
Le Caire, Alexandrie, Suez, Sanaa, Aden, Tripoli, Benghazi, Misrata, Tobrouk,
Damas, Deraa, Latakieh, Homs, etc. sont en feu et brûlent de notre
colère sociale. Protestations et manifestations, affrontements avec
la police et les unités spéciales, grèves massives et
violentes, pillages, incendies de banques et d’institutions de l’Etat, actions
de solidarité et agitation, mise en place de comités et de
“ shoras ”… tout cela et beaucoup d’autres choses sont des expressions du
mouvement prolétarien qui s’est développé à travers
ces régions. C’est notre perspective de classe qui émerge de
ces “ révoltes populaires ” – tant en organisant des structures afin
de distribuer de la nourriture et de l’aide médicale en-dehors et
contre les rapports d’échange comme à Misrata par exemple,
que lorsque des ouvriers détruisent le quartier général
du syndicat officiel égyptien, ou encore lorsque des manifestations
de défaitisme révolutionnaire éclatent en Arabie saoudite
contre leurs “ propres ” troupes qui sont envoyées pour écraser
la rébellion au Bahreïn.
Les médias continue cependant à décrire le mouvement
soit comme une lutte contre la dictature et pour la démocratie,
soit comme une action de vandales irresponsables et d’agents provocateurs
payés par la CIA ; ces deux versions ayant pour but de toujours
occulter et falsifier la véritable et profonde nature de notre mouvement
de classe. Sarkozy, Obama, Cameron, Ban Ki-Moon, Schwarzenberg ou Chavez,
aussi bien que d’innombrables autres analystes et journalistes politiques
et militaires, tous nous offrent telle ou telle explication du mouvement.
Ce n’est pas surprenant. Ils le dépeignent de la façon qui
corresponde le mieux aux intérêts bourgeois. Et ces intérêts
sont clairs : maintenir son ordre mondial, ébranlé par le
mouvement prolétarien, par tous les moyens possibles en poussant
ses fractions indésirables à quitter le pouvoir et en proclamant
“ la révolution victorieuse ” d’un côté (comme en Egypte
ou en Tunisie), et écraser les rebelles en envoyant des unités
spéciales et des armées contre eux (comme au Bahreïn)
d’un autre côté. Quelle que soit la méthode, la tâche
est la même – prévenir l’extension du mouvement à “
nos pays bien-aimés ” en insistant sur le fait que les événements
sont déterminés par les conditions spécifiques comme
les “ régimes autoritaires ”, la “ mentalité moyen-orientale
”, les “ rapports tribaux ”, l’“ avidité pour le pétrole des
conspirateurs impérialistes ”, etc. En dépit du fait qu’une
telle possibilité n’est pas encore à l’ordre du jour ici,
son fantôme hante la bourgeoisie européenne (sûrement
plus en Grèce, au Portugal ou en Irlande qu’en République
tchèque) et la bourgeoisie dans le monde entier.
C’est parce que c’est la réalité matérielle de
la vie partagée par tous les prolétaires autour du globe ;
la réalité de l’exploitation, de la pauvreté et de
la terreur d’Etat qui est la véritable raison de toute lutte de classe.
Hausse des prix des produits de base comme la nourriture, l’essence, l’eau
et l’électricité, augmentation du taux de chômage et
généralisation des conditions de travail précaires
pour ceux qui ont encore un boulot, baisse du salaire réel, problèmes
de logement, les prolétaires à travers le monde doivent faire
face à cette situation, de l’Europe centrale à la Russie,
de l’Amérique du Nord à l’Indonésie, et tout ces problèmes
sont aussi la vraie cause du mouvement de l’actuelle lutte de classe au
Maghreb et au Machrek.
C’est parce qu’aucun changement de gouvernement ou de régime
ne peut résoudre ces problèmes car ils sont le modus vivendi
du capital. Grèves, émeutes et expropriation collective de
marchandises continuent encore même après que Moubarak et
Ben Ali aient été renversés, et que de nombreux gouvernements
soient tombés. Les ouvriers textiles d’El-Mahalla El-Koubra ainsi
que les ouvriers du canal de Suez ou les ouvriers agricoles et d’autres partout
en Egypte ont lancé un mouvement de grève massif pour une
augmentation du salaire minimum et contre les prix élevés
de la nourriture. Farouchement dénoncé par toutes les fractions
bourgeoises en Egypte (l’armée mais aussi les Frères musulmans
ou la clique de Mohamed El-Baradei), le mouvement de grève continue
en Egypte (comme en Tunisie), en défiant directement son interdiction
émise par le gouvernement militaire. Le “ Conseil National de Transition
” libyen (CNT) revendique comme objectif la “ restauration de la vie civile
habituelle ”, ce qui en réalité signifie la dépossession
des prolétaires de leur propre vie et de son organisation. En désarmant
les insurgés et en restaurant le monopole de la violence en faveur
de l’Etat, le CNT organise des gardes armés pour maintenir l’ordre
sur les champs pétroliers et les raffineries qui avaient subi des
actions de grève au début du soulèvement.
C’est parce que tout mouvement prolétarien contient les graines
du renversement du capitalisme et exprime la perspective de la communauté
humaine sans classe qui se construira sur les cendres de ce vieux monde.
Le mouvement prolétarien au Maghreb et au Machrek exprime cette
perspective d’une façon limitée et avec beaucoup de faiblesses
mais de façon suffisamment forte pour révéler les
intérêts prolétariens qui sont antagonistes à
ceux des bourgeois. En Libye, le mouvement fit un pas en avant et a organisé
une insurrection qui a obligé la bourgeoisie à intervenir
(via les bombardements de l’OTAN ainsi que les négociations diplomatiques)
et à créer deux camps : la nouvelle/vieille (la moitié
d’entre eux sont des hauts fonctionnaires de l’ancien régime) fraction
bourgeoise organisée dans le CNT et le “ colonel socialiste ” Kadhafi
(l’associé commercial bien-aimé des fractions bourgeoises
occidentales jusqu’à très récemment), afin de détourner
la frontière entre prolétariat et bourgeoisie, et de transformer
la guerre de classe en une guerre civile sanglante.
En Egypte, Tunisie, Libye, Irak, Syrie, au Yémen et Bahreïn,
en Grèce et Chine, au Royaume-Uni, Wisconsin et Chili… en République
tchèque… partout dans le monde, le capital nous offre soit de mourir
lentement au turbin quand il a besoin de notre force de travail, soit
la destruction physique de nos vies quand il n’en a plus besoin.
En Egypte, Tunisie, Libye… ce sont nos frères et sœurs de classe,
c’est notre classe qui lutte contre le capital et son Etat.
Leur lutte est la nôtre !
Affirmons sa perspective prolétarienne
contre toutes les mystifications démocratiques !
Groupe Guerre de Classe - Avril 2011 - http://www.tridnivalka.tk -
E-mail : tridnivalka@yahoo.com
1. Contrairement à l’idéologie euro-centriste qui ne
peut considérer le monde qu’en tant qu’entités séparées
avec un centre (l’Europe et l’Amérique du Nord) et la périphérie
(le reste du monde), nous préférons utiliser les termes arabes
“ Maghreb ” (qui signifie le “ Couchant ”) et “ Machrek ” (le “ Levant
”), c.-à-d. l’ouest et l’est de l’aire “ arabo-musulmane ”, plutôt
que les expressions Proche- et Moyen-Orient… Proche de quoi ? De l’Europe,
bien sûr !
Qu’ils s’en aillent tous !
Nous sommes nombreux à avoir ces jours-ci conflué dans
les rues pour protester. Nous nous sommes tous identifiés au refus
des partis politiques, des syndicats, des employeurs… Nous nous sommes
avant tout rendu compte que nous sommes arrivés à la limite.
Qu’on en a ras-le-bol d’être les parias de ce monde. Que nous ne supportons
plus que quelques-uns se remplissent les poches et vivent comme des rois,
tandis qu’à nous autres, on nous sert la vis au-delà de toute
limite, avec l’excuse de maintenir la santé de la sacro-sainte économie.
Que nous savons que pour changer cela nous devons lutter nous-mêmes
en marge des partis, des syndicats et autres représentants qui
prétendent être nos représentants.
Plus que tout, cette réalité exprime une question fondamentale
qui affecte le monde entier : la contre-position des besoins et intérêts
entre l’économie et l’humanité. Cela nos frères rebelles,
en Afrique du nord, l’ont parfaitement compris, cela nous le comprenons
aujourd’hui, ici, quand la situation est déjà insoutenable
pour nous tous et que nous sortons pour lutter. Nous avons supporté
l’insupportable, nous avons souffert d’une dégradation de nos conditions
de vie qui ne s’est pas produite depuis des décennies. Mais finalement
nous avons dit basta !, et nous sommes ici, exprimant notre refus de tout
ce système infernal qui transforme notre vie en marchandise.
Nous voulons exprimer avec force notre refus tranché de l’étiquette
de citoyen. Sous celle-ci s’agglutine toute bête vivante depuis
le politique au chômeur, depuis le dirigeant syndical à l’étudiant,
depuis l’employeur plein aux as à l’ouvrier le plus misérable
; on mélange des conditions de vie totalement antagoniques. Pour
nous il ne s’agit pas d’une lutte de citoyens. C’est une lutte de classe
entre exploités et exploiteurs, entre prolétaires et bourgeois,
comme disent certains. Chômeurs, travailleurs, étudiants,
pensionnés, émigrants… formons une classe sociale sur laquelle
retombe, dans une plus ou moins grande mesure, tous les sacrifices. Les
politiciens, les banquiers, les patrons… forment l’autre classe de la société,
celle qui bénéficie, également dans une plus ou moins
grande mesure, de nos pénuries. Celui qui ne veut pas voir la réalité
de cette société de classe, vit au pays des merveilles.
Arrivés jusqu’ici en protestant sur les places de nombreuses municipalités
du pays, il est l’heure de réfléchir, de concrétiser
nos positions, d’orienter bien notre pratique. L’hétérogénéité
est grande sans aucun doute. Tous ont conflué, des camarades qui
ont de nombreuses années de lutte contre ce système, d’autres
qui sortent pour la première fois dans les rues, quelques-uns qui
veulent jouer clairement “ le tout pour le tout ” (“ nous voulons tout
et maintenant ”, indiquait une pancarte à la Puerta del Sol), d’autres
parlent de réformer certains aspects, d’autres se retrouvent désorientés,
d’autres veulent seulement manifester leur ras-le-bol… Et il y a aussi
ceux, il faut bien l’avoir en tête, qui tentent de pêcher dans
le fleuve agité, qui cherchent à canaliser ce mécontentement
pour en neutraliser la force, en profitant des indécisions et faiblesses
que nous portons. Depuis longtemps une chose que nous avons discutée
entre divers camarades dans les rues, c’est que notre force est dans le
refus, dans le mouvement de négation de ce qui nous empêche
de vivre. C’est ce qui a forgé notre unité dans les rues.
Nous pensons que c’est dans ce sens qu’il faut avancer, approfondir et concrétiser
mieux notre refus. C’est pour cela, parce que la force nous l’avons dans
cette négation, que nous voyons clairement que nous ne solutionnerons
pas nos problèmes en exigeant d’améliorer la démocratie,
comme certaines consignes l’ont exprimé, ni même en revendiquant
la meilleure démocratie que nous puissions imaginer. Notre force
est dans le refus que nous sommes en train de manifester à la démocratie
réelle, la démocratie, “ de chair et d’os ”, dont nous souffrons
jour après jour et qui n’est rien d’autre que la dictature de l’argent.
Il n’y a pas d’autre démocratie. C’est un piège que de revendiquer
cette démocratie idéale et merveilleuse, qu’ils nous content
depuis tout petits. De la même manière il ne s’agit pas d’améliorer
tel ou tel autre aspect, parce que ce qui est fondamental restera debout
: la dictature de l’économie. Il s’agit de transformer totalement
le monde, de le changer de haut en bas. Le capitalisme ne se réforme
pas, il se détruit. Il n’y a pas de chemin intermédiaire.
Il faut aller au fond, il faut aller jusqu’à l’abolition du capitalisme.
Nous avons occupé la rue à quelques jours de la fête
parlementaire, cette fête où on élit la gueule de
celui qui exécutera les directives du marché. Bien, c’est
un premier pas. Mais nous ne devons pas en rester là. Il s’agit
de donner de la continuité au mouvement, de créer et consolider
des structures et des organisations pour la lutte, pour la discussion
entre camarades, pour affronter la répression qui nous a déjà
frappés à Madrid et Grenade. Il faut être conscient
que sans la transformation sociale, sans révolution sociale, tout
continuera comme avant.
Nous appelons à continuer à montrer tout notre refus
du spectacle du cirque électoral de toutes les manières que
nous pouvons. Nous appelons à lever partout la consigne “ qu’ils
s’en aillent tous !” Mais nous appelons aussi à ce que la lutte continue
après les élections du dimanche 22. A ce que nous allions bien
au-delà de ces jours. Nous ne pouvons laisser mourir les liens que
nous sommes en train de construire. Nous appelons à la formation de
structures pour lutter, nous appelons à développer nos contacts,
à coordonner le combat, à lutter dans les assemblées
qui sont en train d’être crées, en faisant d’elles des organes
pour la lutte, pour la conspiration, pour la discussion de la lutte, non
pour des meetings citoyens. Nous appelons à nous organiser dans tout
le pays pour lutter contre la tyrannie de la marchandise.
Dans la rue, luttons !
La démocratie c’est la dictature du capital !
Le capitalisme ne se réforme pas, il se détruit !
BLOQUE “ QUE SE VAYAN TODOS ! ” qsevayan@yahoo.es - 19 mai 2011.
Nous encourageons la reproduction et la diffusion de ce texte par tous
les moyens appropriés.
BOLIVIE
“ Si c’est ça le changement, le changement c’est de la merde ”
LE CHANGEMENT : RAISONS ET PROMESSES.
Les luttes historiques et exemplaires du prolétariat en Bolivie
ne sont pas suffisamment connues internationalement. La structuration
impériale du monde capitaliste est telle que ce qui se passe dans
cet endroit du monde est sous estimé, déprécié,
méconnu. Toutes les idéologies eurocentristes et yankicentristes
agissent dans le sens d’un isolement du prolétariat dans cette région,
de la même manière qu’elles agissent toujours pour surestimer
ce qui se passe “ dans le centre ”. “ Ce qui se passe dans ce pays n’est
pas très important ”, “ ce n’est qu’une question d’indiens ” (même
si ça ne se dit pas, c’est ce qu’on pense jusqu’à Buenos
Aires !), et c’est pourquoi les prolétaires en Europe, aux États-Unis,
en Asie et même dans les autres pays d’Amérique Latine n’ont
pas la moindre idée de ce qui s’y passe. Par contre, certains n’arrêtent
pas d’être surpris de constater que oui, le prolétaire en
Bolivie se préoccupe de s’informer de ce qui se passe ailleurs :
déjà à la grande époque des radios de mineurs1,
on savait plus de choses et on discutait plus dans cette zone du monde
que n’importe où ailleurs, sur la lutte de classes internationale.
Dans cette revue, il nous a semblé indispensable de souligner,
à contre-courant, quelques éléments sur ce qui se passe
en Bolivie vu son importance pour le prolétariat international, comme
exemple même où la bourgeoisie, en répondant au mouvement
social des années 2000-2005, a dû annoncer des changements
importants (comme certains États dans le “ monde arabe ” sont occupés
à faire maintenant). Comme nous le décrivons succinctement
ici, il est évident que les changements ont été fait
pour tout laisser comme avant et attaquer brutalement le prolétariat.
Nous voulons également réaffirmer la réponse du prolétariat
aujourd’hui : “ si c’est ça le changement, le changement c’est de
la merde ”.
Durant ce cycle de lutte des années 2000-2005, le prolétariat
en Bolivie avait également lancé ses protestations sur base
de ses besoins, luttant pour de meilleures rémunérations
mais aussi contre l’exploitation, l’expropriation et la destruction des
ressources naturelles de la Terre: , eau, minerai… Là-bas aussi,
la démocratie made in USA (le président était plus
gringo que bolivien !) a répondu en tirant dans le tas. Contre les
grèves, les occupations, les manifestations, les blocages de route,
les pillages…, l’État a réprimé terriblement, causant
des centaines de morts et de blessés dans les rangs prolétariens
(comme le massacre des 12 et 13 février 2002 !). Le prolétariat
n’a pas reculé mais au contraire a accentué toutes les actions
et a bloqué tout le pays. Comme en Égypte ou en Tunisie,
le prolétariat a généralisé sa lutte contre
le pouvoir politique jusqu’à ce que le président s’échappe
dans “ son pays ”… les États-Unis 2 ! Le “ gringo ”, l’ “autocrate”
avait été détrôné par la révolte
prolétarienne !
La crise politico-sociale était si énorme que l’unique
manière d’arracher les gens à la rue et à la bagarre
a été de faire apparaître une alternative de changement
qui passait pour radical. Après la tourmente et une période
de calme électrique, où toute la tension était contenue
dans l’attente ce qui se passerait, période durant laquelle la
Bolivie était présidée par Carlos Mesa, le gouvernement
d’Evo Morales s’imposa en apparaissant précisément comme
le représentant même du changement. Ce gouvernement ne promit
pas seulement la démocratie, le socialisme et de s’opposer au capitalisme
en défendant la Mère Terre mais aussi assura qu’il détruirait
l’État. Les promesses allaient beaucoup plus loin que celles d’un
Lula ou d’un populiste genre Obama ou encore d’un Kirchner. Evo Morales
se montra comme une carte si radicale qu’il annonça non seulement
qu’il en finirait avec la structure colonialiste et impérialiste
propre au capitalisme dans la région mais annonça aussi textuellement
constituer une alternative mondiale au capitalisme.
Cependant, de promesses en promesses, de discours en discours en aymara,
avec des figurations et spectacles nationaux et internationaux3, Morales
postposa durant les premières années les réalisations
promises et dans une certaine mesure aussi les mesures que le capital international
exigeait pour améliorer sa rentabilité. Pendant cette période,
il essaye plus que tout de liquider certaines fractions ultra-nationalistes
et localistes qui s’opposent à ses “ changements ”. Dans cette
première phase, les mesures d’austérité qui avaient
toujours été refusées par le prolétariat sont
relatives et on cherche plus que tout à créer, fomenter un
consensus contre les opposants au changement, ce pourquoi on agite sans
cesse le drapeau anti impérialiste et nationaliste. Il est clair
que cet affrontement cherche à fortifier de manière populaire
le gouvernement afin de préparer ce qui vient ensuite.
Ce n’est que dans son second mandat qu’Evo Morales commence enfin à
concrétiser le changement. Ainsi “ le 22 janvier 2010, après
être entré en fonction pour son second mandat le réélu
Evo Morales a déclaré la naissance de l’État Plurinational.
Le remplacement de ce qu’il avait appelé : État colonial.
Et c’est ici que la lutte répétée pour la liberté
acquiert une autre dimension, celle de l’intégration de la
Bolivie qui reconnaît parmi ces habitants l’existence de 36 nations
avec une égalité de droits… Nous avons la responsabilité
de sauver le monde, déclara Morales ”4… Apparaître comme une
alternative mondiale au capitalisme est devenu dominant dans tous les discours
du pouvoir : “ Notre modernité étatique, celle que nous allons
construire et celle que nous sommes occupé à construire avec
la direction populaire est très différente de la modernité
capitaliste. Il faut lui donner un nom : notre horizon étatique
est un horizon socialiste ” le vice président Álvaro García
Linera après avoir apposé le ruban et les médailles
présidentielles à Evo Morales. Le ruban présidentiel
était cette fois aux couleurs de l’état plurinationale et
avait, en plus du drapeau bolivien, le drapeau des indigènes, le
wiphala… Álvaro García Linera déclara que “le vieil
État était mort et [que] le nouvel État naissait. C’est
exactement comme ça, on enterre l’État monoculturel, uninational,
raciste, excluant, classiste, seigneurial, patriarcal et adulto-centrique,
prébendiste, corrompu qui provient d’un héritage colonial.
Et un nouvel État naît qui a pour but essentiel d’arriver à
la décolonisation du pays… ”. Et le Gouvernement d’Evo Morales, en
réunion de cabinet, décréta le 22 janvier comme jour
férié national.
LA REALITE DU “ CHANGEMENT ” : LA LOGIQUE DU CAPITAL
Tout un programme ! Beaucoup, beaucoup plus que les “ changements ”
promis aujourd’hui en Égypte, en Tunisie, au Yémen… ! On ne
prétend rien de moins que de changer le mode de production social,
de détruire l’État capitaliste et de constituer une alternative
pour le monde entier ! Mais, sans détruire la marchandise, ni l’argent
!
Aussi radical cela puisse paraître, c’est typique du “ socialisme
” des bourgeois, c’est-à-dire de vouloir changer “ tout ” sauf l’essentiel.
“ Socialiser ” est identifié à certaines étatisations
(et/ou négociations inter-étatiques) sans détruire
ni le marché capitaliste ni la propriété privée
des moyens de production 5. Pour ce qui est de détruire l’État
et de le changer par un autre, cela a été identifié
par le gouvernement en Bolivie à un changement de la Constitution
en faisant participer davantage “ le peuple ” et particulièrement
les “ nationalités ” indigènes ; le changement s’est traduit
par le fait de parler plus dans les langues natives et autres spectacles
auxquels les indigènes sont invités à participer sans
détruire aucune fonction centrale de l’État capitaliste 6.
C’est dire combien ce discours du “ socialisme du XXIème siècle
”, dans la pratique ne change non seulement rien d’essentiel au capitalisme,
à l’État, à l’exploitation de l’homme par l’homme,…
mais n’est en fait qu’une caricature de plus du socialisme, comme tout “
socialisme ” bourgeois.
En toute logique du point de vue bourgeois, cet État a évidemment
besoin d’améliorer le profit capitaliste et pour ce faire, d’augmenter
le taux d’exploitation (taux de plus-value) dans toute la société.
C’est pour cela que “ le changement ” et surtout “ le changement radical
”, avec le masque indigène d’Evo Morales est devenu la forme basique
que la bourgeoisie de la région a utilisée pour imposer les
brutales mesures d’austérité que le capitalisme a besoin
pour améliorer sa rentabilité. Au plus il y eut une intensification
des plans de développement (Plan Stratégique 2010 – 2015),
au plus clairement s’est confirmé que “ le changement ” serait toujours
plus la même chose ! Même Morales a confirmé que le
plus important de ce plan et la tâche centrale de son second mandat
serait “ l’industrialisation d’autant de ressources naturelles que nous
offre la Terre Mère ” (textuellement repris du président
; il faut évidemment lire : “ priorité totale au développement
capitaliste ”). Discours ronflant pour annoncer que la concrétisation
du changement serait, en réalité, une attaque à peine
dissimulée contre le prolétariat et ses revendications historiques.
Nombre de prolétaires étaient conscients que ce discours,
ils le connaissaient déjà, qu’il était parfaitement
identique à celui de Sanchez Lozada et qu’il attaquerait le prolétariat,
ses communautés indigènes et qu’il s’approprierait les “
si nombreuses ressources naturelles que nous offre la Terre Mère
”. Depuis le gouvernement de Morales, on a commencé à confesser
qu’on ne pouvait même pas garder l’apparence du changement de l’État
: certains membres de ce gouvernement ont expliqué publiquement
que la consultation préalable des communautés indigènes
était tout simplement une “ perte de temps ”. L’antagonisme entre
cet “ État Plurinational des Communautés ” (présenté
comme un véritable anti-État !) et la réalité
concrète de l’État bourgeois qui ne concède aux communautés
que la participation qui l’arrange bien est mis à nu.
“ La centralité de l’État et tout le conglomérat
théorique (et pratique) surgi dans la modernité européenne
qui porte sur ses épaules le Socialisme du XXIème siècle
a converti son profil supposément révolutionnaire en une pratique
réformiste qui dans l’absolu est dirigée vers un changement
véritablement structurel qui implique le dépassement du capitalisme…
En ce qui concerne sa relation avec la proposition de pouvoir anti-étatique
de la part des peuples indigènes, cette même action de l’État
mène à une nouvelle forme d’indigénisme qui, au travers
de l’assimilation de son discours au sein du pouvoir, tente de le neutraliser
pour laisser la voie libre à ce qui était le projet des États-nations
latino-américains… Durant les derniers jours du mois de juin (2010),
la confrontation entre le gouvernement et le mouvement indigène
bolivien s’est intensifiée. C’est ainsi que, pendant que Morales
célébrait, à la tête d’une grande multitude,
le nouvel an Aymara –converti en fête national-, les indigènes
de l’orient entamaient une marche jusqu’à La Paz pour revendiquer
leurs droits territoriaux et en faveur de l’autonomie des régions.
Alors que Morales accusait les indigènes de recevoir des fonds de
l’USAID (U.S. Agency for International Development), on rendait public
que 22 projets du Plan National de Développement sont financés
par cette même organisation États-unisienne ”7.
Déjà pendant les dernières années du premier
mandat et durant la première moitié de 2010, la contradiction
de classes s’est accentuée sur base d’attaques et ripostes, de
marches et d’affrontements, de grèves et barrages… jusqu’à
ce que le gouvernement adopte le fameux Décret 0748. Ce décret,
qui a quasi doublé le prix des combustibles et que le pouvoir a
justifié au nom de la lutte contre la contrebande et du développement
et de l’économie nationale (en fait, ce sont les multinationales
pétrolières qui en tirent profit), a été en
réalité une véritable attaque du niveau de vie de
tous le prolétariat qui a immédiatement baptisé ces
mesures “ el gasolinazo ”.
REPONSE PROLETARIENNE
La réponse prolétarienne au “ gasolinazo ” a été
générale : des marches ont été menées,
des protestations, des barrages et surtout des attaques et incendies d’installations
et institutions privées et étatiques. Etant donné
que le prix des aliments et aussi du pain a explosé, les pillages
se sont généralisés ainsi que les affrontements violents
entre prolétaires et tous types de forces policières à
travers tout le pays. Aucun discours gouvernemental n’a pu arrêter
le prolétariat se battant pour ses besoins. En très peu de
temps, les deux classes de la société se sont à nouveau
retrouvées dans la même polarisation que celle de 2000-2005,
à savoir en guerre totale. Face à ce souvenir, la trouille
du gouvernement a eu comme résultat immédiat que la bourgeoisie
et l’impérialisme (en particulier la chaîne internationale
d’hydrocarbures dont la plus-value profitait le plus du décret Morales)
reculèrent sur toute la ligne : le gouvernement abrogea le décret
seulement 5 jours après l’avoir approuvé ! Il faut dire que
déjà, les prolétaires de “ El Alto ” et les mineurs
avaient menacé de faire une marche depuis Oruro pour évacuer
Morales du “ Palacio Quemado ” comme il l’avait fait avec Goni en 2003 !
Mais même à ce prix, le capitalisme n’est pas arrivé
à imposer une paix sociale relative. Les effets du “ gasolinazo
” sur les prix n’ont pas disparu avec l’abrogation du décret. Le
gouvernement a concédé quelques augmentations de salaires
et autres appointements sociaux mais ils auront été totalement
insuffisants pour arrêter les protestations. En février, les
luttes reprennent à nouveau et des milliers de personnes occupent
une fois de plus les rues en protestant contre l’augmentation des prix
du “ panier de base ” et en réclamant des augmentations plus considérables
de salaires. La COB, qui avait été une alliée du pouvoir
d’État, radicalise son discours et convoque de nouvelles manifestations
et barrages qui se généralisent à nouveau aux villes
principales de tous le pays. La lutte prolétarienne contre le “
gasolinazo ” continue même si le décret a été
aboli. En mars et avril, au moment où nous clôturons ce numéro,
la lutte poursuit son rythme ascendant. De manière chaque fois
plus explicite, le prolétariat répudie le gouvernement du
“ changement ” en dénonçant ouvertement que rien n’a changé,
que Morales aussi devra s’en aller parce qu’entre le peuple et les multinationales
pétrolières, il a préféré ces dernières.
Le cri par lequel convergent les manifestants est “ si c’est ça
le changement, le changement c’est de la merde ”.
Voilà comment les journalistes qui sont ouvertement contre le
mouvement décrivent la situation : “ Hier, les explosions de dynamite,
destructions d’ornements publics et le chaos qui s’en suivit dans le trafic
ont causé de la désolation parmi la population qui s’est
vue à nouveau affectée par ces actes… Les manifestants, dans
leur troisième jour de grève indéfinie, ont montré
une attitude totalement violente en détruisant les barrières
de sécurité qu’utilisent les effectifs policiers pour protéger
la Plaza Murillo… Un jour avant, le Ministère du Travail a été
l’un des plus touchés, car les manifestants ont jeté des
bombes de peinture sur sa façade, ont cassé des vitres et
détruit la porte en bois en plus de maculer le drapeau national qui
se trouvait là, fait qui a été durement désapprouvé
par la population (sic)… Les installations de l’Institut National de Réforme
Agraire (INRA) ont également subi des bris de vitres à leurs
fenêtres. Au Palais des Communications, les manifestants ont cassé
les vitres de la cabine de sécurité avec des pierres et par
de petites explosions de dynamite. A la porte de la Cour Supérieur
de Justice, il y a également des destructions considérables
causées par les dynamitages… Pour cette raison, tous les magasins
d’accessoires divers et vêtements de la rue Comercio sont restés
portes closes par peur d’être pillés. ” Extrait de El
Diario – 8 avril 2011
Un autre journal bourgeois raconte les faits : “ Avec l’arrivée
au Siège du Gouvernement de plus de huit mille mineurs, aujourd’hui
tous les secteurs sociaux radicaliseront leurs mesures de pression… Des
milliers de travailleurs affiliés à la Central Ouvrière
Bolivienne ont été hier les protagonistes d’une mobilisation
violente, la plus dure des cinq dernières années du gouvernement
du président Evo Morales, en prenant virtuellement le Siège
du Gouvernement et en encerclant la Plaza Murillo au milieu de fortes détonations
de dynamite causées par des mineurs. Le gouvernement ratifia qu’il
n’y avait pas grève s’il y avait de la violence. Durant la seconde
journée de protestation, le bâtiment le plus touché
a été le Ministère du Travail dont la façade
a été lapidée et dont la porte principale a été
dynamitée par les manifestants… Les actions violentes ont été
réprimées par les forces de police à l’aide d’agents
chimiques et en réponse à cela, ils ont reçu des
pétards et des pierres de la part des manifestants qui étaient
postés à deux pâtés de maison du Palais du
Gouvernement, pendant qu’un autre groupe essayait de pénétrer
à la Plaza Murillo, rencontrant sur leur passage la résistance
policière qui tendait un cordon de sécurité avec des
barricades en fer. La police a été une nouvelle fois contrainte
d’utiliser les chars anti émeutes… Pendant que les forces de police
et les manifestants s’affrontaient dans les rues, le centre de la ville
resta virtuellement assiégé à cause de la journée
de protestation… ” Extrait de Jornada – vendredi 8 avril 2011.
Et il n’y avait pas que les mineurs mais aussi beaucoup d’autres secteurs
du prolétariat qui se jetaient dans la lutte : “ Jusqu’à
21 heures hier soir, les professeurs, les travailleurs de la sécurité
sociale et quelques mineurs ont continué à tenter de pénétrer
sur la Plaza Murillo. L’affrontement s’est accentué dans le tunnel
de la rue Potosí, à trois pâtés de maison du
centre de La Paz où même un policier motorisé a pris
feu en tentant d’éteindre le feu que les marcheurs avaient laissé
allumé ”. Extrait de La Razón – 9 avril 2011.
Durant les jours suivants, au moment de clôturer cet article,
le mouvement continue à se généraliser, paralysant
et bloquant des routes dans tout le pays. Les ouvriers ruraux et les enseignants
y jouent le plus grand rôle. C’est ainsi que la presse informe :
“ Depuis hier matin, les enseignants ruraux ont radicalisé les mesures
de pression et ont procédé au blocage de la route de La Paz
à Oruro, dans les secteurs de Senkata, ils bloquent Achica Arriba,
Ventilla et la Apacheta. L’opération a laissé un bilan d’au
moins sept blessés parmi les enseignants et les policiers, cependant,
durant les affrontements, des journalistes de divers médias ont
été agressés tant par la Police que par les enseignants
ruraux. Le Commando Régional de la ville de El Alto, en coordination
avec le Commando Départemental, avec l’appui d’effectifs de police
de l’Unité Tactique d’Opération de Police (UTOP) “ Radio
Patrullas 110 ” et la Patrouille d’appui Citoyen (PAC), ont maintenu le
contrôle de la route vers Oruro, après un blocage de plusieurs
heures dans ce secteur effectué par au moins 5.000 enseignants… Cela
fait neuf jours consécutifs que les enseignants urbains, ruraux,
avec des mineurs salariés, des travailleurs de la santé et
des pensionnés, affiliés à la Centrale Ouvrière
Bolivienne maintiennent la grève indéfinie avec des mobilisations,
en exigeant du gouvernement l’attention à un cahier de charge de huit
points ”. Extrait de El Diario – 16 avril 2011.
Alors que de plus en plus de secteurs prolétariens généralisent
la lutte et proclament déjà ouvertement qu’ils n’arrêteront
pas “ jusqu’à ce que Morales soit jeté ” (qu’ils qualifient
chaque fois plus de “ fasciste ”), le gouvernement parvient seulement
à refuser les augmentations de salaires exigés au nom de
la rentabilité et les investissements capitalistes : “ le ministre
de la Présidence, Óscar Coca, a ratifié hier que
le Gouvernement ne peut concéder une augmentation de salaires supérieur
au 10% sans porter préjudice à la gestion d’œuvres sociales
et projets de gouvernement régionales et municipales… En résumé,
il a signalé que dans les critères du Gouvernement, ‘il
n’est pas juste que pour augmenter le salaire de quatre secteurs, ou pour
destiner (l’argent) uniquement au salaire, il faudrait sacrifier des investissements
dans tous le pays, étant donné que cela rendrait invivable
la gestion de plus de 200 municipalités et sept de la nouvel gouvernance
” Extrait du journal Cambio (Changement –sic-) – 16 avril 2011.
Les deux choses qui préoccupent le plus la contre-révolution
sont évidement que le prolétariat montre sa puissance et
sa force organisatrice et le fait que toutes les séparations social-démocrates
entre revendications économiques et politiques soient facilement
dépassées dans la pratique par le mouvement même. Et
cela malgré (et contre) les éléments idéologiques
que les défenseurs des “ droits de l’homme ” introduisent pour diviser
les prolétaires et liquider l’unicité révolutionnaire
du mouvement ! “ S’il n’y a pas de réponse du Président, dès
lundi nous prendrons l’aéroport ”, a été l’une des
résolutions de l’assemblée élargie départementale
réalisée à la Plaza 14 de Septiembre de Cochabamba suite
à une journée de barrages dans des points stratégiques
de la ville à laquelle ont participé plus d’une vingtaine d’organisations
des secteurs de la santé, corporatif, industriel, enseignant et autres
affiliés… Les mobilisations de las mil esquinas (mille coins de rues)
hier, vendredi, ont été accompagnées par la stratégie
dénommée “la viborita” : les groupes de protestataires se postaient
à des coins stratégiques jusqu’à empêcher le trafic
et ensuite, se déplaçaient à un autre point proche.
De la sorte, des accès étaient coupés et des espaces
chaotiques étaient générés… Sonia Brito, présidente
de L’Assemblée Permanente des Droits Humains de La Paz : “ Cela nous
préoccupe beaucoup que les mots d’ordre ne sont plus seulement des
mots d’ordre revendicatifs des droits des travailleurs ; nous constatons
que certains secteurs réactionnaires s’immiscent dans les mobilisations
en cherchant pratiquement le renversement du président. Nous voyons
que les consignes sont déjà passées d’une demande de
droit du travail à demander pratiquement la chute du Président
” Extrait de Cambio (Changement) – 16 avril 2011. Comme il est horrible
que les prolétaires ne se limitent pas “ seulement à des mots
d’ordre revendicatifs du droit des travailleurs ” et que, contre la gauche
bourgeoise, ils osent lutter pour le “ renversement du Président
” et surtout de tout son programme ! C’est pour cela qu’on utilise
tout l’arsenal de la gauche bourgeoise contre le mouvement. C’est ainsi
que pendant que cette Assemblée Permanente des Droits Humains propose
une augmentation générale des salaires de 15 pour cent, on
dit que les mineurs gagnent beaucoup plus que les paysans, “ qu’ils ont
toujours trahi les paysans ”, “ qu’il y a des infiltrés de droite
”, “ qu’ils sont manipulés par telle ou telle force ”.
On pourra négocier ou suspendre les mesures de lutte, mais l’accentuation
de l’affrontement de classe est déjà inévitable en
Bolivie ; De grandes couches du prolétariat ont déjà
bien compris que “ le changement ” continuera à être une merde
si on ne détruit pas les bases mêmes du capitalisme et en
général de la production de marchandises.
Notes
1. Les radios de mineurs ont exprimé durant des décennies
les positions classistes et révolutionnaires du prolétariat
international.
2. Monsieur Gonzalez Sánchez Lozada est en réalité
un bourgeois international, propriétaire d’entreprises et de terres
dans de nombreux pays malgré qu’il ai vécu la plus grande
partie de sa vie aux États-Unis. Il se faisait appeler Goni par les
autres bourgeois mais les prolétaires en Bolivie et dans le monde
l’appelaient “ el gringo ” parce qu’il parlait l’espagnol avec un fort accent
yanquee et qu’il était un véritable représentant des
États-Unis en terre bolivienne. Il avait également promis une
quantité de changements démocratiques et de “ participation
populaire ”. Durant son mandat, il a fait approuver un ensemble de lois tel
que la “ loi de Participation Populaire ”, la “ Réforme Educative
” et la “ Loi de Capitalisation ”. Très rapidement, le prolétariat
appela ces lois “ les Trois lois Maudites ”.
3. Que peut représenter d’autre l’apparition clownesque de Morales
avec son poncho ou ses vêtements indigènes au côté
des autres puissants de la planète en costumes-cravates, entourés
de militaires et de gardes du corps !
4. Traduction de “ Los Tiempos.com ” - 25 avril 2011
5. En Bolivie, comme au Venezuela, contrairement au mythe, le
schéma classique historique du capitalisme colonial extractif au
bénéfice des multinationales, impliquant la destruction de
la Terre et des moyens de vie humains, n’a même pas été
remis en question. Ce que fait le pouvoir d’État dans ces pays, avec
la contre-propagande correspondante, est une véritable renégociation
de la rente du sol avec d’autres fractions internationales de la bourgeoisie.
Même si nous ne pouvons développer ce thème ici, nous
affirmons que le “ socialisme ” et l’ “ anti-impérialisme ” qui s’y
rapporte servent uniquement à mobiliser les masses et les faire servir
dans ce partage général de la plus-value au bénéfice
de la fraction qui contrôle actuellement l’État contre les
autres. De la même manière, l’indigénisme de l’État,
loin de défendre la communauté indigène et sa relation
à la terre, prolonge l’indigénisme colonialiste qui cherche
à assimiler ce qui est indigène à la logique du capitalisme
et de l’État. C’est-à-dire qu’il assimile ce qui est indigène
sur base de la folklorisation des symboles et traditions indigènes
en les convertissant au travers du tourisme en pièces de musée
mises au service de l’accumulation capitaliste, comme source de bénéfice
économique. Les discours officiels prononcés en langues indigènes
témoignent de cette cooptation bourgeoise et étatique.
6. Cela nous rappelle inévitablement le dicton : l’histoire
se répète, d’abord comme tragédie et ensuite comme
comédie. Pour ce qui est du changement pour en réalité
maintenir l’essentiel, la Bolivie a déjà connu pas mal de
choses à ce sujet avec la fameuse “ révolution ” de
1952 qui a consisté à récupérer/liquider une
puissante révolte insurrectionnelle du prolétariat. D’autre
part, cette incorporation caricaturale de ce qui est indigène à
l’État et dans les discours de l’État nous fait penser au
“ pérouanisme ” et le rôle particulier de Velazco Alvarado.
7. Traduction d’un extrait de l’article de Sergio de Castro Sanchez
“Socialismo e indigenismo en Bolivia, Aculturación, Estado y modernidad
frente al buen vivir ” paru dans ALAI, América Latina en movimiento
2010.