COMMUNISME

Dictature du prolétariat pour l'abolition du travail salarié

Organe central en français du Groupe Communiste Internationaliste (GCI)


COMMUNISME No.59 (Octobre 2007):



PETITE BALADE SOUS LE SOLEIL NOIR DU CAPITAL

Dans le discours des exploiteurs, la disparition brutale de la constellation soviétique en 1989 devait enfin consacrer l'éclatante et définitive victoire du libre-échangisme sur le protectionnisme. La prétention bourgeoise de contrôler et de planifier le capital, incarnée par l'URSS et ses alliés, avait fini par rejoindre les poubelles de l'Histoire et montrer sa totale et complète faillite. La dévalorisation généralisée qui étrangle la bête capitaliste depuis le milieu des années '70, a fini par détruire toute velléité -provisoirement du moins- de la réformer, de la changer pour lui donner un masque plus humain. Dorénavant il n'y aura plus qu'un seul et unique Dieu à adorer ouvertement, aussi bien à l'est comme au sud, au nord comme à l'ouest: le Marché. Tous les dirigeants de la planète, y compris d'anciens marxistes-léninistes, de vrais trotskistes, des apparatchiks en tous genres, d'indécrottables libertaires, de grands socialistes de gauche, les héritiers du président Mao... comme d'authentiques guérilleros, tous donc, de droite comme de gauche y compris dans leurs extrêmes, se reconvertirent sans trop de difficultés dans le culte des "bienfaits du marché et de sa main invisible". Marx disparaissait des billets de banque avec la faillite de la République Démocratique Allemande et Adam Smith était enfin canonisé pour l'éternité par les "Chicago Boys". Tous les regards dorénavant se portaient exclusivement vers Washington, incarnant la nouvelle Rome de ce début de millénaire. Tel un nouveau messie descendu sur Terre, la bourgeoisie américaine triomphante se verra investie par toutes ses consoeurs d'une mission quasi divine: incarner en chair et en os la nouvelle religion labellisée sous le vocable de "Nouvel Ordre mondial", en vente libre dans toutes les supérettes de l'idéologie dominante. Cet ordre nouveau devait procurer dans une sainte trinité: la "paix", la "prospérité" et le "bonheur" à la planète entière. "World peace through world trade", la paix mondiale par le commerce mondial, s'énonçait comme le seul et unique credo que le monde entier était invité à reprendre en cur et à glorifier. Toute l'humanité -enfin unifiée dans un seul et unique "village global"- devait le faire sien pour espérer bénéficier des joies éternelles promises par ceux qui annonçaient la "Fin de l'Histoire" et l'avènement d'un "capitalisme éternel" et "sans limites".

Malheureusement pour eux, la célébration du culte ne durera que ce que dure l'arrivée des hirondelles au printemps, à peine quelques semaines. Très vite, il fallut déchanter. Le XXème siècle finissait comme il avait commencé: dans la boue et le sang. D'effroyables boucheries humaines touchaient presque toutes les terres émergées de cet enfer planétaire. Même l'Europe, épargnée pendant près d'un demi-siècle, retrouvait à nouveaux les chemins de la guerre avec l'implosion des Balkans. A une heure et demie d'avion de Paris, la destruction de villes entières, le massacre, le viol, l'emprisonnement... de milliers d'hommes, de femmes, d'enfants déferlaient dans toute leur horreur avec la bénédiction de tous les gouvernements du monde, la collaboration ouverte de l'ONU et de diverses ONG. En quelques mois, la plupart des pays de l'ancien bloc soviétique devenaient eux aussi la proie de ce fléau typiquement capitaliste: LA GUERRE, apportant dans ses bagages la mort et la misère à des populations déjà exsangues par trente ans de sacrifices consentis sur l'autel de la "guerre froide". Toutes les marches de l'ancien empire stalinien étaient mises à feu et à sang: le Caucase, l'Asie Centrale... En Afrique, c'est tout le continent qui était soumis à l'appétit cannibale de la marchandise. Plus de 4.000.000 de personnes périrent directement dans d'immondes charniers autour de la région des Grands Lacs, sans même parler des autres guerres qui ravagèrent (et continuent à ravager) la plupart des pays de ce continent, ajoutant à ce défilé mortuaire encore bien d'autres cadavres et bien d'autres misères, remplissant à ras bord les cimetières de cette société cannibale. Guerres, encore et toujours, au Moyen-Orient, dans les îles indonésiennes, au Sierra Léone, invasion du Panama, répression en Haïti, en Irak, en Colombie, en Palestine... même l'ONU finit par s'en inquiéter ouvertement.(1) L'avenir radieux tant vanté par les idéologues de la marchandise ressemblait à s'y méprendre au passé terni. Tout avait changé, et pourtant tout était resté identique, voire même pire.

La liste des catastrophes capitalistes qui accompagnait la fin du XXème siècle ne pouvait s'arrêter en si bon chemin, elle devait encore s'allonger avec l'arrivée du nouveau siècle. En 2000, le crash boursier s'invitait à Wall Street et la prospérité généralisée promise par la "nouvelle économie" s'envolait en fumée, engloutissant au passage des milliards de dollars, poussant à la faillite un nombre incalculable de petits entrepreneurs qui avaient cru aux miracles de la sainte vierge de la Silicon Valley. La baudruche qui avait tant enflé avait fini par éclater et la bulle spéculative autour de la micro-informatique s'était évaporée comme neige au soleil. Il faudra attendre décembre 2006 ­ soit six ans plus tard! - pour retrouver l'indice phare de la bourse new-yorkaise, le Dow Jones, à nouveau au même niveau qu'il connaissait la veille du crash de 2000, soit 11.850,61 points. Mais la série implacable des mauvaises nouvelles ne devait pas s'arrêter là. Un nouveau mauvais coup était porté à la religion capitaliste, le 11 septembre 2001. L'inconcevable dans l'imaginaire des oppresseurs s'était enfin produit. La destruction, sur fond de ciel bleu, des tours jumelles du World Trade Center (WTC) à New York, était devenue réalité. L'effondrement d'un autre joyau de la couronne libre-échangiste, tuait officiellement 2.700 personnes de 65 nationalités différentes et plongeait les bourses du monde entier dans une panique indescriptible, forçant les autorités à fermer les portes de Wall Street pour plusieurs jours. Du jamais vu dans toute l'histoire de la finance mondiale: même pendant la-dite seconde guerre mondiale, la bourse de New York avait continué ses activités lucratives. La nouvelle Rome du capital mondial avait bien du mal à cacher son immense vulnérabilité. A peine intronisée sur le panthéon de la plus grande puissance que le monde n'aie jamais connue, ses temples les plus sacrés: le WTC, le Pentagone, le Capitole, avaient été profanés par une poignée "d'ignobles barbares" ayant déjoué avec de simples cutters toutes les murailles sécuritaires les plus sophistiquées de la PAX AMERICANA. Depuis lors, la planète sombre chaque jour qui s'écoule, encore un peu plus, dans la décomposition capitaliste. Sous prétexte de "guerre contre le terrorisme", les conflits militaires embrasent le monde à une cadence toujours plus infernale. Au moment où ces lignes sont écrites une fondation suisse, appelée "Centre pour la démocratisation des armées", cela ne s'invente pas!, en dénombre 23, qu'elle classe soit en "guerre" ou en "conflits internes". A cette désolation, d'autres oiseaux de mauvais augures ne cessent ces derniers mois d'annoncer de nouveaux cataclysmes sanitaires, écologiques, climatiques voire même économiques. Régulièrement, les unes de la plupart des gazettes du monde sont barrées par de grands titres annonçant, tels des bulletins météo, l'arrivée inexorable de nouvelles tempêtes financières et/ou boursières. La catastrophe capitaliste n'épargne plus rien ni personne, elle est présente partout, toujours plus palpable, toujours plus visible!

Dans sa recherche permanente de nouveaux espaces de valorisation, le capital provoque sans cesse de gigantesques bouleversements dans l'organisation, dans la structuration, dans les conditions mêmes de l'exploitation. Non seulement au niveau direct où se trouve le prolétaire devant son outil de travail, les conditions d'exploitation ne cessent de changer -jour après jour de s'empirer- mais aussi au niveau même des structures (sociales, politiques, économiques) que le capital s'était données (et qui hier lui permettaient d'extraire de la plus-value), qui deviennent à chaque moment toujours plus obsolètes, impliquant leur nécessaire transformation, voire leur disparition et leur remplacement par de plus performantes. La disparition de l'URSS, du Pacte de Varsovie et, plus récemment, la dislocation de toute une série d'organisations étatiques(2) à travers le monde est bien évidemment à classer dans cette dynamique. Le mode de production capitaliste bouleverse en permanence son propre univers pour chaque jour le réformer, le renouveler, le redéfinir, le changer pour lui permettre de trouver de nouvelles conditions d'exploitation, toujours plus puissantes, tentant d'organiser sa valorisation à des niveaux supérieurs, jusqu'ici jamais atteints. Tel un vampire assoiffé de sang frais, le capital dans sa recherche frénétique du précieux liquide ­la valeur- force chaque capitaliste à restructurer, à acquérir de nouvelles sociétés, à en fusionner d'autres, à délocaliser, à compresser les coûts, à licencier, à diminuer les salaires, à accroître le temps de travail, à injecter de nouvelles technologies dans le processus productif... tout est en bouleversement permanent, annonçant de nouvelles conditions d'exploitation de notre classe, les rendant encore pires que les précédentes. Comme l'affirmait déjà Karl Marx dans le Manifeste du Parti Communiste en 1848:

"La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de la production, donc les conditions de la production, donc l'ensemble des rapports sociaux. Le maintien inchangé de l'ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence..."

Le capitalisme n'est pas un univers tranquille dans lequel tout reste éternellement figé. Tout est en perpétuel bouleversement, en révolution permanente, en mouvement. De l'effondrement d'anciennes structures étatiques jusqu'à la redéfinition du paysage économique par une concentration toujours plus puissante de capitaux au sein de moins en moins de mains, le processus de valorisation a connu ces 30 dernières années une accélération sans précédent dans son besoin de tout chambouler sur son passage, y compris au niveau du vécu de chaque homme sur cette planète.

Que cela soit par la guerre, par l'imposition de plans d'austérité successifs, par la destruction du biotope, par les famines, par les épidémies, par la concentration de la propriété agricole expropriant violemment des masses énormes de "paysans pauvres", par l'endettement, par l'espoir d'un avenir meilleur... des millions et des millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont dû s'arracher de leur campagne pour partir vivre en zone urbaine. Pour la première fois dans l'histoire de l'Humanité, et c'est important de le souligner, plus de 50% de la population mondiale se trouve dorénavant concentré dans un espace réduit, appelé milieu urbain. Cette concentration de la force de travail atteint des niveaux ahurissants dans presque tous les continents avec des pointes dans certaines régions dépassant les 80%. En moins de quelques décennies, l'espace urbain s'est agrandi de façon démesurée, engloutissant à travers toute la planète de gigantesques territoires. Pour prendre l'exemple de Khartoum au Soudan, la ville est devenue en 1988, quarante huit fois plus vaste en surface qu'en 1955! Et ce qui est vrai pour la superficie l'est aussi pour la population. A Lusaka, les quartiers périphériques abritent à eux seuls plus de deux tiers de la population urbaine.

"L'agglomération de Manille est une des zones les plus densément peuplées de la planète. Le prix d'un seul mètre carré dans n'importe quel quartier proche des centres marchands excède de loin le revenu annuel d'un chauffeur de taxi collectif ou d'un vigile privé. Mais la nature même des sources de revenu possibles oblige de résider à proximité des lieux où tout se passe, parce que l'éloignement entraîne des coûts prohibitifs en temps et en argent... La conséquence logique de cela est la pratique généralisée du squattage. Quasiment tous les interstices laissés vacants par l'aménagement de la ville sont immédiatement comblés par des logis de fortune qui battent tous les records imaginables en matière de densité de population." (3)

A Hongkong, 250.000 personnes croupissent sur des terrasses ou ont construit leurs habitations sur des puits d'aération comblés au centre des bâtiments, sans parler de ceux, innombrables (plus de 10% de la population totale) qui n'ont pas trouvé d'autres solutions que d'élire domicile sur de vieux rafiots surnageant parmi les détritus, où ils s'entassent par milliers. Dans les deux cas, des marchands de sommeil ont construit des cages, d'où l'expression locale "d'hommes encagés", pour désigner l'espace de vie qui ne dépasse pas 1,8 m² par personne. Rien n'est laissé au hasard dans le monde de la marchandise où tout s'achète et tous se vend. L'espace a un prix, locatif bien sûr. Ainsi, un habitant de Phnom Penh sur dix "vit" sur un toit. Plus de 1,5 millions d'habitants du Caire sont logés à l'identique. Toute cette population est davantage encore exposée à la pollution due à la circulation, aux usines de ciment, ainsi qu'à la poussière du désert, provoquant toute une série d'allergies, de maladies des voies respiratoires.

"... Loin des structures de verre et d'acier imaginées par des générations passées d'urbanistes, les villes du futur sont au contraire pour l'essentiel faites de briques brutes, de paille, de plastique recyclé, de parpaings, de tôle ondulée et de bois de récupération. En lieu et place des cités de verre s'élevant vers le ciel, une bonne partie du monde urbain du XXIème siècle vit de façon sordide dans la pollution, les excréments et la décomposition." (4)

Car c'est bien cela la réalité sordide de ce "nouvel ordre économique mondial", loin des images d'Epinal qui promettaient "bonheur, paix et prospérité". La concentration de la majorité de la population de la planète sur des espaces toujours plus restreints, afin d'être toujours plus contrôlé et exploité, a donné naissance à la généralisation des bidonvilles et des taudis à travers tous les continents, et cela sans exception. La plupart de ces habitations sont le plus souvent construites sur des terrains à faible valeur économique, dans des lieux dangereux comme des terrains inondables, des flancs de colline, des marais ou des sites contaminés dont plus personne ne veut. Des études effectuées en 1990 ont révélé qu'un quart des "favelas" de Sao Paulo étaient construites sur des sites dangereusement érodés, et que les trois autres quarts s'étendaient sur des flancs de montagne abrupts ou des berges de rivière mal stabilisées. Tous vivent sous l'épée de Damoclès d'un risque de mort imminent. Les "favelas" de Rio de Janeiro n'ont rien à envier à celles de Sao Paulo puisqu'elles aussi sont construites sur des sols fragiles qui sont le cadre de fréquentes tragédies comme celle qui eut lieu en 1966-67 et où plus de 2.000 personnes sont mortes emportées par des torrents de boue et de débris. En 1988, 200 autres victimes sont venues allonger la liste d'un phénomène qui n'a certainement rien à voir avec une quelconque "catastrophe naturelle" mais trouve ses origines dans l'organisation en classes de cette société. On retrouve les mêmes problèmes avec les mêmes solutions aux Etats-Unis où des pluies diluviennes provoquèrent une avalanche de boue détruisant le bidonville de Mamayes, construit sur un versant instable au-dessus de Ponce, à Porto Rico. le bilan humain là aussi fut dramatique: 500 morts. Et la triste réalité de ce monde de l'argent, où seuls les bénéfices comptent, ne peut qu'engendrer de nouvelles et encore plus terribles catastrophes comme l'a démontré le passage de l'ouragan Katrina en 2005 sur la Nouvelle-Orléans. Les 1.500 morts n'ont pas été les victimes des "conditions naturelles" mais bien de l'organisation sociale de cette société de la marchandise. Si les digues ont cédé c'est non seulement parce qu'aucun investissement n'avait été fait pour les entretenir mais aussi parce que tous les bourgeois qui géraient ce dossier savaient pertinemment bien, que si les digues s'effondraient, l'inondation ne toucherait que les "quartiers pauvres" ce qui permettrait du même coup de chasser ses habitants définitivement du centre-ville pour bâtir une "new" Nouvelle-Orléans avec encore plus de casinos, de parcs à touristes, de salles de congrès, d'hôtels... bref un nouveau et merveilleux Disneyland du fric.

Le manque d'espace en ville pousse les prolétaires à s'installer n'importe où, même dans des endroits dangereux comme les abords d'usines chimiques, de pipe-lines ou de raffineries. Ce n'est pas un hasard si le lâchage, en décembre 1984, d'un nuage toxique (isocyanate de méthyle) de l'usine "Union Carbide" à Bhopal aux Indes, fit mourir entre 7.000 à 10.000 personnes le premier jour, et quelques 15.000 à 30.000 dans les années qui suivirent cette catastrophe. Les bidonvilles ont poussé comme des champignons ces dernières années y compris à côté d'usines dangereuses. A Buenos Aires, la grande majorité des "villas de emergencia" construites par des clandestins venant de Bolivie ou du Paraguay, se retrouvent sur les rives puantes des très pollués Rio de la Reconquista et Rio de la Matanza.

"L'eau stagnante et les eaux usées non traitées rejetées par les égouts engendrent une puanteur terrible, et la zone entière est infestée de rats, de moustiques, de mouches et autres insectes." (5)

La catastrophe capitaliste devient chaque jour qui passe toujours plus immédiatement palpable, visible. Selon le géographe, spécialiste des risques environnementaux, Keneth Hewitt, les tremblements de terre ont détruit plus de 100 millions de logements au cours du XXème siècle, essentiellement dans des bidonvilles, des quartiers en taudification ou des villages ruraux. "Le risque sismique est si inégalement réparti dans la plupart des villes que l'on a pu forger le terme de 'tremblement de classe' pour rendre compte de la nature fondamentalement injuste des catastrophes." Aujourd'hui, ce sont plusieurs milliards de personnes qui sont exposées aux risques de tremblements de terre, d'éruptions volcaniques et de tsunamis, en plus des orages violents, des cyclones et autres tempêtes dévastatrices.

A Lagos, capitale du Nigéria, le taux d'occupation du sol atteint lui aussi des niveaux devenus ingérables. Les 90.000 personnes qui vivaient en 1972 à Ajegunle -banlieue de Lagos s'étendant sur 8 km² de terrains marécageux- sont aujourd'hui estimées à 1,5 millions pour la même surface! En Chine, entre 1987 et 1992, au plus fort de la vague d'exode rural, près d'un million d'hectares de terrain agricoles ont été transformés en terrains urbanisés. En Egypte, l'expansion urbaine a atteint un niveau d'une ampleur critique. Autour du Caire, la ville engloutit plus de 30.000 hectares par an, superficie presque équivalente à celle des terrains agricoles gagnés sur le désert grâce aux programmes d'irrigation titanesques du barrage d'Assouan. Tous les continents sont touchés par l'ampleur du désastre capitaliste que représente la concentration toujours plus poussée de la force de travail dans un espace toujours plus réduit. Même ceux qui se débrouillent encore pour posséder aujourd'hui un logement sont dans un état de misère presque indescriptible. Ainsi, les "callejones" de Lima construit par un des plus grands propriétaires urbains de la capitale, l'Eglise catholique, sont pour l'essentiel des logis faits de torchis sur des armatures en bois qui se détériorent très rapidement, transformant ces logements (où la promiscuité est immense, 25 personnes y partagent le même robinet d'eau et 93 les mêmes toilettes) en véritable piège pour ses occupants lorsqu'ils s'effondrent.

Même l'Occident ne fait plus exception à la règle. Des "clandestinos", sorte de bidonvilles faits de bric et de broc, sont réapparus récemment à la périphérie de Lisbonne, d'Athènes et de Naples alors qu'aux USA, symbole même du capitalisme triomphant, le même phénomène se développe sous la forme de "colonias" autour des villes d'El Paso et de Palm Springs. La bidonvilisation qui touche l'Europe se décline aussi sur un autre mode, moins visible, plus discret mais tous aussi catastrophique que les sociologues à la mode se sont vite empressés de baptiser la "caravanisation de l'habitat". Ce terme désigne l'impossibilité d'un nombre croissant de "nouveaux pauvres", autre néologisme pour nier l'existence de la lutte des classes, de se loger en villes, les obligeant à chercher refuge dans la location de caravanes dans des campings surpeuplés perdus dans des forêts humides ou au bord de ruisseaux régulièrement en crue l'hiver. Des marchands de soupes idéologiques nous expliquent quant à eux très doctement que la bidonvilisation de l'espace urbain reste quand même une des caractéristiques du "troisième monde" et ne touche qu'exceptionnellement les grandes métropoles occidentales. Ces idéologies pourries n'ont d'autres objectifs que d'opposer les prolétaires d'un endroit à ceux vivant dans un autre. Ces adorateurs de la marchandise ont tellement de merde dans leurs yeux qu'ils n'arrivent même plus à distinguer la misère qui suinte dans leurs propres villes. Quelle différence existe-t-il entre un quelconque bidonville décrit plus haut et les taudis des immeubles en grès de Harlem ou ceux de Dublin, ou encore les logements pour les survivants des bombardements alliés construits au lendemain de la guerre à Berlin et appelés "Mietskaserne", voire les "dumbells" du Lower East Side de New York ou encore les innombrables "HLM" et autres barres qui infestent la marge (lieue du ban) des grandes villes de France? La limite entre des quartiers entiers à l'abandon se rapprochant du taudis et le bidonville se fait chaque jour qui passe toujours plus ténue. Cette planète, qui ressemble toujours plus à l'enfer décrit par les diverses religions, et où s'entassent les habitants dans d'énormes agglomérations ravagées par le chômage, l'alcool, la misère, la drogue, les gangs, la répression policière... est devenue en quelques décennies un immense dépotoir à ciel ouvert. La civilisation capitaliste n'est plus qu'un véritable mouroir où même les pôles de valorisation les plus centraux ne sont pas épargnés par la décomposition qui la gagne. Le capital atteint d'une gangrène généralisée, appelée dévalorisation, est en train de pourrir debout. Ainsi le tiers-mondiste, député suisse, haut-représentant de l'ONU etc. Jean Ziegler, dans un livre récent "Les nouveaux maîtres du monde" nous décrit, avec un étonnement non dissimulé, sa stupéfaction de trouver à Washington même, dans la capitale des Etats-Unis d'Amérique, la nouvelle Rome, ce qu'il connaît si bien en Afrique: des bidonvilles!

"...A deux rues derrière le Capitole, s'ouvre un autre univers. Une frontière invisible passe à travers les tilleuls et coupe l'asphalte brûlé. 'Don't go there, please', me dit le sénateur de New York, qui m'a fait, avec une infime gentillesse, visiter les sous-sols, les salons et la salle de séance de la chambre haute. Par 'there' (là-bas), il désigne les quartiers noirs, le ghetto, une terre pouilleuse ravagée par le crack, l'alcool et le crime. Ces quartiers abritent l'immense majorité des habitants de Washington DC... Sur Pennsylvania Avenue, je cherche désespérément un taxi qui voudra bien m'amener "là-bas"... 'D'accord, me dit un chauffeur originaire d'Ethiopie, mais pas d'arrêt là-bas. Et c'est moi qui choisis les rue où nous passerons.' C'est ainsi que j'aperçus un univers de carcasses de voitures, d'immeubles éventrés sans vitres, de gosses dépenaillés, tous noirs, les yeux éteints par le crack.

La misère du monde s'étale jusqu'au seuil de la Maison Blanche..."

A bas la propriété privée!

La catastrophe capitaliste qui sévit partout sur la planète pousse une part toujours plus importante de la population mondiale dans des solutions de survie toujours plus extrêmes, toujours plus illégales, toujours plus en opposition à la sacro-sainte propriété privée. Face à l'impossibilité financière de pouvoir se loger, les prolétaires de la capitale argentine se sont organisés pour occuper de force toute une série de bâtiments ou d'usines laissés à l'abandon par leurs propriétaires. Rien que pour le seul District fédéral central de Buenos Aires, on compte officiellement quelques 100.000 squatters! "Vous vous effrayez, dit Marx dans le Manifeste du Parti Communiste, de notre intention d'abolir la propriété privée. Mais, dans votre société actuelle, la propriété privée est abolie pour les neuf-dixièmes de ses membres; elle existe parce que, pour les neuf-dixièmes, elle n'existe pas. Vous nous reprochez donc de vouloir abolir une propriété qui suppose comme condition nécessaire que l'immense majorité de la société n'est pas propriétaire."

Le progrès c'est la mort!

Le cocktail de paupérisation urbaine et circulation des marchandises provoque tous les ans une véritable hécatombe dans le monde. Plus de 1.000.000 de personnes trouvent la mort dans des accidents de la route. A Lagos, où l'habitant passe plus de 3 heures par jour pour aller bosser, beaucoup de conducteurs de minibus (sorte de taxis collectifs) sont pris d'accès de folie et se mettent fréquemment à rouler à contre-sens, prendre des trottoirs provoquant de tels carnages que le ministère du transport a récemment imposé des tests psychologiques obligatoires pour ces conducteurs. En Chine, plus de 250.000 personnes sont mortes ou grièvement blessées en 2003 dans des accidents de la circulation. La motorisation galopante a aussi un autre effet, celui d'exacerber la pollution atmosphérique due en grande majorité au fait que le parc automobile (y compris les scooters) utilisé est souvent extrêmement vétuste. D'après une étude récente, c'est à Mexico, Sao Paulo, Delhi et Pékin que la pollution atmosphérique est la plus mortelle. Le simple fait de respirer l'air de Bombay équivaut à fumer deux paquets et demi de cigarettes par jour, et le "Centre pour la science de l'environnement" de Dehli a récemment déclaré que les villes indiennes étaient en train de devenir des "chambres à gaz mortelles".

Encore et toujours plus de contrôle!

Les autorités de New York ont acheté de nouvelles tours mobiles pour renforcer le contrôle policier sur la ville. Ces tours de guet peuvent être facilement déplacées et sont équipées de caméras à vision nocturne et peuvent fonctionner avec ou sans personnel. "La police compte utiliser ces tours pour surveiller les manifestations mais aussi les quartiers où la criminalité est en hausse." Une de ces tours vient d'être installée à un carrefour du quartier de Harlem.

La guerre, la misère et le bidonville voilà à quoi ressemble la sainte trinité d'un "capitalisme sans limite" tant vanté par les libre-échangistes de la "nouvelle économie" et du "nouvel ordre mondial". "Bonheur, paix et prospérité" ne sont que des slogans publicitaires bourgeois qui s'écroulent face aux chiffres qui parlent d'eux-mêmes. Sur les 500.000 migrants qui arrivent chaque année à Delhi, en Inde, 400.000 finissent dans les bidonvilles. A Calcutta des milliers d'hommes partagent des pièces de 45 m² en s'entassant à plus de 14 personnes. A Paris même, il n'est pas rare de rencontrer plusieurs familles se partageant le même appartement. Ainsi, 85% de la croissance démographique kenyane entre 1989 et 1999 a été absorbée par les bidonvilles fétides et surpeuplés de Nairobi et de Mombasa. De même, le centre-ville d'Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, est entouré aujourd'hui d'une mer de tentes d'au moins 500.000 anciens éleveurs chassés de leurs terres par la misère et qui vivent sous des tentes appelées "gers". Parmi ceux-ci, rares sont ceux qui parviennent à manger plus d'une fois par jour. Au Caire, un million de prolétaires utilisent les tombeaux des Mamelouks érigés au XVIIIème siècle, pour se loger. Suite à la guerre des Six jours en 1967, cet immense cimetière, devenu comme une île entourée d'autoroutes embouteillées, a été envahi par des milliers de réfugiés chassés du Sinaï et de la région de Suez par l'armée israélienne. Depuis lors, d'autres cimetières ont été investis pour servir de demeure aux vivants, comme les cimetières juifs abandonnés du Caire. Décidément sous le capital, mieux vaut être mort que vivant. La bourgeoisie a plus de considération pour les cadavres, qu'elle transforme volontiers en parc à thème pour touristes comme la Vallée des Rois ou les Pyramides, que pour les vivants en surnombre dont elle ne sait que faire.

La guerre qui ravage la plupart des terres immergées, pousse une partie toujours plus importante de l'Humanité à chercher refuge au sein des grandes villes, espérant ainsi échapper aux massacres sans cesse croissants. Un grand nombre des bidonvilles qui peuplent la planète, ne sont finalement que d'immenses camps de réfugiés ayant fui les combats. Ainsi, les 4 millions de morts que les diverses guerres ont provoqués autour des Grands Lacs africains ont poussé des millions de gens à trouver refuge dans des endroits moins exposés, du moins le pensaient-ils. Le plus grand camp fut sans nul doute celui installé à Goma, au nord-est de l'ex-Zaïre, qui rassembla plus de 700.000 personnes dans des conditions effroyables. Ceux qui avaient pu échapper aux coups de machette au Rwanda périrent dans ces gigantesques camps, sous le contrôle direct de l'ONU et de toutes les plus grandes ONG connues, de faim et de choléra. Aujourd'hui, la banlieue de Khartoum compte 4 gigantesques camps ou s'agglutinent plus d'un million et demi de victimes des guerres successives engendrées par le contrôle du pétrole du Darfour. Kaboul n'est pas épargnée par ce phénomène. Comme l'indiquait le Washington Post du 26 août 2002, "des centaines de familles ayant fui les zones de combats se sont réfugiées dans un dédale de bidonvilles verticaux sans cuisine ni toilettes, dormant à 15 ou 20 dans la même pièce". Mais ce qui est vrai pour certains continents l'est aussi pour l'Europe où un grand nombre de réfugiés squattent les périphéries des grandes villes comme à Belgrade, où 10 ans de guerre dans les Balkans ont arraché des milliers de prolétaires à leur lieu de naissance pour les entasser dans la "ville blanche".

En Amérique Latine, c'est la guerre en Colombie qui a donné naissance à de gigantesques implantations autour de Bogota appelé Sumapaz, Ciudad Bolivar, Usme, Soacha. Une ONG indiquait dans un de ses rapports que "ce sont pour la plupart des exclus sociaux privés de toute forme légale de vie et de travail qui peuplent ces camps. Plus de 654.000 habitants de Bogota (en 2002), n'ont pas de travail en ville et la moitié d'entre eux a moins de vingt-neuf ans." (6) Ce qui est devenu la norme pour une grande partie du monde, l'est aussi au Moyen-Orient où un des plus vieux camps de réfugiés existe toujours 60 ans après sa création: la bande de Gaza. C'est en 1948 que les premiers réfugiés s'installèrent sur cette langue de terre désertique coincée entre Israël, l'Egypte et la mer pour échapper à la terreur que faisaient régner les milices israéliennes chargées de vider les villages de leurs habitants pour y installer les nouveaux colons. Considérée par la plupart des experts comme le plus grand bidonville du monde, la bande de Gaza concentre sur un territoire d'à peine quelques kilomètres carrés une population estimée à plus de 750.000 individus et dont les deux tiers essayent de vivre, si cela est possible, avec moins de 2 dollars par jour, dans un endroit où tout est rationné à cause du blocus hermétique qu'impose l'armée israélienne. La nourriture et les autres produits de première nécessité ne rentrent dans ce gigantesque camp qu'au compte-gouttes et sont soumis à un incroyable racket organisé systématiquement par l'ensemble des partis politiques et de leurs milices qui se disputent leur part du gâteau. Ce n'est pas un hasard si la plupart des habitants (70 % de chômeurs) ont la terrible sensation de vivre enfermé dans un gigantesque couloir de la mort, sans aucun avenir possible. La mort est même perçue dans la bande de Gaza comme l'unique délivrance de cette non-vie. Pas étonnant dès lors de voir des vieillards, des femmes et des enfants affronter avec de simples pierres à la main les tanks de l'armée israélienne et trouver la mort -dans le meilleur des cas- ou la prison, prolongeant ainsi de plusieurs années leur lente agonie. Dans les dits territoires occupés, depuis 1967, plus d'une personne sur cinq a connu, ou connaît encore, les geôles de l'Etat en Israël. Dans ces conditions, il n'est vraiment pas difficile de comprendre pourquoi certains décident d'en finir en se faisant sauter comme kamikaze. Tout ceci ressemble encore trop à ce que nous définissons comme la décomposition de cette vieille société moribonde qui n'en finit pas d'en finir, de crever, d'agoniser dans des râles toujours plus violents sans pour autant voir son fossoyeur, le prolétariat, se décider une bonne fois pour toutes à empoigner la pelle pour accomplir sa tâche historique, mettre en terre définitivement le capitalisme et ses misères pour ouvrir la voie à la Communauté humaine, au Communisme.

Enfin, après l'appartement insalubre et surpeuplé dans un quartier pourri, le squat, le bidonville, la caravane, le camp de réfugiés... il reste encore une dernière solution, pour ceux qui n'ont vraiment plus rien, pour se loger en ville: la rue. Bombay détient le record absolu avec plus de 1,5 millions de personnes officiellement vivant sur le trottoir. Loin du stéréotype occidental qui voit le miséreux type en Inde, comme un paysan venu de sa lointaine campagne en ville pour mendier, la plupart de ces prolos forcés de vivre dans la rue ont un véritable job(7), comme conducteur de rickshaws (pousse-pousse), travailleur du bâtiment, porteur sur les marchés... et tout ce qui peut faire survivre, comme marchand ambulant, garçon de café... mais ce job suffit à peine à manger et n'est pas suffisant pour payer les transports et le logement dans une lointaine banlieue. Ces conditions forcent la plupart de ces damnés de la terre à coucher à même le sol pour se remettre d'une dure journée de labeur. La Chine "socialiste" n'échappe pas au phénomène, même si les statistiques affichent des taux de production records, les bourgeois ont bien du mal à cacher la misère des travailleurs qui produisent toutes ces richesses. Sous le vocable de "flottants", c'est plus de 100.000.000 (cent millions!) de clandestins qui sont privés officiellement de toute possibilité légale de se loger dans les grandes villes, du simple fait qu'ils ont quitté leur lieu de résidence sans le permis nécessaire. Les ZES, zones économiques spéciales, accumulent des paradoxes bien capitalistes: ce sont des régions qui produisent des quantités énormes de marchandises, et ceux qui les produisent ne possèdent rien, même pas un minuscule toit où dormir! Et ce qui est vrai de la Chine l'est aussi pour les Etats-Unis où Los Angeles et New York ont du mal à cacher leurs "flottants" qui sont officiellement aujourd'hui plus de 100.000 dans chacune de ces villes, dont un nombre croissant de familles qui campent en permanence dans les rues du centre-ville ou dans les parcs et entre les échangeurs autoroutiers. Parmi ces "flottants" se trouvent aussi (comme le soulignait récemment une agence de presse chinoise), un grand nombre d'anciens mercenaires s'étant battus dans les rangs des forces nord-américaines à travers le monde "contre la subversion communiste". Hantés par les fantômes de ceux qu'ils ont torturés, massacrés, violés... ces purs "héros américains" ne sont plus que des épaves humaines. Voilà un bel exemple, pour les prolétaires actifs dans cette région du monde, à agiter sous le nez de ces jeunes imbéciles qui continuent aujourd'hui encore à s'engager dans cette armée d'assassins dont le crâne rasé est bourré d'un tas d'imbécillités sur la patrie, la gloire, l'honneur et autres foutaises bourgeoises. Voilà comment vous finirez bandes d'idiots après avoir sagement servi vos maîtres! Voilà votre avenir! Dans la rue comme des chiens!

Taudis, bidonvilles, camps, caravanes, la rue... sont devenus en quelques années la norme dans le domaine de l'habitat des hommes sur terre. Dans un nombre croissant de cas, les déchets urbains et les exploités indésirables finissent ensemble, dans ces infâmes lieux appelés Quarantina en bordure de Beyrouth, Hillat Kusha en périphérie de Khartoum, Santa Cruz Meyehualco à Mexico jusqu'à la -devenue maintenant célèbre- "Montagne fumante" de Manille. Voilà comment le capital stocke, entrepose, concentre les marchandises en surnombre, ici des êtres humains. Bidonvilles et décharges se généralisent à travers la planète pour finir par constituer le futur pour toute l'Humanité. Même "Kaboul libérée du terrorisme" par les troupes américaines ne fait pas exception à ce sombre devenir planétaire. "Le directeur de la planification urbaine de Kaboul se plaint du fait que la ville est en train de devenir une gigantesque décharge... toutes les 24 heures, 2 millions de personnes produisent 800 m³ de déchets solides. Même en faisant trois collecte par jour, les 40 camions mis à sa disposition ne peuvent transporter que de 200 à 300 m³." (8)

Mais la catastrophe capitaliste ne s'arrête pas uniquement à la gestion des déchets que cette société du lucre fabrique à profusion, même l'eau si nécessaire à la survie sur terre devient, elle aussi, une source de catastrophe. Ainsi...

"... la moitié des favelas de Sao Paulo sont situées sur les rives des réservoirs d'eau de la ville. Cela crée un risque sanitaire important, car les squatters jettent directement leurs déchets dans le réservoir et dans les ruisseaux qui les alimentent. Les systèmes de contrôle de qualité du réseau municipal de distribution d'eau ont connu de nombreuses défaillances ces dernières années. Ils augmentent certes la chloration de l'eau pour prévenir les maladies entériques, mais peuvent difficilement contrôler la prolifération des algues, qui croissent énormément du fait de l'accumulation de matières organiques." (9)

La catastrophe capitaliste produit un paradoxe supplémentaire, celui pour la mairie de cette ville d'utiliser 170.000 tonnes de produits chimiques pour traiter l'eau et la rendre potable. A Nairobi, l'eau du robinet n'est plus potable car elle est contaminée à la source par des matières fécales. Plus de 90% des eaux usées de la planète sont directement rejetées telles quelles dans les ruisseaux et les rivières. Sur le plan sanitaire, la plupart des grandes villes du capitalisme triomphant ne sont guère autre chose que de gigantesques égouts bouchés qui débordent de partout. Et ce qui est vrai pour le sud le devient aussi de plus en plus pour les grandes villes du nord de la planète. La merde capitaliste est partout. Partout, les matières organiques, humaines ou animales, ainsi que les pesticides et autres engrais finissent par polluer la plupart des sources potables existantes. En France, l'exemple de la Bretagne est effrayant de ce point de vue. Les normes européennes, pourtant bien laxistes, sont dépassées de 28 fois! Voilà le progrès capitaliste! En 1844 déjà, Friedrich Engels décrivait dans "La situation de la classe laborieuse en Angleterre" des événements identiques en ces termes; "... il n'y a qu'un cabinet, le plus souvent inabordable bien sûr, pour 120 personnes environ. En bas, coule ou plutôt stagne, l'Irk, mince cours d'eau, noir comme de la poix et à l'odeur nauséabonde, plein d'immondices et de détritus." Ce qui était vrai pour l'Angleterre voilà plus de huit générations est devenu maintenant la NORME pour l'ensemble de l'Humanité. Le capitalisme, c'est la civilisation de la merde!

Les conséquences sont catastrophiques pour les humains. Les maladies liées à la pollution de l'eau, à l'évacuation des boues et des ordures tuent officiellement d'après l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) plus de 30.000 personnes par jour et sont la cause directe des 75% des infections qui rongent l'Humanité. Diarrhée, gastro-entérite, colite, typhoïde et autres fièvres paratyphoïdes sont devenues les causes premières qui tuent les nourrissons en quelques jours. Choléra, dysenterie, dengue et malaria se disputent le palmarès de la mortalité. A Bagdad, dans l'immense bidonville de Sadr City, les épidémies d'hépatite et de typhoïde ont atteint un niveau désormais difficile à maîtriser. Les bombardements américains ont détruit les infrastructures déjà très insuffisantes qui existaient, et aujourd'hui les eaux usées s'insinuent directement dans le réseau de distribution d'eau. Un témoin rapporte que l'on pouvait voir à l'il nu les filaments d'excréments humains s'écouler du robinet d'eau potable. L'été il fait plus de 45C à l'ombre à Bagdad et il n'existe aucun autre point d'eau à des kilomètres à la ronde. On peut aisément imaginer les dégâts que cela peut causer sur la population.

La bourgeoisie nous a vendu le mirage d'un "village global", concept aseptisé emballé sous cellophane qui a bien du mal à cacher la terrible réalité de ce monde qui ressemble toujours plus à une décharge! La promiscuité entre des millions d'hommes, des animaux et des déchets de tous types, force ces endroits, les villes, à devenir en peu de temps d'immenses incubateurs à ciel ouverts où de nouvelles bactéries et virus se cultivent quotidiennement annonçant de futures catastrophes sanitaires. Ces dernières années on a même vu le retour d'anciennes maladies que l'Organisation Mondiale de la Santé avait déclarées "disparues". Alors que ceux qui se prostituent devant tout ce qui respire la science nous avaient promis leur éradication pour le début du XXIème siècle, rien qu'en 2001, la maladie du sommeil a tué plus de 300.000 personnes. La fièvre noire a encore fait mieux, en éliminant plus de 500.000 personnes pour les seuls Brésil, Bangladesh, Inde et Népal. Une autre épidémie a fait sa réapparition alors qu'elle avait quasi disparu dans les années '70: la tuberculose. Due aux exécrables conditions d'hygiène et de survie dans lesquelles se débat un nombre croissant d'humains, la tuberculose a fait sa réapparition entraînant dans la mort et les souffrances plus de 8 millions d'habitants en quelques années. A ce sinistre tableau ajoutons encore qu'un enfant succombait du paludisme toutes les 30 secondes pour l'année 2006. Les anciens médicaments ne réagissent plus et les agents transmetteurs sont devenus trop résistants aux antibiotiques utilisés en overdose pour enrichir les firmes pharmaceutiques. Alors que 40% de la population mondiale vit dans des régions où le paludisme règne, la réponse du business pharmaceutique a été à la hauteur de ce que l'ensemble du capitalisme propose comme solution à une force de travail devenu pléthorique par rapport aux besoins actuels de valorisation du capital: LA MORT! Entre 1975 et 1996, l'industrie pharmaceutique a développé 12.223 nouvelles molécules, seules 11 d'entre elles concernaient le traitement de maladies comme le paludisme, la tuberculose, les maladies du sommeil ou de la fièvre noire.

Ne parlons même pas de tout ce qui se cache derrière les vocables de "SIDA", de "SRAS", "d'Ebola", "Chikungunya" et autres "virus H5N1" capables de voyager à la vitesse d'un avion de ligne et de faire des millions des morts en l'espace de quelques semaines. Voilà la réalité quotidienne dans laquelle se débat aujourd'hui l'Humanité. Ce monde de mort qu'est le capitalisme ne peut plus cacher SA catastrophe tellement elle est grande et généralisée.

1. DE "LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ" À LA CRIMINALISATION DES EXPLOITÉS

La Banque mondiale au début des années 90 avait déjà attiré l'attention des gestionnaires de la catastrophe capitaliste sur la problématique de la "pauvreté urbanisée":

"La pauvreté urbaine deviendra le problème le plus important et le plus politiquement explosif du siècle prochain".(10)

Plus la crise de dévalorisation se généralise à tous les secteurs du capital et plus les solutions pour toutes les fractions bourgeoises deviennent les mêmes: la criminalisation d'une grande partie de notre classe. Sans même parler ici de lutte, les prolétaires excédentaires, simplement parce que leur présence montre au grand jour la putréfaction du système, sont systématiquement (dis-)qualifiés de délinquant, dealer, voyou, racaille, etc. Partout le discours des gouvernants, des patrons, des syndicats, des médias, des sociologues et autres appointés à la défense de cette société anthropophage est le même: le prolétariat est une classe dangereuse qu'il faut mater, embastiller, contrôler, réprimer, soumettre, éduquer,... et même nettoyer au Kärscher, comme le déclarait en 2005 Nicolas Sarkozy alors qu'il était ministre de l'Intérieur.

La criminalisation du prolétariat excédentaire est devenue le discours omniprésent, la seule réponse de la bourgeoisie face au développement de sa société catastrophique. Il n'y a en pas d'autre. A gauche comme à droite, au Sud comme au Nord, partout la simple présence du prolétariat excédentaire est devenue un véritable cauchemar vivant pour la bourgeoisie. La peur qu'engendrent les réactions potentielles de ce prolétariat démuni de tout auprès des classes dirigeantes est immense et provoque partout le même réflexe sécuritaire.

"... La guerre contre les bidonvilles en viendra à ressembler dangereusement à une bataille pour le contrôle des implantations et des habitations des pauvres, et, de fait, à une offensive contre les pauvres eux-mêmes." (11)

Tous les bourgeois du monde savent que tout ce merdier ne peut pas continuer à se développer à l'infini. Cela est devenu chaque jour qui passe toujours plus intenable, toujours plus incontrôlable, toujours plus potentiellement explosif. Alors, l'unique solution c'est toujours plus de flics, de prison, de répression, de caméras, de "tolérance zéro", de murs, de clôtures, de barbelés... Bref, dans leur langage, c'est toujours plus de "guerre aux pauvres". La bourgeoisie aux Etats-Unis a toujours été en avance dans cette politique par rapport à ses consoeurs à travers le monde. Chaque année, selon les statistiques officielles, plus de 1,5 millions de "pauvres" passent dans la catégorie des "très pauvres", c'est-à-dire que même en travaillant ces prolétaires-là n'arrivent pas à survivre. Aujourd'hui, plus de 36 millions d'exploités vivent dans ce que les bourgeois appellent "l'insécurité alimentaire". Autrement dit, ils ne bouffent même pas à leur faim. Plus de 9 millions de travailleurs sont au chômage, 5 millions ne sont pas repris dans ces statistiques et plus de 25 millions ont un emploi plus ou moins à temps partiel.

"Les travailleurs américains ont été contraints de travailler de plus en plus longtemps simplement pour arriver à payer leurs factures. Le temps de travail pour le travailleur à temps plein est passé de 1720 heures par année en 1973 à 1898 heures par année en 1998, soit une augmentation de 178 heures, c'est-à-dire plus de 4 semaines additionnelles par année." (12)

A cela ajoutons encore le niveau d'endettement qui est passé de 22% du revenu en 1946 à plus de 110% aujourd'hui. L'endettement facilité par la distribution des cartes de crédit a triplé entre 1989 et 2001. Les municipalités et les organismes de charité signalent que la demande de nourriture et de logement d'urgence sont en explosion depuis plusieurs années. 43 millions de personnes n'ont aucune assurance-maladie ce qui signifie que le moindre petit accident est payé cash, obligeant le prolétaire à s'endetter encore plus. Naître dans une famille non assurée augmente d'environ 50% le risque de mourir avant l'âge d'1 an. 85.000 personnes meurent chaque année aux Etats-Unis prématurément parce qu'ils n'ont pas accès aux soins de santé. Plus de 1,3 millions de jeunes sont en fugue ou sans abri et vivent le plus souvent dans les rues. Et ce qui est vrai pour la population l'est aussi pour les infrastructures tels les routes, les ponts, les transports en commun, les systèmes d'approvisionnement en eau et en électricité... tout est en train de s'écrouler. Il suffit de se pencher sur l'actualité pour trouver des exemples à profusion. Ce n'est pas un hasard si aux Etats-Unis, pays modèle pour le capitalisme libre-échangiste, on passe souvent des heures entières sans courant, comme si on vivait à Bagdad ou à Kinshasa. Dans sa recherche effrénée de nouveaux profits, le capitalisme a désinvesti tout ce qui n'était pas suffisamment rentable y compris dans une force de travail devenu pléthorique par rapport aux besoins actuels de la valorisation.

Sous le vocable de "lutte contre la pauvreté" ne se cache finalement rien d'autre qu'une guerre ouverte contre les exploités en surnombre aboutissant par produire un discours scientifique sur "la tolérance zéro" qui signifie systématiquement le nettoyage des rues de tout ce qu'elles comptent de "mendiants, de sans-abri, de délinquants juvéniles, de violences urbaines..." bref de prolétaires excédentaires, de cette immense armée de réserve qui ne trouve plus les moyens de vendre assez régulièrement sa force de travail pour survivre. Cette quantité toujours plus importante d'indésirables est repoussée systématiquement hors de la ville et/ou s'entasse dans l'unique endroit où le capitalisme veut bien encore leur réserver une place: la PRISON.

Près de 300.000 établissements pénitentiaires ont ainsi fleuri à travers tout le territoire des USA enfermant plus de 7.000.000 d'exploités derrières les barreaux d'une manière ou d'une autre. La répression systématique de la misère fait que les Etats-Unis détiennent 25% de tous les détenus du monde pour une population qui représente à peine 5% de la population mondiale. L'industrie des prisons, avec la guerre, est un des rares secteurs en pleine expansion aux USA. Les sociétés qui s'occupent de construire, entretenir, surveiller... les prisons sont cotées à Wall Street. Comme l'écrit le Left Business Observer:

"Cette industrie fait ses propres présentations commerciales, ses conventions, ses sites Web, ses catalogues de vente par correspondance et par Internet. Elles font aussi leurs campagnes publicitaires, elles ont leurs sociétés d'architecture, leurs sociétés de constructions, leurs sociétés de courtage à Wall Street, leurs organismes de fourniture en plomberie, leurs entreprises de fabrication de repas, leurs entreprises de production de matériel à l'épreuve des balles, de cellules capitonnées de toutes les couleurs. C'est encore l'industrie fédérale des prisons qui fabrique 100% de tous les casques militaires, des équipements de munitions, des gilets pare-balles, des cartes d'identité, des chemises et des pantalons, des tentes et des sacs de couchage, des bidons."

La production va du matériel de guerre en passant par plus de 92% du marché américain des cuisines d'assemblage, jusqu'au matériel informatique et à l'élevage de chiens d'aveugle.

Grâce au travail dans les prisons, les USA redeviennent un point attrayant pour les capitaux du monde entier. Même Microsoft a rapatrié une grande partie de ses produits pour les fabriquer dans les prisons. Le grand patron de Nike pouvait récemment se pavaner dans une prison modèle en annonçant que "Nike va transférer d'Indonésie sa production car vous nous offrez ici un travail compétitif, et les frais de transports deviennent quasi inexistants puisque notre marché principal se trouve ici, dans notre beau pays."

Les délits diminuent et pourtant la population carcérale augmente. Le tout-sécuritaire, la lutte contre le terrorisme et la "chasse aux pauvres" ont permis ainsi en quelques années d'enfermer n'importe qui sous n'importe quel prétexte. De l'emprisonnement de travailleurs illégaux, en passant par la "tolérance zéro" jusqu'à l'incarcération pour 25 ans à perpétuité en vertu de la règle des "trois coups" (13), les prisons se sont remplies ces dernières années à une vitesse supersonique. Un adulte sur 32 est aujourd'hui en prison ou en liberté conditionnelle, c'est-à-dire susceptible d'y plonger d'un moment à l'autre. Cela se traduit par plus de 2,5 millions de détenus et quelques 4,95 millions d'individus en liberté conditionnelle. Sans même parler des divers couvre-feu qui sont régulièrement imposés entre 22h et 6h du matin, comme actuellement à Bagdad, jetant des centaines de jeunes en garde-à-vue tout simplement parce qu'ils ont enfreint cette réglementation qui n'est rien d'autre qu'un moment de cette gigantesque lutte que le capital mène quotidiennement contre le prolétariat. Le comté de Los Angeles a mis en ligne fin 2005 un site Internet, lacountymurders.com, destiné à faire prendre conscience à ses habitants que la guerre qui se livre tous les jours dans les rues de cette ville est la même que celle qui se déroule dans d'autres villes en guerre, comme à Bagdad.

"Les Américains se sont habitués à prendre en compte la menace du terrorisme au niveau national... et ont été attristés par la mort de nombre de nos soldats loin de chez eux. Il existe une autre guerre, aussi meurtrière, dans les rues du comté de Los Angeles. Signé: le Shérif du comté".

La criminalisation de notre classe ouvre la voie royale à la répression sous la forme d'une guerre ouverte contre les prolétaires. Et tous les prétextes sont bons pour faire comprendre à l'exploité où se trouve sa véritable place dans cette société du détritus: en bas, tout en bas de l'échelle. Ce qui est vrai aux USA, l'est partout ailleurs sur la planète.

Régulièrement des opérations de grand nettoyage sont mises en route lors d'événements comme des congrès, des visites de dignitaires étrangers, des compétitions sportives comme les Jeux Olympiques, des concours de beauté et autres festivals internationaux pour tenter de cacher la misère que produit cette société. Les damnés de la terre savent qu'à ce genre d'occasion, la terreur bourgeoise va s'abattre inexorablement sur eux. Les forces de l'Ordre bourgeois vont s'acharner contre eux pour faire disparaître -en apparence- la lèpre, la saleté, bref le côté négatif de la contradiction capitaliste.

"Les habitants de Manille ont une horreur toute particulière de ce genre de "campagne d'embellissement". Pendant le règne d'Imelda Marcos sur le gouvernement de la ville, les habitants des bidonvilles furent successivement expulsés du trajet des cortèges d'apparat du concours de miss Univers 1974, lors de la visite du président Ford en 1975 et du sommet de la Banque mondiale et du FMI en 1976. En tout, 160.000 squatters ont été ainsi éloignés du champ de vision des médias. Nombre d'entre eux échouèrent à la périphérie de Manille, à 30 kilomètres ou plus de leurs anciens foyers. Vint ensuite le "Pouvoir du Peuple" de Corazon Aquino, qui fut encore plus brutal: 600.000 squatters ont été expulsés, le plus souvent sans qu'aucun site de relogement n'ait été prévu. Malgré ses promesses de campagne sur la protection des logements des pauvres, Joseph Estrada, le successeur d'Aquino, poursuivit la même politique d'expulsions massives; 22.000 baraques ont été rasées au cours du premier semestre de 1999. Puis en novembre 1999, lors du sommet de l'ANSEA (Associations des Nations du Sud-Est Asiatique), les équipes de démolition s'attaquèrent au bidonville de Dabu-Dabu, à Passay. Lorsque 2000 résidents formèrent un mur humain, une équipe d'intervention spéciale, armée de fusils d'assaut M16, fut appelée. Elle abattit quatre manifestants et en blessa vingt. Les logements ont été incendiés, avec tout ce qu'ils contenaient et les habitants furent relogés de force sur les bords d'une évacuation d'égout où leurs enfants ont bientôt contracté des infections gastro-intestinales mortelles." (14)

Ainsi, à l'occasion des Jeux Olympiques de Séoul en 1988, 350.000 personnes furent bannies de la ville uniquement pour construire le stade qui devait accueillir la compétition internationale. Mais il n'y a pas que la construction de stades ou de grands barrages qui provoque des déplacements massifs de population. Des soucis gouvernementaux pour l'écologie ont le même impact catastrophique sur les miséreux. Ainsi, à Yamuna Pushta (le jhuggi ­bidonville- s'étendant le long de la Yamuna River à Delhi, où vivaient plus de 150.000 réfugiés du Bengale), en 2004, en dépit des manifestations et des émeutes, le gouvernement local a procédé au nettoyage de cette zone pour y installer un lieu de promenade et des équipements touristiques en bordure de la rivière. Pendant que les gestionnaires de ce dossier se repaissent des louanges internationales pour leur "plan vert", les résidents sont déplacés par camion vers un nouveau bidonville périphérique situé 20 kilomètres plus loin, faisant du même coup baisser leurs revenus de plus de 50%. "Nous devons dépenser au moins la moitié de ce que nous gagnons pour payer nos allers-retours entre notre logement et notre travail."

Vive la délation!

Un nombre croissant de lycées et d'universités aux USA incitent leurs étudiants à la délation, offrant des récompenses en échanges d'informations sur des "délits ou des violations du règlement intérieur". En plus de l'argent, des pizzas et des places de parking gratuites sont offertes à ceux qui dénoncent un camarade pour possession d'arme, de drogue, d'alcool, pour tout acte de vandalisme et autres infractions aux règles. Le comté de Houston en Virginie offre depuis peu 500$ pour des informations permettant d'arrêter toute personne ayant fait ou se préparant à commettre un délit! Lignes téléphoniques, sites Web, boîtes aux lettres tout est fait pour garantir la confidentialité de la délation.
Certains sociologues s'inquiètent de ce programme "Student Crime Stoppers", car "il détruit le sentiment d'appartenance au groupe" et peut conduire jusqu'aux coup de folie qui consiste à prendre une arme et à tirer sur tout le monde (fusillade au lycée de Colombine, de Red Lake, la liste est longue) mais aussi, disent-ils, "tout cela crée un climat lourd de méfiance entre élèves." Le professeur en éducation de l'Université de Temple en Californie souligne que "cette idée de la surveillance entre élève a quelque chose de déplaisant qui renvoie trop à ce qui se passait en Union Soviétique et dans l'Allemagne nazie. C'est du mauvais civisme. Il faudrait plutôt convaincre les étudiants de la nécessité de parler, mais sans leur promettre une récompense." Sic!

La propriété privée, c'est sacré! Les prolos n'ont qu'à aller crever plus loin!

Plutôt que de supporter les coups d'une longue procédure judiciaire, les autorités, les propriétaires ou les entrepreneurs désirant expulser des squatters préfèrent souvent déclencher des incendies criminels pour s'en débarrasser. Manille jouit d'une triste réputation en la matière: "entre février et avril 1993, il y a eu huit incendies majeurs dans les bidonvilles, y compris des incendies criminels déclenchés à Smoky Montain, Aroma Beach et Navotas. La zone la plus menacée se trouve à proximité des docks, où une extension du terminal de fret est prévue. Une des méthodes de prédilection des propriétaires philippins adeptes de ce qu'ils préfèrent appeler la "démolition chaude", consiste à prendre un rat ou un chat ­les chiens meurent trop vite­, l'arroser d'essence, l'enflammer et le lâcher dans le bidonville dont ils veulent se débarrasser les incendies ainsi déclenchés sont durs à combattre parce que le malheureux animal peut mettre le feu à de nombreuses cabanes avant de mourir."
Mike Davis, Le pire des mondes possibles, éd. La Découverte, 2006

Au Brésil, que fait la police? Elle massacre...

Fin 2006, des "gangs de trafi-quants de drogue", d'après le communiqué de la police, attaquent huit commissariats de Rio de Janeiro ainsi qu'un hôpital et incendient plusieurs voitures et quatre bus de la police dans différents quartiers. En tout, plus de 12 attaques ont été perpétuées tuant et blessant plus de 8 policiers. Selon le maire de la ville, Cesar Maia, "ces gangs" auraient agi pour punir la police qui depuis plusieurs mois organise, à l'aide de policiers en dehors de leurs heures de service, des représailles contre tout ce qui de près ou de loin représente une menace pour l'ordre. En réponse à l'attaque de "ces gangs", la police aidée de milices privées occupe militairement 12 favelas. Au mois de mai 2005, la police avait déjà fait irruption pendant plusieurs jours dans ces quartiers ouvriers faisant plus de 170 morts dont 40 policiers.

Les faux amis du prolétariat à l'oeuvre!

Durant les émeutes de 2005 qui embrasèrent les banlieues en France, diverses organisations d'extrême gauche participèrent pleinement à la répression comme "Lutte Ouvrière" qui lança l'appel suivant: "Faire cesser les violences, qui pèsent sur des populations qui aspirent légitimement au calme, est évidemment nécessaire. [NOUS SOULIGNONS. NDR] Dans ce contexte, l'action des forces de l'ordre doit s'inscrire dans un cadre strictement légal [SIC!] et ne pas conduire à des surenchères..." in organe de LO, "Lutte de classe" de février 2006.
Lorsque la droite au gouvernement promulgua "l'Etat d'urgence" le 8 novembre 2005 pour faire face au développement des émeutes, la gauche dans l'opposition ne le désapprouva pas. Que du contraire. Il est vrai que c'est la gauche qui l'avait créé en 1955, quand le ministre de l'Intérieur de l'époque déclarait face au soulèvement en Afrique du Nord que, "l'Algérie c'est la France"; le même ministre qui cette année-là faisait tirer sur les ouvriers de Nantes en grève, un certain François Mitterand. Dans la même tradition, pas étonnant de voir le maire socialiste de Noisy-le-Grand, Michel Pajon, demander en 2005 l'intervention de l'armée contre "les incendiaires" de banlieue.

Mais ces grandes déportations de populations entières ne sont pas seulement l'oeuvre "d'infâmes capitalistes à la solde du FMI et de la Banque mondiale" pour paraphraser ces imbéciles de tiers-mondistes(15), mais tout simplement la "bonne gouvernance" commune des gestionnaires du capital toutes tendances confondues. Ainsi, les staliniens qui dirigeaient hier la mairie de Calcutta, vidèrent littéralement le centre de ses squatters. En Angola, lorsque le MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola), de tendance marxiste-léniniste, arriva au pouvoir, il expulsa tous les "pauvres" de Luanda, la capitale. En 2001, les anciens dirigeants du MPLA reconvertis dans "les bienfaits du marché et de sa main invisible" se remirent à l'ouvrage pour expulser de force plus de 10.000 familles du Boavista, dans la baie de Luanda, pour y construire des résidences de luxe. Deux résidents furent abattus et les autres convoyés en camion et abandonnés à 40 kilomètres de leurs anciennes demeures. Mais ce qui se passe sous les tropiques se déroule aussi ici. Souvenons-nous des immigrés expulsés à coup de bulldozers des foyers Sonacotra à Vénissieux par des nervis aux ordres de la mairie P "C" F en 1980. Sans même parler des 25.000 "illégaux" expulsés de France tous les ans sous tous les gouvernements, de gauche comme de droite.

C'est en Chine aujourd'hui que ces pratiques sont le plus utilisées par d'authentiques marxiste-léninistes "confiants dans l'avenir socialiste du pays". Plus de 1,5 millions de personnes ont été expulsées entre 1991 et 1997 à Shangaï pour faire place nette à la construction de gigantesques gratte-ciel, aux appartements de luxe doublés de centres commerciaux, sans même parler des autoroutes qui y mènent. Durant la même période, plus d'1 million d'habitants de Pékin subirent le même sort que ceux de Shangaï. Dans la capitale du céleste Empire, tous les 10 ans, un nouveau périphérique autoroutier, ceinturant toute la ville, est construit à fin d'assurer le déplacement des marchandises et la bonne marche des affaires. Ces nouvelles autoroutes exigent encore et toujours de nouvelles déportations, la destruction d'anciens quartiers afin de repousser encore plus loin du centre stratégique l'infâme plèbe qui pue littéralement la misère.

A Saint-Domingue aussi, la guerre contre notre classe bat régulièrement son plein. Dans la capitale du pays, entre 1986 et 1992, 180.000 personnes furent déplacées et des quartiers entiers rasés. "Le plan, écrivent les chercheurs travaillant à Sabana Perdida, consistait à se débarrasser des éléments gênants dans les barrios (quartiers) ouvriers du haut de la ville en les repoussant à la périphérie. Les souvenirs des révoltes de 1965 et des émeutes de 1984 laissaient penser qu'il serait sage d'éradiquer ces foyers d'opposition et de résistance politique."

La stratégie du nettoyage urbain, dans un cadre anti-insurrectionnel cette fois-ci n'est pas quelque chose de neuf sous le soleil noir du capital. Cette stratégie remonte déjà fort loin, sous l'Empire romain, et s'est renforcée durant les siècles suivants pour en arriver aujourd'hui à une militarisation accrue de l'espace urbain. Vers la fin des années 60, ce nettoyage social va se généraliser à travers toute la planète. Au Brésil, après 1964, les débuts de la période militaire étaient caractérisés par l'expulsion systématique de squatters, avec l'aide des forces armées. L'objectif annoncé des militaires étaient d' "éliminer tous les bidonvilles de Rio en dix ans". 80 favelas furent tout simplement rasées de fond en comble, expulsant plus de 140.000 prolétaires des collines dominant la ville et constituant une véritable menace visible pour la bourgeoisie de cette gigantesque ville. Mais les expulsions ne se passèrent pas tranquillement et souvent déclenchèrent des conflits entre la police et les "jeunes" de ces bidonvilles.

En Argentine, la liquidation de quartiers entiers se fit ici aussi par les juntes militaires aidées en cela par l'organisme gouvernemental de l'USAID (sorte d'ONG sous les ordres directe du Pentagone) dans un cadre ouvertement anti-insurrectionnel avec pour objectif clairement affiché de se débarrasser des prolos des zones aussi névralgiques que le centre ville où se trouvent souvent concentrés les lieux du pouvoir. Entre 1967 et 1970 un "Plan de Erradicacion de Villas de Emergencia" fut lancée en Argentine. Cette campagne fut redynamisée avec le retour des militaires au pouvoir en mars 1976 où plus de 270.000 prolétaires furent chassés de Bueno Aires.

Au Caire, les mêmes méthodes furent appliquées après les émeutes de janvier 1977, qui débutèrent lorsque le gouvernement de Sadate divisa par deux les subventions que Nasser avaient octroyées dans son langage populiste "aux pauvres" pour se loger. La réaction fut redoutable, des quartiers entiers de prolos se déversèrent sur les hôtels cinq étoiles, les casinos, les boîtes de nuits, les centres commerciaux, les postes de polices et dévastèrent tout sur leur passage. 80 prolétaires furent assassinés et plus de 1000 autres blessés. La répression s'abattit et les prisons se remplirent des exploités des bidonvilles d'où étaient parties les manifestations. Ceux-ci furent systématiquement détruits comme à Ishash al-Turguman dans le quartier de Bulaq près du centre du Caire. Sadate déclara même aux journalistes étrangers accourus sur place pour admirer le nouveau pharaon dans ces grandes oeuvres civilisatrices, que ce "quartier était un nid de rebelles, où les communistes se cachaient. Les forces de l'Ordre devaient impérativement détruire ce bidonville car l'étroitesse de ses rues empêchait l'utilisation de voitures de police et donc rendait son contrôle plus difficile." Comme Napoléon III et son architecte Haussmann pour Paris, Sadate se prenait à rêver de redessiner le Caire. "Redessiner le centre-ville, disait-il devant les journalistes, était nécessaire pour assurer aux forces de l'Ordre une plus grande maîtrise et un meilleur contrôle de la population." Les habitants du bidonville furent divisés en deux groupes et expulsés à l'extérieur de la ville. Le bidonville rasé et transformé en parking. Mais faute de temps et d'argent, le projet de Sadate ne vit jamais le jour et le Caire reste toujours, comme toutes les plus grandes villes du monde d'ailleurs, un foyer potentiel pour la future révolution mondiale qui fera disparaître définitivement toutes les horreurs capitalistes.

Ainsi, depuis la fin des années '70, il est devenu banal pour tous les bourgeois de la planète d'utiliser l'argument de la "lutte contre la criminalité", voire de "la lutte contre le terrorisme" pour justifier la destruction des quartiers ouvriers et criminaliser les prolétaires qui y habitent. En Cisjordanie, l'armée israélienne s'appuie sur cet argumentaire pour procéder à l'expulsion de familles entières et à la destruction de "maisons de terroristes". A Dacca, les autorités municipales utilisèrent la mort d'un policier en 1999 pour démolir au bulldozer 19 "bidonvilles criminels" et expulser 50.000 personnes. A Pékin, l'éradication en 1995 du "Village du Zhejiang", énorme bidonville dans la lisière sud de la capitale et véritable foyer de lutte lors des évènements de la Place Tian An Men en 1989, fut menée comme une véritable opération militaire. 5.000 policiers et cadres du Parti armés jusqu'aux dents firent irruption à l'aube dans ce quartier et participèrent à sa destruction, déportant dans des camps de travail dans le fin fond du pays 18.621 prolétaires classés d'après les normes bourgeoises comme "illégaux". C'est au nom de la lutte contre "la criminalité, le banditisme et le terrorisme" que le Premier ministre en personne Li Peng dirigea cette opération de police.

Au Zimbabwe, le président Robert Mugabe, dirigea au début du mois de mai 2005 la première phase de "l'opération Murambasvina", traduction littérale d'expulsion des déchets. Un assaut en règle fut organisé par la police contre les bidonvilles d'Hararé et de Bulawayo. Lors d'une interview à la BBC, le 27 mai 2005, on entendit clairement un officier dire à ses hommes:

"A partir de demain, je veux voir sur mon bureau des rapports disant que nous avons abattu des gens. Le président nous couvre entièrement sur cette opération et vous n'avez rien à craindre. Considérez cette opération comme une opération de guerre."

A la mi-juillet, 700.000 "déchets" étaient nettoyés et on ne connaît pas les chiffres exacts mais des dizaines d'hommes furent abattus et des centaines d'autres arrêtés. Le capitalisme c'est la guerre quotidienne contre le prolétariat mondial.

Et que dire de ce que nous avons vécu ici même en France, lors des dites émeutes des banlieues en novembre 2005? Est-ce vraiment si différent ici et là-bas? Quand Sarkozy, vient, entouré d'un important dispositif policier, insulter les prolos en les traitant de "racaille" au lieu de "déchets", quelle différence y a-t-il? Et que dire de ces liquidations physiques hypocritement appelées bavures qui remplissent chaque semaine les journaux et qui le plus souvent n'intéressent les médias que pour autant qu'ils puissent encore plus puissamment distiller leur mépris et leur haine contre notre classe la qualifiant une fois de plus de tous les noms: "voyou", "délinquant juvénile", "revendeur de drogue" et autres saloperies très à la mode dans le langage fleuri de la bourgeoisie effrayée par la misère de ceux qui produisent tout mais ne possèdent rien.

A titre d'illustration, citons le quotidien Libération du 8 octobre 1990 qui écrivait:

"A Lyon, c'est une longue liste de victimes qui a alimenté la colère des jeunes émeutiers. En octobre 1982, Wahid Hachichi (Vaulx-en-Velin)et Ahmed Bouteja (Bron) sont tués. En novembre 1982, le policier Bernard Raffine abat Mohamed Adidou. Non-lieu. Le 6 mars 1985, Barbed Barka, 15 ans (Vaulx-en-Velin) est tué lors d'un contrôle. Policier muté. Mustapha Kacir (Vaulx-en-Velin) est abattu par deux gendarmes en juin 1985. Pas de suites judiciaires. En septembre 1985, Noredine Mechta est achevé par les surveillants d'une boîte de nuit. Aziz Bougheza à Moins, tombe en juin 1987, lui aussi sous les balles de la gendarmerie. Farid Oumrani, 17 ans, est tué à l'automne 1988 d'une balle dans le dos par un chauffeur de taxi. En décembre 89, Abdallah Bouafia, 42 ans, père de deux enfants, meurt à Lyon des suites des tortures infligées par quatre vigiles. Le 9 août 1990, Akim Merabet (de Crémieu), 22 ans, est assassiné comme son frère, dix-huit mois plutôt."

Durant les dites émeutes, toutes les fractions bourgeoises ont eu le même discours: encore et toujours plus de sécurité. Il n'y a pas que Sarkozy qui nous traite de "racaille" et nous envoie les flics pour supprimer toutes les têtes qui dépassent des rangs. A gauche aussi, Ségolène Royal, l'ex-candidate à l'élection présidentielle, préconise ouvertement un encadrement militaire pour la mise au pas des "jeunes délinquants". Au lieu de les envoyer en prisons, la gauche propose purement et simplement la déportation de ces prolétaires, décidément trop remuants, dans des bataillons disciplinaires de l'armée pour leur apprendre à se tenir droit et à répondre "bien chef, oui patron!". Les trotskistes de Lutte Ouvrière ne valent pas mieux en disant comprendre la "peur des habitants des grands ensembles lorsque la nuit arrive" et de préconiser plus de flics de proximité dans les halls des immeubles. Quant à la Ligue "Communiste" Révolutionnaire trotskiste, son infatigable leader, Alain Krivine n'avait rien trouvé de mieux lors des émeutes de 2005, que d'organiser avec "des habitants du quartier" des rondes pour "ramener le calme". Ajoutons à cette liste déjà longue de représentants ouverts du Parti de l'Ordre bourgeois, le fameux P "C" F qui pouvait titrer dans son organe, l'Humanité à propos de ces émeutes: "L'Ordre doit être rétabli"!

2. RÉPONSE BOURGEOISE À LA CATASTROPHE CAPITALISTE: BUNKÉRISATION, ILLUSIONS POLICIÈRES ET BOURBIERS MILITAIRES

"On pourrait écrire toute une histoire au sujet des inventions faites depuis 1830 pour défendre le capital contre les émeutes ouvrières." Karl Marx, Le Capital

Face à cette décomposition sans précédent de l'Ordre social existant, l'unique réponse que la bourgeoisie peut apporter est toujours la même: plus de flics, de commissariats, de vigiles, de prisons, plus de neuroleptiques, de tranquillisants, d'assistants sociaux, de drogues dures... et encore plus de répression grâce à une utilisation massive de nouvelles technologies telles que des caméras de surveillance, déjà omniprésentes dans tous les espaces urbains y compris sur les autoroutes, au sein des entreprises, voire maintenant dans les crèches... Tout doit être sous surveillance, cela rassure la bourgeoisie et lui donne l'illusion de pouvoir tout contrôler. Un véritable maillage électronique s'est développé en quelques années sur l'ensemble de la planète, centralisant d'énormes bases de données où sont répertoriés pour chaque individu, son adresse, son compte en banque, ses locations et ses déplacements, les sites visités sur Internet, ses conversations sur son téléphone mobile ou fixe, mais aussi ses habitudes alimentaires via des "cartes de fidélité" offertes gratuitement par la plupart des grandes surfaces commerciales, jusqu'à l'informatisation de son dossier médical, de son casier judiciaire, de ses papiers d'identité, de ses amis... Avec le tout sécuritaire, la bourgeoisie elle-même a fini par s'enfermer dans des espaces toujours plus clos, plus protégés, plus sécurisés, plus bétonnés, plus numérisés. L'illusion sécuritaire passe désormais par la création d'enceintes, de murs de sécurité, de palissades, de clôtures, de portiques d'entrée électroniques avec lecture d'empruntes digitales, avec reconnaissance vocale ou oculaire. Cette bunkérisation(16) accrue du mode de vie bourgeois face à l'océan de misère qui la submerge, tend à devenir la norme au niveau mondial. Plus la catastrophe capitaliste s'étend et s'approfondit, et plus la bourgeoisie se barricade, se sécurise, élève des clôtures, construit des murs... Ainsi, en quelques années de plus en plus de zones "off world" (hors monde) à la périphérie des grandes villes ont poussé comme des champignons. Derrière l'abri de hautes murailles électrifiées, les bourgeois vivent en quasi-autarcie disposant sur le même site d'hôpitaux, de centres commerciaux, de cinémas, de clubs de golf, de restaurants, d'universités, de bureaux d'affaires... vivant dans des villas cossues protégés par une armée de vigiles et de chiens, disponibles 24h/24h, le tout équipé de générateurs de secours et de toutes sortes d'équipements privés nécessaires à cette vie d'emprisonné.

"Le secret de ces paisibles logis réside dans la clôture électrique dernier cri qui entoure le lotissement entier, ou comme on l'appelle sur place, le "village sécurisé". Ces clôtures sous 10.000 volts originellement conçues pour des enclos de lions génèrent un choc électrique phénoménal sensé mettre tout visiteur indésirable hors d'état de nuire sans cependant le tuer." (17)

On retrouve cette obsession sécuritaire aussi bien en Californie que dans la banlieue de Pékin, de Manille, de Johannesburg et de manière moins visible jusqu'à Paris où l'autoroute qui entoure la ville, appelée le périphérique, est devenue en quelques années un véritable mur infranchissable pour les prolétaires habitant en banlieue. La mise en place, au nom de "la lutte contre le terrorisme", d'opérations de "sécurisation", comme Vigipirate, a réussi à chasser les prolétaires du centre urbain. La présence de militaires armés, comme s'il s'agissait d'une guerre, n'a pas pour unique objectif de dissuader les prolos de venir s'aventurer en ville, lieu de concentration des pouvoirs, mais tend aussi à imposer ces dispositifs d'exception comme la norme, la règle, comme quelque chose de tout à fait banal. Alors qu'il n'y a aucune guerre officiellement déclarée actuellement en France, il est devenu tout à fait courant de voir des hommes en uniformes de guerre armés jusqu'aux dents circuler dans nos rues. Courant aussi de se faire régulièrement contrôler à chaque coin de rue. Normal encore de passer du temps au commissariat pour "vérification d'identité". Quotidien aussi de se faire rafler en pleine rue, perquisitionner chez soi, tabasser par les forces de l'Ordre, séquestrer plus que légalement permis, juger et embastiller en "comparution immédiate"... bref toute une série d'attitudes de la part des forces de répression de l'Etat capitaliste devenues, avec le temps, la Norme, la Routine, puisque c'est "NOTRE" sécurité qui est protégée, répètent en cur les mass média à longueur de journée. Décidément, la bourgeoisie est passée maître dans l'art de nous présenter des vessies pour des lanternes. Sa sécurité, dans son langage, est devenue "notre sécurité", arrivant à nous faire gober que la défense de ses intérêts est la défense de nos intérêts de classe.

Dans certains pays, un pas supplémentaire a été réalisé dans la militarisation de l'espace urbain en reliant ces zones "off world" entre elles par des gigantesques autoroutes, créant ainsi l'émergence d'un "réseau fortifié" de routes stratégiques bien entretenues, bien éclairées et rapides pouvant assurer le déplacement non seulement du business, mais aussi, des forces de répression:

"Les autoroutes privées de Buenos Aires permettent aujourd'hui aux riches de vivre à plein temps dans leurs "contrées" (leurs maisons country club) de Pilar, en lointaine banlieue, tout en travaillant dans le centre. A Lagos, un large couloir a été ouvert à travers des bidonvilles densément peuplés pour créer une voie express pour les managers privés et les dignitaires de l'Etat qui habitent dans la riche banlieue d'Ajah." (18)

La militarisation de l'espace est devenue une constante dans ce monde au bord de l'implosion. La présence militaire déployée en permanence dans nos rues n'a qu'une seule et même fonction: celle de TERRORISER mondialement LE PROLETARIAT afin de paralyser toute velléité d'action. Car la plupart de ces troupes déployées dans nos quartiers sont en général aussi celles que la bourgeoisie déploie à travers le monde pour assurer l'Ordre et ses intérêts. Combien de prolétaires en France se doutent que la plupart des unités qui ont participé à la répression des émeutes de novembre 2005, voire même celles qui circulent en ville dans le cadre de Vigipirate, sont les mêmes qui font régner l'Ordre capitaliste à Abidjan, N'Djamena, Kinshasa, Kaboul, Port-au-Prince...? Il en va de même aux USA où, pour faire face au gigantesque pillage qui suivit le passage de l'ouragan Katrina, le Pentagone a dû retirer précipitamment des troupes en fonction en Irak pour les envoyer assurer le même Ordre social à la Nouvelle Orléans. Preuve s'il en était de l'utilisation des mêmes procédés à travers le monde, c'est-à-dire la guerre ouverte et brutale contre les prolétaires, aussi bien aux Etats-Unis, en France qu'en Irak et en Afghanistan, en Haïti... pour assurer de manière terroriste la paix sociale si nécessaire au bon fonctionnement de la machine capitaliste. A cette occasion, le gouverneur du Texas avertit les "pilleurs" que les troupes qui leurs faisaient face savaient manier les armes et avaient fait leur preuve dans la répression en Irak. La guerre contre le prolétariat ne se déroule pas uniquement à plusieurs milliers de kilomètres d'ici, elle est présente aussi dans nos villes, dans nos quartiers et dans nos rues. La guerre c'est aussi ICI!

Les zones "off world" ne se limitent plus aujourd'hui à quelques quartiers huppés qu'il faut protéger contre les affamés, ce sont des pays, des continents entiers qui se veulent "off world". Non seulement les Etats-Unis et Israël mais aussi l'Europe s'entourent de gigantesques murailles où des milliers de gardes armées sont sensés "nous" protéger d'une armée de "terroristes" piétinant à nos portes et qui n'attendent qu'un bref moment d'inattention pour s'engouffrer sur notre territoire pour y semer la mort et la désolation. Du moins c'est ce que la bourgeoisie nous raconte comme fable. Récemment encore, fort de cette idéologie, le gouvernement de Georges Bush a fait voter par une majorité de sénateurs (républicains et démocrates confondus) un nouveau budget de plus de 10 millions de $ pour "finir le mur qui protège les Etats-Unis d'Amérique, du golfe du Mexique à l'Océan Pacifique." Mais de quoi les USA, l'Europe, Israël... ont-ils besoin de se protéger, de quelques soi-disant terroristes inoffensifs, comme le dit Manuel Barroso, le président de la Commission européenne?(19) Ou de ces millions de crève-la-faim que le capitalisme produit à profusion et qui rêvent des Etats-Unis, comme d'autres de l'Europe ou d'Israël, comme d'un paradis à portée de main qui les sauvera définitivement de la misère? L'année dernière, pour plus de 380.000 illégaux arrêtés par la police des frontières, le rêve américain s'est brisé dans les geôles de l'Etat. En Europe, le printemps n'apporte pas que des hirondelles mais aussi des cargaisons entières de pauvres diables sur les plages des Canaries, de Lampedusa, de Ceuta, de Grèce... et parmi eux, beaucoup y laissent non seulement tout leur argent mais aussi souvent leurs illusions si pas leur peau. Depuis 1988, 8.800 clandestins, chiffres officiels, sont morts en essayant d'atteindre le "paradis" européen.

La course folle dans laquelle s'est lancée la bourgeoisie ces dernières années, afin de fuir le monde apocalyptique qu'elle produit, ne peut suffire à la sauver de l'explosion sociale qui la guette. Le capitalisme comme système produit la misère bien plus rapidement que le temps nécessaire à la construction de n'importe quel mur ou enceinte de protection. Les contradictions qui minent ce système à l'agonie deviennent avec le temps qui passe toujours plus visibles pour tous, toujours plus insurmontables pour ceux qui ont la prétention de gérer la décomposition capitaliste. La bourgeoisie a déjà perdu la partie, la militarisation de l'espace social ne pourra suffire à assurer la pérennité de son monde. Les murs se construisent trop lentement alors que la décomposition du Vieux monde s'accélère de jour en jour. C'est ce constat que la Central Intelligence Agency (CIA), dans un rapport datant de 1998, soulignait en s'inquiétant du "nombre croissant de travailleurs sans emploi ou sous-employés dans le monde. Le chiffre d'un milliard vient d'être dépassé, soit plus d'un tiers de la population active mondiale". Et de se poser la question essentielle qui hante, tel un fantôme, tous les bourgeois de la planète: "Tous ces pauvres ne finiront-ils pas un jour par se révolter si leurs conditions de vies devaient encore s'empirer?"

La bourgeoisie le sait depuis longtemps, se protéger derrière de hauts murs n'est pas suffisant pour assurer un semblant d'ordre. Elle est obligée de développer de manière exponentielle la répression ouverte dans le monde entier. La débâcle américaine de Mogadiscio en 1993, vendue en grand écran par Hollywood dans "La chute du faucon noir", où l'attaque d'un convoi militaire par des prolétaires en arme inflige plus de 60% de pertes (morts et blessés) aux troupes d'élite des Army Rangers, força les théoriciens militaires à repenser complètement ce qu'ils appellent dans le langage bureaucratique du Pentagone, les MOUT pour Military Operations on Urbanized Terrains (opérations militaires en milieu urbain) ou autrement dit dans un langage de classe plus clair: le maintien de l'Ordre capitaliste par des opérations de police, de gendarmerie comme le sont aujourd'hui la plupart des opérations militaires qui se déroulent à travers le monde. Une commission d'enquête de la Défense nationale, en 1997, fustigea le manque de préparation de l'armée pour des "combats durables dans les ruelles labyrinthiques des villes." Tous les corps d'armée US, se lancèrent alors, sous la coordination d'un groupe de travail inter-armées sur l'entraînement aux opérations en milieu urbain (JUOTWG), dans des stages pratiques pour maîtriser les techniques du combat de rue.

"La guerre du futur se jouera dans les rues, dans les égouts, dans les gratte-ciel et dans les zones de logement tentaculaires et anarchiques qui constituent les villes cassées de la planète... Notre histoire militaire récente [Nous soulignons. NDR] est ponctuée de noms de ville ­ Tuzla, Mogadiscio, Los Angeles [Nous soulignons! NDR], Beyrouth, Panama, Hué, Saigon, Saint-Domingue ­ mais tous ces combats n'auront été qu'un prologue; le vrai drame est à venir." (20)

"Le vrai drame est à venir"! Quelle lucidité de la part de ce major du Army War College des Etats-Unis d'Amérique! La bourgeoisie se pose -aujourd'hui, ici et maintenant- les questions qu'elle sait qu'elle devra affronter demain. C'est une guerre de classe entre "leurs" soldats, "leurs" mercenaires, "leurs" généraux, "leurs" ONG, "leurs" médias... pour paraphraser le major Peters, défendant l'Ordre bourgeois à travers le monde, et de l'autre côté, notre classe concentrée comme jamais par les nécessités du capital dans de gigantesques espaces urbains suintant la misère, la maladie, la mort mais aussi la révolte contre ces conditions d'existence toujours plus inhumaines.

Pour les bourgeois, la Révolution sociale n'est pas une hypothèse parmi d'autres mais barre plus que jamais tout leur horizon. Les exploiteurs ont conscience de l'inéluctabilité de la liquidation sociale qui les menace, alors que pour les prolétaires c'est le doute, la lassitude, le découragement, la confusion programmatique, voire l'organisation de l'anti-organisation qui règnent en maître. Quel paradoxe! Aujourd'hui, les bourgeois, du moins certains, sont beaucoup plus clairs que pas mal de prolétaires sur les enjeux futurs du monde! Nous vivons une bien triste époque, et nous ne voyons pas aujourd'hui ce qui va permettre de renverser cette terrible situation dans laquelle se trouve empêtrée notre classe si ce n'est un développement quantitatif et qualitatif de la décomposition capitaliste poussant toujours plus inexorablement notre classe à reprendre son chemin vers le Communisme. Ce n'est pas une question de volonté, même si très modestement nous tentons dans cette revue depuis plusieurs décennies de donner une direction, un axe à toutes ces discussions, mais bien d'un rapport de force entre le prolétariat et la bourgeoisie qu'il s'agit. Et force est de reconnaître que la situation ne nous est pas du tout favorable aujourd'hui alors que la catastrophe généralisée dans laquelle s'enfonce l'Humanité exige au contraire que le prolétariat réagisse et retrouve son chemin de classe pour mettre à bas cette société anthropophage. L'urgence est là, même les bourgeois s'en inquiètent(21) et proposent déjà leurs alternatives qui ne devraient aboutir qu'à postposer l'apocalypse finale et non l'empêcher. Seul le prolétariat comme acteur d'une profonde Révolution sociale peut réellement donner une porte de sortie à la catastrophe engendrée par ce mode de production. Mais les exploités n'en ont que très peu conscience aujourd'hui, il faudra certainement que la décomposition du capital s'approfondisse encore pour qu'ils sortent de leur torpeur et de leurs illusions.

Mais nous n'en sommes pas encore là. La compréhension claire par certains stratèges bourgeois que la prochaine révolution sociale se jouera dans les gigantesques villes des Etats-Unis comme du reste du monde n'est pourtant pas une nouveauté. Dans les années 90 du siècle dernier, la Rand Corporation basée à Santa Monica, sorte de club de réflexion fondé en 1946 par l'US Air force et l'importante entreprise du complexe militaro-industriel Locheed-Martin, avait déjà entrepris toute une série de travaux allant dans le sens décrit par le major Ralph Peters que nous venons de citer plus haut. Ses chercheurs s'étaient déjà penchés sur les statistiques de la criminalité urbaine, les problèmes de santé publique, l'aménagement de l'espace urbain... dans les quartiers dits déshérités pour tirer des conclusions tout aussi claires que celles du major Peters:

"L'URBANISATION DE LA PAUVRETE MONDIALE A PRODUIT L'URBANISATION DE L'INSURRECTION."

Nous n'inventons rien, c'est le titre même du rapport! Tout un programme. Et la Rand Corporation d'avertir les décideurs gouvernementaux, déjà à la fin des années 90 que: "Ni la doctrine, ni l'entraînement, ni le matériel de l'armée américaine ne sont conçus pour mener des opérations de combats contre-insurrectionnels." C'est bien de contre-insurrection, de contre-révolution, du maintien de l'Ordre, de l'écrasement du prolétariat... que la Rand Corporation, l'Army War College, le Pentagone... et les autres cercles dirigeants à travers le monde discutent à bâtons rompus depuis plusieurs décennies. Ces dernières années les unités combattantes elles-mêmes ont tenté de tirer les leçons des divers revers qu'elles subissent sur la plupart des terrains d'affrontement où elles sont engagées comme force de police, de gendarmerie dans le monde. Pas plus tard qu'hier, les stratèges de l'armée de Terre des Etats-Unis et du Corps des Marines se sont joints à la meute des analystes pour élaborer une nouvelle "joint doctrine" de la contre-insurrection. On peut lire dans le document publié que les opérations conduites actuellement en Afghanistan et en Irak sont des échecs patents malgré le discours lénifiant de l'administration américaine et de ses alliés qui continuent à distiller leurs mensonges sur la "lutte mondiale contre le terrorisme".

L'armée US dans le monde, une armée comme les autres?

L'hégémonie des USA est tellement grande aujourd'hui - plus de 60% des dépenses mondiales d'armement pour une population estimée à 5% - que c'est l'unique gendarme du monde à avoir divisé la planète en diverses zones de commandements militaires. Comme le montre la carte des "Combatant Commanders", ces commandants sont des sortes de vice-rois concentrant entre leurs mains plus de moyens de destruction que le plus fort des gendarmes de seconde catégorie. Il existe aujourd'hui 6 vice-royautés; dont une concernant l'Afrique qui vient de voir le jour en février 2007: l'United States Africa Command (USAFRICOM), United States Central Command (USCENTCOM), United States European Command (USEUCOM), United States Pacific Command (USPACOM), United States Northern Command (USNORTHCOM) et l'United States Southern Command (USSOUTHCOM).
A toutes ces divisions militaires de la planète pour garantir la paix sociale qui se confond aujourd'hui avec la PAX AMERICANA, il faut encore ajouter 12 porte-avions et les navires qui leur sont associés, constituant de puissantes flottes embarquant avions, commandos et autres troupes de débarquement, contrôlant en permanence non seulement TOUTES les mers du globe mais capables aussi de frapper n'importe quel endroit dans le monde. La 2ème flotte se déploie dans l'Océan Atlantique, la 3ème dans l'océan Pacifique Est, la 5ème du Golfe Persique à la mer d'Oman, la 6ème a en charge toute la Méditerranée et la 7ème flotte se déploie dans le Pacifique Ouest et dans l'Océan Indien.
En plus de ce terrible déploiement de force à travers toute la surface terrestre qui est ainsi structurée comme un vaste camp militaire, s'ajoute un réseau de plus de 700 bases militaires aux mains du Pentagone constituant ainsi les maillons d'un véritable filet qui emprisonne le prolétariat mondial dans une puissante camisole de force.

"L'armée britannique à bout de souffle", titre paru à diverses occasions dans la presse britannique.

Malgré une coûteuse campagne publicitaire en 2006 qui n'a permis de recruter qu'environ 600 nouveaux soldats britanniques, l'Armée territoriale de Sa Majesté a vu plus de 6.000 fantassins quitter ses rangs l'année passée. Selon un rapport officiel publié récemment, l'Armée de terre britannique totalise maintenant 35.000 soldats -son plus faible effectif depuis 1907 date de sa création officielle- dont seulement 12.000 opérationnels pour intervenir en renfort au Proche-Orient. Afin de pallier à ce grave déficit, il est prévu qu'une "prime de recrutement" de 500 livres (735 euros) soit allouée pour chaque soldat "parrainé" dans la période de Noël 2006. L'armée britannique en est aujourd'hui réduite à transformer tous ses soldats en sergents recruteurs.

Début de crise au sein de l'armée US?

Même les cadres supérieurs ne sont plus à l'abri du défaitisme qui commence à gangréner l'armée des USA. Ehren Watada, un officier supérieur de l'armée de terre, s'est refusé à suivre ses collègues, sur le point de partir pour l'Irak. C'est la première fois qu'un haut gradé américain refuse de servir en Irak, au risque d'être traduit devant une cour martiale.
"Le massacre des civils et les mauvais traitements infligés aux prisonniers constituent non seulement une injustice flagrante, mais aussi une violation des lois militaires", a annoncé cet officier à la presse. "Ma participation dans cette guerre fera de moi un criminel de guerre, ce que je refuse catégoriquement.", a-t-il ajouté.

L'embourbement des troupes US en Irak et celles de l'OTAN, c'est-à-dire de l'ensemble des puissances impérialistes occidentales, en Afghanistan relèvent de la même dynamique. En avril 2003, Bagdad a été prise en trois semaines, car ceux qui étaient prêts à mourir pour Saddam Hussein étaient plus que rares. Un an plus tard, il faut des mois et un déploiement de forces considérable pour vaincre les quelques milliers de prolétaires mal équipés retranchés dans la ville de Fallouja, aussi grande que Montpellier. Face à des armées baignant dans l'idéologie du "zéro mort", les prolétaires qui s'insurgent contre leurs bourreaux n'ont pas peur de mourir les armes à la main et savent infliger des pertes aux mercenaires qui se croyaient invulnérables. Pour prendre un exemple, le corps des Marines américains, déploie plus de 30.000 hommes dans la seule province d'Al-Anbar, à l'ouest de l'Irak depuis 2004, sans parvenir à pacifier cette région. Plus de 700 marines y ont déjà laissé leur peau sans même parler des blessés, des mutilés et la situation s'empire de jour en jour. Face à la plus haute technologie jamais déployée sur un champ de bataille, des moyens artisanaux sont utilisés par les prolétaires pour tuer ces mercenaires, détruire leur moral et leur cohésion comme troupes de répression. En Irak, comme en Afghanistan ou au Liban en été 2006, des "engins explosifs improvisés" (IED en anglais) composés en général d'un obus ou d'une roquette et d'une petite charge explosive devant servir de mise à feu, soit pour à peine une poignée de $, parviennent à faire des dégâts considérables parmi les troupes mercenaires venues faire la police pour la bourgeoisie mondiale. Sur les 3.800 militaires nord-américains officiellement tués en Irak, plus de 800 l'ont été par ce procédé. Alors que les attaque par IED sont passées de 10 par jour en 2004 à plus de 50 en 2006, le Pentagone confirme que les stocks d'obus pillés au lendemain de la chute de Saddam Hussein par les prolétaires permettent de continuer ce type d'attaque pendant au moins 250 ans! Les routes sont devenues tellement peu sûres dans ces régions que les troupes de gendarmerie préfèrent se déplacer en hélicoptères en faisant de petits sauts de puce, de bases fortifiées en bases fortifiées, provoquant l'usure prématurée du matériel. En Irak la majorité des hélicoptères qui s'écrasent aujourd'hui sont plus le fait de pannes intempestives, provoquées par une usure prématurée des machines, que par des tirs ennemis. Face au développement des attaques IED, une course folle a été lancée au sein de l'armée des USA pour blinder au maximum tout ce qui roule: camion, jeep, véhicules de transport de troupes, ambulance, camion-citerne... mais voilà, le complexe militaro-industriel ne parvient pas à fournir, actuellement du moins, autant d'engins qu'il est nécessaire au maintien de l'Ordre là où sont engagés les gendarmes nord-américains. La peur gagne les équipages de ces véhicules qui s'arrangent de plus en plus pour éviter de patrouiller dans des endroits dangereux alors que leur hiérarchie claironne quotidiennement que tout le territoire est sous contrôle. Malgré tous les discours officiels, voilà la réalité des diverses interventions de gendarmerie actuelles. Le prolétariat ne se soumet pas, il résiste aux policiers-mercenaires venus imposer l'Ordre capitaliste. Il faut l'avouer, les Etats-gendarmes sont bien dans la merde, et à commencer par le premier d'entre eux: les Etats-Unis d'Amérique. L'Irak, l'Afghanistan aujourd'hui, comme d'autres régions dans le monde sont au bord de la rupture, comme Haïti, la Guinée(22), la bande de Gaza, la Colombie, l'Asie centrale, la Somalie, etc., et demain? D'où les cris désespérés des militaires du Pentagone relayés par un nombre croissant de pacifistes et de députés démocrates/républicains sur un calendrier de retraite des troupes de ce nouveau Vietnam qu'est devenu en quelques années l'Irak. Mais cela n'est possible que si ladite Résistance devient une alternative crédible capable d'embarquer les prolétaires insoumis dans les chimères du nationalisme, de l'islamisme ou encore d'une mixture hybride de ces deux idéologies. Actuellement on ne voit rien surgir de très consistant de ce côté là, même si le Pentagone est en pourparlers ouverts avec cette Résistance qui annonce à intervalles réguliers s'être unifiée et constituer déjà une équipe de rechange... dans la répression du prolétariat local. Le mélange d'anciens tortionnaires baasistes et de nouveaux croisés islamistes est loin d'inspirer confiance à un prolétariat qui a connu en Irak comme en Iran et en Afghanistan plus de 30 années de répression et de massacres de la part des nationalistes et des mollahs. Le départ des troupes mercenaires d'Irak n'est certainement pas pour demain comme l'a récemment confirmé lors d'une interview dans la presse américaine Hillary Clinton candidate démocrate à la prochaine élection présidentielle qui se jouera dans moins de deux ans.

Alors que la bourgeoisie libre-échangiste avait cru atteindre une invulnérabilité complète et éternelle au lendemain de la chute du "mur de Berlin" en 1989, la voilà aujourd'hui dans une situation qu'elle n'aurait même pas soupçonnée à l'époque: devoir à court terme affronter un, deux, trois... nouveaux Vietnam! Il est évident que la bourgeoisie au niveau planétaire se trouve aujourd'hui devant une impasse avec d'un côté ses illusions policières de pouvoir tout contrôler et de l'autre la résistance du prolétariat à laquelle elle se trouve confrontée dans les régions où elle intervient. C'est cette résistance/lutte des prolétaires sur place qui pousse toujours plus le prolétariat des pays d'où sont issues les troupes d'intervention à ne plus rejoindre les rangs de l'armée.

Alors que la catastrophe capitaliste que nous avons à peine décrite dans les pages précédentes provoque un besoin accru d'envoyer de nouvelles troupes pour assurer la paix sociale à travers le monde, le fait de risquer sa peau provoque une véritable hémorragie dans le recrutement de mercenaires au service de cette politique. Aux USA, le nouveau secrétaire d'Etat à la défense, Robert Gates, a beau lancer un Xème plan de recrutement de plus de 93.000 hommes et augmenter les primes d'embauche qui toutes cumulées frôlent maintenant les 25.000 $, les bureaux d'enrôlement restent désespérément vides quand ils ne se trouvent pas saccagés par des prolétaires opposés au rôle que jouent les USA dans le monde. Pour faire face au manque cruel d'hommes(23), le Pentagone est obligé de faire passer de 12 à 15 mois le temps de présence obligatoire sur le sol irakien des unités nord-américaines avant d'être renvoyées pour un an de repos dans des zones de non-combat. Après avoir recruté à tour de bras dans les prisons US des combattants contre des remises de peine substantielles, c'est la fameuse "green card" qui est agitée devant le nez des candidats à l'immigration pour qu'ils acceptent de revêtir l'infâme uniforme de mercenaire à la solde des exploiteurs. Mais les puissants de ce monde ont beau essayer d'enrôler des crétins pour accomplir leur sinistre besogne, ceux qui reviennent de la débâcle irakienne s'empressent de ne pas renouveler leur contrat. Ainsi, toute une série de cadres, allant du sergent-chef - véritable "gisement d'efficacité" comme les appelle leur hiérarchie- jusqu'à certains capitaines et officiers supérieurs, préfèrent démissionner que de faire partie de l'équipage d'un bateau en train de sombrer.

Sans même parler du nombre croissant de déserteurs qui n'ont même pas attendu la fin de leur contrat pour quitter cette infâme institution d'assassins qu'est l'armée. Les chiffres varient entrent 5 et 15.000 hommes! Et la suite ne laisse vraiment rien présager de mieux. Au moment où nous écrivons ces lignes, l'US Army vient d'acquérir dans le cimetière d'Harlington de la place pour plus de 20.000 nouvelles tombes. Voilà où la bourgeoisie en est aujourd'hui; embourbement et incapacité militaire à gagner diverses guerres de gendarmerie, augmentation des massacres de civils, désertions grandissantes, manque de recrues, augmentation du nombre de blessés ou tués dans les rangs des armées-gendarmes et parmi les mercenaires privés, besoins accrus d'intervention dans le monde, etc.

Même si certaines bribes d'informations circulent dans les grands médias, même si régulièrement d'anciens chefs d'Etat-major US ou britanniques, voire des généraux à la retraite, poussent de temps à autre une gueulante pour nous annoncer de nouveaux Vietnam, l'homme de la rue, l'opinion publique... l'idiot utile au capital est loin de s'en rendre compte dans les pays d'où sont issus les diverses troupes d'interventions. Il faut dire que le contrôle total des médias est une des leçons que le Pentagone a su tirer de la guerre du Vietnam. Ainsi, il parvient à garder tout cela relativement secret alors que sa catastrophe militaire prend des proportions toujours plus abyssales.

Il est évident que cette situation ne peut plus durer éternellement. Les Etats-Unis d'Amérique et ses alliés se trouvent à un tournant et le risque de voir leurs propres troupes se décomposer à court terme devient important. Un autre cauchemar vietnamien est un scénario que le Pentagone a déjà exclu en annonçant être incapable d'y faire face. Il est certain que les mois qui viennent seront cruciaux dans la mise en place d'une véritable solution de sortie des troupes US et alliées du bourbier irakien et afghan. Mais sous quelle forme? Bien malin celui qui aujourd'hui pourrait nous le dire, tant la situation est devenue dangereuse. Le statu quo n'est plus possible, des changements dans la façon de gérer cette force de travail excédentaire, que la guerre aurait dû éliminer physiquement, devront être envisagés. Mais lesquels? Quelles sont les possibilités réelles pour le capital de poursuivre son cycle de valorisation-dévalorisation, tout en jugulant le spectre qui le hante, la révolution prolétarienne?

3. EN GUISE DE CONCLUSION PROVISOIRE

Tout au long de cette balade sous le soleil noir du capital, nous avons tenté d'aborder la catastrophe capitaliste sous l'angle du vécu quotidien du prolétariat à travers toute la planète en donnant une série d'exemples concrets. Cela nous semble important de mettre une réalité sur des mots et de ne pas se contenter d'énoncer simplement ce qui est. Cette catastrophe est si profonde aujourd'hui qu'elle est devenue immédiatement palpable, visible et se condense dans tous les aspects de la vie des prolétaires; dans le travail en premier: jamais il n'a été aussi pénible, destructeur et aussi peu rémunérateur. La nourriture ensuite, toujours plus dégradée et contaminée à un tel niveau qu'elle tue autant, si pas plus, qu'elle ne nourrit. Les conditions d'habitat elles aussi, ont sans doute atteint des niveaux de merdification inconnues jusqu'à présent, nous les avons longuement décrites. Les maladies encore, toujours plus virulentes et massives, détruisant, broyant des milliers de vies. Les guerres aussi, toujours plus généralisées et destructrices. Le biotope enfin, qui sert de cadre de vie pour notre espèce, toujours plus dégradé, toujours plus dangereux, toujours plus empoisonné... annonçant pour les décennies qui suivent la possibilité même de sa disparition provoquant la fin de tout ce qui vit à la surface du globe. Bref, le capitalisme de manière visible et palpable se présente pour une masse croissante de prolétaires à travers le monde pour ce qu'il est: une véritable apocalypse, un enfer. On pourrait allonger à l'infini sa description pour en arriver aux mêmes conclusions, le capital a fini par exacerber à un niveau inouï la plupart de ses propres contradictions et surtout la plus essentielle, la production d'une classe sociale pléthorique dont il ne sait que faire face aux nécessités actuelles de sa propre valorisation-dévalorisation. Aujourd'hui, il y a trop de capitaux qui n'arrivent plus à se valoriser, la dévalorisation frappe partout y compris parmi le capital variable, les prolétaires. Et comme Marx le soulignait dans le Manifeste du Parti Communiste: "Comment la bourgeoisie vient-elle à bout des crises? D'une part, par l'anéantissement forcé d'une masse de forces productives; d'autre part, par la conquête de marchés nouveaux et l'exploitation plus rigoureuse des marchés anciens. Donc comment? En préparant des crises plus générales et plus formidables et en diminuant les moyens de prévenir les crises."

Paupérisation généralisée, conditions d'exploitation toujours plus dures, épidémies, empoisonnement généralisé de l'air, de l'eau et de la nourriture, famines, généralisation de la guerre... c'est par ces moyens que la destruction massive du prolétariat se produit actuellement. Cette force de travail excédentaire, ce prolétariat en trop, la bourgeoisie arrive encore -pour l'instant- à le contrôler, à le discipliner, à le dresser, à le faire travailler, à le syndiquer, à lui faire accepter sont sort... à le faire crever dans des camps, dans des guerres... mais comme on le constate jour après jour, le processus de valorisation-dévalorisation s'emballe et appelle à de nouvelles guerres, toujours plus grandes, toujours plus puissantes. L'ogre capitaliste vocifère aux oreilles de ses gestionnaires, il a soif, il a besoin de toujours plus de sang, son appétit de cadavres se fait toujours plus démesuré. La mort des prolos excédentaires et la destruction massive de capitaux incapables de se valoriser sont à l'ordre du jour de l'agenda capitaliste pour relancer un nouveau cycle de croissance. Pour le capital, les guerres locales ne suffisent plus, il faut les GENERALISER! Il en va de la survie même du capital.

Dans cette spirale de destruction, tout finit par craquer et les digues qui devaient contenir cette énorme force productive inemployée commencent ostensiblement à se fissurer, à se lézarder de toutes parts. Les générations précédentes de gestionnaires du capital n'ont finalement, par toute une série de trucs et d'astuces, que reporté la crise, la catastrophe à plus tard, la rendant encore "plus générale et plus formidable", comme le disait Marx plus haut. Il n'y a plus un endroit sur cette maudite planète qui ne soit épargné par l'apocalypse capitaliste. Comme nous l'avons décrit, la merde est partout et atteint des sommets jusqu'alors inégalés. La catastrophe s'exprime avec une énorme puissance partout, même parmi les prolétaires enrégimentés pour mâter leurs frères de classe qui commencent à douter, à se poser des questions et/ou à essayer de sauver leur peau. La bourgeoisie se trouve confrontée à divers bourbiers dont elle a de plus en plus de mal à s'extraire.

On pourrait sans aucun problème décrire encore la catastrophe capitaliste sous d'autres angles comme par exemple celui de la finance, des crédits, de la bourse et du dollar... on y retrouverait les mêmes lézardes, les mêmes fissures, les mêmes craquements d'un monde qui n'en finit pas de crever, d'agoniser tout en continuant à se représenter dans une image lisse et sublimée de lui-même. La bourgeoisie libre-échangiste avait cru se permettre après 1989 tout ce qu'elle n'avait jamais osé imaginer auparavant. Ivre de puissance, elle nous avait même annoncé la "fin de l'Histoire", mais voilà l'histoire des luttes de classes l'a rattrapée et lui fait comprendre que toutes les histoires ont une fin, à commencer par la sienne. Tel un vieillard assis sur le bord de la route, la bourgeoisie est prise d'un énorme doute sur elle même, "et si c'était la fin?", se demande-t-elle alors qu'au même moment il commence à distinguer dans la brume du lointain un jeune enfant vigoureux qui, à chacun de ses gigantesques pas, se rapproche de lui, se transformant en un homme toujours plus fort, toujours plus puissant, toujours plus robuste et lui dit d'un ton ferme: "Allons vieil homme, il est temps de mourir!" Mais aujourd'hui, même si nous apercevons le spectre de ce qui hante la bourgeoisie mondiale, nous n'en sommes pas encore là...

Il est évident que les contradictions qui minent le capitalisme devront encore s'approfondir, s'exacerber pour atteindre de nouveaux sommets avant de voir l'émergence d'une véritable situation révolutionnaire. Nous en sommes aujourd'hui encore à essayer d'en décrire que les prémisses. Mais comme l'écrivait déjà, le militant communiste Anton Pannekoek en 1934:

"Le mouvement ouvrier n'a pas à attendre une catastrophe finale, mais beaucoup de catastrophes, des catastrophes politiques ­comme les guerres- et économiques ­comme les crises qui se déclenchent périodiquement, tantôt régulièrement, tantôt irrégulièrement, mais qui dans l'ensemble, avec l'extension croissante du capitalisme, deviennent de plus en plus dévastatrices. Cela ne cessera de provoquer l'écroulement des illusions et des tendances du prolétariat à la tranquillité, et l'éclatement de luttes de classe de plus en plus dures et de plus en plus profondes. Cela apparaît comme une contradiction que la crise actuelle ­plus profonde et plus dévastatrice qu'aucune auparavant- ne laisse rien entrevoir de l'éveil d'une révolution prolétarienne. Mais l'élimination des vieilles illusions est sa première grande tâche... Des luttes sérieuses ne peuvent pas ne pas venir. La crise présente peut bien se résorber, de nouvelles crises viendront et de nouvelles luttes. Dans ces luttes, la classe ouvrière développera sa force de combat, reconnaîtra ses objectifs, se formera, se rendra autonome et apprendra à prendre elle-même en main ses propres destinées, c'est-à-dire la production sociale. C'est dans ce processus que s'accomplit le trépas du capitalisme. L'auto-émancipation du prolétariat est l'écroulement du capitalisme."

L'auto-émancipation du prolétariat est l'écroulement du capitalisme.

Notes

1- A titre d'exemple, l'armée des USA a conduit 10 opérations majeures de 1950 à 1989 et 25 entre 1990 et 1997.
2- La liste serait bien trop longue à égrener des Etats qui ont quasiment disparu de la surface du globe: Yougoslavie, République Démocratique Allemande, Tchécoslovaquie, URSS, Somalie, Zaïre, Soudan, Irak, Afghanistan, Yémen du Nord, du Sud...
3- Erhard Berner, "Defending a Place in the city of Manilla", Quezon City, 1998.
4- "Le Pire des Mondes Possibles" de Mike Davis, aux éditions La Découverte, 2006.
5- David Keeling, "Buenos Aires: Global Dreams, Local Crises", 1996.
6- "Displacement and war in urban centres, Colombia regional report: Bogota", décembre 2002.
7- Plus de 70% d'après les statistiques de l'ONU! On est vraiment loin des caricatures tiers-mondistes.
8- Washington Post du 26 août 2002.
9- "A Water pollution crisis in the Americas", Suzanna Taschner, 2003.
10- "Document de travail du groupe de recherche Finance et Développement", Banque mondiale, janvier 2000.
11- Nandini Gooptu, "The politics of the urban poor in early twentieth-century India", Cambridge, 2001.
12- Notes électorales du Parti Démocrate, février 2004.
13- Littéralement "Trois coups et vous êtes hors-jeu". Il suffit d'accumuler trois condamnations, même les plus petites, comme la possession d'un gramme de marijuana, pour se retrouver condamné à plus de 25 ans incompressibles.
14- Helen Basili, "Demolition the Scourge of the urban poor", mai 2000.
15- Gauchistes et autres tiers-mondistes ne voient la catastrophe engendrée par le capital que comme une simple question de gestion et/ou d'exploitation entre pays riches et pays pauvres, entre nations du Nord et du Sud. Dans leur misérable compréhension du capital, les classes sociales disparaissent et une simple taxe sur les flux financiers mondiaux (taxe Tobin-ATTAC) suffirait à rééquilibrer la balance. Encore et toujours la même version d'un capitalisme à visage humain, plus égalitaire, sans guerre, sans prison et sans exploitation. Bref l'Utopie du Capital.
16- Pour utiliser un néologisme qui n'est qu'une version plus militarisée de la version soft connue sous le nom de cocooning: chacun chez soi, isolé des autres pour le plus grand bien de cette société marchande devenue un véritable bagne étendu à toute la planète.
17- voir www.electerrific.co.za.
18- Dennis Rodgers, "Crime, insecurity and spatial organization in Managua", octobre 2004.
19- "Si aujourd'hui, la Commission européenne présente les grandes lignes de la riposte au terrorisme, hier son président y est allé d'une comparaison inattendue. Le terrorisme fait partie des risques de la vie contemporaine, a-t-il déclaré à Lisbonne. Il a souligné que les accidents de la route au Portugal font plus de morts que n'importe quel attentat terroriste". Dépêche de l'AFP. Autre exemple allant dans le même sens, selon le directeur de l'Institut d'Assurance Nationale israélien, responsable des paiements des compensations aux victimes de terrorisme, 66 civils israéliens sont morts de terrorisme en 2006. Sic!
20- Major Ralph Peters, "Our soldiers, their cities", Parameters, Army War College, 1996.
21- Al Gore, l'ex-vice-président sous Clinton, est un de ces bourgeois convaincus qu'il faut changer le monde pour le garder comme il est. Dans ses conférences internationales (où il exige quand même d'être payé 100.000$ l'unité), il explique aux hommes d'affaires et aux dirigeants de ce monde qu'après avoir réchauffé la planète pendant plusieurs décennies, le capitalisme pourrait faire autant de bénéfice ­si pas plus- s'il s'investissait à la refroidir. Un nouveau marché se crée et Al Gore, Nicolas Hulot, Joseph Stieglitz en sont leurs prophètes. Alléluia!
22- Voir notre article "Lutte de classes en Guinée Conakry" dans cette même revue à la page 26.
23- Il y a en Irak moins de troupes que de policiers dans les rues de New York pour assurer le maintien de l'ordre dans des conditions bien plus difficiles et pour une population bien plus nombreuse. Il en va de même en Afghanistan où l'OTAN a réussi avec d'énormes difficultés à envoyer un contingent quatre fois inférieur à celui des soviétiques dans les années 1980.




 

Lutte de classes en Guinée Conakry

En janvier 2007, suite à l'annonce d'une nouvelle hausse des produits de première nécessité, une grève générale paralyse la Guinée Conakry, petit pays de dix millions d'habitants, à l'Ouest de l'Afrique, au cri emblématique de "Changement!". Le gouvernement, dirigé depuis plusieurs décennies par Lansana Conté, proclame aussitôt l'état d'urgence, la loi martiale, le couvre-feu. Contrôle total de l'information (fermeture des radios, journaux, cybercafés, etc., qui ne sont pas aux ordres), quadrillage de la capitale Conakry, arrestations. Le bilan de la répression de ces 18 jours de lutte est lourd: plusieurs centaines de morts, des centaines de blessés, de multiples emprisonnés souvent torturés. Dans les jours qui suivent, les exactions, viols, brutalités, etc., coutumières aux forces de l'ordre s'intensifient.

Mais le mouvement, nourri de longues années d'humiliation et de misère, est puissant: ces premières balles ne peuvent l'arrêter. Un accord syndicats-gouvernement, le 27 janvier, fait retomber la lutte en promettant la nomination d'un nouveau premier ministre censé symboliser le "changement". Mais celui-ci, Eugène Camara, un proche de Conté et tout aussi corrompu que lui, cristallise la haine des prolétaires, en particulier les jeunes, qui refusent de reprendre le travail et continuent de s'organiser.

Dès le 9 février, la lutte reprend: les prolétaires ne se contentent plus de défilés moutons; il y a des barricades à Conakry et des affrontements avec la police. Le 10, la voiture de Conté est caillassée par des lycéens, qui le payent de deux morts. A Kankan, des prolétaires tuent un militaire qui venait de leur tirer dessus. A Labé et Pita, les bureaux des préfets sont incendiés. A Siguiri, l'hôtel du ministre de l'économie est brûlé et les insurgés tentent de prendre d'assaut la prison pour libérer leurs camarades emprisonnés! Dans beaucoup de villes, des barricades sont dressées, de riches villas, des bâtiments officiels et des commissariats sont attaqués, saccagés, brûlés. Dans certains endroits les prolétaires ont attaqué des postes de police et des commissariats pour y prendre des armes. "Des édifices publics pillés, des magasins vandalisés, des voitures mises à sac inutile de revenir ici sur les détails des incidents intervenus dans la quasi-totalité des villes du pays", déplore un pisse copie de Guinée Conakry Info.

Le mouvement est tellement fort qu'il contamine même les forces chargées de le réprimer. Ainsi, le 12 février, malgré l'augmentation de la solde pour tous les militaires du pays, en réponse à un mécontentement de plus en plus général, des soldats du camp d'Alpha Yaya (proche de la capitale), désertent et rejoignent le camp des manifestants, avec armes et munitions.

Forces et faiblesses du mouvement

Toute la bourgeoisie est parfaitement consciente que le mouvement a dépassé les forces traditionnelles d'encadrement du prolétariat et qu'il y va de la survie de la paix sociale dans la région et donc de la sauvegarde de ses intérêts économiques de trouver une solution rapide. La bourgeoisie table, comme toujours, sur la terreur ouverte et les négociations.

Aux balles des soldats et flics chargés de nous réprimer, que le prolétariat en lutte identifie facilement comme ses ennemis, s'ajoutent d'autres balles, pernicieuses et puissantes, politiques celles-là et qui tendent à nous détourner de nos objectifs de classe, nous diviser, nous affaiblir, nous faire renoncer à la lutte. La réalité de notre lutte en Guinée Conakry a montré que contre ces forces bourgeoises de divisions, le prolétariat à réussi à reconstruire son autonomie de classe, en l'imposant aux structures étatiques et aux gendarmes censés les défendre. Le prolétariat s'est affirmé comme classe!

Ce ne sont pas des travailleurs qui luttent, ni des peuples, des pauvres, des jeunes, des chômeurs, des surexploités, des masses opprimées, des instituteurs, des banlieusards, des exclus, des membres de l'opposition, des maoïstes, des paysans, des syndicalistes, des militants islamistes, des Chiites, etc., etc. Non, c'est le prolétariat, qui, une fois de plus, lutte contre les mêmes causes qui partout sur terre produisent les mêmes effets. Le capitalisme est depuis plus de cinq siècles un mode de production qui domine la planète entière. C'est à ce niveau qu'il a pu développer son marché, ses industries, ses bourses, ses banques, ses commerces, ses idéologies mais aussi son fossoyeur, le prolétariat, qui, dans cette gigantesque fabrique à produire de la plus-value, en tant que dernière classe exploitée de l'histoire, est contraint de le détruire de fond en comble et définitivement.

Ces prolétaires redeviendront des peuples, des pauvres, des exclus, etc., etc., quand ils auront cessé la lutte... provisoirement. Ils redeviendront une partie de ces catégories bourgeoises qui les définiront, qui définiront leur état de prolétaires en non-lutte. Mais dès qu'ils luttent, ils envoient balayer ces cadres restreints et restreignant: ils sont le prolétariat. C'est pourquoi, leur lutte est affaiblie par la non-lutte de leur frère de condition, les prolétaires du monde entier. Chaque poussée révolutionnaire souffre du manque de soutien réel du reste de la classe. La bourgeoisie l'a bien compris qui dépense une énergie énorme à dénaturer sans cesse notre identité réelle de classe unique, mondiale.

C'est pourquoi nous dénonçons la passivité du prolétariat en France par rapport à la répression en Côte d'Ivoire en 2004(1)  et en Guinée Conakry, organisée, dirigée, armée, appuyée militairement par la France, avec le soutien des citoyens électeurs et patriotes. Si la majorité des prolétaires en France restent sur le terrain de la citoyenneté, leur responsabilité dans la répression que "leur" pays mène aux quatre coins du globe est engagée.

Se solidariser avec les luttes de nos frères de classe en Guinée Conakry, c'est lutter ici contre notre propre bourgeoisie.

1- En développant la lutte pour nos seuls intérêts de classe partout car le capital est mondial. Affaiblir la bourgeoisie guinéenne, c'est par exemple, attaquer la bourgeoisie française, sans laquelle elle ne tiendrait pas. Cette compréhension de la solidarité prolétarienne directement internationaliste, sans courroie de transmission raciste, syndicaliste, humanitariste jette aux poubelles l'activité de nombreux groupes, s'auto-définissant révolutionnaires, qui glorifient de façon idéaliste les mouvements violents en Afrique, mais crachent quand ceux-ci atteignent, même de façon modérée, les métropoles occidentales, comme dans les banlieues françaises en 2005. C'est l'internationalisme prolétarien en actes, pas en paroles ni en spectacle, que nous devons développer à travers le monde!

Frère de classe, si tu veux être solidaire de nos frères qui se battent pour détruire le vampire capitaliste mondial, il faudra que tu fasses tien le mot d'ordre lancé par Karl Liebknecht en 1915, en plein carnage: TON ENNEMI EST DANS TON PROPRE PAYS, C'EST TA PROPRE BOURGEOISIE!

2- En faisant connaître ces luttes, contre l'apologie tiers-mondiste et a-critique, et leur réduction à une lutte de lumpen, de sous-prolétaires, de paysans, etc., qui auraient besoin des lumières socialistes occidentales, comme certains eurorascistes, autoproclamés révolutionnaires, nous le laissent croire dans ce qu'ils relatent de ces évènements... mais de manière critique car les leçons qu'on en tire ont une validité générale. Notre classe est une, elle est mondiale, nous ne le répéterons jamais assez contre tous ceux qui tentent de la diviser, de lui trouver partout des programmes différents à suivre avec pour finalité de l'empêcher de s'unir en une unique force compacte pour abattre ce Vieux Monde à l'agonie. Notre classe n'a aucun intérêt particulier à défendre, aucune spécificité régionale, culturelle, raciale ou autres fadaises, développées par la contre-révolution depuis des lustres pour nous tromper car comme disait notre camarade Karl Marx, en 1844, dans la "Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel":

Le prolétariat forme "une classe avec des chaînes radicales, une classe de la société bourgeoise qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, une classe qui soit la dissolution de toutes les classes, une sphère qui ait un caractère universel par ses souffrances universelles et ne revendique pas de droit particulier, parce qu'on ne lui a pas fait de tort particulier, mais un tort en soi, une sphère qui ne puisse plus s'en rapporter à un titre historique, mais simplement au titre humain, une sphère qui ne soit pas en opposition particulière avec les conséquences mais en opposition générale avec tous les présupposés du système politique allemand, une sphère enfin qui ne puisse s'émanciper de toutes les autres sphères de la société et sans par conséquent les émanciper toutes, qui soit, en un mot, la perte complète de l'homme et ne puisse donc se reconquérir elle-même que par le regain complet de l'homme. La décomposition de la société en tant que classe particulière, c'est le prolétariat."

On ne peut analyser les forces et les faiblesses d'un tel mouvement que si on le replace dans les perspectives historiques du prolétariat mondial. Une des faiblesses principales de tout mouvement de classe actuel, c'est son isolement. Trop souvent les prolétaires qui se battent dans une région du monde se retrouvent seuls contre toutes les forces de la contre-révolution mondiale, sans avoir le soutien de leurs frères de classes. A leur lutte, c'est l'indifférence qui répond, laissant l'espace à la bourgeoisie d'organiser une mascarade de solidarité. Trop rarement le reste des prolétaires dans le monde prend la véritable mesure de ce qui se passe; la bourgeoisie massacre leurs frères de classe dans une indifférence quasi générale. C'est tragique!

Si nous analysons les vagues de lutte de notre classe sociale, que ce soit 17-21 ou 68-74 au siècle dernier, nous savons qu'arrive un moment où les luttes s'unifient au-delà des frontières, et que ce dépassement des barrières nationales que la bourgeoisie impose pour maintenir sa domination de classe, constitue un pas qualitatif immense et nécessaire dans la guerre de classe. Actuellement, les conditions de plus en plus atroces de survie de prolétaires de plus en plus nombreux les poussent à des luttes, porteuses de ce dépassement. Il est une nécessité pour le combat historique de notre classe de centraliser ces diverses expériences pour qu'elles renforcent notre classe au niveau mondial. La richesse de nos analyses englobera les forces et les faiblesses de ces luttes, les deux nous sont utiles.

Si nous constatons une grande massivité du mouvement et le débordement des cadres habituels de négociations, on déplorera qu'il soit resté, pour ce que nous en savons en tout cas, dans le cadre étroit du pays. Mais cette limite au mouvement n'est pourtant pas l'expression d'un nationalisme à tout crin. On n'a pas vu, par exemple, en Guinée Conakry, des manifestations puissantes se réclamant du vieux dictateur pourri. On n'a pas vu le prolétariat demander la nationalisation des mines de bauxite ou de diamant. On ne l'a pas vu se prosterner devant telle ou telle personnalité réformiste.

Réclamer le départ de Lansana Conté est juste et fort, parce que celui-ci symbolise la misère qui pèse, lourde et brutale, sur les prolétaires en Guinée Conakry. Parce que ce salaud moribond de 73 ans cristallise leur haine, parce qu'il est le vrai représentant local de la bourgeoisie mondiale et n'est pas qu'un vulgaire fantoche. Mais les prolétaires en Guinée avancent à pas de géant dans la lutte, leur naïveté tombe comme un masque et les leçons qu'ils lisent dans le sang versé par leurs frères s'inscrivent en eux pour longtemps. Allez demander aux proches des prolétaires tombés à Conakry, en janvier ou février de cette année, s'ils ne souhaitent que le départ de leur "dictateur" à eux! D'ailleurs, il est déjà quasi mort, en tout cas très malade depuis un an au moins (leucémie, diabète). C'est bien pratique pour la bourgeoisie (occidentale bien sûr, mais pas uniquement) de résumer le mouvement de lutte à ce mot d'ordre brandi avec vigueur par nos camarades. Prenons un exemple: les curés gauchistes ne souhaitent, à l'instar du Groupe Communiste Révolutionnaire Internationaliste (les lecteurs avertis n'omettront pas de mettre les guillemets d'usage à toutes ces prétentions auto-satisfaites), que "trouver une issue positive au soulèvement", c'est-à-dire des élections libres, le départ de Lansana Conté et l'arrêt des négociations avec son gouvernement... en fait une solution dans le cadre du capitalisme!

Quelle chance pour les bourgeois de compter sur de tels appuis, staliniens honteux, qui dirigent notre haine vers des voies de garage, prélude et préparation aux futurs massacres. Non et non, le simple départ de Conté ne changera rien au cirque, si les rapports sociaux d'exploitation ne sont pas supprimés, ici comme partout. Nous avons mille exemples de changement (par élections "libres", comme en France cette année, ou coups d'Etat, comme en Algérie en 1991) de personnel au sommet de l'Etat, qui prouve l'incroyable souplesse de nos maîtres, et qui ne fait pas avancer notre mouvement d'un pas, ni ne transforme notre condition de prolétaire, d'exploité. Au contraire, si cette mesure semble conforter les prolétaires en lutte, leur donner satisfaction, elle contribuera alors à les illusionner. Le cas d'Evo Morales, en Bolivie, est un exemple frappant.

Nous savons que ce mot d'ordre exprime bien plus que le départ du salaud Conté, il exprime le ras-le-bol général du prolétariat des conditions plus que misérables de son existence: la faim, la misère, la vie sans eau ni électricité, le chômage, le travail sous-payé, la peur... Mais il sert de frein, de miroir aux alouettes, à beaucoup de nos frères en lutte et en ce sens il doit être dépassé et critiqué.

Nous avons vu d'autres exemples où ce type de mot d'ordre a servi et de moteur et de frein à la lutte. De moteur car il unifie des millions de prolétaires sur une mesure radicale et non respectueuse du civisme que les bourgeois aiment qu'on respecte, et de frein car une mesure spectaculaire qui entrave, dès qu'elle est effectuée, la continuation de la lutte. La bourgeoisie répond à ce type de mot d'ordre de façon différente selon les cas, car elle agit, elle, toujours selon notre réelle force:

- Ainsi, les prolétaires au Népal eux aussi ont réclamé, en 2006, le départ du roi Gyanendra. La bourgeoisie, là, a du proposer comme alternative une monarchie constitutionnelle... et le mouvement est retombé... pour l'instant! (2)

- Ainsi, toujours en 2006, à Oaxaca, au Mexique, le mouvement s'est, en partie, fixé, cristallisé, crispé sur le départ du gouverneur de l'Etat, Ulises Ruiz Ortiz, (URO)... toujours aux commandes, toujours soutenu par le pouvoir central à Mexico. Là aussi cette figure importante de notre haine ne mérite qu'une balle perdue, là aussi ce sont nos frères qui sont morts dans les batailles de rue. Mais contre URO et tous les autres, la guerre de classe n'est pas finie!

Les incessants changements d'exploiteurs ne changent rien à nos conditions d'exploitations. Le communisme ne fait pas la guerre aux hommes, comme disait un autre de nos camarades, Michel Bakounine, mais à un mode de production terroriste qui produit la guerre et la misère en permanence. Peu importe finalement qui est aux commandes pour nous imposer encore plus de sacrifices, c'est le mode de production, le capitalisme qu'il faut dynamiter dans son ensemble!

A bas tous les gouvernements, tous les Etats, et tous ceux qui se présentent pour gérer nos effroyables conditions de vie!

Une autre faiblesse de notre lutte en Guinée Conakry réside dans la confiance dans les syndicats, qui reste le piège numéro un. Ce sont les deux principales centrales syndicales, l'USTG et la CNTG, qui ont lancé le mot d'ordre de grève en janvier 2007. Mais c'était pour négocier le prix de la force de travail, pas pour tout foutre en l'air! Ils ont reconnu à plusieurs reprises avoir été dépassés par les événements et tout naturellement réclament la paix sociale. Voici ce que déclarait le leader de l'USTG, Ibrahim Fofana, le 21 février, à la table de négociation avec les tortionnaires: "Nous sommes venus pour qu'ensemble, nous puissions contribuer à faire lever l'état de siège, mais aussi à faire en sorte que nous allions tous dans le sens de l'apaisement." En Guinée Conakry comme partout ailleurs, nous le voyons encore une fois, les syndicats sont bien les flics du patronat! Ils représentent bien un pilier de l'Etat, ils sont l'Etat, contrôlant la classe ouvrière, la dirigeant vers les ornières au bout desquelles les soldats les attendent.

Certains démocrates occidentaux déplorent que ces braves syndicalistes soient réprimés comme de vulgaires prolétaires. Et il est un fait que certains leaders syndicaux, comme d'autres syndicalistes de base, souffrent aussi de la répression. Certains se sont même fait torturer. Combien sont-ils encore en prison? Mais cette réalité, ils la retournent contre nous et nos intérêts. Ils en profitent pour mettre la main sur le mouvement avec un prestige renforcé. Ainsi la populaire Rabiatou Serah Diallo, secrétaire générale de la CNGT, participe aux manifs en première ligne, se fait tabasser... Une certaine forme de lucidité lui fait déclarer: "Je suis femme et mère de six enfants. Quand je mets le feu, c'est sous la marmite pour nourrir mes enfants. Mais la marmite est vide et c'est cela qui met le feu au pays". Sa pratique au sein de la lutte en Guinée, sa tournée européenne au printemps, une certaine détermination font que la contre-révolution lui fait une place de choix et l'invite à participer à la gestion étatique de la force de travail locale après pacification! Nelson Mandela en Afrique du Sud n'a-t-il pas été un prisonnier politique torturé pendant vingt ans avant de devenir ce merveilleux président noir, si télégénique, tant aimé des démocrates du monde entier?!

Cet épisode de janvier-février dernier faisait suite à une série de luttes, depuis deux ans, en Guinée Conakry: en novembre 2005, ainsi qu'en mars, mai et juin 2006, des grèves générales ponctuelles ou de plusieurs jours avaient entravé la bonne marche du système. La répression de ces luttes avait déjà fait plusieurs dizaines de morts. Ces grèves furent lancées à chaque fois par les syndicats, courant derrière ­ pour mieux la récupérer ­ notre force combative. Mais la combativité et la continuité des syndicalistes de base, leur répression aussi, leur a forgé une reconnaissance que leur accorde un grand nombre de prolétaires. Cette aura leur permet de dévier nos mouvements vers la réforme, la conciliation, parce qu'ils en prennent résolument la tête. Si nous ne les en empêchons pas, si nous ne radicalisons pas nos luttes, alors nous abandonnons leur direction aux syndicats, et, en France comme en Guinée ou ailleurs, l'échec est assuré.

Mais les fameuses élections libres, la participation à la vie politique, etc., qui en a vu l'ombre d'un début? La répression brutale de janvier-février a permis aux prolétaires de relativiser les pièges grossiers de conciliation prônés par la mouvance syndicale et politicarde... guinéenne et internationale. Les promesses n'ont pas trompé les prolétaires. Ils n'y croient pas, dans leur immense majorité. D'ailleurs, à l'heure actuelle, elles n'ont toujours pas eu lieu! Malgré les millions d'euros et de dollars d'aide de la bourgeoisie mondiale (UE et Japon), les élections ont été reportées "sine die" par toutes les parties en présence, les conditions de sécurité n'étant pas réunies! C'est donc bien par peur des réactions du prolétariat à ces tromperies qu'elles sont reculées.

La continuité de mécontentement, de luttes et de grèves depuis deux ans, l'intensité de la lutte, l'assumation de cette tâche centrale, l'armement, la constitution en force de notre classe, la direction de plus en plus assumée vers un soulèvement insurrectionnel sont la marque d'un prolétariat qui n'est pas arrivé au bout de son mouvement. La répression de ce début d'année aura suffi à faire rentrer les prolétaires dans l'ordre. Jusqu'à quand?

Nous avons vu qu'en divers endroits les prolétaires ont attaqué des centres de terreur (gendarmeries, bureaux de police, etc.) pour s'armer, avant d'y foutre le feu! Voilà une direction forte donnée au mouvement. Les prolétaires les plus clairs, les plus déterminés ne ravalent pas leur haine, ils ne l'étouffent pas, ils la dirigent contre nos maîtres et nos tortionnaires, ils s'organisent contre toutes les forces réformistes et les idéologies pacifistes, ils impriment une direction révolutionnaire au mouvement. Voilà une réponse humaine à ces années de misère et d'humiliation quotidienne. Par ces actions armées, le prolétariat se met en meilleure posture pour s'affronter aux soldats. Alors les faiblesses pacifistes sont dépassées. L'antagonisme de classe se simplifie, se clarifie. On voit mieux l'inhumanité de nos maîtres et la férocité de leurs chiens de garde, toutes fractions confondues. Ces actions donnent une idée de la puissance du mouvement de lutte qui est arrivé à dissoudre certaines forces de répression... signe pour nous d'un aspect du défaitisme révolutionnaire. En effet ces prolétaires du camp d'Alfa Yaya, rejoignant le combat de classe, expriment un niveau de décomposition de l'armée bourgeoise.

Il est certain que la lutte n'est pas tout de suite arrivée à cette intensité d'affrontement. Il a fallu que notre classe se fasse massacrer sans broncher pour qu'elle tire les leçons et les applique aussitôt. En janvier, une manifestation qui arrivait à la capitale, Conakry, est arrêtée, sur un pont, par un barrage de police. Les premiers rangs s'agenouillent et lèvent les mains en l'air. La police tire dans le tas et les écrase avec un camion militaire. Ces prolétaires se sont fait massacrer parce qu'ils n'avaient pas d'armes, encore englués par l'idéologie pacifique qui les mettait dans une position de soumission, d'offrande aux coups de ces êtres déshumanisés que sont les soldats. Cette manifestation était encadrée et dirigée par les syndicats qui la voulait simple "marche pacifique".

Nous avons vu d'autres jeunes prolétaires utiliser des cailloux pour chasser le tyran de leur école et y laisser deux morts par balles. Ne sont-ce pas ces prolétaires-là qui ont attaqué les centres de répression pour récupérer les armes et s'en servir?!

Même si l'armement du prolétariat, en Guinée Conakry, selon ce que la presse bourgeoise a laissé filtrer en tout cas, est resté insuffisant, force est de reconnaître qu'il y a eu un niveau d'affrontement très fort et qu'un grand nombre de prolétaires ont fait leur cette leçon vitale: force contre force, armement du prolétariat, attaque des centres de répression, non-respect des règles bourgeoises, actions offensives contre manifs pacifistes, etc. Globalement le mouvement de lutte en Guinée Conakry est violent et contraste avec beaucoup d'autres mouvements de par le monde, gangrenés par le pacifisme. Avoir éprouvé dans la réalité de la lutte que notre violence de classe nous renforce, jusqu'à faire vaciller le pouvoir qui quelque temps plus tôt semblait tout puissant, que cette violence, non pas diffuse et brouillonne mais organisée, nous permettra de renverser définitivement ce monde de misère est une leçon qui ne s'éteindra pas de sitôt. Elle s'est inscrite dans la chair de trop nombreux prolétaires.

Les manifestations pacifiques qui finissent par des bains de sang servent uniquement aux bourgeois en place qui savent que la terreur effective, cinétique, est nécessaire pour terroriser un prolétariat qui se réveille. Les pièges politiques que les diverses fractions d'opposition nous lancent dans les jambes ne pèseraient pas lourds s'il n'y avait cette menace bien réelle du carnage terroriste des divers corps de répression. Dans cette dialectique répressive, il arrive un moment où la bourgeoisie en place, ici la clique à Lansana Conté, a intérêt à faire jouer les mécanismes de représentation moins brutaux, aux allures plus conventionnelles, qu'on connaît bien: toutes les facettes du jeu démocratique. Mais en janvier-février, en Guinée Conakry, la bourgeoisie pouvait se permettre de tirer dans le tas. Si cette répression brutale a attisé le feu de la haine des prolétaires qui redoubla et tendait à devenir sans concession, ôtant momentanément tout pouvoir aux bouées de sauvetage réformistes... force est de reconnaître que la lutte n'a pas permis même de renverser le vieux pourri. Il a suffi qu'un premier ministre moins corrompu soit nommé pour que le mouvement retombe.

Mais notre victoire se comptera en défaites successives jusqu'au renversement violent et complet de ce système inhumain. Notre victoire ce sont les leçons tirées par le prolétariat mondial de cette lutte intransigeante et auquel participe modestement cet article. Notre victoire ce sont les délimitations programmatiques qu'elle permet de vérifier une fois de plus: unicité de la classe au niveau mondial, décantation encore plus claire d'avec les politiciens de tous poils qui nous vendent du culturellement et du sociologiquement correct, en bref les racistes honteux. Notre victoire c'est de vérifier qu'en Guinée Conakry comme ici, les syndicats sont nos ennemis, même et surtout s'ils se radicalisent au feu de notre lutte. C'est de voir que les pièges d'ici sont les mêmes que là-bas, dont ces misérables élections "libres", que de plus en plus de prolétaires rejettent, au grand dam des bourgeois qui savent bien que le carnage brutal a des limites. C'est de vérifier que les armes des prolétaires sont les mêmes ici que là-bas: armement, organisation, direction, offensive, pas de compromis, etc. Notre victoire ce sont ces milliers de prolétaires qui gardent en mémoire leur organisation de quelques semaines, la force éprouvée de leur puissance si et quand ils combinent combativité et organisation. Ce sont peut-être les quelques minorités d'avant-garde qui tentent de tirer les leçons pour plus tard et qu'on ne connaît pas encore. Et qui tirent probablement des leçons qui nous ont échappé. Qui, dans l'analyse des forces et des faiblesses de leur mouvement mettent au clair la nécessité de la direction révolutionnaire. Ce sont les milliers de prolétaires qui rentrent à l'usine, à la mine, au bureau la tête basse, mais la vengeance au cur et prêts à reprendre le fusil des mains de nos maîtres pour s'en servir contre eux et tous ces chiens qui nous gouvernent. Qui savent que c'est possible puisqu'ils l'ont déjà fait! Ce sont les prolétaires indécis remplis de haine de classe et qui attendent l'heure propice pour dépasser leurs hésitations. Ce sont les camarades du monde entier qui se sont reconnus dans cette lutte, ce sont ceux qui tissent la toile de notre solidarité mondiale et qui intègrent à chaque lutte que les frontières n'existent exclusivement que pour nous diviser, que nous sommes tous des révolutionnaires de Guinée ou du Mexique quand notre classe se soulève, qu'elle soulève des montagnes, car seule notre classe en lutte sera capable de foutre en l'air les Conté, URO, Gyanendra et autre Bush.

Développons "ici" la lutte de nos camarades "là-bas"!

Affirmons l'internationalisme prolétarien!

Notes

1- Le dernier exemple de répression directe de l'armée française dans la région date de juin 2007, en Centrafrique.
2- Les maoïstes, associés au nouveau gouvernement, vont pouvoir désormais utiliser les 5000 mitrailleuses ultramodernes (vendues à Gyanendra par une entreprise belge, avec l'assentiment de tous les politiciens!), contre les prolétaires qui n'auraient pas compris que la lutte est terminée et qu'il faut retourner à l'usine ou aux champs... Quant à leurs frères du Parti du Travail de Belgique ils ont stoppé soudainement leurs jérémiades contre la vente de ces armes!
 

Quand la "patrie des droits de l'homme" se pose en meilleur soutien à la "dictature" de Conté!

Quelle dérision de la part des médias occidentaux d'appeler ce Conté un dictateur: que serait-il sans l'appui direct et complet de la bourgeoisie française et de son armée qui, comme tous les "régimes parlementaires", n'a de cesse de soutenir des "dictatures" dès lors qu'elles sont utiles pour assurer la paix sociale et la valorisation de ses parts de marchés? C'est elle qui l'a installé à son poste en 1984, par un coup d'Etat et qui le soutient depuis, en finançant, formant et équipant l'armée guinéenne. Les dictateurs ne sont-ils pas les actionnaires de ces entreprises qui font des bénéfices faramineux? Total n'a-t-il pas fait en 2006, un bénéfice net, après impôts, de douze milliards d'euros?! Mais ceux qui appellent Conté "dictateur" ont un intérêt évident à la chose: dévier notre lutte vers le changement de personnel à la tête de l'entreprise "Guinée-Conakry S.A.". Ils veulent d'autres maîtres, d'autres uniformes, d'autres cris sur nos têtes, pourvu que le système perdure.
En plus de l'armée officielle, l'Etat en Guinée-Conakry peut s'appuyer sur les "Bérets rouges", escadrons de la mort chargés de la terreur et commandés par le fils de Conté, mais aussi sur des commandos venus du Libéria et de Guinée Bissau et bien sûr, sur l'armée française prête à intervenir en force, comme elle le fait régulièrement dans la région. Des troupes françaises sont cantonnées au Gabon voisin et un navire de guerre croise dans le golfe de Guinée. Quant aux instructeurs, ils sont toujours là. Il faut dire que la France est le principal fournisseur du pays, dont les réserves de bauxite (deuxième producteur mondial), mais aussi de diamants et d'or, remplissent les poches des actionnaires des multinationales occidentales: Bouygues, Boloré, Total, BNP-Paribas, Alcatel, etc.



France: printemps 2006

Au-delà des banlieues et des bancs d'école

"S'il y avait connexion entre les étudiants et les banlieues, tout serait possible. Y compris une explosion généralisée et une fin de quinquennat épouvantable." Sarkozy, 12 mars 2006

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"C'est justement la question de la violence qui constitue un des éléments essentiels permettant de souligner la différence fondamentale entre les émeutes des banlieues de l'automne 2005 et le mouvement des étudiants du printemps 2006. (...) Les émeutes des banlieues (...) ne sauraient en aucune façon être considérées comme une forme, même approximative, de la lutte de classe." Courant Communiste International, 3 avril 2006

Comme toujours, les ennemis de la révolution poussent au morcellement de notre lutte

Ne tremblons pas pour l'avenir... faisons-le trembler!

Comment ne pas trembler pour l'avenir quand on ressent pertinemment que ce n'est pas notre avenir qui intéresse ceux qui nous le préparent, mais celui de leurs intérêts, de leur taux de profit, de leurs privilèges. Alors, plutôt que de trembler seuls dans leur coin, les prolétaires se rassemblent parfois dans l'espoir de faire trembler à son tour cet avenir tout tracé. Cela s'est passé en France avec une certaine envergure à 4 mois d'intervalle mais tout a été mis en place pour éviter de mettre en évidence l'évidence: dans les deux cas, le prolétariat se défendait face aux agressions de la classe dominante! Et pour ceux qui craignaient que les deux mouvements ne se renforcent mutuellement, il fallait inventer soit que les causes étaient différentes, soit que les moyens devaient l'être.

Et pourtant, comment ne pas reconnaître un mouvement dans l'autre quand il est évident que c'est bien l'exemple des prolétaires des banlieues, qui, en novembre 2005, ne sont pas restés sans réagir face à la répression (deux jeunes électrocutés en fuyant la police) et face aux provocations du gouvernement et de ses représentants (flics et politiciens, notamment), qui aura encouragé certains prolétaires à emprunter une autre voie que celle de la soumission paisible et muette face au CPE, à ne pas reculer devant la première promesse de nos dirigeants.

Comment ne pas reconnaître la similitude de causes? La bourgeoisie est contrainte d'attaquer nos conditions de vie, de rendre notre survie toujours plus précaire, notre avenir incertain, pour assurer son taux de profit. La concurrence acharnée que se mènent les bourgeois ne trouvera jamais de réponse que sur le dos des prolétaires.

Et donc, qu'il s'agisse de bannir certaines couches du prolétariat dans des cités pourrissantes ou d'enfoncer par catégories les prolétaires dans des contrats de travail toujours plus avilissants, c'est bien du même mépris bourgeois que l'on parle, de la même réalité qui permet à cette classe dominante d'embaucher les prolétaires les plus rentables, les plus soumis, et de reléguer les autres. Alors, comment peut-on parler de combats différents? Pour diviser! Pour mieux régner! Ceux qui se sont acharnés à mettre en évidence les différences pour en faire deux luttes distinctes sont les ennemis du prolétariat. Et malheureusement, ceux-là sont aussi dans les rangs du prolétariat, ceux qui reproduisent le discours de la bourgeoisie, ceux qui font de chaque révolte un cas particulier pour éviter que trop de similitudes n'éveillent des ambitions plus révolutionnaires.

La bourgeoisie a compris depuis longtemps qu'elle avait intérêt à nous catégoriser pour ne pas devoir nous affronter tous ensemble. Il est donc important de remettre en avant que toute attaque "sectorielle" est une attaque contre l'ensemble de notre classe. D'ailleurs, il est évident que le CPE n'est pas une attaque seulement contre les jeunes prolétaires en France, mais aussi contre les moins jeunes puisque ce contrat renforce la concurrence entre prolétaires, mais aussi hors de l'hexagone puisque toute dégradation des conditions de travail à un endroit de la planète a des répercutions partout. Toute acceptation par des prolos d'une augmentation de l'exploitation fait pression sur les autres prolétaires. L'étiquette "jeunes étudiants français" a rendu difficile le soutien, le rapprochement avec d'autres prolétaires en lutte. Le pont vers les banlieues était sans doute le plus facile à franchir, il a donc été miné.
 

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La majorité exprime-t-elle nos besoins?

En France et ailleurs

Mars/avril 2006
La majorité a marché
La majorité n'a rien cassé
La majorité a fait confiance aux syndicats
La majorité a voté des résolutions
La majorité ne s'est pas fait réprimer
La majorité pense avoir un peu gagné
Juin/juillet 2006
La majorité a regardé le mondial de foot
La majorité pense avoir perdu de peu
Mars/avril 2007
La majorité ira voter

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La non violence qu'ils prêchent tellement, à qui s'applique-t-elle?

En France et ailleurs

Automne 2005
Des prolétaires détruisent ce qui les détruit
Printemps 2006
Des prolétaires se désolidarisent d'autres prolétaires qui veulent casser
Eté 2006
L'Etat en Israël bombarde le prolétariat au Liban

Tout ce qui a été mis en avant comme différence, entre ces deux moments de lutte, l'a été pour empêcher que trop de jeunes prolétaires n'empruntent des chemins dangereux... pour le capital. La violence prolétarienne, évidente dans les luttes de novembre, a été le point principal sur lequel il fallait intervenir pour éviter que le mouvement ne dégénère, c'est-à-dire qu'il ne génère un autre rapport de force plus frontal.

Tout acte de violence devait si possible trouver son origine hors du mouvement dit étudiant, être le fait de jeunes des banlieues, de jeunes désoeuvrés, de jeunes sans avenir, de casseurs... ou assimilés. Il a fallu toute la force de persuasion des médias, des syndicats, des politiciens, et même de certains ultra-gauchistes pour faire admettre l'idée que le mouvement devait se protéger lui-même, créer ses propres garde-fous pour le maintenir dans un cadre démocratique, citoyen, responsable. Il fallait imposer les concepts de vrai et de faux manifestant. Que les prolétaires se craignent entre eux, voilà bien une des recettes ancestrales de domination de la bourgeoisie. L'appareil répressif de l'Etat serait évidemment là pour nous protéger de nos brebis galeuses et permettre aux gentils prolétaires de moutonner dans des manifestations sans danger... pour la bourgeoisie.

Cette violence qui s'est abattue en automne 2005, était largement médiatisée comme irréfléchie et suicidaire, comme si le vrai suicide n'était pas ce quotidien fait de soumission que l'on masque derrière des apparences, cette violence qui fait se retourner nos entrailles. Au printemps 2006, en opposition, on a largement vanté l'image de la raison face à l'impulsion et cela a servi ceux qui voulaient euthanasier le mouvement dans des AG interminables et stériles qui n'accouchaient de rien de violent mais de ce petit rien qui avait le mérite d'avoir été mûrement réfléchi! Il est évident que c'est en marge des AG que se sont discutés les vrais enjeux de la lutte, et en rupture avec elles que se sont organisées les actions craintes par les représentants de l'ordre et leurs roquets.

Pour continuer le parallèle, quoi de plus efficace que de vendre un mouvement démocratique, jouant le jeu de la représentativité, le jeu des élections, le jeu de la légitimité, le jeu de la responsabilité contre un mouvement anarchique où les individus semblaient incontrôlables, sans leader. Mais qui croit encore que les votes garantissent autre chose que le respect de l'ordre établi? Qui croit encore que les débats médiatiques peuvent faire avancer notre cause? Qui croit encore que les majorités garantissent mieux nos intérêts? Trop de monde si l'on constate la place qu'ont prise ces jeux de dupes pendant deux mois de lutte contre le CPE.

Marcher dans la rue pacifiquement ou occuper respectueusement des bâtiments devenait la règle à suivre et parfois même le but en soi. De temps à autres quelques échauffourées avec les flics nous étaient offertes en spectacle, mais nous savons que ce qu'ils redoutent le plus sont les attaques imprévisibles, décentrées, hors des manifestations encadrées, fruits d'un mouvement qui se radicalise loin des micros et des caméras.

Au travers de ces écueils de la lutte, rapidement brossés, un certain nombre d'entre nous a réussi à se démarquer et c'est grâce à cela que le mouvement a duré si longtemps: par endroits, un irrespect manifeste pour la marchandise s'est exprimé par les pavés, par le feu, par le blocage de la marchandise notamment de la force de travail; de nombreux prolétaires, malgré leur crainte à monter au baston, ont affirmé leur identité de lutte avec "les casseurs"; des tentatives ont été faites pour mobiliser les travailleurs, tout autant concernés que les étudiants par le CPE; le rôle des syndicats et de leur SO a été mainte fois pointé du doigt, tout comme les manipulations médiatiques et les provocations policières; il était assez évident pour beaucoup que le mouvement qui se disait anti-CPE contenait bien plus qu'une simple remise en question d'une réformette (le drapeau anti-CPE était l'arme pour pouvoir mettre le mouvement en berne), mais aussi la critique de toute forme de travail, d'exploitation, ce qui a ouvert certains yeux à une perspective révolutionnaire.

Pour les représentants de l'Etat, il n'y avait d'issue que dans l'épuisement du mouvement puisqu'ils avaient épuisé leurs propositions de réforme. Et cela a marché! Les deux moments de lutte que nous avons mis en parallèle ont précisément ce point en commun: celui de s'être éteint presque du jour au lendemain sans même que la bourgeoisie n'ait réellement fait de concession. Si nous espérons gagner un jour, il nous faudra aller beaucoup plus loin!

Pour le feu de la révolte, pas d'alternative: l'étendre ou l'éteindre!

Détruisons ce qui nous détruit!

Crève la démocratie!

Vive les minorités déterminées!

Vive la révolution!


Quelques instantanés de la lutte

 
C'en est trop, et même si nous n'avons pas assez de couille (comme dirait l'autre) pour engager une lutte armée, persiste dans nos esprits l'idée d'une Révolution qui devra bien avoir lieu un jour ou l'autre.

publié sur le site des Occupants de la fac d'Avignon le 16 avril 2006

 
Réapproprions-nous la vie et préparons l'avenir en développant et renforçant des liens entre prolétaires, en constituant des réseaux de résistance invisible, en dehors et contre toute médiatisation, en dehors de tout parti de gauche ou de droite, de tout syndicat, de toute association démocratique, de toute ONG... pour rendre possible le seul futur humain qui puisse mettre un terme définitif à cette horreur qui semble sans fin: celui de la destruction de l'Etat par l'insurrection prolétarienne généralisée!

Prolétaires en avant


 

TOLERANCE ZERO

POUR CEUX QUI

BRULENT NOTRE AVENIR!

NON AU CNE/CPE!

 
Le risque c'est que cette crise s'étende dans la durée. Cela donnerait alors la possibilité d'agir à des groupes de casseurs vraiment structurés.

Frédéric Lagache, secrétaire national du syndicat policier "Alliance" - Le Soir 29-03-2006

CESSONS DE RECLAMER
UN EMPLOI STABLE POUR CHACUN!
(même s'il arrive à tout le monde
de chercher du boulot ou de l'argent)

QUE LA CRISE S'AGGRAVE!

QUE LA VIE L'EMPORTE!

Les occupants du Centre d'Etude des Modes d'Industrialisation (à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, bd Raspail à Paris) constitués en Comité Pour la Désindustrialisation du Monde entre l'aube du 21 mars 2006 et le milieu de la nuit suivante.


 
Contre les emplois précaires, et après?...

Dire non au "contrat premier embauche", au "contrat nouvelle embauche" ou autres emplois précaires de merde est un strict minimum. Mais pourquoi en arriver à quémander à l'Etat des emplois "stables", des CDI? Pour être indéfiniment exploité? Car revendiquer un emploi stable ou autre, c'est en appeler à sa propre servitude, à son propre asservissement au quotidien. C'est accepter les conditions de l'exploitation capitaliste avec son régime du salariat et son droit au travail. C'est accepter de se vendre moyennant un salaire que de signer un contrat de travail, de se transformer en chose ou en numéro de matricule au service du capital et de la haute bourgeoisie, de son Etat "public" et de ses entreprises "privées", bref c'est accepter de ne plus s'appartenir et de devenir étranger à soi-même. (...)

Texte anonyme trouvé à l'université Paul Valéry de Montpellier

 
Dans le domaine de l'offre locative le président de l'UNPI (Union Nationale de la Propriété Immobilière), Jean Perrin propose la création d'un nouveau bail, à loyer maîtrisé, calqué sur le modèle du CNE(Contrat nouvelle embauche). Ce nouveau bail serait d'une durée de deux ans, avec la possibilité pour chacune des parties d'y mettre fin pendant les deux premières années avec un préavis de trois mois, incluant une libération sans autre procédure.

30 septembre 2005 (site de l'UNPI)

Retrait ou amélioration du CPE? Nous, on en a rien à foutre! Nous n'avons rien à négocier, rien à quémander à ce gouvernement ou à un autre. Aucune revendication! Nous combattons et voulons abattre le système, le capitalisme, dont ils assurent la gestion. Abolissons le capital, l'Etat, la valeur, l'argent, le salariat, les classes et tout le reste.

Comité pour Répandre l'Anarchie et Vivre le Communisme

"Je couvre des manifs depuis 15 ans, et je n'ai jamais vu une telle haine" commente un photographe, qui dénonce une violence "gratuite" pas uniquement dirigée vers les journalistes. (...) Lors des émeutes de l'automne déjà, des équipes de télévision avaient été agressées après avoir été traitées de "télés Sarkozy."

AFP ­ 29 mars 2006

 
Le prétexte des vols de portables a été utilisé pour charger des manifestants à capuche, signe de leur provenance de banlieue. Les lascars sont devenus l'ennemi pour le SO CGT qui s'érige en véritable milice à l'intérieur de nos défilés, collaborant avec la police qui bloque les trains de banlieues et sélectionne au faciès ceux qui ont le droit de manifester. Le banlieusard ne peut donc pas manifester à Paris et s'il parvient à le faire le SO CGT le lui fera regretter.

lundi 3 avril 2006


 
Les bureaucraties syndicales ne rêvent que de s'asseoir à la table des négociations et craignent d'amplifier un mouvement qu'ils ne pourraient contrôler. La seule réponse est alors le raidissement et l'inflexibilité. Nous n'avons rien à négocier, rien à quémander, rien à améliorer. Si l'Etat, et nos conditions de vies sont de plus en plus durs, nos réactions doivent l'être aussi. Il ne peut y avoir de mouvements sociaux sans affrontement. Nous ne réclamons pas plus de travail, nous voulons récupérer nos vies. Nous ne voulons pas régler, rendre acceptables les antagonismes de classes mais s'en servir pour les faire péter définitivement.

Quelques travailleurs, précaires et chômeurs

Nous ne devons pas rester assiégés dans une forteresse anti-CPE car avec le temps qu'il gagne le pouvoir va nous isoler (...) En ce sens nous pensons qu'il faut éviter toute confrontation directe avec les forces répressives, nous pensons qu'il faut les ridiculiser... Montrer que si eux sont gardés, nous, sommes mobiles.

Le 23 mars 2006, Comité chômeur précaire étudiant/tendance ni CPE ni CDI

 
Nous sommes en guerre, le vieux monde et ses séquelles, nous voulons les balayer, nous n'avons rien à y défendre, rien à sauver, tout à détruire! Nous voulons construire autre chose... une société où serait aboli, l'argent, le salariat, la valeur, l'Etat... c'est un bon point de départ pour ébaucher des trucs ensemble.

incivils@freesurf.fr


 
Le rectorat ne fait pas dans la nuance: l'oeuvre serait celle "de casseurs, de voyous, d'anarcho-syndicalistes qui veulent la révolution mondiale" et auraient "complètement débordé les plus pacifiques".

Libération.fr ­ 13 mars 2006


 

CNE-CPE

UN CLASSIQUE DU CAPITALISME

Ça bouillonne et ça s'organise. On finit par se dire que l'on peut aussi bien faire des choses sans forcément attendre l'aval épuisant de tou-te-s, que l'on peut aussi parler véritablement en dehors des débats et des AG.
Ce qui se constitue, en ce moment, c'est la puissance du débordement. Les ressorts d'action syndicaux s'épuisent, on perd le goût de la manif plan-plan où même les chansons bien trouvées ne suffisent plus. On perd le goût des slogans mille fois répétés, des tracts mille fois distribués. On perd la curiosité pour les motions, pour les subtilités qui ont amené aux choix de parcours; les AG apparaissent dans leur vacuité, leur tristesse formaliste. Alors, évidemment, cela dégénère, comme illes disent. La parole se fait plus rêveuse, les actes se font plus déterminés. Les beaux cortèges bien rangés se disloquent, les tracts non-tamponnés se multiplient. Cela démarre vers l'incontrôlable.
 
Kamo, 27 mars 2006

Quelques mots d'ordre apparus lors du mouvement

C comme chômage P comme précarité E comme exploitation - Contrat Plein d'Emmerdes - Couillonné Par l'Etat - Crevez Pour Eux - Cadeau Pour Exploiteur - Citrons Pressurés Essorés - Champagne Pour l'Elite - Cacahuètes Pour Etudiants - Contrat Pour Esclavage - Cocktail Pour Emeutes - Cherche Pigeons à Embaucher - Contrat Pour l'Enfer - Casting Pour Esclaves - Contrat Pour Extraterrestres


Notre tract

Camarade, frère, kayera

Nous savons tous que si nous sommes dans la rue ce n'est pas contre le CPE, contre tels ou tels loi, ministre ou gouvernement mais pour lutter contre la bête capitaliste et tous ses défenseurs.

Les bourgeois veulent nous faire croire que l'affrontement se passe entre "casseurs" et flics, alors qu'il s'agit de la lutte des exploités contre tous les patrons et leurs défenseurs.

Si nous descendons dans la rue, il est clair que l'Etat y descend aussi avec ses flics, ses syndicats, ses élections, sa gauche et ses gauchistes, ses jaunes, ses mots d'ordre démobilisateurs, ses journalistes, ses arrêts de travail bidon Tous ces encadrements forment une véritable camisole de force qui étouffe notre rage.

Pour que le mouvement aille plus loin, nous avons tous intérêt à le diriger contre ceux qui l'enterrent dans des impasses moutonnières.

Se contenter de s'organiser en-dehors du cirque syndical et électoral ne suffit pas. Il faut le saboter ouvertement et dénoncer tous ces salopards pour ce qu'ils sont réellement, les pires ennemis du mouvement, nos plus implacables ennemis.

Syndicats = flics du patronat!

Organisons-nous en dehors et contre eux!

Ne nous laissons plus isoler du reste du mouvement par les syndicats qui nous poussent à des affrontements inégaux avec les flics.

Sabotons leurs mots d'ordre de merde, leurs "journée d'action" bidon, leurs rassemblements moutonniersqui nous conduisent inévitablement vers la défaite et empêchent véritablement l'extension du mouvement.

Camarade, frère, kayera nous sommes tous les casseurs de cette société à l'agonie, nous voulons tous la fin de l'esclavage salarié.

GCI, le 4 avril 2006



Nous avons reçu et nous publions

En complément du mouvement autour du CPE-CNE, nous publions un tract, diffusé au Chili, durant les luttes du mois de mai 2006. Nous soulignons ainsi l'aspect directement international de ces luttes, contre tous ceux qui veulent les enfermer dans les prisons nationales.

CECI EST LA LUTTE DE CLASSE

LA LUTTE DE CLASSE N'EST PAS UN SPECTACLE

IL N'Y A PAS DE SPECTATEURS

CHACUN Y PREND PART QU'IL LE VEUILLE OU NON...

Les maîtres de cette société veulent que nous voyions seulement ce qu'ils nous montrent: quelques représentants estudiantins négociant avec une poignée de fonctionnaires gouvernementaux. D'un autre côté, quasi tous les opposants au régime, des personnes sans imagination et sans révolte, parlent de "défendre l'éducation", et il ne leur passe même pas par la tête que ce système d'enseignement il ne faut pas le défendre, sinon qu'il faut le détruire. Ils exigent que la PSU (1)  soit gratuite, mais ils ne songent même pas à abolir la PSU. Ils veulent que les gens ne soient pas discriminés pour raison d'argent, mais ils acceptent qu'ils soient discriminés pour leur "aptitude académique". Ils luttent pour l' "égalité des chances" sans se demander: "des chances pour faire quoi?" Cette société s'aime tant elle-même, elle est si convaincue d'être le meilleur monde possible, que dans des moments comme celui-ci, quand éclate le dégoût de vivre ainsi, tous pensent à réformer le système, mais pas le démolir! Les étudiants veulent que soit abrogée une loi de l'Etat! Ils veulent perfectionner un système qui distingue gagnants et perdants dans la concurrence capitaliste! Ils veulent qu'on les domestique mieux pour l'esclavage salarié! Si nous ne pouvons rien attendre de plus de cette magnifique révolte, il serait mieux de nous épargner les dérangements et les risques et retourner chez soi!

Le petit nombre de ceux qui pensent à détruire cette société inhumaine, et qui osent dire ce qu'ils pensent, sont isolés et étiquetés comme vandales ou fous. Le paradoxe est que les partisans du dialogue démocratique, ceux qui repoussent la violence de la rue, cela fait un moment qu'ils sont occupés à violenter les règles les plus élémentaires de la cohabitation démocratique. Ils ne savent pas que les lycées sont propriétés de l'Etat? Peut-être que fermer les portes d'un lycée et l'occuper durant des semaines, ce n'est pas violenter l'ordre dominant? Paralyser les cours, ce n'est pas un acte de violence contre le fonctionnement normal du système d'enseignement? Tenter d'obliger le gouvernement à abroger une loi, ce n'est pas violenter un système politique basé sur la domination d'une minorité élue? Mais ces mêmes jeunes qui ont violenté le système d'enseignement d'un pays entier sont horrifiés quand on lance des pierres contre un véhicule blindé qui pourrait faire éclater un corps humain sans difficulté.

Les étudiants s'unissent en assemblée pour décider d'actes arbitraires, ils font des occupations illégales, bloquent le système éducationnel, dressent des barricades avec des chaises et des tables, ferment les accès avec des chaînes et cadenas, utilisent des bâtons pour se défendre des attaques externes, exercent une autorité inflexible dans les lycées pris Mais sont scandalisés si on défend la violence de classe! Les étudiants sont occupés à exercer une belle dictature de classe dans leurs lycées, mais ils ne veulent pas qu'on critique avec des pierres l'hypocrisie démocratique! Les étudiants ne comprennent pas ce qu'eux-mêmes sont occupés à faire. Au lieu de se rendre responsables de leurs actes et les amener à leurs ultimes conséquences, ils se préoccupent de rester corrects face à l'opinion publique. Ils ne savent pas que si les propriétaires de cette société décident de les dénigrer pour faciliter la répression, il leur suffira d'exhiber quelques images truquées dans les actualités? Ils ne savent pas que l'opinion publique est un produit fabriqué par les médias? Dans la société de classe, les idées dominantes sont les idées de la classe dominante.

Comme ils ne comprennent pas ce qu'ils sont eux-mêmes en train de faire, les étudiants ne se rendent pas compte de la dangerosité du jeu qu'ils sont en train de jouer. Ils ne comprennent pas le danger qu'il y a maintenant à se conformer avec des objectifs limités. Ils ne se rendent pas compte qu'en peu de jours, ils ont mis cette société sans dessus dessous et l'ont secouée, et qu'ils sont sur le point de la réveiller de sa léthargie. Ils ne voient pas qu'avec leurs méthodes de lutte, avec leur attitude et avec leur courage, ils sont occupés à faire tomber en morceaux beaucoup de fausses illusions. Ils ne comprennent pas que leur action est révolutionnaire. Et que dans cette société, ceux qui entreprennent des actions révolutionnaires et ne les mènent pas jusqu'au bout, creusent leur propre tombe. Attendrons-nous que nos ennemis de classe nous liquident pour comprendre jusqu'où nous étions allés?

Le conflit dans les lycées a mis en alerte la classe propriétaire, la classe politique, les flics et mercenaires du capital, les bureaucrates et appendices de bureaucrates, enfin tous ceux qui défendent l'ordre et la loi du capitalisme. Il est difficile de se rendre compte de cela si on croit ce que disent les moyens de désinformation. Parce que les moyens d'incommunication occultent l'essentiel: plus tout semble être sous contrôle, plus l'ordre semble régner en maître, plus guette alors le danger d'une explosion!

Le gouvernement a été dépassé par les étudiants. A leur tour, beaucoup de représentants estudiantins ont été dépassés par les assemblées. Le lundi, ces représentants ont refusé de parler avec le gouvernement; le mardi leur volonté de dialogue pâlit face à l'esprit de confrontation qui inonda les rues; le mercredi, pendant que les perturbations continuaient, les représentants donnèrent un ultimatum au gouvernement: ou tu plies ou cela va empirer. Il est vrai que beaucoup de ces "représentants" représentent seulement leur propre parti politique. Mais il est également certain qu'ils sont enchaînés au pouvoir des assemblées et qu'ils ne peuvent rien dire sans leur approbation. Quoique fassent les porte-parole officiels, ce sont les assemblées qui tiennent la poêle par le manche. Et voilà ce qu'ils tiennent entre leurs mains: si le feu qui s'est allumé dans les lycées s'étend aux autres secteurs du prolétariat, il sera impossible de l'éteindre. Partout les autorités seront ignorées, insultées, expulsées et chaque fois plus de gens vont ignorer le privilège fondamental de toute classe dominante: son droit à gouverner. Ce questionnement -et non la loi LOCE (2)  ni le pass scolaire (3) - est ce qui a mis en garde les patrons du système. Si quelque chose peut faire voler en éclats l'ordre capitaliste, ce ne sera pas la réforme d'aucune loi écrite mais bien la perturbation de ces relations sociales. Cette perturbation est ce que les étudiants de secondaire commencèrent et devront continuer s'ils ne veulent pas endosser la responsabilité d'un échec honteux pour le reste de leur vie.

Jusqu'à présent, ils n'ont pas mal fait. Ils ont repoussé la médiation de l'Eglise et ont lapidé la maison d'un évêque, ils ont refusé de parler avec le chef syndical des professeurs, ils ont attaqué un bâtiment municipal faisant fuir les "autorités", ils ont converti le centre de Santiago en un champ de bataille durant plusieurs jours consécutifs Insolents et confiants, ils sont décidés à ne transiger sur rien, à ne faire aucun pas en arrière. Armés seulement de la force de leur orgueil et leur organisation, ils ont ridiculisé le gouvernement. Et dans cette heureuse aventure, tout le monde les appuie.

Cela a fait suspecter les millionnaires que leurs domaines n'étaient pas bien fortifiés. Comment ­ demandent-ils - avons nous pu confier le soin de nos affaires à ces Zilic et ces Bachelet, à ces inutiles qui cèdent devant la pression de quelques enfants, risquant la stabilité de notre hacienda? Ces gouvernants qui ne savent pas gouverner, ces chiens de garde qui se laissent botter le cul par n'importe qui, insécurisent leurs maîtres. Ne voient-ils pas comment s'agitent les riches dans leurs luxueuses demeures? Ils sont inquiets parce qu'ils se rendent compte qu'avec ces chiens de garde, leurs propriétés ne sont pas en sûreté.

Les maîtres de cette société ont déjà lancé leur premier avertissement: "Nous ne sommes pas disposés à changer quoi que ce soit dans la loi d'éducation", dirent les chefs de la UDI(4), pour que personne n'aille croire que le patron est aussi faible que son chien de garde. Un peu plus tard, les mandataires de l'élitiste collège privé "Verbo Divino" donnèrent 500 mille pesos chiliens en nourriture aux lycées occupés de Santiago, avec ce double message occulte: "ces enfants nous les faisons manger de nos mains ici c'est nous qui commandons". Finalement, les chefs d'entreprise comprirent que la question est plus sérieuse et ont approuvé la mobilisation "parce qu'il est nécessaire de réformer le système éducatif". Mais tout cela n'est rien d'autre que des signaux, comme on dit dans le langage journalistique. Et la classe possédante sait par expérience que les signaux ne servent qu'à gagner du temps, à confondre l'ennemi, à dévier les petites escarmouches, mais pas à gagner les batailles décisives. C'est pour cela que dès le premier jour, par pur instinct de conservation, la bourgeoisie prit le chemin de la répression physique, chemin qu'elle n'abandonnera plus. A moins que quelqu'un soit aussi ingénu pour croire que les bandes nazies qui tapent les lycéens agissent pour leur propre compte? Peut-être que quelqu'un ignore que ces escadrons de choc sont entraînés et approvisionnés par les flics, par la police civile et par les officiers de l'armée? Ces nazis comptent avec l'accord du pouvoir judiciaire et de tous les pouvoirs de l'Etat, et ils agissent comme force paramilitaire (comme les anciens Patria y Libertad) contre les étudiants, parce que ceux-ci sont une véritable menace pour le système.

Depuis quelques jours et à partir de maintenant, cette crise suivra la logique implacable de la lutte de classe. La bourgeoisie va serrer les rangs autour de l'institutionnalité, l'ordre et la loi, en même temps qu'elle organise la répression illégale contre les insurgés, donnant un coup de main aux sbires policiers, militaires et autres impliqués dans l'affaire de la sécurité. Les campagnes citoyennes ne manqueront pas en faveur du dialogue, la paix et la démocratie, campagnes dans lesquelles les masses d'agneaux sortiront dans la rue pour lécher savoureusement les bottes qui leur bottent le cul. Et bien évidemment, ces campagnes seront financées par le gouvernement, cette meute de bureaucrates et bourgeois secondaires toujours intimidés par le pouvoir des grands investisseurs. Ce sera amusant: Zilic et Bachelet, en chur avec leurs employés, continueront en feignant que les protestations servent à moderniser le pays, pour donner l'impression que tout était prévu dans leurs plans, qu'ils ont toujours le contrôle de la situation. Mais ce lundi, ils ont été ridiculisés et désormais ils ne feront autre chose que sombrer chaque jour plus dans la confusion et la lâcheté. Et tout le monde verra avec ses propres yeux que cette bande d'hypocrites et incompétents, qui va là en criant "nous résoudrons ce problème tous ensemble!", n'a et n'a jamais eu aucun pouvoir réel dans la société.

L'opposition de gauche s'agitera dans des convulsions en essayant d'attraper un morceau du gouvernement duquel elle veut faire partie, avant qu'il ne soit trop tard. S'ils veulent une part du gâteau, les chefs du PC et leurs petits frères, comme les maffieux de la CUT, devront démontrer à la Concertation qu'ils sont capables de maîtriser une crise. Si au début, ils sont restés en marge, maintenant ils interviennent avec précaution, comme ce stupide Hector Pavez, qui après avoir gueulé partout: "le conflit est seulement étudiant" pour éviter que la rébellion ne se transmette à d'autres secteurs, est maintenant obligé d'appuyer la grève nationale pour ne pas être la risée de tout le monde. Même cet opportunisme canaillesque ne fonctionnera pas. Après ça, le collège des professeurs, uni à quelque frauduleuse association de parents, va tenter d'apparaître comme médiateur officiel. Et finalement, quand toutes ces manoeuvres capoteront, le front gaucho-syndicaliste aidera à réprimer les rebelles. Alors, quand les bureaucrates auront démontré qu'ils étaient capables de contrôler l'explosion, il se peut qu'on leur donne un ministère ou quelque chose de moins coûteux.

Pour nous les prolétaires, les millions d'hommes et femmes, jeunes et vieux sans visage et sans nom, qui vivons de notre travail, qui supportons un large éventail de misère; à nous qui avons été réduits à des statistiques en graphique dessinées par des imbécile, la seule chose qui nous reste c'est détruire à la racine, et pour toujours, cette société malade. Les étudiants ont déjà commencé: même s'ils sont encore prisonniers de l'idéologie démocratique, même s'ils parlent encore comme des sujets quémandeurs, leur intransigeance face à l'autorité, leur décision de prendre les lycées et de combattre les sbires dans la rue, nous montre le chemin à suivre. Maintenant, il s'agit d'aller de l'avant et aller jusqu'au bout. Il faut remettre en question l'autorité là où elle se trouve et quelle qu'en soit la forme. Si nous nous arrêtons maintenant, nous sommes perdus. Les défenseurs du vieux monde ont déjà commencé à nous tirer dessus. Le mardi 30 mai, les patrons d'un collège ont tiré sur un groupe de filles qui voulait prendre l'établissement. Cette même matinée, un gardien tira contre un autre groupe de jeunes mutinés. Le jour suivant, les flics abusèrent sexuellement un groupe de lycéennes dans un commissariat. Cette société pourrie dira que c'étaient des accidents, des "excès", mais la vérité est celle-là: chaque fois que les classes dominantes voient menacé leur droit de commander, leur droit à la propriété, ils réagissent ainsi: en assassinant, torturant, violant, séquestrant. Comme s'ils ne l'avaient pas toujours fait?

La répression a déjà commencé et ne va pas s'arrêter. Nos ennemis de classe sont déjà en train de nous rosser, ils nous tirent dessus, ils nous violent. L'affrontement est inévitable, il est là, et l'unique décision qu'il faut prendre est celle de la réponse à donner à l'agression. Si nous nous arrêtons maintenant, nous payerons un prix très élevé pour avoir défié l'autorité. Pour prévenir les révoltes dans le futur, nos ennemis rempliront les lycées de drogues dures, ils mettront des caméras de surveillance dans les classes, ils fomenteront le mouchardage, la concurrence et la discorde

Personne n'est en marge de cet affrontement. Tu es condamné(e) à prendre parti, la seule chose que tu puisse décider c'est de quel côté tu es.

Camarades, il faut:

1. Stimuler parmi les gens mobilisés les discussions qui questionnent les ciments de la société de classe (le travail salarié, la propriété privée et l'Etat), dont le conflit actuel n'est qu'un effet.

2. Multiplier les actions directes comme le sabotage et l'affrontement contre les gardiens de cet ordre.

3. Transformer la prise de bâtiment en occupations actives pour qu'elles fonctionnent comme des centres d'opération, d'organisation et de propagande. Exploser les cadenas des bureaux et photocopieuses des lieux pris d'assaut pour produire des tracts, affiches et bulletins. Utiliser tous les bâtiments nécessaires pour faire des assemblées et conspirations.

Si nous ne passons pas à l'offensive maintenant, si nous ne convertissons pas ce mouvement en une lutte de toute notre classe, si nous ne luttons pas pour le pouvoir, nous devrons dire à nos enfants que nous aussi ils nous ont défaits. Pour cela camarades, photocopie cette feuille et fais-la circuler; trouve-toi une arme et lève-toi A la lutte!

Etudiants, travailleurs, chômeurs, retraités...

une même tâche à réaliser:

le combat contre la société de classe.

Notes

1- PSU (Prueba de Selección Universitaria) Preuve de Sélection Universitaire: Il s'agit d'un document remis à chaque étudiant à l'issue des études secondaires. Selon le résultat obtenu, l'étudiant a accès à l'une ou l'autre université. Les universités publiques exigent une cote plus élevée.
2- Ley Orgánica Constitucional de Enseñanza: Loi Organique Constitutionnel d'Enseignement.
3- Il s'agit d'une carte d'identification pour les étudiants et qui donne accès aux transports en commun à un prix réduit.
4- Union Démocrate Indépendante: Il s'agit du côté le plus conservateur et populiste de la "droite" chilienne.



Nous avons reçu et nous publions

Présentation du texte

Guerre de classe à Oaxaca

Des Prolétaires Internationalistes - mars 2007

Nous publions ci-dessous une prise de position sur les luttes qui se sont déroulés dans l'Etat de Oaxaca au Mexique, à partir de mai 2006. A l'heure où toutes les forces social-démocrates se sont emparées de ces événements pour en faire une campagne d'appui à tout ce qui, dans le mouvement, oeuvre à sa liquidation, la prise de position, signée "Des Prolétaires Internationalistes" met en avant les ruptures de classe posées par le mouvement, souligne les points forts de la lutte qui s'est affirmée en rejetant brutalement la pitoyable mendicité prônée par les syndicats, le chemin de croix des plaintes portées en justice et des négociations à n'en plus finir qui ne conduisent qu'à ravaler sa rage et accepter les sacrifices. Cette lutte s'est, par contre, d'emblée attaquée à l'Etat et ses institutions: commissariats, tribunaux, administrations, télévisions, radios, siège du gouvernement...

Les forces de pacification (entendez guerre que mène la bourgeoisie contre toute expression d'humanité) étaient constituées autant des différents corps de l'armée, de police, escadrons de la mort... que des associations, unions, partis, syndicats... qui, regroupées dans l'Assemblée, ont mené le mouvement dans des impasses, cherchant à remettre sur pied les institutions assurant le bon fonctionnement de l'économie: un gouvernement, des tribunaux, une police...

Alors que le mouvement résistait solidement aux assauts de l'armée et paralysait effectivement l'économie de l'Etat de Oaxaca, l'Assemblée qui deviendra officiellement l'APPO (Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca) s'est donné comme perspective d'élaborer une nouvelle unité nationale, et a poussé les prolétaires à abandonner les barricades et leurs revendications salariales pour venir se pencher sur l'élaboration d'une "nouvelle démocratie et gouvernabilité" à Oaxaca, d'une "économie sociale et solidaire", d'une "nouvelle éducation", d'une "harmonie, justice et équité sociale", de solutions pour préserver le "patrimoine historique, culturel et naturel de Oaxaca" (autrement dit l'industrie touristique) et développer les "moyens de communication au service des peuples" (c'est-à-dire redonner libre cours à la circulation des marchandises). Remettre l'Etat sur pied, voilà les objectifs essentiels de cette assemblée.

Ainsi l'Assemblée a assuré le bon fonctionnement de la ville: les marchés sont approvisionnés, les transports publics roulent, les restaurants et les cafés sont ouverts... des commissions de la santé, de l'hygiène et de la sécurité sont créées! Ainsi les délinquants et les voleurs sont remis à l'assemblée qui détermine les condamnations! Quant il s'agit d'un membre des escadrons de la mort, franc-tireur, paramilitaire qui est remis à l'assemblée, celle-ci le remet à la justice fédérale!!! A ceux-là mêmes qui commanditent les expéditions de ces unités paramilitaires parce qu'ils n'arrivent plus à faire respecter les habituelles institutions du maintien de l'ordre. L'APPO se vante également d'avoir créé ses propres forces de police: la Policía del Magisterio Oaxaqueño (POMO).

Voilà bien des éléments qui montrent la fonction de cette assemblée: reprendre le contrôle de la vie publique en main, déposséder le mouvement de ses initiatives, rétablir le respect de la propriété privée et la soumission à la justice bourgeoise, la justice de ceux-là mêmes qui fomentent des escadrons de la mort pour intimider et terroriser les prolétaires qui ont osé s'insurger contre l'ordre et l'Etat.

Ces éléments montrent le fossé (de classe) existant entre le premier élan de lutte, d'attaque de la marchandise, de la propriété privée et de solidarité face à la répression d'une part, et, d'autre part, le mouvement de pacification sociale organisé par l'APPO. L'APPO n'est pas contre l'exploitation, contre l'économie et contre la démocratie qui ne fait que consacrer le règne de l'argent, l'APPO n'est pas contre la propriété privée, la dépossession des moyens de vie et l'exploitation de la force de travail; l'APPO se déclare pour une économie, une démocratie dont on aurait effacé les aspects les plus cruels pour, en dernière instance, remettre tout le monde au travail!

Il est clair qu'un tel mouvement ne peut survivre que s'il s'étend, au-delà des revendications particulières des enseignants et au-delà des frontières de l'Etat de Oaxaca, du Mexique... et plus largement. Cette nécessaire extension du mouvement, l'Assemblée l'a détournée en revendication de la démission du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz et la reconnaissance de sa propre élaboration de nouvelles instances supplantant les anciennes dans l'organisation de l'Etat d'Oaxaca. L'APPO veut démontrer sa légitimité à prendre le relais de l'ancien gouverneur!

A coup de marches qui épuisent inutilement la combativité des prolétaires qui veulent en découdre, de démonstrations pacifiques qui émoussent les réflexes de classes et rendent les prolétaires vulnérables, à coup de tables de discussion pour réformer l'Etat, à coup d'assassinats, de disparitions, d'incarcérations, à coup de forum social, à force de réduire l'opposition à l'Etat à la demande de démission d'une de ses têtes, préparant par-là le terrain aux campagnes électorales... voilà comment l'APPO, conjointement aux forces militaires, s'est constitué en principal agent de la contre-révolution dans le mouvement.

Internationalement, au nom de "Vive la Commune de Oaxaca", ce que tous les social-démocrates ont célébré, c'est l'enfermement du mouvement dans les problèmes de gestion de la ville de Oaxaca, c'est la reprise en main, par l'APPO, de ce que le mouvement avait originellement mis à mal: les institutions bourgeoises garante de l'économie capitaliste. Plutôt que de se solidariser avec les insurgés de Oaxaca, de reconnaître dans la lutte des prolétaires de Oaxaca, la lutte des prolétaires du monde entier contre la même misère, la même guerre que nous mène sans cesse la bourgeoisie, ce qui a prédominé dans les campagnes de soutien "aux peuples de Oaxaca", c'est le soutien à l'APPO, à tout ce qui tente de faire de ce mouvement au départ contre l'Etat, un mouvement de protestation civile et civique, de réforme de l'Etat.

Trois semaines avant les élections planifiées pour début juillet 2007, les enseignants qui n'ont pas abandonné la lutte, décident de saboter la propagande électorale, détruisant notamment le matériel qui arrive par camion pour organiser les élections. Comme en Algérie en 2001, où les prolétaires insurgés ont mis le feu aux urnes et bureaux de vote, voilà la réponse de classe aux tentatives de faire rentrer nos luttes dans le rang.

Contrairement aux campagnes qui appuient tout ce qui tente de liquider le mouvement dans les voies de la réforme de l'Etat, le texte ci-dessous part des points forts de la lutte et tente de dégager quels sont les pièges dans lesquels le mouvement est tombé pour se retrouver ainsi mis sur les rails d'une réforme de l'Etat, chapeauté par l'APPO.

Guerre de classe à Oaxaca

De mai à décembre 2006, le mouvement social de lutte généralisée dans la région d'Oaxaca, au Mexique, a renoué avec différentes formes de lutte classique du mouvement prolétarien: grève illimitée, occupation (planton), réappropriation, organisation autonome et centralisante, barricade. Les prolétaires se sont attaqués à tout ce qui représente l'Etat avec une force et une détermination enthousiasmantes.

- Ils ont saccagé, brûlé ou occupé des commissariats, des administrations, la TV, des radios, des hôtels

- Ils ont saboté l'économie capitaliste en faisant fuir les touristes et en empêchant la libre circulation des marchandises.

- Ils se sont appropriés les moyens d'expression et de communication (radios, journaux, TV, murs, véhicules administratifs, bus) pour faire la propagande prolétarienne, s'organiser et étendre le mouvement.

- Ils se sont attaqués aux flics et ont chassé le pouvoir régional. Contre des rangées de flics suréquipés et surentraînés, malgré la fatigue de mois de lutte et de veille, malgré la propagande défaitiste habituelle des gauchistes, malgré le risque d'être tué à tout moment, les prolétaires se lancent spontanément à l'assaut des forces répressives, et souvent les font reculer ou les mettent sérieusement en difficulté. Le 14 juin et le 2 novembre, ceux-ci subissent carrément une grosse déroute, ce qui ébranle sérieusement le mythe de l'invincibilité de l'Etat!

- Ils ont renoué avec des éléments de la guerre de classe insurrectionnelle: des jets de pierres aux bazuqueros(1), production massive de cocktails Molotov ou récupération de bouclier chez les flics, barricades pour contrôler les allées et venues, empêcher les chiens de l'Etat de s'infiltrer et protéger les quartiers des flics ou des escadrons de la mort. Celles-ci sont régulièrement renforcées, s'alimentent en permanence et à travers des appels sur les radios occupées, des prolétaires installent des campements et impulsent toute une vie collective... leur défense s'organise.

L'entraide, la solidarité dans la lutte a été très importante: distribution de moyens de protection contre les gaz, aide pour cacher les prolétaires les plus exposés ou poursuivis par les flics, fortes cohésions lors des attaques contre les flics ou pour la défense des barricades Dans cette région du monde, une certaine communauté de lutte existe encore et entretient la flamme des liens et réflexes humains qui ailleurs sont dans un état de destruction avancée, et pour beaucoup à reconstruire complètement.

Il est aujourd'hui vital de saisir comment la bourgeoisie a pu contrer un tel mouvement, comment l'Etat est arrivé à casser une lutte d'essence prolétarienne en laissant se mettre en action toutes ses forces vives contre-révolutionnaires: forces répressives, syndicats, gauchistes, propagande médiatique, etc.

Le 22 mai 2006, les prolétaires du secteur de l'éducation s'étaient mobilisés sur des revendications salariales et autour des conditions sociales du secteur de l'enseignement. A la grève ils joignirent l'occupation de la place centrale d'Oaxaca, point de convergence de milliers d'entre eux venant de la ville mais également de villages de toute la région. Ce mouvement s'est rapidement radicalisé (occupation de route et du rectorat, "planton" dans le centre historique et touristique de la ville, apparition des premières barricades) jusqu'à rallier et mobiliser des dizaines de milliers d'autres prolétaires.

La bourgeoisie locale essaya alors de tuer le mouvement dans l'uf en réprimant militairement. Mais le prolétariat ne se laissa pas impressionner, au contraire cette tentative de l'Etat fut un échec: le 14 juin à l'aube les flics attaquent le campement où se trouvaient 20.000 grévistes. Mais des centaines de prolétaires se solidarisent spontanément et font subir un premier revers aux forces étatiques.

Ce renversement du rapport de force n'est pas dû au hasard. Les traditions de lutte et de résistance ancestrales sont importantes dans cette région du monde, qu'il s'agisse de la proximité géographique et "culturelle" de mouvements et d'organisations prolétariens (Chiapas(2), Guerrero) particulièrement actifs depuis plus de 10 ans ou des grèves récentes dans la métallurgie à Lazaro Cardenas, sans oublier les luttes sociales à Atenco(3).

Suite à cette répression, la mobilisation s'accélère. Le 15 juin, les prolétaires se réinstallent au centre ville, plus nombreux encore, toujours plus déterminés. Dès le lendemain, ils se mobilisent et bloquent à nouveau des routes. Le rapport de force permet la libération de neuf d'entre eux qui avaient été appréhendés.

Le 16 juin, plus de 300.000 personnes marchent pendant dix kilomètres en exigeant la renonciation du gouverneur Ruiz(4), marche interminable sous un soleil de plomb. Ces manifestations de masse, communes sous toutes les latitudes, balades pacifiques dans un cadre où les prolétaires ont l'illusion de représenter une force d'ampleur à travers leur nombre, existeront tout au long du mouvement parallèlement et en contradiction avec le développement des affrontements de classe: ce qui détermine un rapport de force c'est l'extension des actes radicaux (attaques de la propriété privée, blocages économiques, des marchandises, des ports et aéroports) et la constitution du prolétariat comme force autonome et subversive.

Les 17 et 18 juin, une convergence de très nombreuses associations indigènes, syndicales, civiles... crée l'Assemblée Populaire des Peuples d'Oaxaca (APPO) avec à sa tête la section 22 (càd de l'Etat de Oaxaca) qui a pris quelque distance vis-à-vis du syndicat fédéral de l'enseignement (SNTE) à la botte du pouvoir. Tous ces mouvements se fondent dans une seule assemblée "souveraine" qui apparemment a toujours lieu en ville, ce qui évidemment est un handicap majeur pour les prolétaires vivant dans des contrées éloignées, la région étant particulièrement montagneuse. Et l'on peut supposer que c'est un des moyens de remettre plus de pouvoir décisionnel et d'action aux mains des syndicalistes et autres partis sociaux-démocrates implantés quasi exclusivement en ville.

Les jours suivants les blocages s'intensifient.

Les semaines suivantes, avec apparemment un ralentissement pendant la période des élections présidentielles (le 2 juillet) les prolétaires occupent des mairies, des bâtiments administratifs, des hôtels touristiques, se réapproprient des véhicules de l'Etat et perturbent sérieusement l'économie capitaliste en gênant son bon fonctionnement et en compromettant le tourisme, l'un de ses pans importants aujourd'hui, et particulièrement dans la région.

Le premier août, 2.000 femmes organisent une "cacerolaza" et dans la foulée occupent la TV régionale, enclenchant une dynamique de réquisitions des moyens de prendre la parole. Le 22, après l'expulsion des locaux de la TV par des paramilitaires, les prolétaires s'approprient des radios et à certains moments des journaux, ce qui leur permettra en premier lieu de court-circuiter la désinformation, de diffuser leur propagande(5), mais surtout de disposer d'un outil de coordination émeutière extrêmement efficace. Dans les jours qui suivent, la répression larvée (commandos, infiltrations, tirs à l'aveugle) effective depuis deux ou trois semaines s'amplifie et cible plus particulièrement les radios occupées, car l'Etat ne peut pas tolérer que le prolétariat s'empare des moyens de propagande pour s'organiser, contrer ses mensonges et étendre son mouvement.

Dans le même temps, suite à un "convoi de la mort" comme on les appellera communément, plus d'un millier de barricades s'érigent spontanément un peu partout dans la ville et les environs proches. Celles-ci seront défendues jusqu'au bout, et comme bien souvent, les éléments les plus jeunes sont les plus actifs. Autour de la barricade toute une vie sociale s'organise. Les prolétaires font des roulements pour la défendre 24 heures sur 24, d'autres amènent à manger, à boire. Des réunions donnant des directives pour la cohésion et coordination entre barricades ont lieu. On met au point un code de communication en cas de danger immédiat en se servant de fusées. Ces barricades sont régulièrement renforcées, tout cela contribue au renforcement du mouvement.

D'un autre côté, pendant toute cette période le bourrage de crâne bourgeois -que les médias du monde entier se sont empressés de relayer- s'accentue. Cette propagande geint sur la perte du tourisme et le manque à gagner économique, elle véhicule toutes les merdes sociologiques du Capital. Par exemple, elle dit que les insurgés sont des indiens ou des marginaux, bref des lumpens, des paresseux et bons à rien. Un journaflic écrit: "les rues puent la sueur d'indien et le graffiti anarko-punk".

L'Etat entreprend alors de casser définitivement le fer de lance du mouvement, les prolétaires des milieux enseignants: il cède à toutes les revendications, les livrant ainsi aux pressions des syndicalistes. Ces derniers obtiennent ainsi l'arrêt de la grève le 27 octobre: diviser pour mieux régner, et dans ce cas pour mieux affaiblir la lutte(6).

Fin octobre, de nombreux prolétaires défendent et arrivent à maintenir quelques barricades. Le 2 novembre les forces répressives étatiques s'attaquent au dernier bastion du mouvement, l'université et à la dernière radio occupée, radio universidad, et subissent un sérieux revers(7).

Pendant ce mois de novembre est organisé ce qui doit constituer les bases d'un conseil des mouvements constituant l'APPO, un congrès devant élaborer une sorte de programme de gouvernement populaire et de réformes, avec un plan et tout. Evidemment les syndicalistes et politiques s'étaient déjà accaparés les commandes et positionnés pour constituer l'essentiel de ce conseil permanent et ils réussirent à se faire élire. Au début à la traîne du mouvement, l'APPO, comme toute organisation gauchiste, se renforça sur son dos en s'appuyant sur ses faiblesses (pacifisme, naïveté, électoralisme) et en les amplifiant. Légitimée par l'escroquerie démocratique, elle assuma dès lors pleinement son rôle de maintien de l'ordre de l'intérieur du mouvement, ce dont les prolétaires les plus combatifs se rendront vite compte!

Le 25 novembre les prolétaires brûlèrent plusieurs bâtiments de l'Etat et ces gauchistes essayèrent de les en empêcher, les traitant de provocateurs, de flics infiltrés, disséminant leurs poisons: l'immobilisme et le pacifisme. Mais personne ne rentra dans ce jeu de merde de désolidarisation d'avec la violence de classe, et les leaders de l'APPO furent jetés au cri de "c'est le peuple qui décide!". Ce jour-là la radio n'a pas joué son rôle fédérateur et centralisateur (sûrement déjà neutralisée par les forces contre-révolutionnaires de l'APPO, soi-disant à cause des pressions et aussi pour éviter le bain de sang). Les prolétaires ne réussirent pas à reprendre les points stratégiques.

Evidemment, les forces étatiques, dans la dynamique de ne laisser aucune tentative d'organisation autonome se développer, n'ont quant à elles rien de pacifique: Police Fédérale Préventive, "convois de la mort", milices étatiques Vers le 25 janvier un commando de cent personnes armées de bâtons, de pierres, de bouteilles et de pistolets tentent d'interrompre une réunion du "gouvernement populaire municipal" à San Antonino Castillo Velasco, sans succès. Mais ils reviennent le lendemain. L'Etat envoie alors sur Oaxaca des commandos pour harceler les prolétaires et mettre la population locale sous pression, ce qui se traduit par de nombreux morts et blessés par balles. Après le harcèlement, la préparation ouverte à la répression massive: l'Etat, après avoir réussi à fragiliser le "mouvement" en réussissant à détruire les barricades planifia une répression ciblée (établissement d'une liste noire) des prolétaires les plus actifs en les arrêtant chez eux ou sur leurs lieux d'exploitation. De même, sous prétexte de lutte contre la drogue, les contrôles sont renforcés sur les routes de l'Etat d'Oaxaca pour traquer les prolétaires ayant participé au mouvement.

La loi du Capital, du profit peut s'exprimer de nouveau pleinement. Après les arrestations, les familles doivent payer des fortunes et dépenser beaucoup d'énergie pour arracher les leurs des taules.

Plus tard, certains des leaders de l'APPO, comme Flavio Sosa, sont également arrêtés et emprisonnés. Quelle ingratitude de la bourgeoisie envers son aile gauche qui a tout fait pour éviter le débordement et l'élargissement de l'insurrection! Mais tout rentre dans l'ordre puisque l'APPO décide aujourd'hui de participer aux prochaines élections (congrès local et mairies) en août. URO salue leur sagesse d'enfin rentrer dans le jeu institutionnel, bref démocratique, celui le plus répandu dans le monde pour berner le prolétariat, en lui faisant croire que l'Etat pourrait apporter de réelles améliorations à sa vie.

Comme points faibles plus généraux nous pouvons dire que:

- Malgré une dynamique claire de réappropriation des moyens nécessaires à la lutte allant contre la légalité bourgeoise, le prolétariat ne s'est pas clairement attaqué de façon plus large à la propriété privée et aux richesses que s'approprie la bourgeoisie en permanence, supermarchés, villas de bourgeois, récupérations dans les administrations, dans les stocks Ce qui semble indiquer une première faiblesse du mouvement.

- Il y aurait à redire sur une certaine apologie des barricades, sur l'illusion concernant leur force: elles ne représentent qu'une défense limitée. On limite les infiltrations des flics et dehors? On concentre toutes ses forces dans le périmètre intérieur et on est à la merci des forces étatiques qui ont un large champ à l'extérieur pour s'organiser, se replier tranquillement et assiéger la ville. D'où la nécessité de mobiliser et structurer la défense en dehors par le blocage des routes avant que l'Etat n'installe lui-même ses chars comme cela a été fait près d'Oaxaca, ainsi que d'autres points stratégiques.

- Autre critique importante à faire à la direction principale qu'a prise ce mouvement, c'est son enfermement local. En effet, ce qui ressort de beaucoup d'écrits et communiqués est la volonté de construire un "socialisme" dans une seule ville: la "commune libre" d'Oaxaca. En cela s'illustre bien l'antagonisme entre ceux qui veulent s'intégrer au fonctionnement capitaliste en prenant les rênes du pouvoir local et en rester là et ceux qui agissent en confrontation totale avec toute forme d'Etat. Pour ces derniers, il est évident que la lutte ne peut se cantonner à aucune frontière mais se doit de s'élargir à un affrontement global. Or en dehors d'une tentative de généralisation en direction de Mexico à travers une marche partie le 21 septembre, les tentatives d'élargissement géographiques semblent s'être soldées à des appels à soutien, opérant ainsi une distinction entre ceux qui luttent sur place en confrontation violente, et les autres pour qui la solidarité se limiterait à des actions symboliques de protestation aux ambassades, à des pétitions ou à des lamentations sur les victimes de l'Etat. Alors que le prolétariat n'a pas d'intérêt spécifique à un pays ou à un autre, la cause de la misère est partout la dictature bourgeoise contre laquelle il faut s'organiser mondialement. La solidarité internationale est une conséquence du fait que nous reconnaissons les mêmes ennemis et adoptons les mêmes moyens de lutte (piquets et grèves sauvages, blocages de route, occupation, émeutes, réappropriations, etc.) indépendamment des particularismes locaux ou sociologiques. Des luttes importantes ont lieu dans d'autres provinces du Mexique, mais aussi en Algérie, Argentine, Irak, Chine, Bangladesh, Bolivie, Pérou, Liban, Palestine, Equateur, France, Grèce, Chili, Guinée Conakry Luttes isolées qui trop souvent s'ignorent alors qu'elles ne pourraient que se renforcer en échangeant expériences, formes d'organisation et critique des récupérateurs de tout poil.

- Évidemment le mouvement, malgré des minorités révolutionnaires qui sont dans une dynamique d'offensive ne s'est pas effrité seulement à cause de la répression et du harcèlement des flics, mais aussi à travers les divisions et focalisations/illusions réformistes exacerbées par les syndicats et autres gauchistes de service. Le rôle de toutes ces forces sournoises de l'Etat est toujours d'orienter le mouvement vers des objectifs raisonnables, réformistes. Ils ont réussi à emmener la composante principale du mouvement qui était parti sur des bases de revendications sociales, vers la revendication de changement du gouverneur. La destitution d'URO est une focalisation toute trouvée pour acquérir facilement l'approbation générale, rendre impensable toute action à part leurs balades et offrir au Capital une sortie de crise possible au cas où.

Il est important de souligner le fait que lors de moments de renforcement et d'offensive du prolétariat se développe systématiquement en parallèle une force se nourrissant de la combativité du "mouvement" jusqu'à imposer sa direction réformiste, pacifiste, négociatrice:

- Pendant que se cherchent la perspective révolutionnaire et l'insurrection prolétarienne afin d'imposer la dictature des besoins humains, cette direction parle de développer des entités autogérées (caracoles au Chiapas, usines autogérées ou MTD en Argentine, mouvements citoyens et altermondialistes en Europe et Amérique du Nord) qui en s'étendant pourront à terme prendre le relais de l'économie capitaliste, une espèce de contre-pouvoir mettant la bourgeoisie devant le fait établi ou la poussant à renoncer au pouvoir et à céder la place à une économie plus humaine (un autre monde est possible!). Que de criminelles illusions! Jamais la bourgeoisie ne lâchera le pouvoir d'elle-même. Sa fonction est déterminée par la nécessité du capital de créer sans cesse du profit. Pour arriver à cette fin, elle ne peut proposer au prolétariat qu'exploitation, misère, guerre et mitraille!

- Pendant que les prolétaires s'armaient et se barricadaient contre la répression qui fit de juin à octobre une dizaine de morts et de nombreux blessés et arrestations, la direction principale de l'APPO se cantonnait dans le suicidaire mot d'ordre de résistance pacifique. Cela équivalait à désarmer le prolétariat entraînant celui-ci dans un échec. Car bien entendu pendant ce temps l'Etat se préparait ouvertement à la répression, comme il le fait toujours.

- Pendant que l'auto-organisation prolétarienne se structure dans la lutte, l'APPO parle de délégations, de représentativité, de "force de la raison". Leur credo de toujours est plus de démocratie, une meilleure démocratie à travers des assemblées souveraines surtout remarquables pour leur stérilité et leur illusion de représenter un contre-pouvoir. Leur combat se situant principalement sur ce terrain, ils accaparent en douceur les principaux moyens de communication (radios, journaux, véhicules) et les neutralisent.

- Alors que le mécontentement général au sein du prolétariat est très fort, alors que dans un passé très récent il y a eu des luttes dures, la pratique démocratique de l'APPO avec ses composantes syndicales et politiques n'oeuvre en rien dans le sens d'un élargissement géographique en faisant le maximum pour intégrer d'autres secteurs importants (hôtels, PEMEX (pétrole), électricité). Au contraire, au plus fort de la lutte, celle-ci met l'accent sur toute une pratique démobilisatrice: assemblées fermées, discussions interminables et sur un enfermement dans la ville. Aucun syndicat (SME, UNT, CNTE) avec ses structures étendues au niveau tant régional, national que sectoriel n'a appelé à une quelconque grève, ce qui peut expliquer que la marche initiée fin septembre se soit éteinte faute d'énergie combative. Cela ne fait que confirmer la nature contre-révolutionnaire de telles organisations.

Le temps passant, faute d'initiatives suffisamment fortes pour neutraliser la contre-révolution, contrecarrer l'organisation de la répression (occuper les ports, les aéroports, bloquer les routes de façon permanente pour empêcher les troupes d'arriver, destruction ou occupation de la radio ciudadana), faute d'un élargissement de la lutte, subissant d'autant les pressions de l'Etat (militaires, policiers, chantage économique à la survie), le mouvement social ne pouvait qu'aboutir à un affaiblissement dont l'Etat allait profiter pour tenter de le liquider.

QUE VIVENT MILLE OAXACA PARTOUT DANS LE MONDE!

ROMPONS AVEC LA PAIX SOCIALE

SOUTENONS NOS FRÈRES ET SOEURS PROLÉTAIRES DU MONDE

IMITONS-LES LÀ OÙ NOUS NOUS TROUVONS!

QUE VIVE LA RÉVOLUTION!

Mars 2007
Des prolétaires internationalistes
proletairesenavant@hotmail.fr

Notes

1- Émeutiers munis de bazookas artisanaux, simples tubes de PVC desquels jaillissent des fusées.
2- Nous ne pensons pas ici à l'EZLN, organisation bourgeoise, mais à toutes les luttes de cette région hors des caméras du monde du spectacle altermondialiste.
3- A Atenco, une année de luttes importantes contre une expropriation massive en vue de la construction d'un aéroport avec émeutes, occupations et rapport de force au quotidien sur leurs terres mèneront à un abandon pur et simple du projet en août 2002; mais un climat explosif réussit à se maintenir depuis cinq ans.
4- Ou plus exactement Ulises Ruiz Ortiz, appelé URO qui est le gouverneur d'Oaxaca. Gouverneur arrogant, haï car ayant une manière de gérer les affaires capitalistes trop ouvertement libérale, c'est-à-dire favorisant l'enrichissement personnel, le clientélisme et le mépris de la "populace".
5- On peut souvent se rendre compte de la radicalité d'un mouvement social à travers les textes qui le nourrissent: pendant toute la période du mouvement, les écrits vindicatifs et révolutionnaires de Ricardo Florès Magon circuleront par milliers
6- L'organisation des droits de l'homme SERAPAZ a été jusqu'à proposer une trêve de cent jours avec mise à l'écart d'URO. Un comité civique dirigerait la ville et la fonction de police serait effectuée sous contrôle du pouvoir central avec comme conséquence évidente, reflux du mouvement.
7- Le 2 novembre, à l'annonce par la radio universidad de l'attaque contre l'université, beaucoup de femmes sortent et essayent d'enlever les boucliers aux flics. Elles arrivent avec du vinaigre et du coca cola pour les distribuer comme protection contre les gaz rapidement elles s'emploient à casser des cailloux, parfois à mains nues, pour faire des munitions A douze heures quinze lorsque quatre tanks entrèrent en action et arrivèrent des réserves de gaz lacrymogènes, cela provoqua un certain soulagement chez les flics
Beaucoup de cocktails Molotov initialement stockés dans des caddies volent et mettent le feu aux tanks et blessent quelques flics. D'autres armes comme les bouteilles de gaz qu'on enflamme, des frondes, des bazookas en PVC grâce à l'un desquels à un moment de la bataille ils faillirent atteindre un des hélicoptères qui tournaient dans le ciel et les aspergeaient de gaz Les prolétaires renvoyaient les bombes lacrymogènes provenant des lignes de flics et des hélicoptères, ce qui provoquaient le pleurnichement de certains flics qui se protégeaient chez leurs collègues car en plus certains avaient perdu une partie de leurs équipements à cause des jets de pierres. Le plus fondamental fut l'arrivée de milliers de prolétaires qui peu à peu entouraient la PFP. Après plusieurs heures de combat, les prolétaires arrivent à immobiliser un tank, à y mettre le feu et faire fuir leurs occupants. Peu de temps après, lorsque les flics commençaient à manquer de gaz lacrymogène et se virent entourés dans chacune des cinq rues qui menaient au croisement, vint l'ordre de se retirer.
Au début des combats, un chef d'une équipe de nettoyeurs devant enlever une barricade poussait ses ouvriers à soutenir la PFP en criant. Vinrent 500 prolétaires, puis mille lançant des cailloux ils durent fuir avec leur camionnette. Le soir, un serveur de l'hôtel de luxe qui servait de base à l'Etat rigolait en écoutant les justifications d'un fonctionnaire parlant d'un retrait stratégique! Le même serveur participa plus tard à une barricade dans son quartier.
Le 25 novembre, à Macedonio Alcala y Murgina les bazuqueros ont formé une ligne protégée par des boucliers dont certains récupérés chez la PFP pendant d'autres confrontations depuis cinq mois.



Nous soulignons

"Citoyen, tu es déjà mort!"

Les enfants jouent au foot. Ils crient, ils courent, bien vivants. Tout à coup le ballon s'en va cogner une vitre voisine, casse le carreau et pénètre dans l'appartement d'un petit vieux. Qui ne réagit pas. La télé marche pourtant. Les enfants dépités s'occupent à autre chose, n'osant pas réclamer le ballon.

Les jours passent. Les enfants parlent à leurs parents, qui parlent aux voisins, qui, inquiets, vont sonner, frapper et appeler, à la porte du petit vieux, dont on entend toujours la télé, du dehors. La police enfin, l'amie de la famille, est appelée.

On découvre un homme mort. Depuis un an! Assis dans son fauteuil, devant la télévision bien vivante, elle.

Nous supposons qu'une domiciliation bancaire ponctionnait régulièrement le compte du défunt pour alimenter les caisses du proprio et de la télé. En fait, peu importe qu'il fût vivant, pourvu qu'il payât!

N'est-ce pas un peu la réalité de tout téléspectateur? Le passage de l'état de vivant à mort s'est effectué sans douleur, parce que devant le poste nous sommes tous en zone rouge, en état de passage, passifs, happés par l'image qui consomme notre vie.

Ainsi, le prolétariat, quand il est assis, rassis, ratatiné, hébété, battu se laisse télévorer par l'Etat.

Les hommes alors, réduits au silence, écoutent parler le capital!

Et que dire de cet usager du bus n4, côtoyé par les autres passagers quatre heures durant, alors que déjà mort? Les fictions les plus effrayantes n'égaleront jamais la prosaïque réalité. Quelle différence et quelle ressemblance entre les vivants et les morts! Le prolétaire quand il est soumis à l'état de citoyen, amorphe, apathique, est un mort-vivant.

Nous ne pleurerons pas sur ce type de faits qui, aussi divers soient-ils, aussi banals, aussi tragiques, ne concernent qu'une humanité défaite, qu'une classe sociale en sommeil, en léthargie. La publicité de ces faits sert nos ennemis qui y verront là un effet de l'éternelle nature égoïste de l'Individu, vous savez celui qui est "un loup pour l'homme", qui a toujours été comme ça et qui ne changera pas. L'individu pris isolément, en soi, comme une abstraction, échappant à toute détermination de classe. Cet individu que la bourgeoisie tente de naturaliser, à son image, en éternel concurrent de son prochain, depuis la nuit des temps. Cet individu excédentaire qui ne vaut plus grand-chose une fois consommée sa force de travail, comme ces 15.000 vieux prolos assassinés, lors de la canicule de l'été 2003 assassinés oui, malgré la foutaise des explications gouvernementales françaises.

Non, nous ne relevons ces incidents que pour affirmer que ce qui nous est présenté comme une communauté (" elle est pas belle la vie?!" s'acharnent à nous répéter télés et radios), n'est en fait que la pire des sociétés terroristes. Malgré la propagande fade, sous le capital on ne se voit pas, on ne se touche pas, on ne se sent pas, on ne se parle pas. On ne s'aime pas.

"D'une manière générale, dire que l'homme est étranger à son propre être générique c'est dire que les hommes sont devenus étrangers les uns aux autres et que chacun d'eux est devenu étranger à l'essence humaine."

Marx, Manuscrits de 1844, chapitre sur le travail aliéné.

Mais le capital n'arrivera pas à annihiler la contradiction entre ses besoins de valorisation et les besoins humains, même aliénés. Plus il tend à nous déshumaniser, à nous faire vivre et crever comme des sous-humains dans un terrible anonymat, plus notre seule perspective est de bouleverser totalement les rapports sociaux et de détruire l'argent.

Ce sont ces conditions atroces de sous-vie elles-mêmes qui créent, en négatif, les déterminations de notre lutte pour une société humaine.

Négation de ce qui nous nie! Destruction de ce qui nous détruit!

C'est ce que font les prolétaires en lutte aux quatre coins du monde, ils résistent, ils luttent, ils s'affrontent à ce qui les détruit et lorsque, par malheur, ils en meurent, leur mort vaut mille fois celle des deux solitaires et anonymes, décrits plus haut.

Leur lutte est la nôtre, reprenons le drapeau de la révolution mondiale!



Classique de la contre-révolution

Quelques jours après la déclaration de la guerre 1914-18, voilà comment un journal social-démocrate allemand revendique sans fard son travail contre-révolutionnaire, durant les décennies précédentes: enrégimenter la classe ouvrière, la discipliner, la soumettre aux impératifs de la production, aux mots d'ordre aboyés par les dégueulés syndicaux durant des mobilisations moutonnières et des meetings bavards, où ce qui compte uniquement est de désorganiser la combativité prolétarienne. Voilà les prolétaires transformés en moutons obéissants, baissant la tête, soumis aux patrons avant d'être soumis aux ordres des officiers voilà le syndicalisme dans toute sa splendeur! Travail, syndicat, patrie!

"C'est dans le besoin qu'on reconnaît ses vrais amis. Ce vieux proverbe se confirme à l'heure présente. En butte à tant de vexations et de tracasseries, les sociaux-démocrates se lèvent comme un seul homme pour défendre la patrie, et les centrales syndicales allemandes, à qui on a si souvent mené la vie dure en Allemagne prussienne, annoncent toutes unanimement que leurs meilleurs hommes se trouvent sous les drapeaux. Même des journaux d'entreprise du genre du Generalanzeiger, annoncent ce fait et ajoutent qu'ils sont persuadés que "ces gens" accompliront leur devoir comme les autres et que là où ils se trouveront, les coups tomberont peut-être le plus dru."

"Quant à nous, nous sommes persuadés que, grâce à leur instruction, nos syndiqués peuvent faire bien mieux que "rentrer dedans ". Avec les armées de masse modernes, les généraux n'ont pas la tâche facile pour mener la guerre: les obus modernes d'infanterie qui permettent de toucher une cible jusqu'à 3.000 mètres et avec précision jusqu'à 2.000 mètres font qu'il est tout à fait impossible aux chefs d'armée de faire avancer de grands corps de troupes en colonne de marche serrée. C'est pourquoi il faut au préalable "s'étirer ", et cet étirement exige à son tour un nombre beaucoup plus grand de patrouilles et une grande discipline et une grande clarté de jugement, aussi bien de la part des détachements que des hommes isolés, et c'est là qu'on voit quel rôle éducateur ont joué les syndicats et à quel point on peut compter sur cette éducation dans des jours aussi difficiles que ceux-ci. Le soldat russe et le soldat français peuvent bien accomplir des prodiges de bravoure, mais pour ce qui est de la réflexion froide et calme, le syndiqué allemand les surpassera. En plus de cela, il y a le fait que, dans les zones frontières, les gens organisés connaissent souvent tous les recoins du terrain comme leur poche, et que beaucoup de fonctionnaires syndicaux possèdent aussi leur connaissance des langues, etc. Ainsi donc, si on a pu dire en 1866 que la marche en avant des troupes prussiennes était une victoire du maître d'école, il faudra parler cette fois-ci d'une victoire du fonctionnaire syndical."

(Frankfurter Volksstimme du 18 août 1914).



 
Jusqu'à nos jours, toute société reposait, comme nous l'avons vu, sur l'opposition des classes opprimantes et des classes opprimées. Mais pour pouvoir opprimer une classe, il faut lui garantir des conditions telles qu'elle puisse au moins vivre son existence servile. C'est dans le servage même que le serf a réussi à s'élever au rang de membre de la commune, de même que le roturier est devenu bourgeois sous le joug de l'absolutisme féodal. En revanche, loin de s'élever avec le progrès de l'industrie, l'ouvrier moderne descend toujours plus bas, au-dessous même des conditions de sa propre classe. L'ouvrier devient un pauper, et le paupérisme se développe plus vite encore que la population et la richesse. De toute évidence, la bourgeoisie est incapable de demeurer la classe dirigeante et d'imposer à la société, comme loi suprême, les conditions de vie de sa classe. Elle ne peut régner, car elle ne peut plus assurer l'existence de l'esclave à l'intérieur même de son esclavage: elle est forcée de le laisser déchoir si bas qu'elle doit le nourrir au lieu d'être nourrie par lui. La société ne peut plus vivre sous la bourgeoisie; c'est dire que l'existence de la bourgeoisie et l'existence de la société sont devenues incompatibles.
Le Manifeste du parti communiste, 1848