COMMUNISME

Dictature du prolétariat pour l'abolition du travail salarié

Organe central en français du Groupe Communiste Internationaliste (GCI)


COMMUNISME No.58 (Mars 2006):



Concurrence et connivences bourgeoises...

contre notre classe

* * *

La base de la société du capital, c'est la concurrence dans la course à la valorisation, la course au taux de profit le plus fulgurant. Les prolétaires eux-mêmes sont embrigadés dans cette concurrence, depuis la guerre de tous contre tous dans la vente de leur force de travail, jusqu'au massacre entre exploités chaque fois que ceux-ci se rangent derrière telle fraction bourgeoise contre telle autre. Ce que nous voudrions montrer à travers quelques exemples d'actualité, c'est que le prolétariat, lorsqu'il se laisse ainsi dissoudre comme classe, est doublement perdant. Perdant comme chair à canon dans la guerre impérialiste opposant des intérêts qui lui sont fondamentalement antagoniques, perdant aussi, car dans le camp bourgeois, concurrence et connivence cohabitent en permanence. L'histoire le montre, derrière le sempiternel spectacle des poignées de main entre dirigeants, derrière leurs "haines farouches", il y a les véritables alliances utiles et mouvantes, les coalitions de raison contre la classe ennemie, la diplomatie parallèle et les profits occultes,... Les rapports de force réels se jouent toujours en coulisse.

Lorsque le prolétariat se redresse et s'unifie dans la lutte, la bourgeoisie est évidemment amenée à resserrer les rangs derrière ses fractions les plus déterminées, les plus lucides, et les plus aptes à contrôler et à réprimer le prolétariat. Sur ces bases se développent polarisations et concurrence pour déterminer laquelle de ces fractions aura la capacité de prendre réellement la direction des opérations et affronter le mouvement prolétarien. Parallèlement à la distribution des rôles entre fractions bourgeoises, le spectacle reste globalement le même sous de nouvelles oppositions fictives ("dictature"/"démocratie", "Etat de droit"/"raison d'Etat", "liberté civile"/"sécurité"), un spectacle dont l'objectif est d'emprisonner le prolétariat dans des alternatives idéologiques qui détruisent son autonomie révolutionnaire. Mais tout spectacle a ses limites, et face à la réalité les masques finissent par tomber, l'unification de la bourgeoisie contre notre classe apparaît en pleine lumière. Pour occulter cette trop évidente unification, les véritables connivences sont toujours bienmoins médiatisées que les pactes et traités télégéniques, que les grandes joutes entre étendards adverses où la bourgeoisie nous convie à creuser nos propres charniers et ceux de nos frères de classe en lutte. Puissions-nous contribuer ici à attirer l'attention sur quelques aspects de ces clairvoyantes connivences entre frères ennemis dans la concurrence capitaliste, en écrémant le flot d'informations dont nous sommes bombardés.

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Depuis l'invasion de l'Irak par les troupes anglo-américaines, il y a 3 ans, des millions d'arbres ont été abattus et transformés en papier pour nous faire avaler le bobard selon lequel l'Europe, comme puissance économique, avait à ce moment-là des intérêts irréconciliables avec les USA. Tellement irréconciliables que certains grands spécialistes, auto-proclamés stratèges en géopolitiques, jouaient à Madame Soleil et nous pronostiquaient, sans l'ombre d'un doute, que l'Union européenne s'apprêtait à entrer en guerre dans les mois à venir contre ses alliés américains. Le cinéma médiatique du président français Jacques Chirac et de son ministre des affaires étrangères, Dominique de Villepin, ne doit pas nous leurrer sur les véritables objectifs poursuivis durant cette opération par les troupes anglo-américaines. Saddam Hussein avait fait son temps et n'était plus capable d'assurer l'ordre et la discipline capitalistes sur place, comme l'atteste un événement passé tout à fait inaperçu la veille de l'invasion1 , il fallait le remplacer le plus vite possible, il n'y avait pas d'autres choix. Aux USA, pour la fraction la plus décidée à mener à bien cette opération, il fallait faire vite et, illusionnés par la rapide réussite de leur invasion de l'Afghanistan, ces bourgeois étaient bien décidés à régler cette affaire, quitte à y aller seuls. Leurs alliés européens plus prudents se demandaient s'il ne fallait pas mieux partir remettre de l'ordre sur place sous le drapeau bleu de l'ONU afin d'éviter un possible bourbier. Le soulèvement du prolétariat en 1991, durant la première guerre du Golfe, avait laissé un bien plus amer souvenir dans les mémoires des bourgeois européens que dans l'équipe dirigeant actuellement les Etats-Unis. Quoi qu'il en soit, pas un seul moment, lors de cette crise entre les Alliés occidentaux, il n'y a eu une opposition véritable de l'Europe à cette opération de gendarmerie mondiale menée et initiée par les USA.

En guise d'illustration, voilà ce qu'écrivait comme éditorial un certain Alexis Bautzmann, directeur d'une revue française appelé Défense et Sécurité internationale, dans son numéro 6, daté de juillet 2005 :

"Les tensions diplomatiques entre Etats relèvent souvent d'un jeu de dupes savamment orchestré par les principaux antagonistes. Alors que chaque 'adversaire' nourrit devant les médias le mélodrame bien connu de la crise internationale en devenir, la réalité des échanges entres 'ennemis' participe fréquemment d'un tout autre registre. La collaboration 'étroite' entre services de renseignement français et américains durant la dernière guerre d'Irak s'inscrit dans cette logique." [les guillemets sont d'Alexis Bautzmann]

Une "logique" qui permit pratiquement et concrètement l'invasion anglo-américaine. C'est bien le gouvernement français qui a accordé l'autorisation aux B52 de l'US Air Force, en provenance des bases situées en Angleterre, de survoler son territoire pour déverser des milliers de tonnes de bombes sur les quartiers ouvriers d'Irak. C'est encore des bases allemandes que sont partis non seulement les milliers d'hommes nécessaires à cette guerre mais aussi les chars, les hélicoptères, les véhicules de transports de troupes, les obus et autres munitions nécessaires. Pas un seul moment la coalition social-démocrate et écologiste (Schröder pour le SPD et Fischer/Cohn-Bendit pour les écolos), qui affichait ouvertement son pacifisme, ne fit quoi que ce soit pour arrêter le flot continu d'hommes et de matériel qui transitaient de l'Allemagne vers l'Arabie Saoudite. La palme d'or de l'hypocrisie revient sans nul doute à la Belgique, car deux jours après avoir claironné que le pays ne collaborerait pas à l'effort de guerre américain, qu'aucun matériel lié à cette guerre ne traverserait le pays, ni par terre ni par mer ni par air, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense se rétractaient aussi sec, se cachant derrière des traités internationaux signés par leur pays. Aucune feuille de vol d'avion de guerre US ou britannique n'a été modifiée d'un iota, pas une seule seconde ne fut ralenti l'embarquement du matériel et des hommes provenant des bases US en Allemagne, via le port d'Anvers. Le sabotage d'un pont ferroviaire a été vivement condamné, et leurs auteurs furent arrêtés et inculpés.

Ce soutien massif de l'Europe à cette politique de terreur capitaliste ne devait pas se tarir avec la conquête de Bagdad. Tout au contraire, plus la résistance rencontrée en Irak par les troupes d'occupations devenait grande, plus l'Union européenne redoublait d'effort pour soutenir l'opération de police menée par les Anglo-américains. Lors d'une conférence de presse très peu relayée dans les grands médias classiques, la commissaire européenne aux Affaires étrangères, Benita Ferrero-Waldner annonçait que l'Europe "avait déjà dépensé 300 millions d'Euros et y ajouterait avant fin de l'année 2005, 200 autres pour renforcer le processus démocratique dans ce pays". L'Union européenne se révélait être le bailleur de fonds n°1 de cette opération de police en Irak, comme elle l'avait déjà été, avec les Japonais, lors de la première guerre du Golfe en 1991. A cet appui financier important allait aussi s'ajouter, dans le cadre de l'opération Eujustlex, la formation de juges et autres magistrats2 , ainsi que celle de centaines de matons et la construction d'une série de prisons aux normes européennes, sans même parler de la formation et de l'entraînement de milliers d'hommes irakiens appartenant aux différents corps de répression. Cette opération sera supervisée par l'expert britannique Stephen White, ce dernier ayant fait ses preuves comme ancien responsable de la répression en Irlande du Nord. Toutes ces missions, d'après Javier Solana, ancien secrétaire général de l'OTAN et maintenant sorte de ministre des affaires étrangères européen, devront " servir à renforcer le cadre de stabilisation et de reconstruction du pays". Et l'on sait quelle est la situation de pénurie et de dénuement dans laquelle se débat aujourd'hui le prolétariat en Irak, en particulier pour l'approvisionnement en eau courante, depuis que les canalisations et stations d'épuration ont été systématiquement détruites au cours des bombardements ayant précédé l'invasion par les troupes anglo-américaines.

Mais la collaboration dans la répression mondiale du prolétariat entre marchands européens et américains n'est pas du tout récente. Lors de l'invasion même de l'Irak en 2003, l'Europe participa pleinement à la mobilisation des 250.000 hommes de troupes US, en prenant à sa charge une part active dans la pacification de l'Afghanistan récemment conquis par les armées américaines. Pour permettre au Pentagone de libérer un maximum de GI's pour envahir l'Irak, c'est l'Union européenne et ses sbires qui allaient prendre en charge la reconstruction de l'Etat en Afghanistan, libérant ainsi des forces américaines pour mener à bien l'attaque contre l'Irak. Depuis lors, la présence d'armées françaises et allemandes s'est vue renforcée par l'envoi de troupes italiennes, grecques, belges, turques, norvégiennes, hollandaises, danoises, espagnoles, australiennes... bref toute une série de pays que les médias nous avaient présentés comme étant opposés à la politique interventionniste des USA. C'est à la France que revient aujourd'hui "l'honneur", comme le dit si fièrement son ministre de la défense madame Alliot-Marie, de former les officiers de l'ANA, l'Afghan National Army, ainsi que de mener des opérations de répression à travers tous le pays. Rappelons, si cela était encore nécessaire, la très vieille tradition que possède en ce domaine l'armée française, qui se couvre régulièrement de gloire en massacrant courageusement des millions de civils au quatre coins du monde. Renouant avec leur plus prestigieux passé colonial, les troupes françaises déployées dans ce pays depuis plus de 2 ans, telles la 27ème brigade de montagne et la Légion étrangère, n'ont certainement rien à envier, en matières d'atrocités, à celles qui furent commises hier encore par les troupes soviétiques qui avaient envahi le pays en 1980. C'est encore l'Europe qui assura la planification et l'organisation de la répression en Afghanistan en créant un état-major centralisant les opérations de tous ces mercenaires assoiffés de sang. Successivement aux mains d'officiers français, allemands et aujourd'hui turcs, c'est dans les bureaux de cet état-major que furent étudiées et planifiées les opérations de ratissage, où viols, meurtres, vols, assassinats, bombardements de villages, déportations, destructions des champs... sont devenus tellement courants qu'ils ont fini par émouvoir des organisations bourgeoises comme Amnesty International qui, bien sûr, comme à son habitude, les dénonce seulement à titre d'excès. Pauvres naïfs, peut-on sérieusement envisager un capitalisme sans guerres, massacres, viols, exploitation... bref sans tout ce qui le caractérise? En plus de l'aspect proprement militaire, ce sont aussi en majorité les ONG européennes qui assurent un quadrillage de la population locale en exerçant le chantage permanent d'obtenir de la nourriture, voire des semences pour les agriculteurs, en échange d'une collaboration toujours plus ouverte avec les troupes d'occupation. Pas étonnant donc de voir le personnel de ces ONG être pris très régulièrement pour cible au même titre que les militaires présents dans ce pays. Humanitaires et militaires sont vus par les prolétaires du coin comme autant d'ennemis servant tous la même cause : celle de la défense acharnée de la civilisation capitaliste et de sa nécessaire démocratie. Un autre volet qui vient renforcer cette politique de terreur se trouve matérialisé par l'envoi massif de députés européens, de missions ministérielles qui supervisent et assurent la reconstruction de l'Etat, tout comme en Irak. Non seulement la police, mais aussi les prisons, le système judiciaire, les écoles... et tout ce qui est nécessaire pour imposer l'ordre et le travail, est subsidié à coup de millions d'euros par un Fonds d'aide européen auquel participent tous les pays de l'Union européenne. Le rétablissement et le renforcement de l'ordre et de l'enfer capitalistes en Afghanistan sont assurés non seulement par l'invasion des troupes US, mais aussi dans un deuxième temps par les troupes, les ONG, et l'argent européens. Ce sont, une fois de plus, les fidèles alliés européens de cette politique de terreur menée et centralisée par les Etats-Unis qui allaient orchestrer la mascarade électorale et propulser Hamid Karzaï, l'ex-administrateur d'une société pétrolière américaine, au poste de premier ministre d'Afghanistan.

Plus les difficultés que rencontrent les troupes d'occupations en Irak s'amplifient et plus ceux qui hier faisaient semblant de dire non à la politique des USA se présentent comme leurs plus zélés collaborateurs. Afin d'alléger le dispositif américain dans toute une série de pays à travers le monde, c'est sous pavillon européen que plus de 7.000 hommes ont été dépêchés en ex-Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine...), pour assurer le maintien de l'ordre existant. Depuis le 1er décembre 2004, c'est directement sous la bannière de l'Union européenne et dans le cadre de l'Euroforce que des troupes européennes contrôlent la région à la place des troupes US envoyées, elles, se battre en Irak. Et il en va de même dans un grand nombre de pays d'Afrique, comme l'atteste la présence de troupes françaises en Côte d'Ivoire dans le cadre de l'opération Licorne, la présence de diverses troupes européennes (françaises, italiennes, anglaises...) dans la région du Darfour (région montagneuse de l'est du Soudan), d'autres encore au Sierra Leone, au Tchad, en République Démocratique du Congo... Sans même parler des bases permanentes dont disposent les troupes françaises et anglaises en Afrique. La prochaine destination pour ces missionnaires dispensant la mort et la désolation sera probablement la Somalie où, là aussi, l'ordre a besoin d'être rétabli. Des milliers d'hommes de différents pays africains encadrés par des troupes françaises et anglaises s'apprêtent à occuper le pays sous la bannière de l'Union Africaine "pour garantir la paix" avec l'aide financière et technique des Nations Unies. Et la liste ne s'arrête pas là... il suffit d'ouvrir n'importe quel journal pour l'allonger. Ainsi l'Opération Felino a vu pour la première fois cette année la concentration de l'ensemble des troupes spéciales d'Angola, du Cap Vert, de Guinée Bissau, du Mozambique, de Sao Tomé sous l'égide du Portugal avec pour objectif déclaré "d'entraîner les troupes pour la paix". Décidément, plus les bourgeois nous parlent de paix et plus les prolétaires entendent les bruits de bottes et les coups de canon. Fin juin 2005, sous l'égide des USA et en collaboration avec des instructeurs européens se déroulait l'opération "Flintlock 2005", regroupant 700 marines américains et plus de 3.000 soldats algériens, nigériens, maliens, mauritaniens, tunisiens, ghanéens... Cette opération avait pour objectif déclaré d'entraîner ces hommes qui ont déjà beaucoup de sang sur les mains à apprendre à travailler ensemble dans de futures "opérations de maintien de la paix".

Et cela n'est jamais assez ! Le Moloch capitaliste en exige toujours plus. A l'initiative de Paris et de Londres se sont mis en place dès 2003 les premiers contingents de la future armée unifiée européenne sous l'appellation de Groupes d'Intervention Inter-Armes (GTIA) composés chacun de 1500 hommes "chargés d'intervenir sous le drapeau de l'Union européenne pour maintenir la paix à travers le monde". Parallèlement, le 17 septembre 2004, lors d'une réunion informelle des ministres de la défense européens, l'allié le plus fidèle des USA complétait son dispositif en vue d'accroître son efficacité dans la répression sociale en décidant de mettre en place une Force de Gendarmerie Européenne (FGE) ayant pour but "de maintenir l'ordre, participer pleinement à la lutte anti-terroriste et anti-mafia dans le cadre d'actions extérieures civilo-militaires de stabilisation et de maintien de la paix". Vaste programme ! L'état-major de cette FGE sera placé à Vicenze, en Italie, et sera chargé de diriger et de planifier toute une série de forces de répression qui se trouvent déjà à l'oeuvre en Macédoine, en Bosnie, au Kosovo, en Côte-d'Ivoire, au Liban, au Tchad, en Haïti. Le choix de Vincenze n'est pas un hasard, cet état-major se trouvant à seulement 240 kilomètres de la base américaine de Camp Darby (entre Pise et Livourne), l'entrepôt logistique militaire le plus grand du monde. C'est ce centre de ravitaillement, doublé d'un centre de commandement, qui joue aujourd'hui un rôle fondamental dans l'approvisionnement des troupes américaines actuellement engagées en Irak.

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Cette collaboration tous azimuts entre les différents membres de l'internationale des exploiteurs ne se limite pas uniquement à leurs alliés européens. Un autre protagoniste joue un rôle tout aussi important dans la cour des grands prédateurs qui ensanglantent notre planète : la République démocratique de Chine qui, comme puissance impérialiste aux côtés des autres, tente de remettre, elle aussi, de l'ordre en Haïti en envoyant plus de 125 officiers et sous-officiers de police anti-émeutes pour aider à former la police locale. Tout ceci ne fut rendu possible que grâce à la bénédiction de Washington et de Paris qui administrent directement Haïti depuis leur intervention en 2003. C'est sous la supervision du Pentagone que ce programme de formation a été élaboré avec les autorités chinoises. Cela fait plusieurs décennies que la police et l'armée de "l'Empire du milieu" sont passées maîtres dans l'art de contrôler et de réprimer les foules protestant contre les conditions misérables dans lesquelles les plongent quotidiennement les bouleversements de la course effrénée au profit. Le nombre de journée de grève, de manifestations, de séquestrations de patrons et autres autorités, de sabotages... ne se comptent plus à travers toute la Chine et plus spécifiquement dans les zones économiques spéciales (ZES) où la division internationale du travail a concentré de manière extrêmement puissante, rapide et barbare des milliers d'usines et des millions de prolétaires le plus souvent arrachés avec une violence inouïe à la culture de la terre pour être mis à la disposition du capital, entassés dans des bidonvilles où misère, pollution, promiscuité, heures de travail exténuantes, maladie, répression... se disputent pour savoir lequel de ces maux typiquement capitalistes enverront ces prolétaires définitivement sous terre. C'est fort de cette expérience que la bourgeoisie chinoise tente de faire partager son savoir-faire à ses consoeurs en proposant ses services. Et le Pentagone ne s'y est pas trompé en donnant son feu vert à la formation des nouvelles unités anti-émeutes haïtiennes par des policiers chinois.

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Changeons de décor, sans changer de farce sanglante. Alors que Washington continue aujourd'hui à qualifier la Syrie de pays "appartenant à l'axe du mal", voire dans une autre variante de cette rhétorique simpliste, "d'avant-poste de la tyrannie", on apprenait comment les services secrets syriens collaboraient ouvertement à cette formidable campagne de terreur lancée contre les prolétaires du monde entier. Ainsi, on pouvait lire dans l'hebdomadaire français Marianne numéro 399, daté du 11/12/ 2004, ce qui suit :

"En réalité, la guerre globale contre la terreur a conduit à la création d'un réseau mondial d'échange des prisonniers, et au prêt de personnel pour assurer les interrogatoires... Le régime de Damas, bien que critiqué en public par les faucons du Département d'Etat, collabore en sous-main avec Washington contre Al-Qaida..."

D'autres informations nous apprennent que les barbouzes syriens, sous la supervision d'agents des services secrets américains, s'occupent de la torture en Syrie, et en arabe, des détenus capturés directement lors d'opérations militaires américaines non seulement en Afghanistan et en Irak, mais aussi lors de kidnapping accomplis dans toute la zone arabophone, voir même en Allemagne et en Italie. Cette véritable sous-traitance de la torture permet au gouvernement des USA de regagner une certaine légitimité en présentant sa guerre comme une guerre propre, sans tortures et sans bavures, essayant de faire oublier les scandales des prisons irakiennes d'Abu Graïb et de Guantanamo sur l'île de Cuba. Pourquoi continuer à se salir les mains avec cette besogne crapuleuse alors que les "avant-postes de la tyrannie" peuvent assurer proprement et discrètement ce travail indispensable dans la guerre menée contre les prolétaires qui ne veulent pas se soumettre aux nécessités du capital ? 4

Dans la même veine, on apprenait que l'Iran, autre pays estampillé par Washingon comme faisant partie de "l'axe du mal", avait discrètement négocié avec le gouvernement irakien en place, c'est-à-dire directement avec les Etats-Unis, la construction de 24 postes frontières chargés de contrôler une bande frontière commune de plus de 130 km pour empêcher "les terroristes" de s'infiltrer en Irak. A l'occasion d'une réunion à Téhéran entre les ministres de l'intérieur égyptien, koweïtien, jordanien, saoudien, syrien, turc et irakien, le 1er décembre 2004, le gouvernement iranien a proposé à son voisin irakien de prendre en charge la formation et l'équipement des garde-frontières du pays. Cette collaboration ouverte avec "le grand satan américain" ne date pas d'hier. Le gouvernement iranien a toujours soutenu les troupes d'occupations en Irak en participant pleinement au processus électoral et à la formation du nouveau gouvernement qui, sans le concours des partisans des ayatollahs iraniens dans ce pays, n'aurait jamais pu être "cette grande victoire de la démocratie" comme ont pu le claironner pendant des semaines les médias occidentaux. Pas étonnant, dès lors, de voir les représentants de l'ambassade iranienne à Bagdad se faire enlever et liquider, comme de vulgaires agents de Washington. Comme il n'est pas étonnant de voir des attaques lancées contre le clergé qui soutient la politique de terreur que font régner les troupes d'occupation. Le nombre d'ayatollahs et de mollahs assassinés en Irak ne se compte plus.

Cette collaboration ouverte entre l'Iran et les USA ne se limite pas uniquement au domaine politique ou militaire. Tout comme pour l'Union européenne, c'est aussi au niveau financier que l'Iran des ayatollahs intervient en versant, depuis le début de l'invasion, des millions de dollars pour créer un réseau caritatif devant suppléer à l'incompétence, la corruption et la gabegie des troupes occupantes, et afin de servir à assurer le minimum vital qui aidera à rétablir l'ordre social. Comme on le constate tout au long de cet article, entre ce que la bourgeoisie nous livre comme propagande et la réalité des faits, le fossé devient chaque jour plus grand et constitue un autre moment de la catastrophe dans laquelle les capitalistes se débattent.

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Nous voudrions terminer cet article en soulignant un autre exemple de comment les bourgeois, malgré des intérêts divergents, se mettent finalement d'accord pour mener à bien l'indispensable entreprise de pacification sociale, qui en dernière instance a pour objectif d'assurer l'exploitation de la classe ouvrière à travers le monde.

La bourgeoisie en Israël s'est mise depuis quelque temps à redessiner la carte de la région. En évacuant d'une part la bande de Gaza, qui passe directement sous l'Autorité palestinienne, le gouvernement Sharon pouvait tranquillement reprendre une vieille idée du parti travailliste, délimiter de nouvelles frontières grâce à la construction d'un mur de séparation qui englobera à terme la plupart des implantations israéliennes avec le reste d'Israël. Mais pour que cette politique devienne réalité, il faut du ciment, encore du ciment, des milliers de tonnes de ciment pour construire ce mur long de plusieurs centaines de kilomètres. Et là, malgré la grande facilité des entreprises israéliennes à faire surgir du sol des dizaines de colonies en quelques mois, il n'y a tout simplement pas assez d'usine à ciment en Israël pour produire les quantités suffisantes à l'érection de ce mur.

Un formidable marché se présentait aux vautours avides de faire de bonnes affaires. C'est Pelsinsky, un entrepreneur israélien de Haïfa, qui décrocha ce juteux contrat en faisant appel aux cimenteries égyptiennes. Il réussit, grâce à son passeport allemand, à négocier la livraison de plus de 120.000 tonnes de ciment à Israël. Mais l'affaire capota lorsqu'elle fut relatée dans la presse locale égyptienne, entraînant des manifestations au Caire contre ce projet. Toutefois, monsieur Pelsinsky, comme tout bon capitaliste, n'allait pas se décourager devant ces quelques difficultés. Retroussant ses manches et faisant appel à un carnet d'adresses fort important, il parvient en septembre 2003 à faire signer un nouvel accord entre lui, les cimenteries égyptiennes et... Jamal Tarifi, ministre palestinien des affaires publiques, mais aussi et avant tout propriétaire de la Quandelle Tarifi Company of Cement. Ce monsieur Tarifi possédait plusieurs qualités que monsieur Pelsinsky n'avait pas aux yeux des éditorialistes patriotes égyptiens qui fabriquent l'opinion publique, d'abord celui d'être arabe, ensuite d'être ministre de l'Autorité palestinienne et enfin, et cela n'est pas le plus accessoire, de posséder une entreprise, la plus grosse entreprise de ciment de Palestine. Plus de 420.000 tonnes de ciment furent ainsi vendues par les capitalistes d'Egypte, en toute tranquillité, non pas à Israël, mais à l'Autorité palestinienne qui, elle, s'empressait de revendre le tout aux Israéliens occupés à construire le mur. Mais la crapulerie capitaliste ne peut se contenter de si peu. Alléché par une nouvelle bonne affaire à réaliser, Pelsinsky et ces complices allaient accroître leurs bénéfices par une nouvelle entourloupe. Le gouvernement égyptien avait mis en place depuis des années toute une série de règlements douaniers favorisant le commerce avec son voisin palestinien. Ainsi, tous ciment vendu en Palestine dans le but déclaré de participer à la reconstruction de bâtiments détruits par l'armée israélienne, n'était pas imposé de la même façon et recevait une prime qui ramenait la tonne aux alentours de 22 dollars l'unité. Pour cela il fallait bien entendu que le ministère des affaires économiques palestinien ajoutât à la transaction une sorte de certificat garantissant la finalité de l'achat de ce ciment. Tout le monde se servit et se remplit les poches dans cette fabuleuse magouille, d'abord le ministre de l'économie palestinienne, par la vente de certificats, ensuite la Société Générale des Services Commerciaux Palestiniens, sorte de société d'Etat aux mains de monsieur Mohammed Rashid, président de la dite entreprise mais aussi trésorier personnel du plus haut représentant de l'Autorité palestinienne, feu Yasser Arafat lui-même. Le premier ministre palestinien de l'époque Ahmed Qorei, également propriétaire de l'entreprise Al-Quds Cement Company, qui défraya la chronique à plusieurs reprises par le scandale qu'elle suscita dans sa participation directe à la construction de colonies israéliennes, collabora lui aussi à l'achat et à la vente de ce ciment. Tous, absolument tous, se remplirent les poches, faisant passer la tonne de ciment achetée en Egypte de 22 dollars à 35-37 dollars l'unité lors de sa vente à Pelsinsky. Même les services de sécurité de Gaza, qui accessoirement ont dans leurs compétences les services douaniers, se servirent et s'enrichirent jusqu'à provoquer l'exaspération de la population qui abattit le responsable de ces services de sécurité en pleine rue quelques mois plus tard. Diverses enquêtes signalent que plus de 6 millions de dollars passèrent ainsi dans les poches des dirigeants palestiniens qui continuaient, dans les médias comme derrière les tribunes internationales, à nous chanter leur ignoble et lucratif petit refrain sur "la nation palestinienne opprimée".

Ainsi sous couvert de patriotisme, des bourgeois égyptiens vendaient du ciment aux capitalistes palestiniens, pour soi-disant reconstruire la Palestine détruite par "l'ennemi sioniste", et ce ciment finissait par être utilisé par les exploiteurs israéliens à la construction d'un mur infranchissable derrière lequel des milliers de prolétaires sont parqués, entassés et où ils crèvent dans une misère effroyable, coupable d'une seule et unique chose: être devenu indésirables aux yeux des exploiteurs, parce qu' ils ont osé lutter et refuser la dictature du capital. Un député palestinien, Hassan Kreish, était obligé d'avouer qu' "alors que personne ne bougeait le plus petit doigt contre les capitalistes palestiniens, nous [l'Autorité palestinienne. NDR] avons arrêté des pauvres qui travaillaient comme journalier à la construction du mur...". Les hommes d'affaires pouvaient tranquillement continuer à vaquer à leur occupation en se remplissant les poches tout en chantant leur immonde "amour de la Patrie", mais ceux qui ne possèdent rien d'autre que la vente de leur force de travail comme moyen de survie, étaient eux emprisonnés, bastonnés et traités de "collaborateurs" avec "l'ennemi sioniste". Voilà l'histoire honteuse de ce mur !

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Tout ce qui divise les bourgeois, en fait, les unifie aussi contre nous. Croire un seul instant qu'il est plus doux de vivre sous la bannière bleue de l'Union européenne que sous celle de l'Uncle Sam, comme ont voulu nous le faire croire les Chirac et autres Cohn-Bendit, est un faux choix qui nous livrera à un moment ou à un autre pieds et poings liés à une fraction bourgeoise contre une autre. Aucune alliance n'a jamais été possible, et ne sera possible, entre le prolétariat et une quelconque fraction bourgeoise. Leurs oppositions, leurs affrontements, leurs guerres se font toujours avec nos morts, avec les cadavres de notre classe. C'est en restant sur notre terrain de classe, en revendiquant l'unique guerre libératrice pour notre classe, la guerre sociale pour l'abolition du salariat, que nous pouvons dénoncer TOUTES les fractions bourgeoises, qui sont TOUTES nos pires ennemies. Que nous pouvons lutter contre ceux qui assassinent nos frères de classe qui luttent en Irak, en Afghanistan, en Palestine... comme les mêmes salopards qui nous font face ici lorsque nous faisons grève, lorsque nous brûlons des mairies et des commissariats, voire même pour remonter dans un passé pas si lointain que cela, lorsque nos ancêtres partaient à "l'assaut du ciel" à l'époque de la Commune de Paris! La lutte de nos frères de classe là-bas est la nôtre. Notre ennemi est identique : c'est la bourgeoisie mondiale centralisée aujourd'hui autour de la bannière étoilée, et soutenue par toutes les fractions, des plus pacifistes aux plus progressistes. Contre tous les fronts où le prolétariat perdrait de vue son objectif historique d'inscrire le mot fin sur cette société à l'agonie, nous revendiquons notre terrain de classe, notre refus de toutes les guerres impérialistes, de toutes les mesures d'austérité, des campagnes de licenciement et autres restructurations. Battons-nous pour nos propres intérêts contre toutes les fractions bourgeoises, avec nos frères de classe du monde entier. Prolétaires de tous les pays unissons-nous enfin contre la bourgeoisie qui, elle, nous fait déjà face solidement armée et bien unifiée!

VIVE LE COMMUNISME !

Notes

1- Afin de mettre la population de leur côté, les dirigeants irakiens promirent de libérer tous les détenus qui prendraient les armes contre les troupes de la coalition, à l'exception de ceux "qui avaient du sang [de baasistes - NDR] sur les mains". Le prolétariat se rendit ainsi devant les prisons, le jour annoncé pour l'amnistie, mais ne se soumit pas aux conditions dictées par les dirigeants capitalistes locaux. Toutes les prisons furent prises d'assaut et vidées, sans que les forces de répression présentes ne soient capables d'empêcher un tel débordement. Cet événement, passé quasi inaperçu à l'époque, tellement le battage médiatique se concentrait sur ce que Chirac disait à Bush, nous donne encore une idée du niveau de décomposition dans lequel se trouvait le régime de Saddam Hussein et l'impérieuse nécessité pour les capitalistes du monde entier d'envahir l'Irak pour enfin réimposer l'ordre.
2- Et cela, au moment même où en Irak tous ces magistrats aux mains couvertes de sang étaient la cible d'attaques quotidiennes de la part de prolétaires.
3- Voir à ce sujet dans notre revue en français, Communisme N°56.
4- Depuis lors, dans les mass-médias, de nouvelles informations ont été largement diffusées soulignant que la torture et l'organisation de cette torture, touchaient toute une série de pays appartenant non seulement à ceux définis dans la rhétorique de la Maison Blanche comme "l'axe du mal", mais aussi à ceux jugés, toujours d'après cette même rhétorique, comme appartenant "au camp de la civilisation et de la démocratie". Ainsi, la Bulgarie, la Pologne et la Roumanie, en totale collaboration avec les services secrets du Pentagone, hébergent des camps où sont torturés systématiquement tous les prisonniers. D'autres informations nous apprenaient que la Suède, la France, l'Espagne... ont eux aussi fait preuve de connivence et de collaboration dans cette sinistre besogne en offrant leur aéroports comme lieu de transit pour le transport des prisonniers.
Bernard Kouchner, ex-ministre français de la Santé et dirigeant du Parti socialiste français : "Nous étions les vrais amis de Saddam, nous étions les fournisseurs d'armes, nous étions parmi ceux sans doute (...) qui ont contribué à la fabrication des armes chimiques (...) Le massacre des Kurdes passait pour quelque chose de dérisoire. On en riait à cette époque en France".

(extrait du journal belge Métro - 20/10/2005)


"BUSINESS AS USUAL"

1914-1918. La guerre fait rage. Dans chaque camp, on veille à la discipline. Les contestataires et les timorés, accusés de ne pas tout mettre en oeuvre pour favoriser le sort des armes sur le champ de bataille, encourent de lourdes peines pour "antipatriotisme, trahison et intelligence avec l'ennemi". La bourgeoisie, agent de propagande et de répression, fait néanmoins montre envers elle-même d'un peu moins de sévérité. Les marchands de tout bord poursuivent leurs juteuses affaires, et les considérations idéologiques ne doivent pas entraver leur course vampirique au profit. L'expression de Churchill pour l'occasion, "Business as usual", ne saurait mieux résumer l'essence du fonctionnement du capital, en cette occasion comme en toutes les autres.

G. Feldman in Army and Industry and Labor in Germany 1914-1918 rend compte:

"En Allemagne, l'armée exigeait des obus du meilleur acier, aussi, dès 1915, le ministère ne renouvela pas les contrats Thomas. Tandis que, contraints et forcés, les industriels se convertissaient peu à peu aux obus Martin, les stocks d'obus Thomas étaient vendus, via la Suisse, à la France et à l'Italie. Lorsqu'en 1916 la Grande-Bretagne interrompit ses propres exportations d'acier, la demande des neutres, des Français et des Italiens s'accrut brusquement. Faute de devises, le gouvernement allemand laissa les industriels reconvertir une partie de leur production, à condition de pratiquer des prix cartellisés, pour éviter toute course à la baisse entre les différents magnats allemands. Ceux-ci eurent tôt fait de préférer vendre du Thomas à l'ennemi que du Martin au ministère. Lors de la bataille de la Somme, le commandement se trouva, pour la première fois, moins bien approvisionné en munition que l'adversaire. Il exigea, d'urgence, le maximum d'obus, même de type Thomas. Les producteurs les offrirent au ministère, mais au prix cartellisé. Le ministère exigea le juste prix, les industriels refusèrent de livrer. Ainsi, ils vendaient à l'ennemi, via les neutres, des obus qu'ils ne fournissaient plus à leurs propres soldats. Cette situation ne dura guère. Hindenburg avait besoin de l'aide des industriels. Il ordonna au ministère de leur donner "le prix qu'ils voudraient".

L'Allemagne, bien sûr, n'avait pas le monopole de ce genre de pratique. La France, par temps de disette sur son territoire, faisait parvenir à l'Allemagne bovins et fourrages par la frontière helvétique. La Grande-Bretagne, qui avait officiellement proclamé le blocus de l'Allemagne et interdisait donc aux autres pays de vendre leurs surplus à celle-ci, organisa à travers la Suède et le Danemark un riche trafic. Consett, attaché à l'ambassade britannique de Copenhague et observateur indigné de ces transactions, s'étonne que ses rapports incessants n'émeuvent pas du tout ses supérieurs. Il note le cas pour le cacao, le coton, le caoutchouc, le poisson et des produits de première nécessité. En Angleterre ainsi que sur le front, ces marchandises commençaient à faire défaut, tout comme l'huile à moteur et à frein, qui prenaient elle aussi le chemin des ports allemands. De même pour le ciment: ainsi les fameux blockhaus des tranchées allemandes, qui ont coûté tant de vies parmi les soldats alliés qui devaient leur donner l'assaut, venait en grande partie d'Angleterre, via la Hollande, tout comme le nickel des canons de l'armée allemande et l'essence de ses avions. Le cas des produits stratégiques est particulièrement remarquable. La plupart des explosifs étaient à base de glycérine qui exigeait pour sa fabrication une grande quantité de graines tropicales comme le coprah et le soja. L'Allemagne en était complètement démunie. Avant la guerre, l'Empire britannique était son principal fournisseur ainsi que la Russie pour les matières grasses non tropicales. Les statistiques réunies par Consett montrent que de 1915 à 1918, les importations du Danemark doublèrent brusquement, suivant précisément la courbe des ventes anglaises et celles des achats de l'Allemagne au Danemark: le fait est attesté pour le coprah, le soja et également le cuivre, tous produits qui constituaient le goulot d'étranglement le plus caractérisé de l'industrie de guerre allemande et sans lesquels elle n'aurait jamais pu prolonger le conflit.

Pour les trafics de capitaux entre les différents pays "ennemis", on dispose d'assez peu d'informations. Il faudrait connaître les comptes de certaines banques qui avaient des intérêts dans plusieurs pays des deux camps, comme la Barclays Bank, entre bien d'autres.

Ainsi, pendant ces périodes de déchirements intenses, les bourgeois poussent les prolétaires au massacre mutuel en clamant à travers leurs organes de propagande mis à contribution maximale, le devoir de tout sacrifier pour son armée, la passion hystérique de son pays et la haine, poussée jusqu'au racisme, du voisin.

Puis, pas haineusement du tout, bourgeois des deux camps s'unissent autour d'un verre et d'un bon cigare et discutent affaires. Qu'importe si les transactions portent sur du matériel de guerre qui, livré à "l'ennemi", finira par déchiqueter des milliers de leurs propres "compatriotes". La marchandise est d'autant plus séduisante que l'air du temps en fait un bien très convoité et que les marges de profit attenantes sont gonflées jusqu'à la démesure. En effet, les prolétaires des usines d'armement, abreuvés ad nauseam par les appels vibrants aux vertus morales du patriotisme et du désintéressement, sont convaincus d'uvrer pour les besoins de leurs frères sur le front et acceptent les pires conditions de travail tout en produisant plus que jamais. "Business as usual".




Discussion internationale

à propos de la lutte du prolétariat en Irak

* * *

A) NOS CRITÈRES

Notre revue n'est pas une revue d'opinion, ni une tribune où s'expriment différentes positions sur les différents thèmes d'actualité. En tant qu'organe de lutte du prolétariat, elle exprime ce qui manque le plus à notre classe: des informations claires et tranchantes, des affirmations programmatiques, une perspective, une direction révolutionnaire.

Dans ce cadre, lorsque nous publions des positions qui ne sont pas les nôtres, c'est clairement pour les critiquer, pour mieux développer et formuler nos positions en tant que négation des positions dominantes. Toutes les affirmations programmatiques de notre classe se sont toujours développées, à juste titre, sur base de la négation, de la critique.

Il ne fait aucun doute qu'au sein de notre classe et en particulier au sein des minorités révolutionnaires, il y a des divergences, des polémiques. Pour faciliter la circulation de ces positions, en particulier lorsqu'elles s'expriment sous forme de deux positions opposées, il y a eu et il existe toujours une série d'autres matériaux, correspondances et publications internationales, qui circulent entre camarades ou groupes de camarades, en fonction de la langue dans laquelle elles sont développées.

Publier dans Communisme les différentes positions en présence dans une polémique revêt un caractère tout à fait exceptionnel. Nous ne le faisons que dans la mesure où les différentes positions tentent de se situer sur le terrain de notre classe et où le fait d'exposer cette polémique permet d'approfondir la compréhension d'un problème ou d'un thème d'actualité. En effet, une position est plus claire lorsqu'elle est présentée sur base de l'opposition même qui lui a permis de s'affirmer, de se clarifier.

Rappelez-vous la polémique entre Jehan et Hennaut sur les raisons des guerres impérialistes, publiée dans notre revue; elle nous a permis de mieux cerner la conception communiste vis-à-vis de ces guerres inhérentes à la société bourgeoise1.

Dans ce numéro, et dans la mesure de nos possibilités, nous aimerions présenter une polémique qui s'est développée entre militants et groupes frères, au sujet de la lutte du prolétariat en Irak. Cette polémique va bien entendu au-delà de ce qui se déroule dans ce pays et traite de problématiques propres au prolétariat mondial, problématiques complexes et variées telles que la question de la résistance prolétarienne aux Etats gendarmes, la lutte contre la police internationalisée, le combat contre la participation active ou passive des prolétaires citoyennisés à la force de ces polices, etc.

Elle pose avant tout l'épineux problème de la lutte du prolétariat pour son autonomie face à toutes les fractions du capital en un moment historique où ces fractions agissent de manière centralisée pour réprimer de concert. C'est-à-dire qu'elle pose la question de l'action révolutionnaire alors que la contradiction bourgeoisie/prolétariat prend la forme d'une invasion impérialiste dont le but est de réorganiser la terreur de l'Etat et au moment même où la bourgeoisie de tous les pays pousse à la transformation de la guerre sociale en une guerre impérialiste ou en guerre populaire " anti-impérialiste " (qui n'est que l'autre face d'une même liquidation du prolétariat en tant que classe).

Dans la discussion qui va suivre, il est évident qu'il ne nous intéresse pas de savoir qui à dit quoi et à propos de quoi, parce que ce qui nous intéresse le moins, c'est de savoir qui (quel individu ou quel collectif) a ou a eu raison sur les autres. Ça c'est ce que voudrait nous imposer l'idéologie démocratique. L'essentiel c'est d'exprimer le mieux possible comment s'affirme, se délimite et se clarifie notre position. C'est sur base de ce critère et en tenant compte des informations et explications délivrées par les matériaux concernant l'Irak, que nous avons opéré la sélection des textes et extraits qui suivent. Comme, outre le fait de tenter d'informer le lecteur sur ce que les médias nous cachent, notre objectif est d'exposer notre position, il est logique que nous assumions pleinement les critiques que cette sélection pourrait susciter de la part de camarades et groupes frères.

B) SOULIGNONS CE TYPE DE CRITIQUE

Suite à la publication du texte "De quelques considérations sur les événements qui secouent actuellement l'Irak", publié dans Communisme N°55, des critiques de camarades nous sont parvenues, dont celle qui suit et qui mérite d'être mise en évidence:

"J'ai été grappiller dans la presse bourgeoise une série d'informations sur la situation en Irak que j'espère pouvoir vous envoyer sous peu pour en discuter. Votre article concernant l'Irak, paru dans le dernier Comunismo, malgré sa tentative de se situer dans une perspective de classe, tenant compte de l'action, des difficultés et du niveau d'autonomie du prolétariat (caractéristique, comme je vous l'ai souvent dit, que je considère qualitativement positive dans les analyses de votre groupe), tombe dans l'amalgame et l'homogénéisation propres aux analyses bourgeoises qui traitent de la situation en Irak en identifiant ce qui se déroule là-bas, aux attentats sanglants et indiscriminés qui n'ont rien à voir avec les expressions de la lutte prolétarienne (qui est bien en cours). Vous tombez dans la même erreur quand vous énumérez certains attentats indiscutablement perpétrés par des fractions bourgeoises (la CIA, les pro-Saddam, la Syrie, l'Iran...?), tels ceux d'Al Hakim, de l'ONU ou encore de l'ambassade de Jordanie durant l'été 2003, comme des expressions de la lutte prolétarienne".

C) LA POSITION D'UN GROUPE DE CAMARADES

Peu de temps après, en prolongement à ce qui est dit dans le point B), nous avons reçu un texte sur ce thème qui, indépendamment de nos divergences, se distingue selon nous comme un bel effort pour organiser l'information contre la falsification systématique opérée par nos ennemis:

1. Chute du régime de Saddam, démembrement de l'appareil de l'Etat et tentative de rétablissement de l'ordre par la Coalition

Devant l'écrasante avancée des troupes de la Coalition (apparemment favorisée par les milliers de désertions et la passivité généralisée des troupes irakiennes) et leur entrée dans les villes, il ne se produit pas la moindre "insurrection nationale contre l'envahisseur", les troupes ne sont pas accueillies en "libérateurs"; de façon générale, les prolétaires vont froidement recevoir l'arrivée de la Coalition et rester dans l'expectative face au développement des événements. Après la fuite, la disparition (morts, planqués) ou la désertion du gros des corps coercitifs de Saddam (sur le front comme à l'arrière-garde) et des éléments qui accaparaient l'omniprésente administration de l'Etat, suivant l'avance de la Coalition se produit un démembrement de l'appareil administratif, répressif et productif de l'Etat qui débouche sur un important mouvement de pillages et d'attaques de propriétés dans les principales villes irakiennes, comme Bagdad, Bassora, Mossoul ou Kirkuk. Il semble que ce mouvement ait un aspect clairement "populaire" et anti-Saddam. A noter que la presse bourgeoise va, dans un premier temps, parler d' "ambiance festive", de "pillages organisés sans affrontement", ou encore de "camions, générateurs, mobiliers, batteries de cuisine, machines à écrire, bombonnes de butane,... toutes les propriétés de l'Etat, de l'armée, tout ce qui avait à voir avec le pouvoir était la proie des pillages et de la colère populaire". Le responsable des forces kurdes, se référant aux pillages qui avaient eu lieu à Kirkuk, au siège du Parti Baas, ainsi qu'au club des officiers et à la mairie, déclarait: "Les gens ont accumulé une telle haine à l'égard du régime de Saddam qu'il faut bien qu'ils l'expriment" et de poursuivre "et ce n'est pas différent de ce qui s'est passé à Bagdad ou Bassora". A Bagdad où, comme un peu partout dans le pays, les prisons ont été ouvertes et mises à sac (Abu Ghraïb sera reconstruit plus tard par les Américains) et les documents officiels du Haut Tribunal de Justice ont été détruits. A ce propos, un marine disait: "Hier, nous avons été faire une ronde au nord de la ville, là où se trouvent les villas et les belles maisons... ils ont peur que quand ces gens en auront assez de piller les bâtiments officiels ils commencent à les voler, eux". A Bagdad, les pillages s'étendirent aux zones résidentielles, tel le quartier des Ambassades (quelques petits pillages), les mosquées ne purent ouvrir leurs portes le vendredi, jour de prière et l'Ecole d'Etudes Islamiques du Ministère des Questions Islamiques n'échappa pas aux pillages. A Aziziyah, à 80 km de Bagdad, les bureaux du Parti Baas sont pillés et brûlés. Etc. Nous pensons que ce qu'il y a d'intéressant dans ces pillages, ces attaques de bâtiments de l'Etat et de zones riches, ce ne sont pas les faits en soi vu que ces pillages ont affecté et opposé des prolétaires, ou que leur but n'était autre que de faire du commerce (ces pillages ont permis par la suite un juteux marché noir d'armes dans tout l'Irak) ou qu'ils s'attaquaient également et de façon massive à des hôpitaux (sans parler des pillages de musées et d'universités sur lesquels on a tant pleurniché, [ce qu'il y a d'intéressant], c'est qu'ils démontrent un état d'esprit général au sein de la classe ouvrière, mélange de dégoût et de rage vis à vis du régime de Saddam et de joie après sa chute. Il faut juger ces pillages à leur juste mesure, ni plus, ni moins et nous ne pensons pas qu'on puisse tranquillement parler de "rupture d'avec les rapports sociaux capitalistes". Les pillages peuvent être (et dans ce cas, il semble qu'ils le furent) des expressions de rejet, de négation des structures et des rapports capitalistes, mais, en soi, ils ne constituent aucune alternative, aucun programme s'ils ne sont pas accompagnés d'un certain degré d'associationnisme et de conscience de classe. C'est pourquoi il nous semble que glorifier (ou rejeter) les pillages en soi comme expression de la lutte prolétarienne, sème quelque peu la confusion. Les troupes de la Coalition qui, comme nous l'avons déjà dit, n'ont été accueillies ni chaleureusement ni hostilement, ont semble-t-il toléré un temps ces pillages, autant parce qu'ils ignoraient le niveau de déstructuration de la police irakienne que parce qu'ils espéraient que le prolétariat se défoulerait un peu, juste le temps de réintégrer le bercail, ou encore parce qu'ils voulaient "éviter les affrontements avec la population" (c'est ce que dirent les cadres britanniques à Bassora). Quoi qu'il en soit, tandis que les imams promettaient aux pilleurs les flammes de l'enfer éternel et imploraient les fidèles d'arrêter de piller et que l'ONU exhortait la Coalition à "garantir la sécurité de la population irakienne", les armées anglo-américaines mettaient la main à la pâte pour rétablir la normalité dans les rues irakiennes. Le plan de la Coalition était clair: effacer de la carte les 4 chiens de garde du régime de Saddam, épurer l'administration et les forces de répression des éléments suspectés de le soutenir, changer le nom et la forme des institutions et des corps de sécurité de façon à les rendre plus utiles pour contrôler le prolétariat et privatiser et rendre rentable le capital irakien étatisé, protectionniste et ultra déficitaire. Pour ce faire, les troupes commencent à s'établir, à organiser des patrouilles, nommer des gouverneurs, édicter des décrets, etc. Cependant, les intentions de la Coalition pour faire de cet après-guerre une tranquille et paisible transmission de pouvoir vont se révéler impossibles. En premier lieu, parce que les institutions et administrations qui organisaient l'appareil productif et pour lequel travaillait la majorité des Irakiens sont totalement désorganisées et bon nombre des bâtiments et centres de travail de l'Etat sont détruits et ont été pillés, sans compter les infrastructures et installations électriques et de communications détruites par les bombardements. Et en second lieu, parce que la situation de désordre généralisé oblige la Coalition à employer la manière forte, à considérablement augmenter les patrouilles dans les rues, à durcir le traitement et les peines pour les pilleurs, à répertorier les lieux d'habitation, à faire des contrôles, des fouilles, des détentions massives et indifférenciées... à la recherche de civils en armes, à nommer des éléments qui rappellent pourtant beaucoup trop Saddam pour organiser l'administration... tout cela dans un contexte de pénurie généralisée. Face à cette situation, le prolétariat ne peut qu'exploser. Après des mois et des mois passés sans percevoir le moindre centime, face à un chômage estimé à 60% par l'Autorité Provisoire (AP), face au manque d'électricité, d'eau, de combustible et aux prix exorbitants (les rations administrées par l'ONU sont vendues par des distributeurs particuliers à des prix nettement supérieurs à ceux pratiqués avant-guerre) et soumis à un état de siège qui n'a rien à voir avec la "libération" tant annoncée, les réponses prolétariennes ne se font pas attendre. Rien que sur avril et mai 2003, devant l'hôtel Palestine (où s'était d'abord installée l'Autorité Provisoire), le Palais de la République et d'autres bâtiments officiels de Bagdad, se succèdent tous les jours des manifestations et concentrations de travailleurs qui ne savent pas ce qu'ils vont devenir, de retraités, de membres de l'Armée irakienne dissoute (Armée d'environ 400.000 personnes, dont beaucoup recrutés de force) qui, eux aussi, veulent être payés, de familles de prisonniers se plaignant du désintérêt total de la nouvelle Autorité, etc. Les situations tendues se multiplient. Les files qui se forment devant les ministères et les centres de travail dans l'espoir d'y recevoir une aide économique quelconque ou pour remplir une demande d'emploi deviennent facilement, face au désespoir, à l'incertitude et aux heures passées sous le soleil, des manifestations que les troupes de la Coalition résorbent par les coups, les détentions, les mises en joue gratuites. Mi-avril, à Mossoul, une manifestation contre le Gouverneur nommé par la Coalition, contre les contrôles et les fouilles se solde par la mort de 12 manifestants, abattus par des balles américaines. Fin avril, à Bagdad, suite à l'explosion d'un dépôt de munitions utilisé par les troupes étasuniennes et la mort de dizaines de personnes, éclatent des manifestations de révolte contre la gestion américaine.  Au même moment à Najaf, des manifestations ont lieu contre les patrouilles américaines. A Faluja, 2 manifestations en 3 jours contre les contrôles et les fouilles américaines se clôturent par la mort de plus de 20 manifestants. Début mai, à Nassiriya, il y a des manifestations de professeurs non payés, tandis qu'à Bagdad, ce sont les médecins qui s'en prennent au Ministre de la Santé, mandaté par l'AP, ancien vice-ministre de Saddam. Troubles dans la ville de Hit après une manifestation: 5 blessés irakiens, etc. Comme nous l'avons déjà dit, les tentatives de la Coalition en vue de rétablir "l'ordre et la loi", par des mesures telles que l'obligation de rendre les armes, le durcissement des peines et les patrouilles, simultanément aux fouilles et aux arrestations, engendre un profond malaise chez les prolétaires qui répondent les armes à la main. A partir de juin, embuscades et attaques à la grenade contre les troupes de la Coalition commencent à se généraliser dans tout le pays. Nous considérons ces attaques, non pas comme le fruit d'une quelconque conspiration ou "résistance", mais comme des réponses naturelles dans cette situation. Dans la ville de Faluja (récemment dévastée), où jusqu'alors il n'y avait pas eu d'attaque armée contre les troupes, 3 jours après la mort d'une vingtaine de manifestants, la caserne des Etats-Unis est attaquée à la grenade, 7 soldats sont blessés. Des situations identiques vont se répéter dans quasi tout le pays, créant un cercle vicieux où face au mal être prolétarien, les méthodes répressives se font plus brutales, avec leur lot d'actions punitives et de descentes, ajouté au fait que les soldats de la Coalition se montrent de plus en plus méfiants, tirant et arrêtant indistinctement au moindre soupçon, à la moindre attaque, et circulant à toute vitesse dans les rues, renversant de nombreux civils, alors qu'au même moment, les travaux de reconstruction ralentissent.  A ce propos, voici ce que déclare le lieutenant général espagnol Luis Feliu, membre de l'AP: "Ici, pour toute une série de raisons, nous ne sommes même pas parvenus à obtenir le minimum, ni dans la distribution de l'électricité, ni dans celle de l'eau, ni au niveau de l'emploi, il y a pénurie de carburant... tout cela engendre un mécontentement qui favorise le terrain pour les terroristes. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas de sécurité et sans elle, il est difficile d'améliorer les services minimums..." Il est évident que lorsqu'il fait référence ici aux "terroristes", il parle des prolétaires armés qui répondent à la misère et à la répression. Il est symptomatique, par rapport au type de tension vécue en Irak, que l'Armée espagnole instruise une compagnie de la Légion aux techniques anti-émeutes pour l'envoyer en Irak.

2. Aggravations des conditions de vie, généralisation et intensification des attaques contre la Coalition

La Coalition ayant à offrir plus de bâtons que de carottes, les protestations ne cessent de s'intensifier:

- A Mossoul, quelques semaines après les arrestations et les morts de la manifestation, les embuscades et les échanges de tirs commencent à se généraliser avec les patrouilles US.

- Le 14 juin [2003], dans la prison de Abu Ghraïb, où sont transférés la plupart des détenus, un nombre indéterminé de prisonniers tentent de s'évader. Les prisonniers canardent les soldats de pierres et de bâtons, et ceux-ci ouvrent le feu. Plusieurs détenus seront retrouvés morts ou blessés.

- Le 24 juin, à Amara, près de Bassora, une manifestation contre les fouilles et les arrestations se solde par la mort de 6 soldats britanniques, lorsque les manifestants répondent au tir des soldats. Le jour suivant, la presse affirme que les soldats "ont été surpris par une embuscade tendue par des forces ennemies pro-Saddam", le lendemain, le gouvernement britannique reconnaît qu'il s'agissait d'une "mutinerie de civils".

- Opération punitive à Bagdad: 540 détenus, en une semaine.

- Mi-août, les troupes britanniques ouvrent le feu pour disperser une manifestation contre la pénurie d'essence et d'électricité à Bassora. Les manifestants enflamment des pneus et élèvent des barricades tout en arrosant les soldats de pierres. Quelques religieux interviennent pour calmer la situation, mais lors du retrait partiel des troupes, une pompe à essence est mise à sac: 2 Irakiens sont blessés et plusieurs soldats contusionnés. Le jour suivant, à Bassora nouvelle manifestation aux caractéristiques identiques qui se conclut par la mort de 2 manifestants tués par balle et de nombreux blessés. Le lendemain, les tanks britanniques patrouillent dans les rues de Bassora. Peu de temps après, un soldat anglais meurt, 2 autres sont blessés dans l'explosion d'une "bombe artisanale" (selon les dires d'un capitaine anglais), au passage de leur véhicule.

- Mi-août encore, des troubles éclatent à Diwaniya durant une tentative d'assaut du Palais du Gouvernement, blessant plusieurs civils. Tandis que le vice-gouverneur de la ville impute la responsabilité des faits à une coalition entre des "bassistes, venus de l'extérieur, au service de l'imam Al Sadr et de militants du parti islamique Al Dawa" (curieuse association lorsqu'on sait que le père et grand-père d'Al Sadr ont été assassiné par Saddam et que le parti chiite Al Dawa constituait la principale opposition armée au régime de Saddam), le commandant espagnol affecté à cette zone laisse échapper un "tout a commencé par une petite manifestation pacifique de travailleurs qui, semble-t-il, n'avaient pas perçu leur salaire. Ils ont marché jusqu'au Palais du Gouvernement. Ensuite, d'autres habitants de la ville les ont rejoints et la police locale a tiré. Le Gouverneur a abandonné le bâtiment et les manifestants y sont entrés". Le Gouverneur, avait été nommé par l'AP et la police locale - des anciens sous-officiers de l'Armée de Saddam- qui avait été entraînée, habillée et armée par des marines. Quelques jours plus tard, un convoi américain essuie des coups de feu qui tuent un soldat tandis que la base espagnole de Diwaniya est pilonnée par 19 obus de mortier. Jusqu'à ces faits, aucune attaque armée à l'encontre de la Coalition n'avait encore été signalée.

- Fin août, à Ali al Sharqui, près de Bassora, après une nuit de perquisitions et d'arrestations, un groupe de personnes bloque l'issue de la ville, empêchant les véhicules britanniques d'avancer. Lorsque les soldats anglais descendent de leurs véhicules pour disperser la foule, des tirs éclatent, un soldat est tué, plusieurs autres blessés.

- En septembre, l'Armée des Etats-Unis annonce détenir quelques 10.000 prisonniers, répertoriés selon les catégories suivantes: plus ou moins la moitié sont des "détenus de droit commun", 40% sont "détenus pour des raisons de sécurité", groupe dont font partie tant ceux ayant commis un délit contre les forces de la Coalition que les dits "polemical" accusés de constituer une menace potentielle; le reste est "lié à l'insurrection", a participé à des attaques armées contre la Coalition, est complice ou suspect, ou avait un niveau de responsabilité dans le parti Baas. Elle déclare également avoir commencé à recruter des agents du service d'espionnage politique de Saddam Hussein pour freiner la "résistance".

- Fin septembre, une manifestation à Hawija, pas loin de Kirkuk, est dissoute à coups de feu par les troupes US. On dénombre une fois encore plusieurs morts et blessés.

- Le 1octobre, une manifestation de chômeurs devant un commissariat du centre de Bagdad se transforme en bataille rangée. Motif: les pots-de-vin exigés par les membres de la police à ceux qui postulent pour un emploi de policier, afin de donner suite à leur demande. Après plusieurs jours de queue, les manifestants assaillent et attaquent le commissariat de police, retournent les voitures et y mettent le feu, s'affrontent aux policiers qui n'hésitent pas à ouvrir le feu. Selon un officier: "Les responsables de ces actes sont des pilleurs".

- Une centaine d'ex-militaires manifestent à Bagdad et Bassora pour percevoir leurs salaires. Ils s'affrontent aux soldats US, balançant des pierres et tirant des coups de feu. On est début octobre.

- Des centaines de personnes pillent un train de provisions destiné à l'Armée US qui a été attaqué au moyen d'une bombe posée sur les rails à Falahat, près de Faluja.

- Le 31 octobre, une manifestation devant la mairie de Faluja, contre les éléments nommés par la Coalition se termine par des affrontements entre habitants du quartier et policiers. Un manifestant meurt, abattu par un agent. Peu après et en plus grand nombre, les manifestants reviennent sur les lieux et, les armes à la main, rasent littéralement l'édifice. Seule l'intervention des soldats américains, protégés par l'aviation, parvient à disperser les manifestants. Le jour même, dans la localité d'Abu Ghraïb, voisine de Bagdad, les soldats américains vont s'affronter des heures durant à une foule armée de pierres. Il semble que les affrontements ont démarré suite à une enquête/incursion opérée par les troupes US dans le but de débusquer les responsables d'un jet de grenade contre une patrouille.

- L'Armée US avise que les bombes artisanales, dissimulées dans les égouts, constituent l'une des principales préoccupations des troupes.

- Le gouverneur chiite de Najaf exige de la Coalition, le contrôle chiite total de la sécurité de la ville. Il annonce une grève générale illimitée pour obtenir ce transfert.

- Le 4 janvier 2004, les troupes britanniques s'affrontent dans Bassora à des centaines de personnes descendues dans la rue pour exiger le paiement de leur salaire, non perçu depuis le mois de septembre précédent.

- Le 10 janvier, la police irakienne et les soldats anglais tirent contre une "manifestation revendiquant du travail" (dixit la presse bourgeoise) à Amara, au sud-est de l'Irak. Six manifestants au moins vont être tués, une dizaine d'autres blessés. La police irakienne dit avoir été contrainte de tirer sur les manifestants qui protestaient à cause de la pénurie d'emploi, lorsqu'ils commencèrent à lancer des pierres. Les manifestations vont se poursuivre le lendemain.

- Le 12 janvier, 7 personnes essuient les coups de feu des troupes US à Tikrit, alors qu'elles tentaient de voler le combustible d'un oléoduc traversant la région. La pénurie de combustible et les interminables files qu'il faut faire pour s'en procurer constituent l'un des problèmes majeurs de la population.

- Le 13 janvier à Faluja, mort de 4 personnes criblées de balles lors d'une manifestation "contre la présence des troupes US dans la zone", manifestation convoquée au lendemain de raids et arrestations effectués par les troupes US à la recherche de membres de la "résistance".

Nous pourrions continuer à énumérer les manifestations et attaques qui, selon nous, se situent sur un terrain de classe (avec leurs faiblesses), mais nous pensons que c'est en se concentrant sur le développement des événements survenus dans les premiers mois de l'après-guerre qu'on peut le mieux comprendre ce qui s'est passé dernièrement en Irak. Nous pensons qu'il y a des indices qui démontrent qu'un mouvement associatif plus ou moins important a pu se forger au sein du prolétariat, et les manifestations continuelles semblent le confirmer. En ce qui concerne les actions armées qui se sont produites dans la zone depuis la fin des bombardements de la Coalition, nous pensons qu'elles démontrent une indéniable hétérogénéité qui empêche de les classer toutes dans un plan "résistant". C'est exactement dans cette homogénéisation et amalgame que tombe la presse bourgeoise en mettant tout ce qui se passe en Irak dans le même sac. Nous croyons donc que les actions armées du style décrit plus haut, sont des actions provenant du prolétariat contraint par les circonstances et non d'un quelconque plan de "résistance" ou "insurrectionnel". Ce sont des actions éparpillées et le plus souvent spontanées, qui probablement par la suite, se sont transformées en une sorte de tactique de guérilla plus ou moins organisée pour faire face à la répression. Selon nous, l'évident rapport action-réaction entre répression et aggravation des conditions de vie et les attaques; les manifestations de joie "populaires" au beau milieu des villes suite aux attaques de patrouilles (souvenons-nous par exemple des manifestations de joie qui ont suivi la mort de membres du CNI espagnol en octobre 2003 ou du lynchage public et collectif de mercenaires civils US en mars 2004 à Faluja); le nombre d'armes aux mains des prolétaires (8 millions selon l'Armée US) et la simplicité, la clarté et la fréquente spontanéité caractérisant les attaques, nous amènent à penser que les actions armées sont bien enracinées dans la classe ouvrière en Irak. On pourrait également rajouter, avec toutefois quelques réserves, certains sabotages, certaines exécutions de chefs de police, de membres du Parti Baas ou du Conseil du Gouvernement, ainsi que quelques explosions de voitures et attaques d'hôtels, même si, pour nous, cela n'est pas toujours très clair parce que, par exemple, les sabotages continuels des installations électriques semblent être une des raisons à la pénurie d'électricité domestique et également de la pénurie d'emploi, et ils pourraient facilement être l'uvre de baassistes, désireux de tirer parti du mécontentement pour susciter la nostalgie du régime de Saddam; ou certaines exécutions pourraient être de simples règlements de compte. En définitive, nous croyons que les actes qui malgré la distance, nous permettent de répertorier un minimum l'état d'âme et le niveau d'organisation de l'ensemble du prolétariat en Irak sont les manifestations et les actions armées dont nous avons fait état plus haut.

Comme nous le savons tous, une série d'actions et attentats indifférenciés n'ayant rien à voir avec les réponses prolétariennes ont continué, dans une moindre mesure, à se produire (au moins durant les premiers mois de l'après-guerre, car depuis le début de l'année 2005, la presse bourgeoise ne parle plus que d'attentats et d'actions "de guérilla"). Ces actions et attentats beaucoup plus sanglants et bien utilisés par les médias bourgeois ont, comme nous l'avons déjà dit, servi la bourgeoisie mondiale pour mettre dans le même sac tout ce qui se passe en Irak, regroupant tout ce qui se produit sous l'appellation de "résistance ou insurrection" afin de les identifier aux attentats brutaux. La liste de ces attentats massifs et indifférenciés ne démarre pas avant août 2003 (les tirs et embuscades avaient déjà commencé bien avant) avec l'attentat à l'ambassade de Jordanie (et la mort de nombreux civils), celui contre l'ONU (idem), et surtout le brutal attentat contre le sanctuaire chiite à Najaf qui tua une centaine de personnes et en blesse beaucoup d'autres et qui se conclut par la mort du chef politique et religieux chiite Al Haki; une liste qui depuis lors n'a cessé de s'allonger. Que ces attentats soient l'uvre de partisans de Saddam, de la Syrie ou d'Iran, désireux de couvrir de boue les USA en Irak, d'islamistes ou de la CIA (si par hasard ce n'était pas la même chose) nous importe peu, ce qui par contre semble clair, c'est qu'ils tentent de diviser et de terroriser le prolétariat irakien, et c'est à nos yeux une terrible erreur que de tomber dans l'amalgame qui fait la fierté des médias bourgeois qui applaudissent ces attentats (comme l'a fait le G.C.I. dans son article sur l'Irak qui, bien qu'il parte d'une perspective de classe, contient une bonne dose d'homogénéisation et de confusion; c'est aussi ce que font les camarades de Arde2 qui, selon nous, ont d'emblée, et sans beaucoup d'argumentation, présenté ces attentats contre l'ONU ou ces sabotages comme des expressions de l'avancée prolétarienne; d'autre part, les analyses du C.C.I. ne sont quant à elles que de pâles retranscriptions de la presse bourgeoise, dans la mesure où il n'y a pas de classes, mais uniquement des chiites, des sunnites, etc.) et dont l'objectif affirmé est d'assimiler l'ensemble de la situation conflictuelle existante en Irak à des attentats et des crimes brutaux.

3. L'encadrement prolétarien et les chiites

Tout d'abord, il faut dire que cette grossière stratégie d'interprétation des événements en Irak (et partout dans le monde) effectuée par les "experts" bourgeois et les gauchistes (il y a aussi une certaine légitimisation de la "résistance" de la part de la gauche qui se base sur ce qu'il y a d'"illégal" dans la guerre, sur la "souveraineté", etc., évoquant pour ce faire la guerre d'indépendance espagnole ou la résistance française) se fonde non seulement sur le binôme terrorisme/démocratie, mais également sur de supposés conflits éthnico-religieux-nationaux, qui présentent les différentes "communautés" comme des blocs homogènes aux intérêts identiques, dans lesquelles toute différence de classe reste diluée, occultée. Cela est évident lorsque la presse bourgeoise parle de kurdes, de chiites, de sunnites, de chrétiens, etc. Il faut aussi dire que, dans certaines zones, le prolétariat n'a pas d'autres choix que de s'exprimer politiquement (s'organiser et revendiquer) au travers des institutions religieuses, c'est de là que vient l'omniprésence religieuse dans tout ce qui se passe socialement.

Dans bon nombre de manifestations taxées de "chiites" par les médias bourgeois, que ce soit à Najaf, Kerbala,  Bagdad ou Tikrit, etc, on peut entrevoir un contenu de classe, comme pourrait l'être la restauration des services minimums ou l'arrêt des fouilles et des arrestations. Se présentant comme les principaux opposants au régime de Saddam et comme l'opposition la plus organisée et, suivant les zones et les secteurs, la plus déterminée quant à la présence militaire, ce à quoi nous pouvons ajouter des réseaux d'entraide dans les quartiers prolétariens, des corps armés et une bonne structure d'organisation et de propagande (certainement largement financée par l'Iran), les chiites ont probablement encadré et canalisé le mécontentement causé par la dégradation des conditions de vie et l'asphyxiante présence militaire vers des choses comme l'établissement d'un gouvernement d'"Egalité et de Justice selon la Loi de l'Islam", l'"unité nationale", la "souveraineté", etc. A leur tour, au moment d'encadrer les prolétaires (mis à part le fait que ce soient eux qui aient été plus prudents au moment de convoquer, diriger et prendre la tête des manifestations), il est important de tenir compte du double positionnement de différents secteurs au sein du mouvement chiite:

- D'une part, on trouve les positions les plus modérées, complices et à la fois critiques de la présence militaire, protagonistes dans les nouvelles institutions de l'Etat (majoritaires au Conseil du Gouvernement transitoire et principaux défenseurs de la tenue d'élections) et dans le maintien de l'ordre dans de nombreuses villes du sud à l'effondrement de l'Etat (l'exemple le plus évident est Najaf, "fief chiite'). Ses deux représentants physiques seraient incarnés par le grand ayatollah Ali Sistani et par Al Hakim (le frère du défunt).

- D'autre part, les positions les plus exaltées seraient celles qui s'affirment comme ennemies féroces de l'occupation militaire et parlent de former des "conseils populaires" et des "corps armés populaires", càd des formes de gouvernement hors du contrôle des Etats-Unis, ou ce qui revient au même, contrôlées par eux et leurs milices. Dans certaines villes, elles ont établi une sorte de "double pouvoir", rivalisant avec les autorités militaires. Ces secteurs seraient chargés d'entraîner les revendications de classe vers la religiosité et le nationalisme. Ils ont à leur tête visible l'imam Muqtada al Sadr qui, tout en se montrant intransigeant envers la Coalition, appuie la liste unique chiite pour les élections de janvier [2005] et dont les milices négocient des zones de contrôle avec les Américains et échangent des armes contre de l'argent.

Les différences entre sunnites et chiites, excepté les différences religieuses, le bordel sur l'héritage de Mahomet ou la portion de bout de ciel qui reviendrait à chacun, nous ne les considérons que comme des différences entre secteurs qui rivalisent pour le pouvoir et il semblerait que ce soient les chiites qui soient les plus à gauche et en meilleure position pour encadrer le plus grand nombre de prolétaires. C'est pour cela que les partis sunnites ont boycotté les élections de janvier, face à la plus que probable victoire des chiites. Pour nous, ces derniers n'ont rien fait d'autre que d'assumer le rôle de partis, de syndicats et de curés, face au manque de structures de l'Etat solides et efficaces.

4. La participation des différentes fractions bourgeoises à la stabilisation de l'Irak

L'unité bourgeoise dans le développement des événements en Irak est plus qu'évidente.  Mis à part les tergiversations entre l'axe franco-allemand et les Etats-Unis concernant le rôle de l'ONU,  l'OTAN appuie la mission polonaise dans la région et, petit à petit, vont se matérialiser une série d'accords qui ne laisse pas de place au doute :

- Les Etats membres du G8 mettent sur pied le plan appelé "Association pour le Progrès et le Futur Commun avec la région du Grand Proche-Orient et du Nord de l'Afrique". L'idée, c'est que le G8 interprète finalement l'invasion de l'Irak, menée unilatéralement par les Etats-Unis et le Royaume Uni, comme faisant partie d'un plan général: celui de réformer toute une région politique, le Proche-Orient. On ouvre ainsi les portes pour que l'OTAN, dans sa totalité, s'engage en Irak. La France et l'Allemagne ont des réticences quant à la participation directe de leurs troupes et quant à l'annulation de la dette extérieure de l'Etat irakien, dont on parle également. Juin 2004.

- L'OTAN dans son ensemble accepte la création en Irak d'un Centre d'Instruction, d'Education et d'Endoctrinement, académie où vont se préparer les futurs officiers irakiens. L'accord est pris après que la Belgique, la France, l'Allemagne et l'Espagne voient leurs objections clarifiées et satisfaites (non-participation aux missions de combat, les charges économiques, le lieu de la formation, le rôle à assumer par rapport aux troupes US...). L'Espagne et l'Allemagne formeront les officiers hors des frontières de l'Irak. Le plan de l'OTAN pour former les commandants de la future Armée irakienne, prévoit la mobilisation d'un effectif de 3.000 personnes. Septembre 2004.

- Lors d'une réunion des ministres des affaires étrangères de l'UE, le ministre Moratinos informe ses homologues que l'Etat espagnol a déjà déboursé 112 millions de dollars dans divers projets de "reconstruction" en Irak. L'UE estime à plus de 300 millions d'euros sa "contribution humanitaire" en Irak, somme à laquelle il faut ajouter les 30 millions d'euros pour l'assistance technique et les experts pour des élections qui devraient se dérouler fin janvier, même si ce n'est que dans une partie de l'Irak. Le président de l'UE, en réunion des ministres des affaires étrangères et du ministre intérimaire de l'Irak, Alaui, déclare: "Le futur de l'Irak affecte le monde environnant et l'UE doit faire montre de responsabilité politique car la situation est difficile". Novembre 2004.

- Une Conférence sur l'Irak est organisée dans la ville égyptienne de Sharm-el-Sheik, conférence à laquelle participent les représentants de l'Etat irakien, de ses Etats voisins, du G8, de l'UE, de l'Egypte, de la Chine, de l'ONU, de la Ligue Arabe et de l'Organisation de la Conférence Islamique. Entre autres accords (coopération dans la "reconstruction", contrôle des frontières, etc.), ils décident que la dizaine d'Etats créditeurs de l'Etat irakien (dont l'Espagne) annulent 80% de sa dette extérieure. La dette irakienne s'élevait à 92.307 millions d'euros. La partie annulée par la France, l'Allemagne et la Russie atteint les 31.100 millions de dollars. Novembre 2004.

5. Quelques conclusions générales

Nous pensons qu'au beau milieu de ces rivalités impérialistes existe un prolétariat qui lutte, d'une façon plus ou moins encadrée, sur un terrain de classe (amélioration de ses conditions de vie). Nos efforts les plus importants doivent s'orienter vers la recherche de la façon dont le prolétariat répond et s'organise face aux attaques du capital et aux rivalités inter-impérialistes.

- La situation de misère et de chômage dans laquelle se trouve la classe ouvrière peut participer de sa transformation en chair à canon pour le compte des nouveaux corps de sécurité, ou pour des groupes terroristes ou mafieux. Situation qui, à son tour, peut gravement contribuer à la division et l'affrontement du prolétariat qui ne trouve de travail que dans les corps de police ou la construction et l'entretien de bases militaires, etc. Il semble évident que les groupes terroristes cherchent à diviser le prolétariat en "collaborateurs" ou "non-collaborateurs" (assassinats de travailleurs qui travaillent "pour la Coalition" et pas uniquement des étrangers) mais aussi en fonction de la religion et de l'ethnie.

- Au sein des troupes américaines, il semble que se généralise un sentiment de démoralisation et de découragement face à une "population" de plus en plus hostile, face à l'allongement des mois de service et à l'égrènement incessant des pertes. La CNN signalait en octobre 2004 que, aux USA, 843 soldats US étaient considérés comme fugitifs pour ne pas s'être présentés à leur caserne lorsqu'ils furent appelés sous les drapeaux. Les communications avec les familles et les déclarations aux journalistes sont soumises à un contrôle exhaustif, tandis que la couverture idéologique de la "guerre contre le terrorisme" commence à s'émousser pour beaucoup de soldats (si vous en avez la possibilité, voir le documentaire "Les paroles interdites des marines" qui, malgré un relent d'anti-américanisme à bon marché, traite de ce sujet). Il faudrait également voir quel est l'état d'esprit du prolétariat aux Etats-Unis face à l'aggravation des conditions de travail et à l'énorme déficit (avec coupes sombres dans les pensions, les soins de santé, l'éducation) de l'Etat, tandis que les énormes dépenses militaires ne cessent de s'accroître.

D) NOTRE RÉPONSE

A cette prise de position, nous avons répondu de la manière suivante:

Nous avons lu votre critique à notre dernier texte sur l'Irak. Premièrement nous voulons vous dire que votre critique est bienvenue, son point de départ étant la lutte pour l'autonomie du prolétariat et, se positionnant contre l'amalgame effectué par la grande presse, elle nous est apparue comme un point de vue intéressant. C'est pour cela que nous l'avons fait circuler parmi nos camarades et contacts proches. Sachez également que nous avons fait circuler le texte que vous avez élaboré sur l'Irak et que nous allons conséquemment, en discuter et continuer à débattre de ce thème si difficile.

Deuxièmement, nous voulons vous dire que votre tentative de séparer le bon grain de l'ivraie, c'est-à-dire de séparer ce que vous considérez comme la lutte du prolétariat de la guerre inter-impérialiste que réalise le capital, nous paraît extrêmement valable.

Cependant, en rentrant plus dans le détail et suite à la lecture de votre texte sur l'Irak, les critères utilisés ne nous semblent pas corrects et c'est au fil des avancées dans la lecture et la discussion que nous avons rendu plus précise la réponse que nous vous envoyons ici. Nous avons pris du temps à vous répondre, justement parce que le processus de discussion et de clarification ne fut pas facile et qu'indubitablement, il n'est pas terminé. Mais comme vous le savez, les analyses non terminées sont une caractéristique permanente des analyses des militants révolutionnaires et c'est pour cela que nous vous envoyons ces notes incomplètes que nous ferons également circuler parmi les camarades proches et les groupes frères pour continuer à avancer.

A propos de la distinction entre les actions armées du prolétariat en Irak et les autres

Il nous semble évident que dans la situation actuelle en Irak, on ne peut tracer une frontière claire entre les actions de résistance prolétarienne à l'occupant et celles que réalisent telles ou telles fractions bourgeoises. Vous dites, et cela nous semble correct: " il existe un prolétariat en lutte, plus ou moins encadré ". Il nous semble évident que c'est sur ce point qu'il faut réfléchir et il nous paraît évident qu'il faut lutter pour rompre cet encadrement. Néanmoins nous pensons qu'il est erroné d'établir une liste qui attribuerait tels ou tels attentats au prolétariat et tels autres à la bourgeoisie. Cela nous conduirait, par exemple, à discuter attentat par attentat, ce qui n'a aucun sens et qui ne correspond en rien à la situation objective dans laquelle le prolétariat de ce pays, avec différents types d'encadrements et de ruptures, affronte quotidiennement la plus grande concentration de forces répressives du monde. En Irak même, les camarades n'arrivent pas à tomber d'accord sur la nature de tel ou tel attentat. Nous pourrions encore moins, depuis l'Europe ou l'Amérique, faire que cette discussion sur chaque attentat nous mène à tracer ensemble une frontière de classe. Non seulement nous ne nous mettrions pas d'accord mais, en plus, cela ne nous semble pas être le critère correct pour affirmer la lutte révolutionnaire du prolétariat.

Pour commencer notre explication, nous reprenons un exemple sur lequel il faudrait réfléchir: celui de " l'attentat contre l'ONU " que vous qualifiez allègrement de bourgeois sur base du critère insuffisant selon lequel des civils y sont morts (au cours de l'histoire, il y a énormément d'actes violents du prolétariat qui ont fait des victimes civiles 3). C'est précisément cet attentat qui a été le plus dénoncé par toutes les fractions bourgeoises d'opposition en Irak, et spécialement celles qui se proclament dirigeantes de " la lutte de résistance armée en Irak ". Effectivement, nous avons vu récemment un reportage sur des généraux de l'ex-état major de Saddam Hussein, qui refusent de donner leur identité mais qui, pour prouver qui ils sont, montrent des photos sur lesquelles ils se trouvent aux côtés de Saddam Hussein. Dans ce reportage, ils disent qu'ils dirigent la guerre, qu'ils la considèrent quasi gagnée, qu'ils revendiquent des dizaines d'actions quotidiennes; ils annoncent que les soldats envahisseurs seront expulsés prochainement et confessent que de nombreuses actions sont effectuées par des éléments incontrôlés et que, celles-ci, ils les répudient. Non seulement ils considèrent cet attentat comme contraire aux intérêts de la résistance mais, en plus, ils disent qu'ils étaient justement en train de dialoguer avec l'ONU dont le principal dirigeant, mort dans l'attentat, était un " homme de bien " qu'ils appréciaient beaucoup. Parallèlement à cela, rappelons que nos camarades dans la région ont toujours dit, avec raison, que, pour le prolétariat, il n'y a pas de différence entre les meurtriers yankees et les humanitaires de l'ONU, que cette différence est faite par la bourgeoisie et ses moyens de communication et que, en Irak, ce sont les fractions bourgeoises de rechange comme celles de Barzani et Talabani (ce dernier est aujourd'hui président de l'Irak) qui l'entretiennent 4.

C'est pourquoi dans notre texte, nous soulignons les éléments qui définissent le caractère d'objectif prolétarien de toutes les actions qui attaquent les forces étatiques et capitalistes, que ce soient celles de la Coalition, de l'ONU, de Saddam, des islamistes ou des autres forces répressives étrangères, y compris, évidemment, les ambassades des pays qui contribuent à l'invasion et à la fortification des forces répressives dont l'occupation a besoin pour se consolider. Nous ne voyons pas en quoi cela pourrait avoir quelque chose de commun avec l'amalgame effectué par la bourgeoisie (et il ne nous paraît pas correct que vous assimiliez ce que nous ou Arde disons à cela), cependant, nous avons la même préoccupation que vous à propos de la lutte du prolétariat en Irak: qu'elle ne soit pas encadrée par la bourgeoisie. C'est-à-dire que nous affirmons que tous ces attentats 5, toutes ces attaques contre les flics occupants et locaux (de même que contre d'autres appareils de l'Etat mondial qui tentent de restaurer les forces répressives) correspondent à la lutte contre la répression que l'Etat bourgeois international (NOTRE ETAT !!!) réalise en Irak contre NOS FRERES PROLETAIRES. Mais nous ne disons nulle part que tous sont réalisés par le prolétariat en armes, auquel cas, oui, ce serait faire l'amalgame que vous nous attribuez. Nous sommes d'accord avec vous sur le fait que, souvent, ils sont réalisés non pas par des groupes révolutionnaires mais par des prolétaires encadrés par différentes organisations bourgeoises (marxistes-léninistes, nationalistes, islamistes, etc.).

C'est également la réalité des favelas de Rio ou Sao Paulo, pour prolonger l'exemple que nous donnions dans le texte que vous critiquez 6. Là aussi, il y a des mafieux, des trafiquants de drogue ou des prolétaires encadrés par ceux-ci (c'est sans aucun doute le cas le plus répandu) qui tirent contre les flics ou les escadrons de la mort. Dans la majorité des cas, les prolétaires, sans l'autonomie de classe que nous aimerions constater, affrontent les forces terroristes de l'Etat démocratique, encadrés par des mafias ou avec des armes que leur donne la mafia afin de les encadrer.

Considérer qu'un attentat est correct ou, comme vous le dites, l'applaudir, parce qu'il frappe l'Etat bourgeois international, n'implique pas, pour nous, appuyer l'organisation qui l'a réalisé. C'est cela que veulent nous faire croire nos ennemis et c'est ce que disent les agents de la répression. En effet, c'est toujours la police et l'Etat bourgeois qui font l'amalgame entre la sympathie que peuvent éprouver les prolétaires et les révolutionnaires pour tel ou tel attentat (ou le soutien qu'ils apportent à ceux que l'Etat pouchasse) et l'appui que cela impliquerait à une organisation qui n'est clairement pas de notre classe. C'est ce qui se passe aujourd'hui au pays basque : tout appui aux prisonniers ou tout acte antiétatique est qualifié, par la répression, de "terroriste", et ce sont les juges, les partis et les flics qui font cet amalgame. Nous pensons qu'il faut lutter contre cet amalgame, qu'il faut distinguer l'acte qui frappe les forces de répression, du soutien à l'organisation qui le réalise. En Irak, nous pensons que cette distinction est très importante et autrement plus nécessaire dans les circonstances actuelles que de s'aventurer dans une difficile classification de l'origine classiste de tel ou tel attentat, comme vous prétendez le faire.

Nous avons exposé clairement cette distinction dans la revue Communisme N°53, " Capitalisme = terrorisme contre l'humanité; contre la guerre et la répression capitaliste ", lorsque nous commentons les événements du 11 septembre. Alors que nous montrons que le prolétariat a tout intérêt à détruire ces objectifs qui représentent et réalisent parfaitement le terrorisme du capital mondial, au lieu de pleurer sur les civils morts comme l'ont fait tous les complices de la dictature démocratique, nous affirmons que cela ne signifie pas que cet attentat soit réalisé par le prolétariat en tant que classe. Plus encore, nous expliquons clairement que, même si ces actions sont réalisées par des prolétaires (dans le sens sociologique du terme), alors même qu'elles détruisent des centres de répression et de commerce mondial, actes qui suscite toute notre sympathie, comme aux révolutionnaires du monde entier, nous n'appuyons pas les organisations qui les réalisent. Ainsi nous n'écartons pas le fait que les dites actions aient été menées par des organisations islamiques, que nous définissons comme centristes, c'est-à-dire par des organisations extrémistes de la social-démocratie qui constituent l'ultime et le plus solide rempart contre la révolution. Nous avons défendu une position similaire lorsque, en Allemagne, "des mains inconnues" firent éclater en morceaux une super prison ultramoderne juste avant son inauguration. Cela nous remplit de joie que cette prison n'ait pu être mise en service contre nos frères de classe, et que l'Etat s'en soit prit plein la gueule, mais nous n'appuyons en rien l'organisation (dans ce cas, la Rote Armee Fraktion) qui purent opérer cet acte.

Il nous semble que ces critères n'impliquent aucunement de faire, comme le font les fabricants de l'opinion publique, l'amalgame entre le fait que nous soulignons et nous nous réjouissons que les forces répressives volent en éclats et le fait de définir ces attentats comme tous réalisés par notre classe. En ce sens, il semblerait que se soit vous qui construisiez cette identité (et nous ne voulons pas dire amalgame, comme vous le faites à propos de notre position, car cela ne nous paraît pas correct entre camarades) entre deux choses qui, pour nous, sont différentes: mettre l'accent sur la lutte pour la défaite révolutionnaire des forces d'occupation et de répression en Irak ne veut pas dire que toutes les bombes qui éclatent sont l'uvre de groupes prolétariens.

Ricardo Flores Magon n'avait pas sa langue en poche lorsqu'il se réjouissait de la mort de milliers de militaires au front durant la guerre impérialiste de 1914 à 1919 (des veuves et des orphelins qui restaient ! des fleuves de sang et de larmes que la guerre provoquait !), parce qu'il savait que c'est en tant que force de l'Etat mondial du capital qu'ils mourraient, parce que ceux qui mourraient n'étaient pas nos camarades mais nos ennemis, c'est-à-dire des soldats soumis qui acceptaient de mourir et tuer sur le front de bataille en tant qu'agents de leur propre bourgeoisie. De plus, il considérait avec raison que tout ce que les révolutionnaires avaient dit sur le capitalisme et la nécessité de la révolution était ouvertement mis en évidence dans cette catastrophe qu'est la guerre et que celle-ci était un stimulant pour la révolution. C'est précisément ce qui se passera avec la défaite révolutionnaire des forces armées du capitalisme sur tous les fronts. Cependant, jamais Flores Magon ne considéra l'armée adverse comme étant de notre côté, de même que jamais il ne fit l'amalgame entre les armées qui s'entretuaient et les actions spécifiques des soldats qui tiraient contre leurs officiers.

D'ailleurs, le fait que les soldats se rebellent est toujours un produit du fait que l'armée est frappée, qu'elle subit des pertes ou, quelles qu'en soient les raisons, que les armées se décomposent. Plus les armées bourgeoises subissent de pertes (indépendamment de qui occasionne ces pertes), plus s'affirme la perspective de la défaite révolutionnaire de toutes les armées, plus le prolétaire en uniforme se voit obligé de rompre la discipline et de se plier à la lutte révolutionnaire du prolétariat. Le soldat comme le policier, même s'il est de basse extraction sociale, défend les intérêts du capital, jusqu'à ce que les coups que prennent les corps de répression auxquels il appartient l'obligent à trahir ceux qui l'ont obligé à trahir sa classe. Ou, dit d'un autre point de vue: seule la force et la puissance du prolétariat comme classe agissant contre l'Etat permettra de récupérer nombre de ceux qui aujourd'hui sont complices de l'oppression bourgeoise et les forcera à lutter pour la révolution.

Notre position est celle du défaitisme révolutionnaire et c'est pour cela que chaque coup qui accélère la défaite de notre Etat qui, aujourd'hui même, réprime en Irak, est le bienvenu et ce, malgré que, à maintes reprises, ce coup soit porté par des prolétaires encadrés par des forces bourgeoises. Nous insistons, c'est notre Etat qui applique la terreur contre nos frères de classe.

En réalité tout processus révolutionnaire doit beaucoup à cette décomposition des forces répressives causée non seulement par le prolétariat en armes, mais aussi par d'autres fractions bourgeoises. Il serait absurde de prétendre que le processus qui a conduit à ce qui s'appelle la révolution russe et, particulièrement l'écroulement de l'historique appareil répressif de ce pays (qui, comme on le sait, constituera une impulsion décisive pour la lutte révolutionnaire dans le monde entier) ait été réalisé exclusivement par des prolétaires militants faisant partie d'organisations révolutionnaires. Au contraire, il y eut des prolétaires qui se soulevèrent et participèrent à des actions directes contre l'appareil répressif et/ou l'armée, au nom de la religion ou encadrés par des partis bourgeois tels les mencheviks, les cadets, les socialistes révolutionnaires de droite ou par des populistes de tous types. Précisément, une révolution est ce processus par lequel les prolétaires encadrés dans différents types de partis, y compris des partis bourgeois, des partis religieux et même par des curés ou des imams, luttent par tous les moyens contre l'Etat. C'est au cours de cette lutte que le prolétariat s'organise en tant que classe, définit son programme et pousse les prolétaires encadrés par d'autres forces à lutter pour la révolution communiste. C'est-à-dire tout le contraire d'une lutte pure du prolétariat qui ne peut exister que dans les histoires livresques ou dans la tête des anarchistes de salon. Ce serait une absurdité de réécrire l'histoire de la destruction de l'armée russe en classant les actions en fonction de qui les aurait réalisées, en distinguant les actions réalisées par "les véritables prolétaires" de celles réalisées par "les prolétaires encadrés dans des organisations terroristes bourgeoises"!

Nous pourrions multiplier les exemples historiques dans lesquels des secteurs qui ne sont pas prolétaires coupent la tête de tyrans ou de tortionnaires. Dans tous ces exemples nous pourrions démontrer que le fait d'insister (et se réjouir) sur le fait que ces actions foutent un coup aux forces répressives -comme l'ont fait les révolutionnaires de tous les temps- ne signifie pas nécessairement soutenir ceux qui les réalisèrent et, encore moins appuyer le programme, très souvent ouvertement contre-révolutionnaire de ces organisations.

Précisément, ce que font la répression et l'Etat bourgeois, c'est cet amalgame entre toute expression de sympathie pour une action "terroriste" qui met fin à la vie d'un quelconque sbire du capital et l'action de groupes révolutionnaires du prolétariat. Et cela peut se faire parce que l'opinion publique est forgée/éduquée dans cet amalgame, parce que pour l'Etat, toute remise en question du monopole de la violence c'est du "terrorisme".

Dans ce sens, camarades, bien que la discussion que vous exposez soit extrêmement intéressante et pertinente, et nous tenterons d'ailleurs d'aller plus loin dans ce qui suit, il nous semble totalement incorrect d'utiliser le terme "amalgame" dans le sens où vous le faites à propos de nos positions. Nous n'amalgamons RIEN; nous avons pleinement conscience que, bien que tout acte de lutte contre les forces répressives en Irak coïncide avec les intérêts du prolétariat dans ce pays et dans le monde et jouisse de la sympathie des révolutionnaires de tous les pays, ils ne sont pas tous effectués par des prolétaires organisés comme tels, et nous savons que, dans la plupart des cas, ceux qui les réalisent sont encadrés par des forces bourgeoises comme les flics de Saddam Hussein, les marxistes-léninistes, les islamistes ou autres nationalistes.

Il ne nous semble pas correct

Relisant le texte que vous nous avez envoyé, nous sommes arrivés à la conclusion que tant votre manière de présenter l'invasion que votre façon de traiter la lutte du prolétariat ne nous semblent pas correctes. Concernant le premier point, il nous semble que vous n'insistez pas assez sur le caractère répressif (contre le prolétariat) de l'invasion et donnez trop d'importance au changement de fractions bourgeoises; concernant le second point, il nous semble que vous sous-estimez la lutte et la conscience de classe du prolétariat en Irak.

C'est pour cela qu'il nous paraît incorrect que vous parliez d'amalgame lorsque vous vous référez à notre position (celle de Arde, du GCI et de bien d'autres noyaux qui insistent sur l'importance de la lutte pour défaire les forces répressives en Irak... celles-là mêmes qui nous répriment partout dans le monde!). Nous pensons que votre analyse ne tient pas suffisamment compte du fait que la guerre en Irak, comme nous le disions dans notre article " n'est pas seulement une guerre généralisée entre divers capitaux s'affrontant pour conquérir du monde et éliminer leurs adversaires dans une course folle, elle ressemble également furieusement à une opération de police comme il s'en passe quotidiennement dans les villes de Sao Paulo et de Rio où les escadrons de la mort...".

C'est-à-dire que vous voyez comme raison principale de l'invasion la question interbourgeoise (comme tous les médias) alors que la monopolisation de la violence que l'Etat mondial veut réimposer en Irak contre différentes fractions de la bourgeoisie et du prolétariat clame la même chose que les actions répressives au Brésil: "Vous êtes incapables d'imposer l'ordre à vos prolétaires, c'est pour cela que nous intervenons et c'est pour cela que ça nous emmerde que vous ayez des armes ". Ainsi, vous présentez l'invasion comme si elle avait pour unique objectif le changement de direction de l'Etat, ("effacer de la carte les 4 petits chefs,... épurer l'administration...") et seulement au second plan, vous rajoutez "changer le nom et la forme des institutions ainsi que des corps de sécurité afin qu'ils soient plus utiles pour contrôler le prolétariat ".

Nous pensons que c'est le contraire: la répression du prolétariat impliquait une nouvelle direction de l'Etat. Durant des décennies, ils ont parié sur la capacité de la fraction de Saddam Hussein à contrôler le prolétariat, ils l'ont appuyée dans tous les grands moments de crise sociale et politique et, cependant, à chaque fois, se sont multipliés les groupes incontrôlés de tous types. Le temps de réorganiser le monopole de la violence était arrivé et s'est basé cette fois sur les opposants historiques à Saddam Hussein qui, d'une manière ou d'une autre (guerre nationaliste permanente), semblaient avoir obtenu plus que lui: Barzani et Talabani avaient réussi à réimposer l'ordre bourgeois (bien que de manière relative) au Kurdistan irakien.

C'est-à-dire que vous ne tenez pas suffisamment compte du fait que c'est l'Etat mondial, celui-là même qui nous réprime ici, contre lequel nous luttons, qui envahit l'Irak pour réprimer un prolétariat qui, depuis des décennies, se démarque par sa combativité, son insoumission. Il ne nous semble pas correct que vous ne disiez nulle part que les forces répressives qui vont en Irak sont celles qui répriment en Espagne, en Pologne ou aux Etats-Unis (même commandement général, mêmes armes, mêmes objectifs,...) et que la lutte pour leur défaite est la même que la lutte que nous développons ici contre ce même ennemi. Nulle part vous ne dites que les prolétaires en Irak qui luttaient pour la défaite de Saddam Hussein luttent, naturellement, pour la défaite des envahisseurs.

Si, en Europe, comprendre que la Coalition est là-bas pour réprimer peut être réservé à quelques groupes plus ou moins révolutionnaires, en Irak, personne n'en doute. Tous savent qu'un Saddam était possible grâce à l'appui du Pentagone, que les islamistes radicaux se sont développés grâce à l'appui total donné par les Etats-Unis, que les grands leaders des partis nationalistes kurdes ont toujours travaillé main dans la main avec les forces du Ministère de la Défense des USA (déjà dans les années '50, Barzani père était un agent des services secrets américains, et Talabani, aujourd'hui président d'Irak, embrasse Saddam Hussein alors qu'au même moment, ce dernier perpétrait les plus grands massacres). En Irak, tout le monde sait qu'en 1991 l'armée US n'a pas attaqué la garde de Saddam mais massacré sans pitié les prisonniers politiques pour leur insoumission, désertion et rébellion, prisonniers que la Garde Républicaine avait placés sur le front, dans les tranchées, et tout le monde sait également que c'est l'armée US qui a arrêté la guerre pour permettre à la Garde Nationale de faire demi-tour et d'aller attaquer les villes et quartiers tombés aux mains des prolétaires insurgés.

La manière dont vous expliquez la lutte contre les oppresseurs ne nous semble pas correcte. C'est comme si le prolétariat avait reçu la Coalition et le saut de qualité dans le terrorisme d'Etat qu'a signifié l'invasion, avec une certaine neutralité, comme si le prolétariat ne savait pas par avance ce qui arrivait, comme si l'aggravation de la crise économique avait été nécessaire pour expliquer la réémergence spontanée du prolétariat. Cf.: "Les prolétaires, de manière générale, reçoivent froidement la Coalition et se maintiennent dans l'expectative face au développement des événements" et ensuite le point intitulé "Détérioration des conditions de vie et généralisation et intensification des attaques contre la Coalition". C'est-à-dire que vous ne voyez pas " l'important mouvement de pillages et attaques des propriétés dans les principales villes irakiennes " comme une partie de la lutte prolétarienne contre Saddam et conjointement contre la Coalition, même si, d'un autre côté, vous reconnaissiez vaguement que "les pillages peuvent être (et dans ce cas il semble qu'ils l'aient été) des expressions de rejet, de négation des structures et rapports capitalistes".

Vous admettez que c'étaient des expressions de négation des structures et rapports capitalistes, cependant vous ne tenez pas compte du fait que cela impliquait attaquer non seulement les forces de Saddam mais toutes les forces bourgeoises et particulièrement religieuses qui recevaient la Coalition les bras ouverts. Lorsque vous dites: " Les troupes de la Coalition ... ne furent reçues ni chaleureusement, ni hostilement ", vous ne tenez pas compte que toutes les forces complices de la Coalition en Irak étaient attaquées en même temps, et que c'était, à ce moment là, l'unique possibilité pour le prolétariat de manifester son hostilité à la Coalition.

Que vouliez-vous? Que le prolétariat fasse un front militaire contre la Coalition? De la même manière qu'en Irak chacun savait que la Coalition venait pour réprimer, chacun savait aussi qu'il était impossible d'arrêter l'avancée des troupes et que la meilleure manière de l'affronter c'était en tant qu'armée d'occupation.

L'hostilité du prolétariat face à l'envahisseur répressif se manifesta de la seule manière rationnelle et ayant des possibilités de réussite. Nous ne voyons pas sur quelle base vous méconnaissez ce niveau de conscience totalement élémentaire du prolétariat: il est impossible d'affronter la coalition militaire la plus puissante de l'histoire en tant qu'armée, la seule façon de le faire c'est lorsque cette coalition assume ce qu'elle est venue faire comme flic et réorganisateur de l'Etat (mondial) en Irak.

Non, ce n'est pas seulement l'armée irakienne qui décida de ne pas combattre sur la base d'une guerre de front, toutes les organisations, associations prolétariennes de tout type savaient que la seule manière de combattre était celle qui allait se développer par la suite. Pourquoi expliquer cette action qui se vérifia par la suite, comme une sorte de simple réaction face à la détérioration continue du niveau de vie 7 et à la domination des troupes d'occupation? Pourquoi penser que le prolétaire irakien moyen serait idiot au point de croire que les militaires des troupes d'invasion venaient seulement faire ce qu'ils avaient annoncé?

Il nous semble que ces erreurs d'appréciation vous amènent à classer les affrontements aux corps répressifs en:

a. les actions attribuées au prolétariat "contraint par les circonstances et non [fruit] d'un quelconque plan de "résistance" ou "insurrectionnel"... des actions éparpillées et le plus souvent spontanées..."

b. les actions et attaques indiscriminées... dans lesquelles vous mettez aussi l'attentat contre l'ONU, l'ambassade de Jordanie et "surtout le brutal attentat contre le sanctuaire chiite à Najaf ".

C'est comme si le prolétariat ne pouvait agir que poussé par le mécanisme d'action/réaction, "spontanément", ici compris comme n'ayant aucun type de plan ni de conscience et sans perspective; alors qu'en réalité, la conscience la plus élémentaire du prolétariat identifie clairement le gouvernement actuel en Irak comme le véritable continuateur de Saddam Hussein.

Nous pensons que la classification que vous réalisez entre les attentats prolétariens et les autres, que vous qualifiez d'indiscriminés, ne tient absolument pas compte du fait que la grande majorité des actions visent les corps répressifs: armées d'invasion, escadrons de la mort, tortionnaires mercenaires étrangers, hommes d'affaires et journalistes étrangers, mais aussi l'armée et la police nationale en reconstitution : centres de formation de tortionnaires, centres de dressage de l'armée et de la police, centres de recrutement de l'armée et de la police...

Nous pensons que vous vous basez trop sur ce que dit la grande presse qui, lorsqu'il y a un attentat, s'empresse de donner le nombre de morts occasionnés parmi les civils, alors que dans des centaines de cas, on apprend par la suite et via une presse moins grande ou des chaînes de diffusion critiques de l'invasion, qu'en réalité il s'agit d' "une école de police", d' "un centre de recrutement", d' "un commissariat", d' "un centre d'habitation où résident des officiels de l'armée", d' "un local du parti de Talabani où sont formés et armés les oppresseurs"...

Une étude détaillée des actions que vous qualifiez de "terroristes" (nous sommes forts surpris que vous utilisiez sans guillemets cette expression " si amalgamiste " que nos ennemis ont imposée à l'opinion publique!) montre clairement que la plupart des bombes qui explosent (et qui ne sont pas directement l'uvre de la Coalition!) ont pour objectif ces centres de répression ou de formation et recrutement des corps répressifs... et la majorité des civils morts (non directement assassinés par les forces de la Coalition ou les forces répressives kurdes de Talabani) ne sont pas aussi civils qu'ils le prétendent (nous savons que la falsification est leur spécialité): ce sont des mercenaires étrangers ou nationaux.

Cette vision d'une guerre entre les occupants et les "terroristes" est une vision assez courante en Europe, aux Etats-Unis, en Australie, au Japon... bref, dans les pays où tous les médias sont monopolisés par les forces de la Coalition. Dans d'autres lieux où existent d'autres types de moyens de diffusion (également bourgeois mais de tendance "antiyankee", anti-israélienne ou pseudo anti-impérialiste) cette vision est insoutenable simplement parce que les mêmes faits sont toujours expliqués sans le filtre sévère du Pentagone et de la CIA. C'est ce qui arrive lorsqu'on lit la presse d'Amérique Latine ou que l'on regarde la chaîne d'Al Jesira ou d'autres sources arabes.

Nous en avons souvent fait la preuve. Ainsi, face à l'annonce officielle d'un massacre de civils, nous sommes allés chercher l'information sur internet. Dans la majorité des cas, on cachait qu'il s'agissait d'une attaque contre les forces répressives, dans d'autres, le massacre était dénoncé comme une uvre d'un bombardement aérien des troupes de la Coalition.

Au moment ou nous écrivions ces notes, le fait suivant se produisait. Tous les médias européens annonçaient, le lundi 8 mai 2005, la mort, durant le week-end, de 75 combattants terroristes et de deux soldats nord-américains. Nous, de notre côté, sommes allés chercher " Irak " sur Google et nous y avons découvert la version suivante: "il y eut au moins 11 soldats nord-américains qui furent liquidés; du côté des groupes islamistes aucune perte n'est reconnue, par contre il est fait état de massacre de civils."

Camarades, ne soyez pas aussi crédules face aux allégations de la presse de votre propre pays. N'oubliez pas que cette opposition entre "forces de l'ordre et terroristes" est le mensonge classique des médias à la solde du terrorisme d'Etat: "les groupes terroristes tuent des civils". N'oubliez pas qu'il en était de même durant l'époque de Videla en Argentine où les médias expliquaient la mort d'innocents par la lutte entre groupes armés de gauche et de droite (le Parti "Communiste" argentin disait la même chose!) et, par la suite, l'on sut que le massacre de civils était l'uvre exclusive de l'Etat avec, en plus, l'appui des Etats européens et des Etats-Unis. N'oubliez pas que quelques années plus tard, on racontait la même chose au Pérou et on imputait à la guérilla différents massacres, parfois de villages entiers et, par la suite, on apprit que les seuls qui tuaient ces civils, c'étaient les forces de l'Etat. N'oubliez pas que la même chose se disait concernant l'Algérie et que, par la suite, il y eut confirmation que les massacres étaient perpétrés par des généraux de l'armée algérienne mais également sous l'égide de l'Etat français.

Pour terminer, nous voulons souligner que dans vos conclusions IL NE NOUS SEMBLE PAS CORRECT QUE:

- vous limitiez la portée du terrain de classe du prolétariat à l'amélioration des conditions de vie, comme si la lutte ouverte contre tous les appareils répressifs de l'Etat mondial était en dehors de cela;

- que vous parliez de "groupes terroristes" avec tout ce que cela implique comme concession à la terminologie bourgeoise à la mode et comme si la terreur avait en soi un contenu de classe;

- qu'en mentionnant le cas de prolétaires qui ne trouvent du boulot que dans les corps de police, vous ne mettiez pas en évidence que, ceux qui agissent de la sorte en Irak, prennent les armes pour réprimer leurs frères de classe et qu'ils sont objectivement des ennemis du prolétariat ;

- que vous considériez la distinction entre collaborationnistes et non collaborationnistes, comme une division (arbitraire ou objective?) opérée par les groupes "terroristes" (!), comme s'il était possible de travailler pour la Coalition sans participer ouvertement à la répression contre-révolutionnaire.

Contrairement à ce que vous suggérez et/ou manifestez, cette condamnation des collaborationnistes avec la terreur d'Etat en Irak n'est pas un produit des " terroristes "; dans tout quartier prolétarien, ceux qui servent les oppresseurs occupants étrangers sont considérés comme ennemis et, la plupart du temps, se font lyncher. De quelle autre manière peut-on considérer ceux qui collaborent avec ceux qui bombardent ces quartiers depuis 19918 !? Citons Fernando Baez, spécialiste "de l'UNESCO et expert international de bibliothèques" qu'on ne peut suspecter d'être "terroriste", et qui visita Bagdad afin de constater la destruction subie par cette ville où, en l'an 3200 avant Jésus Christ, fut inventé le premier livre!: "On sait que deux ou trois soldats nord-américains meurent chaque jour mais on ne présente pas les chiffres élevés de blessés et de mutilés, on ne dit pas que quarante soldats se sont suicidés à cause des horreurs qu'ils voient, on ne dit pas qu'il y a plus de trente attaques en permanence et que ceux qui collaborent avec les occupants étrangers sont lynchés par leurs voisins".9

Nous considérons que la défaite de l'Etat d'Irak et de toutes les forces répressives qui l'appuyent est une tâche centrale du prolétariat, non seulement en Irak mais dans le monde entier. Nous considérons totalement légitime que le prolétariat considère comme traître à sa classe et à sa lutte tout prolétaire qui vend sa force de travail aux forces de la Coalition dont l'objectif est de liquider la force du prolétariat en tant que classe.

Vous paraissez surpris par le fait que l'on assassine des travailleurs qui travaillent pour la Coalition et plus surpris encore qu'on ne liquide "pas seulement des étrangers". Comme si les mercenaires n'avaient pas toujours été originaires de n'importe quel pays et particulièrement du pays qui, lui-même, est envahi ! Vous ne vous souvenez pas du Vietnam et de la quantité de mercenaires de ce pays qui priaient leurs employeurs de l'ambassade des Etats-Unis de ne pas les abandonner. Toute invasion se consolide en mettant à son service les travailleurs du pays; tout massacre jouit toujours d'appuis nationaux.

Nous pensons que la division que vous faites entre étrangers et nationaux est totalement incorrecte et il est logique que les prolétaires en Irak ne la fassent pas. Bien avant l'invasion, les groupes internationalistes ou les shoras radicales du mouvement de 1991 considéraient les islamistes de tous poils et de toutes couleurs comme des ennemis ainsi que les forces nationales qui, aujourd'hui, sous la direction de Talabani, collaborent à la répression effectuée par la Coalition. Le collaborationnisme n'est pas (et n'a jamais été) une invention de "terroristes", comme on voudrait nous le faire croire. Par contre, dès le début, des forces comme les nationalistes kurdes ou le PC irakien, étaient ouvertement du coté de la Coalition. C'est pour cela qu'il y a et qu'il y eut des attaques contre leurs locaux, leurs forces armées (peshmerga), leurs centres d'information et de recrutement.

AUTONOMIE DU PROLÉTARIAT VERSUS GUERRE POPULAIRE

Ces clarifications étant faites, il nous semble important d'aller un peu plus loin dans l'analyse effectuée dans notre article.

L'invasion et l'occupation militaire d'un pays, quel que soit le rapport de force entre les classes de ce pays, est un coup porté à l'autonomie du prolétariat parce que:

1. cela tend à présenter l'envahisseur comme ennemi principal (spécialement quand ce dernier assure directement la répression quotidienne, le terrorisme d'Etat, l'administration de la justice et des prisons).

2. cela permet un certain ravalement de façade de la bourgeoisie qui joue la carte nationale et particulièrement des fractions qui se définissent contre l'envahisseur, polarisant la société dans la contradiction: pour ou contre l'envahisseur.

3. cela fait coïncider dans l'action contre l'envahisseur/oppresseur des bourgeois et des prolétaires : coïncidence dans l'affrontement militaire, dans la lutte pour les armes, le fait de se retrouver dans les mêmes prisons et soumis à la même torture.

4. cela renforce toutes les idéologies contre-révolutionnaires: nationalistes, racistes, xénophobes, ethnocentristes,... ainsi que les contradictions entre "nations", "religions", "cultures", "ethnies",...

Ces éléments ainsi que d'autres que nous ne pouvons détailler ici, poussent à la transformation de la guerre de classe en guerre interbourgeoise. De la même manière que les fractions les plus décidées du prolétariat cherchent en toutes circonstances à diriger le processus contre le capital dans son ensemble et, par conséquent, contre toutes les fractions bourgeoises, et que pour cela, le plus important est la généralisation et l'internationalisation de la lutte prolétarienne10, il est logique que les fractions bourgeoises les plus lucides du capital mondial tentent de canaliser toute lutte prolétarienne (qui, dans un ou plusieurs pays, remettent l'ordre capitaliste en question) vers une guerre inter-bourgeoise. Toute invasion d'un pays où la lutte du prolétariat passe par une phase de grand développement tend objectivement à transformer la guerre sociale en guerre inter-bourgeoise. Il est donc logique que les fractions bourgeoises qui envoient des troupes pour liquider la lutte du prolétariat dans d'autres pays conçoivent non seulement la liquidation directe de cette lutte mais également la repolarisation de la société au bénéfice du capital. Pour cela, elles comptent évidemment à la fois sur les services de leurs agents directs (et/ou les secteurs de la bourgeoisie qui bénéficient des relations avec ce gendarme international) et sur la bourgeoisie "anti-impérialiste", avec ses théories de front populaire ou de front unique anti-impérialiste, qui cherchera à recrédibiliser la lutte "contre l'empire".

La dite première guerre mondiale fut transformée en guerre révolutionnaire contre la bourgeoisie mondiale grâce à l'action de défaitisme révolutionnaire qui se développa de toutes parts.

La guerre sociale qui atteint son expansion maximale au début des années 1930 en Espagne est en fin de compte liquidée sur base de sa transformation en une guerre interbourgeoise (fascisme/antifascisme). Dans ce dernier cas, même si on ne peut pas dire que l'attaque des forces étrangères (italiennes et allemandes) et des troupes d'autres origines mais sous le drapeau espagnol, soit l'élément décisif de cette transformation étant donné que le front-populisme était déjà très puissant, il n'y a aucun doute sur le fait que l'intervention externe a donné encore plus de force au nationalisme bourgeois et à la théorie du moindre mal défendue depuis bien longtemps par les républicains, les social-démocrates (y compris nombre de ceux qui se disaient libertaires, anarchistes et anarcho-syndicalistes) et les staliniens (qu'ils s'appellent communistes, trotskistes, poumistes) contre les positions prolétariennes. Face au développement des événements du 19 juillet 1936, cette présence militaire d'un côté et la menace de l'intervention franco-britannique de l'autre (c'est-à-dire de toutes les grandes puissances européennes11) seront les arguments de force des partisans du moindre mal pour imposer dans la CNT la ligne contre-révolutionnaire, contre le "ir por el todo" (le tout pour le tout) défendu par le prolétariat. Comme on le sait, la participation décisive de la CNT à la guerre et à l'Etat bourgeois mettra la révolution au rancart et rendra possible la transformation de la guerre sociale en guerre inter-bourgeoise.

Il n'y a pas de grandes études sur ce sujet mais il nous paraît fondamental d'approfondir ce processus de transformation de la guerre bourgeoise en guerre contre la bourgeoisie et vice versa. De chaque grand exemple historique nous pourrions tirer des leçons. Mentionnons juste deux exemples que notre groupe encourage à étudier sur base de cet axe:

- Quand commence la guerre française et puis américaine au Vietnam, il existe un certain niveau de lutte autonome du prolétariat non encadré par le stalinisme ou du moins fortement critique à l'encontre de Ho Chi Min et des siens. Après des années de massacres et de bombardements, l'impérialisme occidental ne parvient pas à gagner la guerre mais réussit à liquider la polarisation antérieure et à imposer la polarisation inter bourgeoise, ce qui, en même temps, facilite l'action du stalinisme tendant à supprimer l'action autonome du prolétariat et à imposer la guerre populaire prolongée. Ainsi l'impérialisme nord-américain perdra la guerre mais atteindra son objectif principal : la transformation de la guerre sociale en guerre impérialiste qui, comme nous le savons, déboucha sur l'imposition de la paix impérialiste qui, en dernière instance, est l'objectif central de toutes les forces du capital.

- Evidemment, l'action du gendarme impérialiste israélien (l'Etat d'Israël) qui agit comme force d'occupation dans tout le Moyen-Orient, a ce même objectif, souvent en opposition et à la fois de manière complémentaire à d'autres forces étatiques de la région comme d'autres Etats, entre autres l'OLP, etc.

En Irak, cette transformation est évidemment en jeu. La guerre Iran-Irak avait déjà cet objectif pour contrer un moment de forte lutte du prolétariat de la région. Il ne faut pas oublier que l'Etat des Etats-Unis, particulièrement touché par la chute du Shah, avait déjà tout fait pour imposer cette guerre. Quelques années plus tard, c'est lui qui constitue la Coalition de 1991 et place, particulièrement dans les régions où il y a le plus de désertions et de lutte contre la guerre, des centaines de milliers de flics pour massacrer. Immédiatement après, les forces impérialistes de différents Etats appuient tacitement les massacres opérés par Saddam Hussein tout en aidant militairement les forces nationalistes kurdes, regroupées dans un parlement, à désarmer le prolétariat. Face aux difficultés rencontrées par ce dernier, une nouvelle guerre entre groupes nationalistes est décrétée dans laquelle nous devons souligner que les Etats-Unis soutiennent les deux camps (celui de Barzani ainsi que celui de Talabani) tant sur le plan de l'armement que sur d'autres plans.

Il est difficile, dans cette situation, d'évaluer la capacité du prolétariat à continuer à s'affronter à toutes ces forces impérialistes du capital mondial et national tout en approfondissant son autonomie et sa lutte contre les fractions bourgeoises d'opposition à cette nouvelle reconstruction de l'Etat. Cependant, une étude sommaire d'exemples semblables qui parsèment l'histoire de la lutte des classes nous permet d'affirmer que:

- la répression subie par le prolétariat dans ce pays est impressionnante; celle-ci cherche à rendre chaque fois plus difficile la lutte prolétarienne autonome et à affirmer la guerre comme guerre contre l'occupant, comme guerre populaire.

- cette autonomie ne peut s'affirmer qu'avec la défaite révolutionnaire des forces militaires d'occupation et, par conséquent, de toutes les forces policières et militaires en présence.

- cela n'est possible que par le développement international du défaitisme révolutionnaire mené par le prolétariat, comme de 1914 à 1917; dans le cas contraire, l'isolement de cette situation dans un seul pays, à long terme (comme dans le cas du Vietnam), tend à liquider le prolétariat en tant que classe.

Ce qui fortifie la tendance à la guerre impérialiste, c'est justement l'incompréhension mondiale qu'a notre classe de la lutte du prolétariat en Irak. Celui-ci affronte, dans une situation d'isolement immense, l'une des plus grandes coalitions répressives de l'histoire. Le fait que les prolétaires, ailleurs dans le monde, croient au mythe qui veut qu'en Irak l'affrontement se joue entre forces de l'ordre démocratique et terroristes, est le plus grand obstacle à la solidarité de classe. Et le pire est que c'est précisément dans les pays dont les Etats envoient des forces répressives en Irak que ce mythe est le plus puissant. C'est aux Etats-Unis, en Europe, au Japon, en Australie,... que l'on croit le plus à l'histoire telle que la dessine publicitairement le Pentagone, de la "lutte contre le terrorisme". C'est pour cela que c'est de ces pays que sont envoyés les assassins de nos frères de classe. De là l'importance de ce que l'on peut et doit faire dans ces pays pour que les prolétaires cessent d'être complices des objectifs répressifs et impérialistes de leur Etat et se transforment en force révolutionnaire contre l'ennemi commun: le capital et ses appareils répressifs internationaux.

E) CERTAINS ASPECTS A SOULIGNER ISSUS D'AUTRES CONTRIBUTIONS

Nous ne pouvons pas exposer ici toutes les contributions qui ont participé à cette discussion internationale. Nous tenons néanmoins à souligner la position d'un autre collectif de camarades qui se limite volontairement à "réfuter 3 points que les camarades cités estiment être peu importants (ou dans leur cas, de quantité réduite) dans la lutte prolétarienne en Irak, à savoir les pillages, les sabotages et les attentats":

LES PILLAGES

Lorsque nous affirmions que "après une semaine durant laquelle la rupture du prolétariat avec les rapports capitalistes a été claire...", nous voulions mettre en relief le fait que, durant cette semaine, les prolétaires avaient imposé, de manière généralisée, leurs nécessités à celles du capital. Ils ont rompu certains rapports que leur impose l'échange : ils ont interrompu les marchés et les magasins et arrêté la majeure partie des travaux pour se réapproprier ce dont ils avaient besoin (aliments, vêtements, médicaments dont ils sont privés,...) et tout ce qu'ils désiraient. D'autre part, ils se sont attaqués aux symboles les plus visibles du pouvoir bourgeois qui, depuis des années, les accablaient. C'est ce double aspect indivisible qui donne une importance qu'il faut souligner dans la manifestation des "pillages" (d'un côté, l'appropriation généralisée de ce dont la propriété privée nous prive et nous empêche de jouir et, de l'autre, l'attaque, elle aussi généralisée, des symboles représentatifs du pouvoir qui perpétuent, par la force, cette condition). Nous voyons dans ces troubles un moment où les nécessités humaines tentent de s'affirmer contre les lois de la dictature du capital. En Argentine, à Haïti, dans différents coins d'Afrique..., les "pillages" présentent ce double caractère. Bien entendu, cette affirmation pratique comporte de grandes limitations. Le manque de perspective empêche de donner l'issue révolutionnaire que la destruction consciente de la propriété privée exprime; la grande faiblesse de la conscience de classe conduit à ce que de nombreux pillages affectent notre classe et à ce que notre ennemi ne soit pas désigné dans sa totalité ; en conclusion, le manque de direction révolutionnaire, l'incapacité de mener cette affirmation à ses conséquences les plus élevées, en arrive à ce qu'une fois passé "le moment critique", les choses retournent à la normalité. Nous ne nions pas, loin de là, la présence dans ces événements de manuvres bourgeoises et les tentatives de certaines factions de s'enrichir en profitant du chaos, comme cela a pu se passer concrètement dans certaines expressions en Irak.

LES SABOTAGES

Il nous semble incorrect de nier le caractère classiste de la majorité des sabotages parce que "les sabotages continuels des installations électriques semblent être une des raisons à la pénurie d'électricité domestique et également de la pénurie d'emploi, et ils pourraient facilement être l'uvre de bassistes, désireux de tirer parti du mécontentement pour susciter la nostalgie du régime de Saddam". De cette hypothèse ressort une conclusion générale qui lie ces sabotages à ceux de nos ennemis.

Il y a évidemment des sabotages qui sont le fruit de fractions bourgeoises qui cherchent à équilibrer le rapport de force en faveur de la bourgeoisie (quelle que soit la faction spécifique qui les fait ou en tire avantage). Ces sabotages-là, sur le terrain, sont souvent facilement reconnaissables et cherchent clairement à faire directement ou indirectement du mal à notre classe. Le sabotage des conduites d'eau vers les villes qui laisse celles-ci totalement à sec et ses terribles conséquences, est un exemple limpide et direct.

D'autre part, en totale opposition à cela et en bien plus grand nombre, s'organisent d'autres sabotages. Les attaques incessantes contre les conduites de pétrole destiné à l'exportation ou contre les pylônes électriques qui ravitaillent ces champs pétrolifères, comportent, dans leur grande majorité, toutes les composantes d'une réponse de notre classe. Surtout lorsque les sabotages ont lieu en parallèle avec des conflits et des grèves de travailleurs liés aux installations pétrolifères et aux raffineries. L'arme principale qu'utilise la Coalition pour tenter de combattre ces sabotages nous donnent également quelques pistes: "concessions" au prolétariat, licenciements et répression des travailleurs de ces secteurs. Depuis fin 2003, une nouvelle menace s'est ajoutée: dans le cas où les manifestations et les sabotages se maintiennent, on fait appel à des travailleurs étrangers. Ainsi, on observe qu'un grand nombre de sous-contrats ont été délivrés à des travailleurs provenant principalement d'Inde et du Pakistan, pour remplacer ces irakiens "inefficaces", ce qui a provoqué une intensification des manifestations et des sabotages.

Il est évident que ces sabotages n'affectent pas uniquement le pétrole destiné à l'exportation, ils affectent également celui destiné à la consommation interne. La Coalition et la presse n'ont eu de cesse de marteler que le manque d'approvisionnement portait préjudice à tous les habitants des villes (combustible pour les transports, pour le chauffage des maisons,...). Ce sur quoi ils insistent nettement moins c'est que: 1- Dans certaines villes, c'est eux qui consomment la quasi totalité du carburant (pour leurs véhicules, leurs tanks, leurs bases...) pour réprimer les prolétaires, 2- Et que dans d'autres villes, le prix exorbitant transforme tout combustible en un objet de luxe, inaccessible à la grande majorité des prolétaires.

Il y a également un grand nombre de sabotages et de manifestations dans les principaux ports d'Irak qui répondent aux intérêts de notre classe. Incendie ou pillage des ravitaillements destinés aux armées dans le port de Umm Qasr, refus de transporter les ravitaillements pour les armées (d'où le fait que la quasi totalité des travailleurs assumant cette fonction soient étrangers et que bon nombre d'entre eux fassent partie de services de sécurité privée),... Le problème ici, c'est que bien souvent les forces de la coalition résolvent leurs problèmes dérivés de ces sabotages en chargeant, pour son propre ravitaillement, des aliments destinés aux villages et aux villes. Ce problème met le doigt sur le faible niveau d'organisation de notre classe.

On constate aussi divers sabotages contre les véhicules, les maisons ou les bureaux de certains bourgeois, ou encore contre les communications de forces de la coalition, qui sont liés aux luttes menées dans chaque zone. C'est ce qu'on a pu constater à Bassora, où les sabotages contre les maisons des représentants et administrateurs de différentes usines se faisaient parallèlement aux luttes contre ses entreprises, luttes motivées dans un premier temps par les licenciements et le niveau d'exploitation. Ainsi, par exemple, les luttes pour l'électricité à Bassora se sont accompagnées de diverses gâteries à l'intention de ses bourgeois, de leurs bureaux et, de leurs maisons particulières (et ce malgré la violence déployée par les milices patronales de sécurité).

LES ATTENTATS

C'est une réalité historique: le prolétariat vise toujours à réaliser des actions "propres", n'atteignant que ses ennemis et si, par hasard, des prolétaires devaient être touchés, cela mériterait des explications de la part des assaillants. Il est néanmoins incontestable que cela est en relation directe avec le niveau de conscience qu'à notre classe. Nous savons très bien quel est le niveau de conscience générale qui s'impose aujourd'hui dans le monde et il est évident que l'Irak n'échappe pas à cette caractéristique générale (comme, par contre, ce fut le cas en 1991).

Tels que se développent aujourd'hui les événements en Irak, il ne serait pas correct de définir le caractère de classe de ces actions en se basant sur le fait qu'elles seraient "propres" ou ne toucheraient pas de prolétaires. Etant donné les conditions, la conscience de classe se trouve bien en deçà des conditions de vie qui propulsent les prolétaires vers la lutte, et les choses ne vont pas comme nous voudrions qu'elles aillent. Bien sûr, il y a des cas évidents qui n'ont d'autre but que de terroriser et de diviser notre classe, comme par exemple les explosions répétées de voitures piégées devant les mosquées ou dans les centre-villes ou encore lors de certains rassemblements de personnes, la plupart exploitées (nous tenons à signaler l'augmentation, depuis quelques temps, de ce type d'actions propres à nos ennemis), ou à l'encontre de certains symboles particuliers à certaines factions bourgeoises, et dont la finalité consiste à terroriser et diviser notre classe. Cependant d'autres attentats, comme ceux perpétrés contre l'ambassade de Jordanie ou l'ONU ne contiennent pas ces caractéristiques. Et nous ne disons pas cela, loin s'en faut, parce que l'objectif serait un symbole de la bourgeoisie, comme le sont les hôtels qui accueillent l'ONU et la banque mondiale ou l'ambassade de Jordanie. Lorsqu'on analyse le caractère de classe d'une action, sans avoir de connexion directe avec les protagonistes qui mènent les luttes (comme c'est le cas pour nous en Irak) cela ne va pas de voir simplement l'objectif attaqué. Tout comme cela ne va pas de tirer des plans sur la comète pour savoir qui est derrière une action ou de se fier aveuglément aux déclarations publiées par nos ennemis. De notre point de vue, une action au plein cur de la lutte, ne peut être analysée que dans son contexte et requiert l'analyse de choses bien plus complexes: les nécessités et les intérêts existant sur le terrain, les façons dont ces nécessités et intérêts tentent de s'imposer et leurs contradictions, le développement des événements, le rapport de force. C'est en tenant compte de ces aspects au moins que nous évaluons la lutte et ses diverses expressions. Nous constatons comment avant (et après) l'attentat contre l'ambassade de Jordanie, le prolétariat continue à pointer du doigt et à protester contre la Jordanie, la désignant comme l'un des pays les plus directement impliqués dans la répression du prolétariat. Au début de la guerre, l'attitude de ce pays, qui offre refuge à des membres importants du parti Baas, est dénoncée dans certaines manifestations. Le phénomène se généralise, quelques mois après, lorsqu'on prend connaissance du soutien accordé par ce pays aux troupes de la coalition ainsi que son rôle essentiel dans l'instruction des forces de sécurité irakienne, cela conduit à des actions spécifiques contre l'ambassade (...). Rien d'étonnant donc à ce que des groupes de prolétaires décident de faire voler la dite ambassade en éclats, ni que, suite à l'explosion, des dizaines de prolétaires se joignent, comme ils le firent, à l'assaut, envahissant l'ambassade, brûlant les drapeaux du pays et les effigies de ses représentants, détruisant tout à l'intérieur ; rien d'étonnant non plus à ce que quelques semaines après il y ait aussi plusieurs incidents avec échanges de coups de feu contre cette ambassade.

Avec les attaques contre l'ONU, un développement similaire des luttes va se produire, tenant compte, en plus que c'est l'institution la plus haïe des prolétaires d'Irak depuis l'embargo pour sa complicité dans les bombardements durant cette période et pour sa collaboration dans la préparation et sa légitimation de la guerre actuelle.

C'est pour toutes ces raisons que nous ne trouvons pas correct d'attribuer ces actions à une faction bourgeoise et d'en arriver ainsi, au vu de la façon dont elles se sont matérialisées, à nier qu'il s'agit d'une expression de réponse de notre classe. Nous sommes d'accord que dans d'autres expressions, le caractère de classe apparaît beaucoup plus clairement, mais cela ne peut pas nous conduire à simplifier les choses et ne reconnaître notre classe que dans des "actions claires". Ce que nous aurions dû faire et que nous n'avons pas fait, c'est critiquer la façon dont se sont matérialisées ces attaques. A l'ambassade de Jordanie, par exemple, un taxi qui passait par là, fut touché, ses trois occupants sont morts. A l'hôtel de l'ONU, nous savons que tous les morts étaient des membres de l'ONU et de la Banque Mondiale, et que les blessés graves étaient quasi tous membres du personnel de l'ONU, de la BM ou de la sécurité (à part quelques exceptions, des journalistes de la coalition). Bien que la zone soit interdite à tout citoyen, quasiment militarisée, il ne faudrait cependant pas s'étonner si des prolétaires avaient également été touchés (selon certaines spéculations, et sans accorder beaucoup de crédit à ce genre de théories dont raffolent les médias, une des attaques contre l'ONU serait une attaque-suicide ce qui, si c'est le cas, se doit d'être sévèrement critiqué). Ce qui est indispensable et qui fait pourtant défaut à notre analyse, c'est la critique de la façon dont se sont matérialisées certaines actions de notre classe et les conséquences que cela induit.

F) LE RAPPORT DE FORCE ET NOS LIMITES

La puissance des moyens utilisés pour cacher et falsifier l'information, alliée au manque de conscience du prolétariat de constituer une classe au niveau mondial, rend, y compris au sein des minorités révolutionnaires, l'élaboration d'une compréhension spécifiquement classiste et absolument opposée à celle qui domine internationalement extrêmement difficile. D'où l'importance d'une discussion internationale, comme celle que nous avons ici.

Nous aimerions souligner certains éléments de réflexion que notre réponse a suscité auprès de l'un des camarades auquel elle était adressée: "La première chose que je voudrais vous dire, c'est que, moi, comme la majorité des travailleurs par ici, n'avons pas la moindre idée, ou si peu, de ce qui se passe en Irak ou ailleurs. Nous avons déjà si peu d'informations sur ce qui se passe autour de nous, comment avoir une idée de ce qui peut bien se dérouler à des milliers de kilomètres d'ici? Vous serez d'accord avec moi pour affirmer que la désinformation, la confusion idéologique, l'isolement et l'absence généralisée de liens sociaux constituent une arme super importante qu'utilise la classe dominante à notre encontre, avec comme résultat, pour la majorité des travailleurs, l'abattement, le manque de perspectives et le sauve-qui-peut. C'est pour ça que la communication et le débat entre prolétaires sont si importants, et c'est pour ça que je vous ai contacté et que je reste en contact avec vous. Par rapport au texte que je vous ai envoyé et que vous avez critiqué, son objectif visait à un rapprochement et à prendre malgré tout position sur l'Irak, en pleine et totale conscience de la non-fiabilité des sources utilisées (les seules disponibles, toujours les mêmes...!). A aucun moment, ce texte n'a eu la prétention d'être rigoureux, ni encore moins de porter un jugement moral, à des milliers de kilomètres des actions armées.

Ce qui peut nous intéresser, nous, travailleurs d'ici, concernant l'Irak ou de tout autre lieu de "conflit", ce sont évidemment les points d'identification que nous pouvons trouver avec nos propres problèmes quotidiens, une identification qui nous incite à lutter, qui nous procure confiance et perspectives de classe dans cette période assez merdique, période dans laquelle l'immense majorité des travailleurs (et surtout les jeunes, comme moi) n'a pratiquement jamais connu d'expériences de vie et de lutte collective, peu de liens sociaux, alors que nous avons encaissé le bombardement démocratiste jusqu'à l'écurement, nous laissant sans ressource pour trouver des portes de sortie au désastre de ce monde. C'est le manque de perspectives face à ce monde et cette vie toujours plus pourrie qu'utilise la bourgeoisie pour nous décourager et nous démobiliser (avec la "fin de la classe ouvrière", avec toutes les idéologies parcellisatrices, démocratistes, racistes, social-démocrates ou "anti-globalisation", avec l'action des syndicats et de la politique bourgeoise, etc.) ou pire encore, pour se présenter elle-même et toute sa machinerie étatique comme l'unique planche de salut de la "citoyenneté" contre le "terrorisme", la délinquance, les drogues, les mafias, le chômage, etc., la bourgeoisie exploite les misères inhérentes à son système contre la classe ouvrière. En ce sens, il m'a semblé et me semble encore, que votre article sur l'Irak ne parvient pas à ce que, nous, les travailleurs on s'identifie avec ce que vous dites et ce parce qu'il contient, à mon avis, des affirmations qui ne sont pas éclaircies ni mises en relation avec les actions armées et le rapport de forces entre les classes, ce qui lui enlève pas mal de consistance. Et je pense que ce qui le prouve, c'est que vous avez cru bon de m'envoyer un texte complémentaire, éclaircissant certaines questions. Mais bon, il n'est pas question ici de discuter sur la clarté ou non d'un texte ou d'un article, mais bien d'en extraire les conclusions qui contribuent à la destruction de la société du capital. Je dois vous dire que par ici, il y a déjà eu quelques tentatives pour faire la propagande de "la lutte du prolétariat en Irak", comme moment d'une tentative de développer une conscience de classe internationaliste chez les travailleurs, ces tentatives qui ont été abandonnées (momentanément du moins), justement du fait du manque de consistance et, dirons-nous, de fiabilité de ce qu'on avançait, conséquence du manque d'informations fiables sur l'Irak.

G) SUR LE TERRORISME AVEUGLE

Il nous semble important de signaler que nous avons continué à vérifier, par différents biais, que la majorité des "attentats aveugles", des massacres de civils et de tant d'autres actions que les médias attribuent aux "terroristes" sont l'uvre des forces militaires occupantes et de leurs troupes de mercenaires. Très souvent, certaines organisations ou partis bourgeois locaux font des communiqués expliquant cela, mais ceux-ci ne sont jamais reproduits dans la presse internationale. Ainsi, par exemple, en juillet 2005, l'explosion d'une bombe va se solder par la mort de nombreux civils, dont des dizaines d'écoliers. La presse internationale va attribuer cet acte à des "terroristes". Pourtant, selon les principales organisations officielles de la résistance, ce massacre est l'uvre exclusive des troupes d'occupation.

Ainsi, "Le mouvement de Muqtada Al-Sadr accuse les USA d'être derrière les attentats perpétrés à Nouvelle Bagdad et à Al-Musyyib, attentats qui ont ôté la vie à de nombreux civils, dont 32 mineurs d'âge. Dans un communiqué, le bureau d'Al-Sadr affirme que "derrière le massacre de mercredi passé (13 juillet) et l'attentat confus (pas la moindre installation d'occupants ou de collaborateurs dans les alentours) à la pompe d'essence d'Al-Musayyib qui s'est soldé par la mort de dizaines de personnes, on trouve la main des forces d'occupation US et de leurs collaborateurs ; ceux-là même qui, par la suite, ont accusé ceux qu'ils considèrent comme terroristes d'en être les responsables. Nous confirmons que l'Occupation américaine et ses collaborateurs sont les authentiques assassins des enfants et des adultes irakiens d'Al-Musayyib et de Bagdad"...".

D'autre part, "Aucun groupe de la Résistance n'a revendiqué les attentats, que du contraire, tous les ont condamnés, à l'instar de l'Association Académique (Ulemas) Musulmane, qui accuse l'Occupation d'être la responsable directe du crime - et différents politiciens opposés à l'Occupation. Ainsi, certaines informations dénichées sur les différentes pages web arabes (Mafkarat al Islam, Free Arab Voice), affirment que plusieurs officiers de police et des services de pompier irakiens ont déclaré, sous couvert de l'anonymat par peur des représailles, que de nombreux indices permettent de désigner les auteurs des attentats comme étant les forces d'Occupation et leurs collaborateurs".

On pourrait dire que cela revient au même que ce soit l'une ou l'autre fraction bourgeoise, que nous savons parfaitement que ce genre d'actions est, par excellence, du terrorisme bourgeois, l'uvre de l'Etat par excellence. Mais, même si c'est sûr et certain, il est important de savoir que le fait que ces actes soient attribués, non aux occupants, mais au "terrorisme" qui s'oppose à la réorganisation démocratique de l'Irak, fait partie de la campagne internationale visant à éviter que les prolétaires du monde entier n'éprouvent pas la moindre sympathie à l'égard de la lutte contre les envahisseurs/répresseurs. Avec ces falsifications (répétées par toute la gauche bourgeoise internationale, y compris des groupes se prétendant anarchistes ou s'autoproclamant du "milieu révolutionnaire"), on tente d'isoler la lutte du prolétariat en Irak, on cherche à déprécier la lutte des prolétaires dans ce pays et on contribue à la thèse bourgeoise qui défend que la guerre et les massacres successifs et interminables dans la région ne sont que des luttes inter-impérialistes pour la répartition du pétrole et que les seules options possibles sont celles qu'offrent les démocrates, dirigés par Bush, ou les islamistes et leurs innombrables fractions et sectes. Contre cela, il est fondamental de dénoncer le rôle objectivement social-impérialiste de toutes les forces internationales qui rentrent dans le jeu de leur propre bourgeoisie et de leur propre Etat en dénonçant le "terrorisme" en général et/ou en présentant la barbarie de l'occupation comme équivalente au "terrorisme" des résistants.

Il est vrai que nous (et le prolétariat en général) ne possédons pas de moyens d'informations indépendants mais il existe d'autres moyens qui, ayant des intérêts différents (généralement populaires, càd bourgeois), nous permettent de comprendre la terrible réalité de l'occupation pour la population irakienne et nous aident à nous faire une idée de ce que cela signifie pour les prolétaires et, en particulier, pour les camarades qui luttent pour l'autonomie du prolétariat dans ce pays. Et justement, comme nous le signalions plus haut (cf. "Notre réponse"), l'invasion impérialiste, en réprimant et opprimant toute la population (même si, évidemment, elle s'acharne  particulièrement sur les groupes prolétariens et révolutionnaires), pousse la transformation de la guerre sociale en une guerre entre envahisseurs et résistants. A ce propos, nous devons signaler que, même s'il est de plus en plus difficile (y compris pour les prolétaires en Irak) de savoir qui fait telle ou telle action contre les répresseurs en général et contre l'occupant en particulier (un grand nombre d'actions ne sont revendiquées par personne tandis qu'il y a de plus en plus d'actions revendiquées simultanément par plusieurs organisations, comme en Israël/Palestine), le terrorisme répressif est de plus en plus arbitraire, aveugle et indifférencié. Si, en temps normal, les flics de tous les pays commettent des centaines d'actes violents, agressifs, racistes, xénophobes, d'arrestations pour délit de sale gueule,... sous l'occupation, et plus particulièrement, l'occupation militaire de populations de races et de cultures très différentes, ces faits se multiplient et s'intensifient qualitativement. Se "venger" sur n'importe qui, sur l'"étranger" à portée de main, sur ces "nègres de merde" est monnaie courante.

Si, en Angleterre, qui, selon ses propres déclarations, n'est pas en guerre bien que ses soldats en Irak le soient, si en Angleterre donc, la police s'empare aveuglément du premier "nègre" qu'elle considère suspect et lui colle 7 balles dans le corps alors que l'homme n'a absolument rien à voir avec les "terroristes", en Irak, les troupes d'occupation tirent aveuglément et quotidiennement, le terrorisme d'Etat étant à son maximum, contre quiconque a la malchance d'être né et d'habiter là-bas. Passer ces faits sous silence est criminel.

Nous avons, par exemple, lu avec beaucoup d'intérêt certains rapports de guerre, provenant d'organisations de la résistance, que nous n'allons pas publier ici vu leur longueur, mais aussi parce qu'ils sont infectés de propagande nationalisto-religieuse contre "les croisés". Deux aspects méritent néanmoins d'être signalés: d'abord, le nombre énorme de pertes subies par les troupes d'occupation qu'ils s'attribuent et, ensuite la dénonciation réitérée d'actes de vengeance aveugle de la part des troupes occupantes et des forces locales de l'Etat.

En ce qui concerne les pertes subies par les troupes de la coalition, quand bien même les chiffres avancés seraient autant exagérés que ceux fournis par la presse internationale sont diminués, ils contribuent à donner une meilleure idée de ce qui se passe sur le terrain.

Etant donné la façon dont se comportent invariablement les flics occupant un pays et la haine qu'ils provoquent dans la population, les actes de vengeances aveugles dénoncés dans ces rapports, nous semblent plus crédibles dans l'ensemble et nous trouvons important de citer quelques exemples qui, bien entendu, ne sont jamais rapportés par la télévision et les journalistes.

Voici quelques faits éloquents, extraits d'un communiqué émis par le Commandement général de la résistance irakienne le16 mai 2005 et signé par l'organisation guérilleriste Jaish Ansar Asunnah relatant la bataille de Al Qaim12.

En résumé, la liste des pertes que le communiqué attribue aux flics de la coalition est la suivante (ils ne parlent pas des pertes infligées aux flics de la résistance) :

a) Nombre de morts: croisés, officiers inclus: 125; agents de la CIA: 5; policiers irakiens: 97 dont 4 officiers; spécialistes en explosifs: 4 ; gardes irakiens: 59 ; espions: 22 dont 2 chefs inclus; chauffeurs travaillant pour les nord-américains: 9.

b) Quantité de véhicules détruits: humvees 54 ; véhicules blindés, camions et remorques pour les aliments: 25 ; tanks: 2 ; transport de personnel: 1 ; voitures de police: 5 ; voitures de la Garde irakienne: 10 ; véhicules 4x4 GMC de la CIA: 2 ; hélicoptères: 6 ; avion F18: 1.

Ces chiffres, exagérés ou non, nous permettent évidemment de prendre plus de distance avec ce que nous entendons quotidiennement dans les pays occidentaux. Mais il est important de souligner la réaction aveugle (comme ce fut le cas au Vietnam, lors de l'occupation française en Algérie ou dans les territoires occupés par Israël,...), la vengeance indifférenciée contre la population que les troupes d'occupation infligent à la population en réponse aux pertes subies lors de l'une ou l'autre bataille.

Ainsi le communiqué, après avoir décrit une bataille, dit: "Comme preuve de sa haine et de sa perversion, et uniquement pour se venger des pertes subies et de l'échec de la tentative de mater la résistance héroïque, l'ennemi a attaqué des maisons résidentielles13 dans la zone de Al Ubaydi, détruisant 20 maisons et massacrant de nombreux civils... L'ennemi a essayé d'organiser un débarquement nocturne dans le district adjacent à Rummanah, forçant les résidents de cette zone à quitter leur maison. Là des membres des forces ennemies ont ouvert le feu contre des civils, tuant plus de 150 personnes, la plupart des vieux, des femmes et des enfants. L'ennemi a détruit beaucoup de maisons résidentielles pour se venger des grandes pertes qu'il a subies et de son humiliante défaite... L'ennemi a dirigé le feu de ses armes lourdes contre le quartier résidentiel de la zone de Al Karabilah, détruisant 8 maisons résidentielles, de nombreux magasins et 4 voitures de civils...".

H) AUTRES ÉLÉMENTS

Nous voulons souligner encore certains éléments issus d'un rapport " témoignage de 7 jours en Irak". Il s'agit du rapport de la première et unique délégation étrangère à Faluja. Il nous permet de nous faire une idée sur la situation qui se vit dans le pays et qui, pourrait-il en être autrement, affecte fondamentalement le prolétariat :

- chômage 70% et 90 % dans le secteur industriel ;

- coupures continuelles d'électricité et d'eau ;

- cherté et manque de produits de base comme le riz, le sucre, le lait,...

- couvre-feu, de 23h00 à l'aube, empêchant les services d'urgence de nuit de fonctionner ;

- perquisitions incessantes de maisons, jour et nuit, par les militaires et la police ;

- châtiments collectifs appliqués à toute la population d'une ville: fermeture complète des entrées et sorties de la ville, coupures d'eau et/ou d'électricité par les forces occupantes en guise de représailles ;

- dizaines de milliers de disparus (à la fin de la guerre officielle, les organisations des droits de l'homme avaient recensé pas moins de 15.000 disparitions ; aujourd'hui, on en ignore le nombre), ce qui confirme que la principale méthode de gouvernement est la torture et le massacre ;

- utilisation d'armes toxiques contre des régions considérées comme subversives ou comme refuges de "terroristes", mais également contre des prisonniers, comme le témoignent les prisonniers de Camp Buca ;

- répression et torture de mineurs, même de moins de 14 ans ;

- il n'y a pas de chiffre exact sur le nombre de prisonniers, on estime qu'il avoisine les 18.000 (10.000 rien qu'à l'aéroport de Bagdad) ;

- destruction d'hôpitaux (à l'hôpital de Faluja, des vols, des dégâts ont été commis par les troupes US, qui ont agressé et gardé les médecins menottés toute une nuit), séquestration de médecins et disparition forcée de membres du personnel de la santé ;

- augmentation de l'épidémie d'hépatite virale et de typhus ;

- en ce qui concerne l'uranium appauvri utilisé lors des différentes invasions, on sait seulement que le niveau de leucémie est aujourd'hui le plus haut du monde et qu'une étude est en cours dans la région de Bagdad, une zone de combats où les indices seraient bien supérieurs à ceux connus à ce jour ;

- les associations et les locaux ouvriers ont été systématiquement attaqués par les troupes d'invasion et les forces du nouveau régime, puis réorganisés en instruments de partis ouvertement étatiques ;

- non seulement "le Statut du Travailleur" a été supprimé, mais on consacra la liberté de commerce totale ainsi que la liberté de licencier ;

- en dépit de cela, les travailleurs du pétrole ont organisé de grandes grèves et ont lutté contre la politique de privatisation du régime et pour l'arrêt des attaques contre Faluja ;

- les travailleurs de l'hôtellerie ont, à plusieurs reprises, dénoncé la totale paralysie du secteur et l'occupation systématique des hôtels par les paramilitaires étrangers et les chefs d'entreprises proches des autorités US ;

- les travailleurs des campagnes ont dénoncé les ravages causés à leurs récoltes par le passage des véhicules blindés ou les inondations provoquées par les militaires dans le but de neutraliser les dépôts d'armes de la résistance. Ils ont également exprimé leur profonde préoccupation concernant les semences fournies par le gouvernement, des produits transgéniques provenant de multinationales ;

- développement de la traite des blanches et des viols, à un niveau jamais atteint auparavant ;

- les couvre-feux et les perquisitions incessantes sont dénoncées comme des attentats contre la nudité, particulièrement par les femmes qui, dans l'intimité de leur maison, se voient obligées de rester vêtues en permanence, même pour dormir, afin de ne pas être vues (et attaquées) par les soldats et autres forces de la répression.

Ce rapport contient encore d'autres éléments qui, même s'ils font explicitement référence à ce que disent les fractions bourgeoises en résistance, peuvent servir à y voir plus clair dans la polémique développée ici. Ainsi, coïncidant avec d'autres éléments apportés par des camarades de la région sur le fait que, traditionnellement, la population irakienne n'est pas religieuse (en tous cas, bien moins qu'en Amérique ou en Europe), les différentes fractions islamiques auraient été développées et gonflées par les différentes forces d'intervention ces dernières années et les affrontements continuels entre sunnites et chiites ne serait qu' "un projet légué après l'occupation pour tenter de fomenter une guerre civile à caractère religieux". En même temps, le rapport fait référence à des personnalités de différentes fractions religieuses qui, au nom de l'"Association des Ulemas Musulmans... ont démontré, par rapport á des mosquées et des lieux où furent commis des attentats sectaires, leur effort coordonné pour organiser des prières communes et des enquêtes sur des cas suspects, comme celui de la ville d'Al Madani, où la prétendue séquestration de chiites aux mains d'extrémistes sunnites s'est révélée fausse".

Il est clair que face aux déclarations de ces fractions bourgeoises, opposées à l'occupation mais qui participent à l'oppression de notre classe, il faut tenir compte de deux choses: d'une part, à divers moments, ces fractions ont toutes fait partie (ou font encore partie) du pouvoir, et de nombreuses attaques qu'ils subissent pourraient être l'uvre de ceux qui luttent contre cette oppression. D'autre part, cette non religiosité historique dans ce pays s'est transformée et beaucoup de prolétaires dans le monde et dans le pays sont attirés maintenant par le radicalisme islamique, tant par son action conséquente contre les grandes puissances que par son discours pro-communautaire, anti-argent et anti-frontières, qui présente moins d'intermédiaires entre aujourd'hui et le paradis, que les discours de la gauche bourgeoise.

I) INSISTONS SUR LA PERSPECTIVE

Soulignons également, toujours dans ce même rapport, non seulement la clarté des objectifs capitalistes de rechange présents dans les déclarations de l'opposition bourgeoise à l'invasion, mais également celle du projet d'unification que le gouvernement tente d'imposer et qui visent les mêmes objectifs que l'occupation: liquider la lutte autonome du prolétariat en Irak et dans la région.

Ainsi, ce même rapport dit textuellement : "Action armée très développée, coordonnée et d'une grande efficacité. On s'achemine vers des commandements territoriaux unifiés. Ils sont présents sur tout le territoire, du nord au sud, de l'est à l'ouest et intègrent des Irakiens de confessions différentes, sur base de ces critères minimums :

- Respect de la propriété publique ;

- Expulsion de l'occupant ;

- Multipartitisme ;

- Respect de la volonté populaire ;

- Non aux fanatismes ethniques ou religieux ;

- Objectifs légitimes: les Occupants/les Collaborateurs/les Traîtres ;

- Pas d'attaques contre les policiers réglant la circulation ;

- Les installations pétrolières qu'on attaque sont celles gérées par Alberton/Halliburton ainsi que les camions qui ravitaillent les forces d'occupation ;

- On affirme d'une manière catégorique: la résistance n'utilise pas de voitures piégées, et ne commet pas d'attentats indifférenciés. "

A propos du "terrorisme", le rapport insiste sur le fait qu'il s'agit d'"un phénomène non irakien, ces groupes (Ansar Al Sunna,...), avant l'occupation, étaient parfaitement contenus et neutralisés. En Irak, il n'y a jamais eu de culture des égorgements, du martyre ou du massacre de civils. L'extrémisme a débarqué avec l'occupation et ce n'est pas le secteur que domine la résistance (entre 3 et 5 %). Les attaques de mosquées ou d'églises font partie d'une action coordonnée pour obtenir une guerre civile confessionnelle".

A propos des forces collaborationnistes, le rapport affirme qu'elles se divisent en "Police, Garde Nationale et Armée, toutes s'alimentent aux Milices Baader du Conseil Suprême de la Révolution Islamique de Hakin et aux peshmergas kurdes. Ils agissent à la manière des Escadrons de la Mort. Nous avons eu accès à une liste avec plus de 1000 cibles à assassiner (médecins, professeurs,... opposés à l'occupation). Ils sont utilisés comme boucliers par les troupes des USA. Plus de 800 personnes ont été expulsées de la Garde Nationale pour avoir refusé de combattre la Résistance. Il y a des témoignages de l'anéantissement de détachements de la Garde Nationale par l'armée des USA".

C'est dire si les éléments qui confirment les tentatives de toutes les forces bourgeoises pour transformer l'historique guerre sociale en guerre inter-bourgeoise sont nombreux. Plus s'affirme le terrorisme indifférencié des troupes d'occupation et de leurs complices à l'égard de la population, plus se profile la politique de la résistance pour imposer des commandements uniques et un véritable programme de rechange de type front populaire. Le prolétariat en Irak, malgré toute la force dont il fait preuve, ne peut vaincre seul l'impressionnant étau qui continue de l'étrangler. Bien que la défaite des envahisseurs et de leurs alliés locaux commence à transparaître, le terrorisme généralisé contre la population et la perte d'autonomie du prolétariat qui en résulte ne peuvent être empêchés que par la lutte du prolétariat international. A ce propos, la faiblesse de la lutte du prolétariat dans les pays qui participent ouvertement ou en sous-main à la coalition (nous nous référons ici à tous les Etats qui appuient non pas la guerre menée par les USA, mais aussi la paix style ONU, ce qui, sur le terrain, revient exactement au même) et l'ignorance généralisée dans lequel il est maintenu concernant la lutte du prolétariat en Irak, sont les éléments qui permettent à cette transformation de la guerre de classes en guerre inter-bourgeoise de suivre son cours.

Nous avons une responsabilité énorme dans la lutte pour empêcher cette transformation.

Nous avons une responsabilité énorme dans la reconnaissance et la diffusion de la lutte du prolétariat en Irak. Nous avons une responsabilité énorme dans la lutte contre toutes les forces qui occultent l'importance de la lutte du prolétariat dans ce pays. Nous avons une responsabilité énorme dans la lutte contre notre propre bourgeoisie, contre nos propres Etats, contre toutes les forces répressives internationales qui massacrent nos frères de classe partout dans le monde. Nous avons une responsabilité énorme dans la transformation internationale de la guerre impérialiste en guerre pour la révolution sociale. Pour cela, il est indispensable de propager la lutte du prolétariat en Irak, qui fait partie de notre propre lutte, et de s'affronter pratiquement à "notre" bourgeoisie et "notre" Etat qui est en train de réprimer nos frères en Irak.

Solidarité totale avec la lutte prolétarienne en Irak qui subit le terrorisme concentré de "nos" Etats!

Contre la guerre et la paix qu'ils veulent imposer en Irak!

Pour la révolution mondiale!

Notes

1- Cette polémique qui se déroulait dans les années 1930 en Belgique ainsi que les conclusions que nous y avions ajoutées méritent une relecture à la lumière des évènements actuels. Cf. Le Communiste N°6, avril 1980.
2- ARDE - http://nodo50.org/crimental - arde@nodo50.org -
3- Et s'il n'y a pas de morts civiles, la bourgeoisie et ses médias n'hésitent pas à les fabriquer pour isoler les prolétaires les plus décidés en flattant le sentiment majoritaire de la classe qui croit toujours ce que les médias inventent. Ainsi, le policier en civil devient "père de cinq mineurs d'âge", les tortionnaires "du personnel d'ONG", les mercenaires "des travailleurs", les agents spéciaux de sécurité et autres professeurs de guerre antisubversive des "journalistes", les journalistes spéciaux qui interviennent dans les opérations répressives des "civils et travailleurs sous contrat".
4- Au moment où nous écrivions ces lignes, le camarade qui les rédigeait ne savait pas que cette attaque (contre l'ONU) avait été revendiquée par Zarkawi et son organisation. Maintenant, avant d'envoyer la lettre, nous ne trouvons pas correct de la remplacer, pour l'exemple, par n'importe quelle autre action militaire contre les envahisseurs dont les auteurs sont restés inconnus et que l'on pourrait donc supposer être l'uvre d'incontrôlés. Par là, nous voulons souligner que, de toute façon, l'argumentation exposée jusqu'ici, reste valable: même s'il se confirme que ceux qui effectuèrent cette attaque sont encadrés dans une organisation bourgeoise, nous ne pensons pas que la position révolutionnaire soit celle de pleurer ou de se lamenter sur cet attentat. Bien au contraire, la destruction de ce repaire de terroristes d'Etat dont l'objectif est la paix par la terreur (c'est-à-dire la consolidation de l'invasion et la répression) est un objectif prolétarien. Ce coup contribue à la défaite de notre propre Etat, ce qui explique en grande partie la sympathie que ce type d'action suscite dans les secteurs prolétariens en lutte dans le monde entier.
5- Même cette dénomination "attentat" qui coïncide tellement avec l'idéologie antiterroriste, nous devrions la remettre en question et ne plus l'utiliser. Il ne fait aucun doute que cette terminologie qui sert à désigner tout acte de résistance à la terreur de l'Etat est imposée par ce dernier et les gendarmes impérialistes mondiaux.
6- Voir Communisme N°55 page 6.
7- Même la détérioration du niveau de vie ne semble pas se vérifier de la manière simpliste avec laquelle vous l'exposez. L'envahisseur répressif a apporté des capitaux et en fait venir de toute la région. Une grande quantité de travailleurs ont été embauchés. C'est la logique même de l'invasion. En dernière instance, elle cherche à améliorer le pouvoir d'achat des Irakiens, ce qui réussit dans certaines zones (au moins dans tout le Kurdistan), car c'est le seul moyen de stabiliser et réorganiser le monopole de la violence. Evidemment, cela contredit le mythe dominant des "anti-impérialistes" bourgeois pour qui l'invasion s'explique par des raisons interbourgeoises d'appropriation des ressources de l'Irak et c'est pour cela qu'il y a peu d'information sur ce sujet, particulièrement venant de ceux qui disent s'opposer à l'invasion.
8- Une fois de plus: on ne peut comparer ce que pense le prolétaire en Europe ou en Amérique avec ce qu'il pense en Irak. Personne, dans aucun quartier irakien n'ignore que l'Etat des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ont bombardé la population civile en 1991 et en 2003 et que, durant les douze années qui séparent ces deux dates, ces Etats n'ont jamais cessé de bombarder l'Irak et que, durant ces douze années, il y eut toujours des victimes, ces victimes que la presse mondiale qualifiait de "dommages collatéraux". De même, personne n'ignore que le blocus affectait non pas Saddam Hussein et la bourgeoisie irakienne (bien en accord avec les hommes d'Etat des Etats-Unis ou de France comme Pasqua) mais bien ses voisins, c'est-à-dire le prolétariat qui tente de survivre dans ce pays.
9- Publié dans la revue "Nùmero" de Bogota en 2004.
10- On pourrait faire une liste similaire à celle que nous venons de réaliser sur les bénéfices d'une invasion répressive qui tend à transformer la guerre sociale en guerre impérialiste pour le capital mondial, concernant la façon dont la généralisation et l'internationalisation de la lutte défaitiste révolutionnaire transforme la guerre impérialiste en une lutte pour la révolution mondiale.
11- On connaît bien le rôle qu'assumeront plus tard l'Etat bourgeois russe et le stalinisme local dans la liquidation de la révolution au nom de la guerre contre le fascisme.
12- Il s'agit d'un communiqué de la résistance clairement bourgeoise et officielle, simultanément pro-islamiste et pro-Saddam Hussein.
13- Dans cette traduction nous utilisons les termes "maisons résidentielles" non pas dans le sens que ces termes ont pris dans certains pays et qui signifie "maisons situées dans des quartiers riches", mais dans le sens original du terme, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de lieux où se concentrent et se préparent des guérilleros mais de maisons où les gens résident.
"Larmes, douleurs, deuil, faim; telle est la récolte immédiate de la catastrophe: mais cette noire récolte sera l'aiguillon qui, en ensanglant les foyers des peuples trop patients, fera que ceux-ci se cabrent enfin et jettent à terre tous les parasites qui se nourrissent de leur sang: bourgeois, curés, gouvernants."
 
Ricardo Flores Magon,
Regeneracion N°200
12 septembre 1914
"La paix ? Quel sens ce mot a-t-il pour les pauvres ? Est-ce la liberté ? Est-ce la justice ? Est-ce la joie de vivre ? La paix, la paix bourgeoise, naturellement, la paix basée sur la soumission du faible c'est celle que désirent rétablir les gouvernements, étant donné que cette paix garantit au riche la jouissance tranquille de ses rapines. Cette paix est la paix de l'esclave chargé de chaînes, la quiètude des morts, la paix du cimetière."
 
Ricardo Flores Magon,
Regeneracion N°260
6 octobre 1917

.

"Lorsque les nôtres meurent, nous devons pleurer; mais lorsque meurent les imbéciles qui vont lutter pour le renforcement de leurs propres bourreaux, nous devons rire au contraire: moins nous rencontrerons d'obstacles dans notre lutte pour la destruction du système actuel... Ce ne sont pas nos frères qui périssent par milliers sur les champs de bataille d'Europe, d'Asie, d'Afrique et d'Océanie. Ce sont nos ennemis; ce sont ceux qui veulent faire perdurer ce système qui nous méprise; ce sont les laquais du capital, l'église et l'autorité."
 
Ricardo Flores Magon
Regeneracion N°202
14 novembre 1914
"Mais, supposons que le nombre de morts de cette maudite guerre soit d'un million, cela signifierait qu'un million de familles se retrouvent sans soutien parce que leurs proches ont été suffisamment stupides pour préférer marcher à l'abattoir afin de défendre les intérêts de leurs exploiteurs, au lieu d'aller à la guerre pour défendre les intérêts de leur classe. Que des moutons de cette nature meurent est une bonne chose. Ce qui manque ce n'est pas d'hommes soient un obstacle au désir de liberté des individus de leur classe."
 
Ricardo Flores Magon
Regeneracion N°202
14 novembre 1914

Nous avons reçu et nous publions

Lorsque la guerre sert à cacher la guerre

La guerre que nous voyons tous aujourd'hui à la télé semble être toute l'expression de la guerre mais ce n'est pas vrai, la guerre a commencé lorsqu'ils sont nés comme classe. le bourgeois nait en volant, en exploitant, en expropriant, en tuant et c'est cela son essence.

Il n'y aucune différence entre ce qu'il se passe où que ce soit dans le monde et ce qu'il se passe en irak.

Pas besoin d'être en Irak pour que
ce système te tue;
Il te tue quand tu n'as rien à manger
Il te tue quand tu ne peux pas t'acheter un médicament
Il te tue quand il te vend de la drogue
Il te tue quand il te vend des aliments périmés

ou peut-être ne te tue-t-il pas
dans les favelas de sao paulo ?
dans les bidonvilles de buenos aires ?
dans les mines du chili ?
dans les puits de gaz de bolivie ?
de soif en afrique ?

Qu'est ce que cela signifie quand ils disent: "le jour de la guerre" si nous, les milliers de millions de prolétaires de par le monde souffrons la guerre bourgeoise tous les jours depuis que nous sommes nés et jusqu'à notre mort ?

Faut-il un camp de concentration plus grand que celui créé par cette classe bourgeoise et sa maudite propriété privée ?

Ces camps de concentration sont ses frontières, ses Etats qui se sont transformés en murs infranchissables pour les prolétaires.

NI LA GUERRE NI LA PAIX DES BOURGEOIS !

LA SEULE GUERRE VALABLE EST LA GUERRE PROLETARIENNE CONTRE TOUS LES BOURGEOIS !

(tract distribué en Argentine)


Une fois de plus, c'est contre le prolétariat que les bourgeois "ennemis" forgent leur unité

Hier, en pleine guerre du Golfe (1991), face au développement des luttes prolétariennes, face au défaitisme révolutionnaire et à la réémergence d'un puissant mouvement insurrectionnel du prolétariat, les ennemis qui s'affrontaient sur le terrain inter-impérialiste agirent conjointement pour attaquer notre classe. Dans ce but, le Pentagone mit rapidement un terme à la guerre, permettant ainsi à la Garde Républicaine de Saddam Hussein de reprendre les villes insurgées et d'imposer l'ordre dans les quartiers prolétariens où le mouvement des conseils (les shoras) et les groupes révolutionnaires luttaient pour s'imposer.

Aujourd'hui, face à la vague de lutte du prolétariat en Irak, l'ensemble des ennemis bourgeois pactisent dans l'ombre, au beau milieu des bombes qu'ils s'envoient, et négocient la façon d'imposer la paix sociale aux prolétaires. C'est ainsi que des fractions islamistes, des défenseurs de la libération nationale... et même d'importants dirigeants du gouvernement de Saddam négocient la meilleure façon de restaurer l'ordre social en Irak avec ceux-là même qu'ils qualifient pourtant depuis des mois comme leur pire ennemi, les troupes d'occupation.

Tout comme hier, face à nos luttes, les staliniens s'unissaient aux national-socialistes, les républicains aux fascistes, la droite à la gauche,... aujourd'hui, en Irak, la bourgeoisie, malgré ses affrontements, discute de la façon de nous attaquer, nous détruire, nous écraser. Et, une fois encore, nous voyons que les intérêts particuliers de chaque fraction bourgeoise, passent au second plan face à son ennemi historique commun, le prolétariat. L'impérialisme montre qu'il est beaucoup plus que les différentes fractions bourgeoises qui se battent pour le partage du monde. Il est la structuration mondiale du capital, avec ses tendances centripètes et centrifuges mais invariablement opposée à toute tendance révolutionnaire. La logique vulgaire reproduite par les médias tend à occulter que les deux pôles du capital -la guerre et la paix, la guerre impérialiste et les pactes inter-impérialistes, l'opposition et l'alliance...- ont le même objectif contre-révolutionnaire. Dans tous les cas, il s'agit de liquider le sujet même de la transformation du monde : le prolétariat révolutionnaire.

Pour illustrer le processus de négociation/unification bourgeoise qui se développe aujourd'hui en Irak contre notre classe, nous reproduisons ici quelques bribes de la conversation qu'auraient eu l'ex-président Saddam Hussein et le ministre de la défense Donald Rumsfeld, lorsque ce dernier visita son "cher ennemi" en prison. Celle-ci a été publié dans la revue égyptienne al-Ubsu du 2 mai 2005 et republiée dans Resumen Latinoamericano, N°574 du 09/05/2005

Rumsfeld  - Je vous fais une offre qui consiste dans le fait que vous serez libéré et que vous pourrez librement choisir un lieu d'exil, dans le pays de votre choix, à condition que vous passiez à la télévision, que vous émettiez une condamnation du terrorisme, et que vous demandiez à vos hommes de ne plus commettre ces actes.

Saddam - Avez-vous l'accord de votre président pour faire cette offre ?

Rumsfeld - Oui, cette offre a été convenue lors d'une réunion à laquelle le Président, le Vice-président, le Ministre des Affaires Etrangères et le Chef des Services Secrets étaient présents. Et j'ai été autorisé à vous informer de cette offre... Nous sommes également prêts à intégrer certains de vos proches au gouvernement. Nous vous accorderons une généreuse aide financière et une protection pour vous et votre famille dans le pays de votre choix... Nous sommes en train de reconsidérer nos positions à votre égard et à l'égard de différentes puissances qui nous ont été hostiles dans le passé. Nous avons décidé de maintenir le dialogue avec les islamistes modérés et nous n'avons aucune objection à votre retour au pouvoir par le biais des urnes. Plus important, nous avons décidé d'ouvrir des canaux de dialogues avec des organisations terroristes telles le Hamas, la Jihad islamique Hizb Alah qui est iranienne mais également avec d'autres organisations fondamentalistes partout dans le monde. Nous avons d'ailleurs un plan pour prendre contact avec le mouvement Taliban en Afghanistan afin d'étudier la possibilité de leur participation au pouvoir en échange de leur désarmement... Cette offre est une chance historique. Vous serez libéré et nous vous consulterons sur tout ce qui concerne le fonctionnement de l'Irak. Si vous refusez cette offre, sachez que l'opportunité ne se représentera pas...




Fuoco alle polveri:

Guerre et guérilla sociale en Irak (extraits)

En marge de notre article précédent à propos de la lutte du prolétariat en Irak, nous proposons ici d'autres extraits du recueil de textes publié en italien Fuoco alle polveri (Le feu aux poudres) "Guerra e guerrilla sociale in Irak" que nous avions présenté dans Communisme N°57.

Rappelons que le lecteur intéressé peut se procurer Fuoco alle polveri en s'adressant directement au Centro di documentazione Porfido, Via Tarino 12/c ­ 10124 Torino ­ Italia ou encore en le commandant aux Editions NN (C.P. 1264 ­ 10100 Torino) ou (C.P. 482 ­ 95100 Catania).

* * *

Premier extrait

"Le vieux slogan internationaliste 'porter la guerre au cur des métropoles' a été mis en pratique jusqu'ici, non pas par les révolutionnaires à travers une lutte contre les ennemis communs à tous les exploités, mais bien uniquement par les ennemis de toute attaque menée en commun par les exploités : à travers la violence indifférenciée des bombes de Madrid. L'équation 'occidental = impérialiste' est terriblement répandue parmi les damnés de la Terre, désespérément seuls dans leur résistance (...). Ce n'est certainement pas par les appels à la tolérance et au moyen de leçons d'éducation civique que se brisera cette équation, mais bien en développant ici la guerre sociale."
 
Fuoco alle polveri, chap. "Aux irréguliers de la guerre civile"

Deuxième extrait

"Ce fut l'extrême difficulté à contrôler une telle explosion (l'insurrection de 1991 en Irak ­ Ndr) qui poussa la Coalition à réarmer les bourreaux de Saddam Hussein et qui dissuada les Etats-Unis et leurs suppôts ou concurrents d'occuper directement la région. Le risque que l'Irak devienne la poudrière de tout le Moyen-Orient était plus grand que la certitude de pouvoir exploiter ses richesses. Ce n'est qu'après plus de dix années d'embargo ­ qui ont provoqué la mort d'au moins un million d'Irakiens- et le lavage de cerveau au nom de la 'guerre au terrorisme' que les maîtres du monde ont décidé de tenter à nouveau l'entreprise.

Mais, comme nous le disions, les plans de 'réorganisation' de l'Irak ne sont pas aussi simples qu'il n'y parait en théorie. Sur le terrain, il y a toujours l'une ou l'autre variable qui échappe au froid calcul des stratèges militaires et des staffs des multinationales. Il y a des hommes par exemple. Et que nous enseigne en ce sens l'attitude des exploités irakiens?

Dans un premier temps, ceux-ci n'ont pas répondu aux appels à la résistance de la propagande nationaliste, refusant de se faire massacrer pour la défense de l'immonde patrie contre l'envahisseur et laissant les troupes anglo-américaines libérer le pays de l'abhorré régime baasiste. Successivement, ils ont utilisé l'énergie qu'ils avaient conservé pour démontrer aux armées de la Coalition, au nouveau gouvernement provisoire et à ses nouvelles forces de l'ordre, à quel point ils étaient satisfaits de cette 'libération' aussi démonstrative.

Cette reconnaissance envers les 'libérateurs' s'est concrétisée à travers une pratique d'attaques répétées dont la quotidienneté, la diffusion et la diversification démontrent, contrairement à ce que nous disent les mass-média, la nature essentiellement sociale de l'affrontement en cours. En fait, si on veut évaluer la situation, il faut tenir compte du fait que, de par la 'nature' des mécanismes médiatiques ou dans une volonté délibérée de propagande, ce que les journaux et les télévisions nous font avaler sont les seules informations sur les attentats les plus éclatants et spectaculaires, accomplis par les organisations les plus structurées militairement et idéologiquement, alors que pratiquement aucune information ne transpire en ce qui concerne les actions les plus spontanées accomplies par une sorte de guérilla diffuse qui, même si elle est peu organisée, est tout de même capable de frapper quotidiennement et de gêner énormément l'administration de la 'nouvelle démocratie irakienne'.

Contrairement à ce que prétend la propagande dominante, si l'occupation militaire de 2003 a été aussi rapide, c'est principalement parce que les milliers de soldats irakiens ont déserté l'armée en masse, parce qu'ils n'étaient absolument pas disposés à se faire tuer pour des intérêts qui n'étaient pas les leurs. Mais encore une fois, comme en 1991, ils conservèrent leurs armes.

Ce qu'aucune armée n'aurait pu faire ­ mettre en difficulté la plus grande puissance militaire au monde ­ une guérilla sociale y parvient. Après les attentats contre les convois militaires et les ambassades ou les quartiers généraux, après les attaques contre la nouvelle police irakienne et les sabotages d'oléoducs et de raffineries, après les lynchages de marines et lesgrèves de masse, plus personne ne peut désormais avaler le mensonge d'une population qui aime les soldats 'libérateurs et porteurs de paix'. Quiconque fait preuve d'un minimum de lucidité ne peut croire qu'un tel soulèvement puisse être uniquement l'uvre de groupes islamistes. Pour ne donner qu'un exemple, lors des pillages qui suivirent l'écroulement du régime baasiste et qui visaient tout ce qui rappelait le pouvoir honni et son parti, le Conseil Suprême de la Révolution Islamique invita sans succès à restituer au nouveau gouvernement tout ce qui avait été volé. Le siège de ce même Conseil a ensuite été attaqué de la même façon que les autres structures de domination: chars des troupes d'occupation, casernes de la nouvelle police. Récemment encore, un dirigeant de ce Conseil, un personnage clé du gouvernement provisoire, s'est fait exploser avec toute son escorte.

Bien sûr, face à l'extrême isolement dans lequel se trouvent les exploités irakiens, coincés entre les massacres démocratiques et le racket intégraliste, les forces islamistes, instruments de la classe propriétaire, ont beau jeu à accroître leur pouvoir, en tant qu'unique force organisée capable de représenter une 'alternative' à l'impérialisme occidental. Mais le fait que cette fraction de la bourgeoisie arabe soit vue comme la seule capable de s'opposer à l'american way of life et au pillage consécutif de ressources humaines et énergétiques de la région, dépend aussi et surtout de l'absence d'une perspective concrète autre, d'une orientation véritablement classiste et concrètement internationaliste.

Et cela dépend de nous. Les prolétaires irakiens nous donnent un exemple de combativité indomptée, tout comme l'ont fait ces derniers temps les exploités argentins, boliviens, algériens, palestiniens, coréens, etc. L'horizon de toutes ces généreuses batailles est indissociablement lié à celui des luttes que réussiront à développer les exploités en Europe et surtout aux USA. En fait, tant que ces batailles resteront isolées, elles ne pourront que refluer dans les cul-de-sac nationalistes, religieux ou démocratiques, ou alors être brisées par une répression dont l'opinion publique occidentale ne lira qu'un entrefilet dans les journaux. Nous sommes ici au cur de l'Economie et de son appareil guerrier qui permet l'exploitation des ressources et la répression des régions non disposées à la 'pacification'. Aujourd'hui plus que jamais, la révolution sociale sera mondiale ou ne sera pas, non pas par humanitarisme abstrait, mais par la dimension planétaire atteinte par l'accumulation capitaliste, et donc par la guerre sociale annonciatrice de sa destruction.

La logique de la guerre, avec sa violence indifférenciée et donc terroriste, expose les populations des gouvernements va-t-en-guerre à de terribles représailles (comme nous le montrent les bombes à Madrid). Et il ne s'agit plus d'un spectacle télévisé.

Il n'y a qu'une seule manière de sortir de cette spirale de mort: démontrer dans la pratique que les exploités occidentaux ne sont pas alliés de leurs propres maîtres, mais complices de leurs propres frères irakiens que ni les bombardements ni la répression n'ont réussi à dompter. La situation irakienne démontre que le capitalisme sait verser le sang, mais qu'il n'est pas invincible. Voilà une leçon à tirer dans la lutte contre les ennemis de 'chez nous'. Laissons aux nationalistes les larmes de circonstances versées sur la vie de mercenaires italiens à la solde des capitalistes, des larmes jamais versées pour l'ensemble des morts irakiens. Laissons aux hypocrites le pacifisme de façade invoqué par l'ONU, un des principaux responsables du massacre irakien. Laissons aux staliniens attardés l'appel aux luttes de libération nationale, depuis toujours mensonge de nouveaux maîtres en puissance et instrument d'une nouvelle oppression. Ce qui est en cours à Bagdad, Bassora ou Nasiriya prend des formes et des langues différentes, et rencontre de grands obstacles, mais tout cela à un vieux nom: la lutte de classe. Nous ne connaissons pas le degré d'autonomie des exploités envers les différentes forces de la classe dominante, de même que nous ignorons les structures organisatives dont ils se dotent dans leur résistance. Les grèves répétées des travailleurs du pétrole, opportunément tues par la propagande, suggèrent une capacité d'offensive de classe comme toile de fond de la guérilla elle-même."
 

Fuoco alle polveri, chap. "Note introductive"




Katrina, les prolétaires montrent les dents !

* * *

Durant l'été 2005, l'ouragan Katrina soufflait sur le Golfe du Mexique, dévoilant une plaie béante, celle de l'organisation sociale capitaliste. Ainsi, ce qui allait se passer dans la plus grande puissance de la planète, les Etats-Unis, ressemblera à ce qui se passe régulièrement dans les zones les plus désertifiées, les plus abandonnées du capital. Les prolétaires allaient découvrir que leur nationalité ne les protégeaient pas de la pratique rapace des bourgeois de "leur" pays ! Et comme à chaque fois, après avoir versé quelques larmes de crocodiles sur les habitants chassés de leur foyer ou ensevelis sous la boue, les capitalistes sont rapidement passés aux "choses sérieuses": des cadavres humains flottaient encore mais déjà les raffineries étaient réparées et les plateformes pétrolières reconstruites; les quartiers les plus ravagés par l'ouragan étaient toujours inaccessibles mais déjà les spéculateurs fonçaient sur les prolétaires désemparés pour racheter leurs maisons (ou leur emplacement). Money makes the world go round !

Personne n'ignorait les dangers d'inondation encourus par les différentes villes de cette région, mais en haut lieu d'autres priorités règnaient et les budgets prévus pour la construction et la fortification des digues avaient été déviés vers l'armement et l'envoi des troupes en Irak. C'est bien l'argent qui fait le plus de victimes sur cette planète. C'est l'argent qui dirige, impulse, conduit toute décision, toute action. Une fois l'ouragan passé, la prise en charge catastrophique de l'évacuation et des rescapés a de nouveau montré à quel point le capital se fiche de notre existence lorsqu'il ne peut nous exploiter. Ceux qui (précisément par manque d'argent) n'avaient pu fuir avant l'arrivée de l'ouragan, d'abord complètement laissés à eux-mêmes, ont ensuite dû subir les "secours": être parqués comme des animaux au Superdome (35.000 personnes) et au Convention Center (20.000 personnes) sans eau ni nourriture, à même le sol, sans toilettes et avec interdiction formelle de sortir... les cadavres restant même avec les survivants !

Plongés dans ce chaos, certains prolétaires ont réagi de la manière la plus humaine qui soit en enfreignant les règles meurtrières de l'économie et de la propriété: ils ont arraché vivres, vêtements, eau et médicaments là où ils se trouvaient: magasins, supermarchés, villas... ont été vidés de leur contenu. Une réaction de survie élémentaire qui a immédiatement conduit l'Etat aux Etats-Unis à imposer une "tolérance zéro" à l'égard de tous ceux qui oseraient continuer à enfreindre le Droit Souverain à la propriété privée. Mais les arrestations arbitraires, les centres de détention illégaux (et soi-disant provisoires) les proclamations de la loi martiale (comme à Biloxi -Mississipi- pour protéger les casinos), n'ont pas réussi à empêcher des groupes de prolétaires de lutter pour leur survie, prolétaires qui ont immédiatement été catalogués de "gangs de pilleurs violents", de "bandes armées", de "petits groupes subversifs"...

Dès le 1er septembre, G.W. Bush donne l'ordre aux forces de police de "procéder à l'arrestation pure et simple de tous les pillards". A la Nouvelle Orléans l'état de siège est décrété, les opérations de sauvetage sont négligées pour se concentrer sur les opérations de police. La priorité des forces de l'ordre est de protéger les magasins, mais malgré tous ces efforts, la situation reste incontrôlable. Le 3 septembre (4 jours après le passage de Katrina), l'arrivée de soldats chargés de rétablir l'ordre et de défendre la propriété privée déclenche de violents affrontements. Les prolétaires ne se laissent pas faire. Kathleen Blanco, gouverneur de Louisiane, impose alors le couvre-feu à la Nouvelle Orléans et prévient que les 300 premiers soldats de la Garde Nationale revenus spécialement d'Irak et d'Afghanistan ont "une certaine expérience des combats. Ils rétabliront l'ordre dans les rues. Ils ont des M-16 prêts à faire feu. Ces troupes savent comment tirer et tuer et elles sont plus que jamais prêtes à le faire". Contre un prolétariat qui cherche à survivre, la consigne à appliquer est "Shoot to kill". Tandis que, malgré la répression, les pillages continuent, quatre "pillards" meurent dans un affrontement armé contre des policiers.

Le 6 septembre, la ville est quadrillée par les forces de sécurité et survolée en permanence par des hélicoptères de l'armée. L'armée appelée en renfort et les soldats retirés du front irakien doivent, selon la FEMA1, "venir en aide aux populations sinistrées" de toute la région. Les prolétaires, n'ayant nul doute quant à l'objectif de ce déploiement de force, auraient abattu deux de ces hélicoptères de combat. Le climat est tendu, le prolétariat ne se laisse pas impressionner par ce déploiement de force. Un soldat du 101ème régiment parachutiste revenu d'Irak pour assurer la paix sociale à la Nouvelle Orléans décrit ce qu'il y vit comme "l'équivalent de mes pires jours à Bagdad"2. L'Irak n'est vraiment pas loin: là-bas aussi les policiers se font "tirer dessus" par des prolétaires catalogués de "pillards" et de "terroristes", et là-bas comme ici, cela ne les encourage pas à poursuivre leur sale boulot aux ordres de la propriété. Aux Etats-Unis, face à des prolétaires déterminés à ne pas se laisser faire, des agents de police remettent leur badge et refusent de poursuivre leur boulot: "on a tout perdu, y a pas de raison de se faire tirer dessus par des pillards"3. A la Nouvelle Orléans, 228 policiers sont ainsi toujours placés en examen pour abandon de poste et 15 pour pillage. Un cinquième des forces de police de la ville a abandonné son poste. Parmi ceux qui sont restés, certains ont rejoint les "pillards", volant 200 cadillacs au dépôt Sewell Cadillac Chevrolet.

De leur côté, des prolétaires travaillant dans les raffineries sont entrés dans les chantiers navals, ont pris des bateaux et sont partis à la rescousse de leurs voisins réfugiés sur les toits. D'autres prolétaires ont récupéré ce qui pouvait l'être dans des cuisines commerciales et ont improvisé des repas communs pour des centaines de  leurs frères.

Lorsque des prolétaires commettent le crime suprême, le plus grand blasphème: lorsqu'ils attaquent la propriété privée, la bourgeoisie, touchée au plus profond de son essence, crie "aux terroristes". Lorsqu'écoeurés par les traitements dont ils sont l'objet, des prolétaires rompent le consensus démocratique, la Loi et l'Ordre, lorsqu'ils violent les sanctuaires du Dieu Marchandise, la bourgeoisie paniquée hurle "aux terroristes". Pour nous, par leurs actions ces prolétaires manifestent clairement l'antagonisme total qui sépare leur survie en tant qu'êtres humains de celle de ce système de terreur qui sème la mort et la douleur au nom du profit et de la valeur, un système terrorisant prêt à tout pour se maintenir et conserver le monopole de la violence.

Lorsqu'une nation déclare la guerre, le soldat part souvent la fleur au fusil. Au bout d'un moment, sous le feu, les balles et les bombes, la fleur se fâne et le soldat découvre ses chaînes, nues, crues. Alors débute la vraie histoire, celle de la désertion, de la mutinerie, de la révolution. Katrina, c'est pareil. Avant lui, on survivait dans les "bas" quartiers de la ville: chacun pour soi et la concurrence acharnée entre tous. Mais l'ouragan est passé, l'eau, la boue, la crasse ont tout dévasté et les illusions se sont envolées. Alors, le prolétariat a découvert ses chaînes, nues, crues et sa véritable histoire a commencé: s'organiser, s'entraider, se réapproprier et distribuer.

Aux Etats-Unis comme ailleurs,

la propriété privée nous prive de tout,

privons donc ce monde de toute propriété privée !

Notes

1- La FEMA (Federal Emergency Management Agency), créée pour venir en aide aux sinistrés, a reçu (en avril 2001) l'ordre d'économiser et de privatiser. En 2003, elle a été transférée au Ministère de la Sécurité Intérieure dont la tâche principale est de lutter contre le terrorisme (Le Monde du 05/09/05).
2- Libération, le 03/09/05.
3- Libération, le 03/09/05.
"En Irak aussi, des agents de la répression se rebellent: le 4/09/05, des soldats appartenant à la Garde nationale, aux Corps de Réserve de la Marine et de l'Armée nord-américaine, ainsi que des soldats des troupes régulières, tous originaires de Louisiane et du Mississipi, se mutinent contre leurs officiers et exigent d'être immédiatement renvoyés chez eux afin d'aider leur famille."



France - novembre 2005

Quand les banlieues brûlent, on entend crépiter la révolution

* * *

Ne boudons pas notre plaisir. Tous ces feux de joie aux quatre coins de la France et même au-delà des frontières de l'hexagone, cela fait chaud au cur. Ils ont prouvé, à qui veut l'entendre, que quand gronde la révolte, elle peut se répandre comme une traînée de poudre. A ceux qui pensent que la révolution n'est plus à l'ordre du jour, que le prolétariat est trop résigné, soumis, impuissant, voire inexistant, l'extension rapide du mouvement et sa puissance a prouvé le contraire: le prolétariat peut relever la tête. Evidemment, ne nous faisons pas d'illusions, la situation générale du prolétariat, son morcellement, ses clivages, n'a pas permis de rompre suffisamment avec l'isolement de cette lutte sur le plan national comme international. Il ne fallait pas espérer que cette explosion puisse entraîner toute la planète dans une insurrection généralisée, la bourgeoisie ayant la capacité aujourd'hui à circonscrire le cadre de la révolte à un secteur du prolétariat, à ne pas le faire trop déborder des frontières et à l'étouffer temporairement, mais ne nous étonnons pas que la révolution mondiale puisse surgir aussi subitement avec une violence de même nature. Les explosions sont inéluctablement liées à la catastrophe quotidienne du capital, le prolétariat se défendant contre les agressions de plus en plus provocantes de ce mode de production inhumain.

A contre-courant d'un pessimisme ambiant quant à la capacité du prolétariat à redevenir sujet de l'histoire, à contre-courant de toutes les falsifications et divisions que l'Etat et ses serviteurs de tous bords tentent d'imposer au mouvement pour mieux le disqualifier et l'affaiblir, nous voyons objectivement la révolution en potentiel derrière ce mouvement parce que nous considérons sa nature profondément prolétarienne. Nous affirmons haut et fort qu'il s'agit ni plus ni moins de notre classe qui refuse la condition qui lui est faite. Reconnaître nos frères de classe en lutte nous impose aussi d'être critiques. Les limites que nous constatons, dans ce mouvement, nous ne pouvons les imputer à la seule répression, à l'armement des forces de maintien de l'ordre, mais aussi aux propres limites que le prolétariat s'impose, en se laissant notamment "créduliser" par les idéologies qui nous entravent. Aujourd'hui, de nombreux prolétaires ne se sont effectivement pas reconnus dans ces jets de cocktails molotovs qui ont fait trembler l'ordre bourgeois, empêchant par cette attitude un élargissement nécessaire du mouvement, pour diverses raisons que nous allons analyser brièvement.

1. Certains ont considéré que leurs conditions de survie sont plus enviables que celles des habitants des HLM. Ils ne perdent rien pour attendre d'être, à leur tour, relégués dans les poubelles du capital. D'autres s'y sont reconnus mais n'ont pas fait le pas d'aller prêter main forte aux rebelles par peur de perdre le peu que la bourgeoisie leur concède pour les enchaîner à un pseudo-confort, mais celui-ci ne tient qu'à un fil car nos maîtres sont poussés par la concurrence effrénée à nous arracher des mains les carottes qu'ils nous tendent et devront utiliser de plus en plus le bâton lorsque nous essayerons de les en empêcher. Les salaires baissent, la stabilité de l'emploi fait partie d'un passé mythique, les mesures d'asservissement et les mécanismes d'aliénation s'amplifient: l'absurdité de ce monde éclate de partout. Peu de travailleurs, même ceux qui aujourd'hui luttent en France et ailleurs, ont remarqué l'identité de leur lutte avec celle qui se déroulait devant leurs yeux.

2. D'autres ne se sont pas reconnus dans ces mouvements parce que les principaux acteurs étaient jeunes. Ils n'ont pas remarqué que ces jeunes prolétaires étaient les porte-parole, porte-fureur, porte-désespoir, de leurs aînés, de leurs plus jeunes, de leurs surs,... sans doute plus coincés par des rôles et des responsabilités plus contraignantes. Comment ne pas imaginer que beaucoup soutenaient, participaient à la révolte et l'organisaient, à d'autres niveaux que celui de se jeter dans le feu de l'action. Maintenir cette confusion en en faisant une question de jeunes désuvrés a été le principal argument utilisé par la bourgeoisie pour confiner le mouvement. Peu nous importe l'âge des acteurs de première ligne: dans la rue c'étaient des prolétaires contre l'Etat.

3. L'Etat a promotionné la représentation d'émeutes "d'immigrés", et beaucoup de prolétaires gobent et reproduisent la panoplie de clichés utiles à les différencier de ceux qu'ils se plaisent à traiter de "racaille". Il faut rappeler que la société capitaliste est fondamentalement raciste. Il n'y a pas une fraction bourgeoise, y compris social-démocrate, qui soit réellement antiraciste. Ceux qui se disent tels sont ceux qui prétendent que le capitalisme pourrait ne pas être raciste, qu'il pourrait ne pas régénérer sans cesse les conditions de la reproduction du racisme au sein même des prolétaires, mis en concurrence face à leurs exploiteurs. On l'a encore vu au moment de ces émeutes, les bourgeois discutent d'une seule chose, la manière de mater les prolos, tout en nous jouant le spectacle de polémiques sur la proportion de citoyenneté patriotique et d' "intégration" dont pourraient se prévaloir les différentes catégories de détenteurs de permis de séjour et de papiers définitivement provisoires. La division mondiale et raciste du travail est une réalité objective, de par les différences historiques de soumission à l'exploitation et aux idéologies qui la justifient. Tout prolétaire porte avec lui son "origine" et cela le différencie sur le marché de la force de travail, face au logement, face aux flics... Nous savons que les banlieues qui se sont embrasées connaissent une forte proportion de prolétaires d'origine immigrée, souvent à l'énième génération. Nous savons aussi que le système social crée les conditions du pourrissement des contradictions sociales, entassant des prolétaires qui finissent par devenir invivables les uns avec les autres, et utilise encore une fois ce pourrissement contre les luttes qui éclatent inévitablement, stigmatisant les fauteurs de désordre "étrangers". Nous savons qu'un tel mouvement entraîne avec lui les prolétaires indépendamment de leur origine et rappelle brutalement au capital que, de fait, il ne cesse d'unifier ses esclaves dans leur misère. C'est dire si nous nous trouvons à contre-courant de ceux qui s'emploient à falsifier des mouvements comme celui-ci en les considérant comme simples exacerbations du pourrissement social propres à ces cités, dont les habitants, jugés pas assez "ouvriers", se voient idéologiquement retirer jusqu'au statut de prolétaires.

4. Le mouvement s'est déclenché dans les banlieues et beaucoup d'autres prolétaires ne se sont pas, non plus, sentis concernés, à cause de cela. Certains parce qu'ils ont réussi à les fuir pour s'offrir un lieu de résidence moins pourri, d'autres n'ont pas encore été contraints d'y séjourner et se sentent plus à l'abri de l'ignominie des politiques du logement. Mais quelle importance qu'on nous parque dans des cages à poules, que l'on paie un loyer de plus en plus exorbitant ou que l'on soit obligé de se saigner pour payer les traites d'une maison. Ces différences font planer l'idée que l'on pourrait améliorer notre quotidien mais tant que nous ne sortirons pas de la préhistoire, tant que nous n'abolirons pas les rapports sociaux capitalistes, notre quotidien sera toujours celui de payer notre droit à l'existence à ceux pour qui, et par qui, a été instauré l' "Etat de droit". Et si la bourgeoisie n'a aucun scrupule à enfermer nos frères de classe dans des tours immondes, ne nous illusionnons pas sur le fait qu'elle n'épargne aucun de nous et qu'elle nous laissera crever si nous n'avons plus les moyens de la servir. Par la bouche du ministre de l'intérieur est sorti le mot qui illustre la haute estime qu'elle nous porte et qui est valable pour chacun de nous, même s'il a essayé d'en limiter la portée aux seuls fauteurs de troubles: nous sommes tous de la racaille puisque nous sommes tous potentiellement dangereux pour la survie de son monde.

La classe dominante a toujours fait en sorte de détenir le monopole de la violence et d'utiliser une partie de la classe exploitée pour défendre l'exploitation. Voilà bien la clé principale de sa longévité. Alors, quand le prolétariat dans les banlieues ne s'exprime pas pacifiquement, par des marches moutonnières et des calicots consensuels, d'autres prolétaires sont désarçonnés. Ils ne voient plus la violence historique qui consiste à nous faire bosser chaque jour pour engraisser le capital, la violence subtile sans cesse à l'uvre pour maintenir notre soumission et ils ferment les yeux devant la répression qui se déchaîne sur ceux qui n'acceptent plus docilement leurs conditions de survie. Ils oublient que c'est cette même bourgeoisie qui n'hésite pas à nous envoyer violemment nous faire trouer la peau à la guerre si ses intérêts l'imposent. Ils oublient la violence quotidienne de la catastrophe du mode de production capitaliste qui fait des ravages aux quatre coins de la planète et qu'ils cachent derrière des catastrophes naturelles, des conflits "interethniques", de la mauvaise gouvernance. Non seulement ils ne voient plus cette violence, ce terrorisme qu'exerce la bourgeoisie en permanence contre nous, mais ils la soutiennent en condamnant toute riposte de leurs propres frères de classe, riposte prolétarienne nécessairement violente, terreur révolutionnaire qui seule pourra accoucher d'une société sans violence: le communisme.

6. La principale force du mouvement a certainement été de ne rien revendiquer. Habitués à revendiquer de manière constructive, raisonnable, citoyenne, des hausses de salaire, des baisses d'impôt, des changements de politique sociale économique ou politique... pour beaucoup de prolétaires, ce mouvement dans les banlieues n'avait pas d'objectif clair et apparaissait dès lors comme sans perspective, voire autodestructeur. Notre perspective est pourtant bien de ne rien revendiquer, dans le sens réformiste du terme, c'est-à-dire de ne rien demander à la bourgeoisie mais de lui reprendre ce qu'elle s'est approprié: les moyens de production de la vie. Nous ne revendiquons rien de particulier, nous revendiquons tout. Et donc, nous voyons des perspectives révolutionnaires là où beaucoup masquent et trafiquent la réalité derrière l'apologie permanente du cadre borné de revendications ponctuelles, de réponses "positives" à des désirs sociaux: un boulot, un logement, un salaire et de quoi nous distraire de nos vrais désirs d'humains. Dans les mouvements en question nous voyons une détermination à un changement radical car même si elle n'a pas été clairement verbalisée, elle s'est clairement exprimée dans les actes. Il s'y est affirmé une nette tendance à viser ce qui nous détruit, nous en faisons un bref inventaire dans notre tract. Evidemment, toute la presse bourgeoise s'est mobilisée pour nous présenter un spectacle de catastrophe nihiliste, de violence aveugle, de jeu morbide et de manipulation. Ainsi, les rares prolétaires qui ont été identifiés comme tels ne l'ont souvent été qu'en tant que propriétaires de voitures incendiées, tentative pour nous faire croire que les prolétaires et les bourgeois ont la même chose à défendre. Pour illustrer tout ceci, nous brûlons d'envie de publier cet extrait d'un tract anonyme surgi des événements:

Brûler simplement le décor que l'on ne veut plus voir, celui de la misère qui oppresse, celui de la ville-béton qui enferme, qui asphyxie.
Brûler les moyens de transports qui humilient tous les jours l'impossibilité de sortir de ce gris.
Brûler les écoles de "la République" qui sont les premiers lieux d'exclusion, de sélection, de tri, d'apprentissage de l'obéissance à tout prix.
Brûler les mairies, gestionnaires de la misère, et les commissariats, synonymes d'humiliation, de brimades, de tabassages. Brûler l'Etat qui gère ces prisons à ciel ouvert.
Brûler les locaux de partis politiques. Brûler les politiciens méprisants. Brûler l'élite.
Brûler les entrepôts de marchandises, des concessionnaires automobiles, des banques, vidéoclubs, supermarchés, centres commerciaux, studio de production télé.
Brûler et non voler1. Juste pour voir partir en fumée cette marchandise pour laquelle on doit trimer et que l'on doit - "normalement" - convoiter, consommer, accumuler.
Brûler parce que cela semble le seul moyen de se faire entendre, de ne plus être invisible.
Brûler avec l'espoir évident de voir changer les choses.

7. Comme d'habitude, nous l'avons évoqué, les médias ont amplement relayé l'idée éculée selon laquelle le mouvement ne pouvait être dirigé que par une pègre sans scrupule ou par des "islamistes radicaux". Encore un élément de l'arsenal mis en place pour éviter le pire... pour l'Etat. Celui-ci a été forcé de reconnaître après coup, service des Renseignements Généraux en tête2, qu'il n'en était trois fois rien, mais le doute sur les motivations des insurgés avaient eu l'impact souhaité: nier et occulter son caractère essentiellement prolétarien. Le piège de la récupération est évidemment bien présent mais autant par les gourous islamistes que par ceux de la gauche traditionnelle, bref, la social-démocratie religieuse ou laïque, tous unis pour oeuvrer à l'enterrement de notre lutte. Les appels au calme ont fusé de toutes parts. Ne pouvant nier la violence étatique, le pourrissement social, la plupart des organisations de gauche se sont retranchées derrière le mot d'ordre puant selon lequel "il faut substituer à l'état d'urgence policier un état d'urgence sociale". Ce qui signifie plus de flics de proximité, plus de contrôleurs/assistants sociaux, plus d'animateurs pompiers, plus de négriers pour de "nouveaux marchés du travail"... L'Etat social c'est toujours l'Etat policier. Répression et réformisme: même combat !

Tous ces écrans de fumée ont eu pour conséquence de laisser nos frères des banlieues se débrouiller seuls pour affronter l'Etat. Peu de prolétaires de l'extérieur se sont joints à leur lutte. Ils auraient pu le faire en dehors des banlieues, le capital est partout. Mais la division du prolétariat a permis une nouvelle fois aux forces de répression de reprendre, provisoirement, le contrôle des quartiers prolétaires.

Ceux qui soutiennent activement ou par leur passivité la répression en France permettent aux forces de répression d'écraser nos luttes ailleurs, que ce soit en Irak, en Bolivie, en Algérie... Ces forces de différentes nations savent s'unir lorsque le capital est en péril à un coin de la planète. Elles redoutent, plus que tout, que le prolétariat de leur pays d'origine ne s'unisse, par l'action concomitante, à leurs frères d'ailleurs car cette situation les entraverait dans la réalisation de leurs crimes.

Nous allons tirer une conclusion provisoire parce que l'histoire n'a pas encore conclu, ce mouvement rejaillira tôt ou tard de plus belle. Entretenons la flamme qui l'a animé afin que le vent de la révolte souffle alors, plus fort encore, jusqu'en dehors des banlieues.

La répression a frappé fort, entraînant beaucoup de nos frères dans les geôles du capital. Peu nous importe que ceux qui ont été réprimés aient ou n'aient rien à se reprocher du point de vue de l'ordre public. C'est notre classe qui a été attaquée et quoi que nous puissions faire pour les en sortir, faisons-le !

Beaucoup d'associations citoyennes vont essayer de nous faire marcher pour réclamer plus de justice: débordons-les !

Des fauteurs de paix sociale ont essayé de ramener le calme dans les cités: gardons-les en mémoire !

Des structures d'organisation de la lutte ont été mises en place informellement ou formellement: essayons de les maintenir et de les développer !

Faire l'expérience d'une lutte ouverte contre le capital, ce n'est pas anodin: discutons, analysons, préparons-nous pour le prochain sursaut !

Que vivent ces feux de révolte !

Notes

1- Dommage que les prolétaires en lutte n'aient pas eu plus l'occasion de se réapproprier une partie de ce que notre classe a produit !
2- Extrait du rapport des Renseignements Généraux du 23 novembre 2006: "La France a connu une forme d'insurrection non organisée avec l'émergence dans le temps et dans l'espace d'une révolte populaire des cités, sans leader et sans proposition de programme. (...) Les jeunes des cités étaient habités d'un fort sentiment identitaire ne reposant pas uniquement sur leur origine ethnique ou géographique, mais sur leur condition d'exclus de la société française."
Le populisme "antiimpérialiste", comme toujours, en faveur de l'état et contre la lutte prolétarienne:

"Nous condamnons cela et nous exprimons notre solidarité au peuple français et au gouvernement français, qui est un gouvernement frère, un ami."

Hugo Chavez, le 10.11.2005


Voici les positions, par rapport aux récents mouvements en France, de ceux qui pensent que la révolution ne sera pas le déchaînement de toutes les passions sociales produites par la catastrophe du capital, mais l'oeuvre ordonnée et consciente des ouvriers nationaux, mûrs, responsables, pacifiques, disciplinés par le travail,... Ceux-là non plus ne veulent pas que la racaille fasse sauter les bases mêmes de ce monde.

Sous le haut patronage du Ministre de l'Intérieur, Monsieur Sarkozy,

qui déclara vouloir "nettoyer les banlieues de la racaille au Kärcher"

nous proposons donc comme lauréats au concours du

Prix Kärcher 2005

Courant Communiste International

"Ce qui frappe, plus encore que l'ampleur des dégâts et des violences, c'est leur totale absurdité."

"Les actes de violence et les déprédations qui se commettent, nuit après nuit dans les quartiers pauvres n'ont rien à voir, ni de près ni de loin avec une lutte de la classe ouvrière."

"De même, les blessures infligées aux pompiers, des personnes dont c'est la profession de secourir les autres, souvent au péril de leur vie, ne peut que choquer!"

PCF - le 6.11.2005

"La propagation des actes de violence est insupportable pour les populations concernées. L'ordre doit être rétabli. Il y a urgence à prendre un ensemble de mesures permettant de mettre un terme à une évolution de plus en plus dangereuse. La sécurité de tous ne peut être rétablie par l'acceptation de l'escalade de la violence."

Mouvement Communiste

"L'expression politique informelle de ces violences urbaines n'est pas compatible avec la perspective de la lutte prolétarienne indépendante."

"Il faut oeuvrer pour que cessent les actes qui ne font qu'aggraver la condition déjà difficile de la classe ouvrière."

Evidemment, le fait que des organisations, qui se disent du prolétariat, dénigrent la lutte du prolétariat et défendent, face à celui-ci, l'ordre bourgeois qu'ils disent remettre en question, n'est pas un fait nouveau.

Si nous publions ces perles, ce n'est pas seulement pour souligner le rôle contre-révolutionnaire concret que jouent ces groupes, mais, plus encore, pour dénoncer une conception générale du prolétariat (ouvriériste, machiste, européiste, syndicaliste,...) qui amène invariablement à une pratique contre-révolutionnaire.


"C'est la canaille? Eh bien j'en suis!"

(La Commune de Paris, 1871)

Il y a plus d'un siècle, alors que la bourgeoisie traitait déjà les prolétaires de "canaille", ceux-ci répondirent en affirmant par l'insurrection leur propre mépris de cette société qui n'a que la misère à leur offrir.

Aujourd'hui, la société capitaliste nous parque et nous entasse dans des cités-poubelles où la misère brutale et l'ennui règnent en maîtres absolus. Dès que la rue s'est embrasée, l'Etat a voulu en faire une question d' "immigrés" et a stigmatisé comme toujours la "canaille", la "racaille". Contre cette division, la lutte de notre classe répond :

"C'est la racaille? Eh bien j'en suis!"

Aujourd'hui, dans différentes villes du monde, des prolétaires se reconnaissent dans l'embrasement des quartiers de près de 300 communes en France !

Attaques de mairies, de banques, de la poste, de palais de justice, de centres de sécurité sociale, de centres de mise au travail (ANPE), d'écoles, de centres sportifs, de commissariats, d'entrepôts, de magasins, de transports, d'équipes de journalistes,...

Prolétaire, oui, c'est la propriété privée, la marchandise et les institutions qui les défendent qui sont responsables de notre misère, de notre exploitation, des assassinats, des "bavures", de la tôle et des expulsions au quotidien... L'Etat fait tout pour nous enfermer dans les quartiers, usines, écoles: distances, transports, flics, assistants sociaux et autres socio-flics de "proximité", abrutissement scolaire et sportif...

Prolétaire, franchis ces cordons sanitaires, sors de la banlieue! Vois en Argentine: ils sont sortis de leurs différents quartiers pour tout bloquer, paralysant l'économie et organisant la riposte à la répression.

Les politiciens en place ou de rechange, de droite comme de gauche, les journalistes et autres diseurs de mensonges officiels, les associations citoyennes, les crapules arrivistes de "Banlieue Respect", les imams... tous tentent de faire croire que la démission de tel salopard de ministre, la participation en masse aux prochaines élections pourraient changer les choses... Tous tentent d'acheter notre docilité pour mieux nous mener à l'abattoir.

Et toi prolétaire qui a un boulot "stable", toi qu'on dit avoir pris "l'ascenseur social", n'oublie pas que l'exploitation croissante ou le chômage t'attendent à tous les étages; déjà les CRS t'attendent à l'étage de ta future révolte. Ne rejoins pas aujourd'hui l'Etat dans son mépris de "la racaille", ne te fais pas complice de la répression de ceux qui ont osé descendre dans la rue.

Aux divisions que l'Etat tente de nous imposer, jeunes/vieux, banlieusards/citadins, immigrés/français de souche... Répondons d'une seule voix: "C'est la racaille?... Eh bien, nous en sommes tous!"

Détruisons ce qui nous détruit! Ne laissons de cette société que ses cendres.

A la violence de l'Etat, opposons la violence prolétarienne! Sortons des banlieues, organisons-nous pour nous défendre contre le capital et son Etat.

Groupe Communiste Internationaliste (GCI)

BP 33 - Saint-Gilles (BRU) 3 - 1060 Bruxelles - Belgique
www.geocities.com/icgcikg - icgcikg[at]yahoo.com
Camarade, n'hésite pas à reproduire tout ou partie de ce tract, il est l'expression d'une classe qui vit, qui lutte pour supprimer sa propre condition d'esclave. -Novembre 2005-



Nous avons reçu et nous publions

Avis urgent à tous ceux qui sont susceptibles de suivre ces recommandations

De violents troubles sociaux ont secoué les quartiers pauvres de Paris et d'autres villes européennes ces dernières semaines.

La situation, comme l'ont reconnu les gouvernements européens, est hautement instable.

Il suffit que quelques prolétaires suivent l'exemple des prolétaires de Paris pour que le soulèvement s'étende comme une traînée de poudre.

Il suffirait de transgresser une limite très ténue pour que la contagion se généralise.

C'est le moment de prendre l'initiative: il faut déplacer le centre de gravité de notre action.

Les pauvres de Bruxelles et de Berlin n'ont pas attendu les provocations policières pour descendre dans les rues: ils l'ont fait uniquement parce que leurs frères de classe de Paris l'avaient fait.

A partir de maintenant, les causes locales des révoltes n'ont plus aucune importance, l'important c'est qu'elles s'étendent, partout.

A Aulnay-sous-Bois, près de Paris, les prolétaires ont assiégé un commissariat pendant plusieurs heures.

Si les voitures, les pompes à essence, les commissariats et les commerces de Santiago partent en fumée aujourd'hui, nous savons tous ce qui peut se passer: d'autres villes du Chili, d'Argentine, du Pérou, de Bolivie, d'Equateur, du Brésil... Rappelez-vous ce qui c'est passé à Los Angeles (USA) en 1992.

Le système capitaliste vacille. Ce sont des convulsions d'agonie. Descendons dans la rue, prolétaires du monde !

A la lutte, MAINTENANT !

(tract distribué au Chili)
"REGUERO DE POLVORA" <ENCENDAMOSELPOLVORIN[at]GMAIL.COM>