Ceux qui, en Russie, ont cru que le lancement des Perestroïka, Glasnost,... l'abattage d'un mur lézardé, l'ouverture des frontières, le développement du "marché libre", l'implantation des fast-food Mac Donald et des débits de boissons Coca-Cola,... allaient leur permettre de vivre mieux n'ont pas fini de racler les fonds des poubelles pour trouver de quoi manger. Le rêve racoleur du paradis "made in USA" s'est vite évanoui face à la sinistre réalité. Tout le monde ne pourra pas s'offrir de grosses voitures, des parfums de luxe, des fourrures,... et se mettre des dollars plein les poches. La misère, qui devait disparaître à tout jamais, a frappé les mêmes et encore plus durement. Tout le battage démagogique des faiseurs d'opinion publique n'a pas réussi à cacher que les "bouleversements" (2) à l'Est n'ont pas amélioré les conditions de (sur)vie des prolétaires de cette région du globe. Au contraire, celles-ci ont empiré. Et les prolétaires qui se sont enthousiasmés pour cet énième plan de réformes que le système met en place pour repousser son agonie, ne peuvent que constater qu'ils se sont, une nouvelle fois, laissés berner.
Les restructurations à l'Est ont exactement les mêmes couleurs que celles opérées à l'Ouest. Partout, les restructurations impliquent licenciements, baisses de salaires, expulsions, déportations, massacres,... développement exponentiel de la misère et de la guerre. Partout les bourgeois jouent de façon de plus en plus serrée le maintien de leurs capitaux dans la guerre concurrentielle de plus en plus âpre qu'ils se livrent entre eux. Partout cela signifie des accentuations faramineuses du taux d'exploitation des prolétaires - partout... parce qu'à l'Est comme à l'Ouest, malgré les apparences, aucun autre mode de production n'est venu concurrencer le capitalisme, mondial depuis des siècles.
La situation en Russie n'a donc pas fait exception aux contradictions inhérentes au capitalisme. La nouvelle attaque frontale des conditions de vie de la classe exploitée que la bourgeoisie à l'Est n'avait que trop repoussée de peur de provoquer d'incontrôlables et violents élans de destruction de ce vieux monde pourri, devait inexorablement frapper. Mais compte tenu du fait que le mythe de l'Etat ouvrier (au nom duquel septante ans de contre-révolution ont été imposés) avait fait son temps, il fallait lui faire revêtir de nouveaux atours, prendre de nouvelles formes. Le resserrement de l'exploitation devait se présenter sous un jour nouveau.
Ainsi le nouveau visage de l'exploitation s'est tour à tour appelé Perestroïka (restructuration), libéralisation du marché, des prix,... Glasnost (transparence), ouverture des frontières, pluralisme des partis politiques,... fin de l'URSS et création de la Confédération des Etats Indépendants (CEI)...
Parallèlement à toute la campagne vantant les soi-disant nouvelles libertés de communiquer, d'investir, de commercer, de circuler,... - fondements du capitalisme qui ont toujours existé tant à l'Est qu'à l'Ouest - la bourgeoisie développait des campagnes nationalistes à n'en plus finir définissant la trajectoire du progrès économique comme étant celle de l'émancipation des républiques de l'ex-URSS, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,... Se sont ainsi développées mille guerres d'indépendance, de libération nationale attribuant tout conflit d'intérêts à un soi-disant vol de l'usufruit de la production d'une région par l'autre,... dans la soi-disant sujétion d'un peuple à l'autre, d'une culture à l'autre, d'une ethnie à l'autre,... obligeant toute réaction contre la dégradation brutale des conditions de vie à s'identifier à l'un ou l'autre terme de ces polarisations, toutes bourgeoises, et excluant donc par là toute affirmation de l'antagonisme classe contre classe, prolétariat contre bourgeoisie.
Ainsi le Tadjikistan, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, l'Abkhazie, l'Arménie, l'Ossétie, la Moldavie, la Tchétchénie, l'Afghanistan... sont le théâtre de conflits dans lesquels les prolétaires croient défendre leurs aspirations à un monde meilleur mais où, pratiquement, en soutenant une fraction bourgeoise contre une autre, ils s'entre-tuent mutuellement pour le plus grand bien du Capital en mal de restructuration et nient leur existence comme classe en ne se battant pas pour leurs propres intérêts, en ne renouant pas avec la véritable lutte pour le communisme.
La boucherie en Tchétchénie, et dans tout le Caucase, est un exemple de cette manière dont le Capital tente, dans cette région comme dans le reste du monde (cf. en ex-Yougoslavie, au Rwanda, Burundi, en Irak, au Pérou, en Colombie, etc.), de canaliser tous les conflits qui surgissent inévitablement de sa crise de dévalorisation mondiale. Plus les prolétaires se laissent berner, aveugler, tuer,... dans la défense de la patrie russe, tchétchène, géorgienne, azérie,... serbe, bosniaque, palestinienne, ou autre, mieux le capital survit.
Pour le prolétariat, ces réformes se sont soldées par un saut qualitatif très important dans le développement de l'exploitation de sa force de travail. La plupart des ouvriers ont continué à travailler sans être payés alors que les prix n'ont cessé d'augmenter, tandis que ceux qui se sont retrouvés sans travail en sont tout simplement réduits à errer dans les rues ou à vivre de petits trafics. Actuellement 44,5 millions d'habitants en Russie (soit un tiers de la population) vivent au-dessous du dit seuil de pauvreté. A ce développement brutal de la misère, le prolétariat a répondu par divers mouvements de grève dont celles menées dans le secteur minier sont assez représentatives. Dans la tourmente, ces mouvements de grève ont à leur tour accentué le chaos économique et poussé les divers gouvernements tantôt à freiner, tantôt à accélérer leurs politiques de réformes; les mouvements de la bourse et les mouvements de grève exigeant des réponses.
La nécessité d'accroître la productivité du travail donna aussi lieu à la tentative, à partir d'octobre 1992, d'intéresser les ouvriers à racheter "leur" propre bagne industriel ou encore, dans le domaine de la production agricole, par la répartition parfois gratuite des terres des kolkhozes et sovkhozes, entre les ouvriers qui y travaillaient. Mais toutes ces tentatives de "privatisation" (4) se sont rapidement soldées par un échec. Non seulement, le mirage qu'offrait le gouvernement de "devenir enfin propriétaire de sa terre" ne fonctionnait pas, mais chaque réforme, au lieu d'accroître la productivité du travail, se heurtait à toutes sortes de résistances dont celle au travail des prolétaires. La récolte de 1995 fut en baisse de 20% par rapport à l'année précédente et la plus mauvaise depuis 30 ans! Dans d'autres régions, comme en Ukraine, les prolétaires détruisirent carrément la production en y mettant le feu, en sabotant les lieux de stockage ou encore en laissant les produits pourrir sur place.
Mais l'attaque en règle contre la classe ouvrière ne pouvait s'arrêter à ces échecs, elle devait reprendre sous d'autres formes. Les "réformes" reprirent de plus belle. Elles se concrétisèrent notamment par la réduction des investissements dans les entreprises déficitaires (entre 70 et 80% le sont d'après le Fond Monétaire International-FMI), la diminution des subventions dans les domaines de l'enseignement, de la santé...
Autre mesure: pour endiguer le développement vertigineux de l'inflation, le gouvernement décide, en juillet 1993, la conversion des roubles soviétiques en roubles russes. Dans l'opération, une gigantesque masse monétaire disparut en fumée vu qu'elle ne pouvait pas être échangée contre de nouveaux billets. A cette mesure-là aussi le prolétariat réagit: des émeutes dites du rouble ont notamment eu lieu à Omsk en Sibérie. D'autres luttes que nous ne pouvons détailler faute d'informations plus précises, comme les émeutes du lait ont éclaté durant l'été 1993.
Toutes ces politiques traduisent les nécessaires augmentations drastiques du rythme de travail et l'intensification des économies sur les salaires. Mais si les politiques de prix, d'inflation, de réforme de la monnaie ont franchement fait baisser le niveau des salaires, concernant la nécessaire augmentation de la productivité, les résultats démentirent toutes les prévisions: la mise en route de la "thérapie de choc" va accélérer la chute de la production persistante depuis des années.
Sous les conseils avisés des experts du FMI, un nouveau changement de personnel devait s'organiser. Une "nouvelle équipe", largement subventionnée en milliards de dollars par les grands argentiers du monde (FMI, banques allemandes, françaises, CEE...), se mit à la besogne espérant provoquer les changements salutaires tout en tentant d'obtenir l'adhésion des prolétaires.
La mise sur rails de la nouvelle équipe Eltsine/Tchernomyrdine, en décembre 1992, correspond à cette nécessité pour la bourgeoisie de recrédibiliser la polarisation réformateurs/conservateurs en en modifiant quelque peu l'image, la couleur, les prétentions afin d'y maintenir enfermée toute réaction aux nécessaires fermetures d'entreprises, licenciements, pertes de salaires, de logements, etc. Et paradoxalement, c'est aux anciens staliniens qu'est revenu le rôle d'encadrer toute opposition aux mesures gouvernementales.
En effet, septante ans de gestion de l'exploitation ouvrière n'auraient pas permis au soi-disant Etat ouvrier d'organiser l'actuelle brutale augmentation de l'exploitation sans complètement se décrédibiliser et provoquer de violentes réactions de l'ensemble de la classe ouvrière bel et bien opposée à "son" Etat! C'était sauver le mythe de l'Etat ouvrier et éviter de plus graves affrontements de classe que de faire passer les nouvelles mesures au nom d'un "nouveau" régime. Manoeuvre d'autant plus habile de la part de la bourgeoisie que face à la nouvelle plongée vertigineuse dans la misère, beaucoup de prolétaires en viennent à regretter le temps de la gestion stalinienne. Les réactions à l'austérité restent donc coincées dans la fausse polarisation - retour au soit-disant communisme ou développement du libéralisme - dans laquelle le prolétariat ne parvient pas à identifier son ennemi - le Capital qu'il soit peint en rouge ou en bleu - et dans laquelle c'est la bourgeoisie qui garde l'initiative des affrontements malgré tout inévitables.
Ainsi dès l'automne 1992, une lutte s'engage entre la présidence (les "réformateurs") et le parlement (les "conservateurs") canalisant toute autonomisation du mouvement de contestation dans cette polarisation bourgeoise. L'organisation de cette opposition démagogique réussira à véritablement encadrer les prolétaires qui voulaient s'opposer à la dégradation croissante de leurs conditions de vie. Cette politique aboutira à piéger un grand nombre d'entre eux dans le simulacre d'insurrection qu'organisera l'opposition lors des événements d'octobre 1993 à Moscou. Derrière, le spectacle de la prise des locaux de la télévision (la tour d'Ostankino) et de la défense du parlement (la Maison Blanche) contre les troupes d'élites présidentielles, se cachait bien autre chose que l'image qu'en ont donné les médias occidentaux relayés par ceux de Russie. Ce n'est pas un retour en arrière qu'exprimait l'opposition parlementaire au gouvernement, mais bien la volonté clairement affichée de détruire le mouvement de contestation montant en l'encadrant dans la polarisation bourgeoise. Comme l'explique très bien un des commentateurs les plus lucides de l'époque, c'était ça où l'explosion sociale qu'aucune des fractions du Capital en compétition n'aurait pu contrôler: "Le problème n'est pas que le Parlement se soit montré conservateur. Il réside dans le coût colossal de la politique de réformes du gouvernement. Le Président s'est trouvé face à un choix: poursuivre dans la même direction en prenant le risque de provoquer à l'automne des explosions sociales et un arrêt des entreprises industrielles, avec toutes les conséquences imprévisibles pour son administration, ou modifier sa politique sous la pression du Parlement et de tous les adversaires de la "thérapie de choc"." (Literatournayya Gazeta - octobre 1992)
La liquidation de la "rébellion" s'est notamment matérialisée par l'envoi dans les prisons d'un grand nombre d'ouvriers combatifs pris dans les filets politiciens des anciens dirigeants staliniens du pays tandis que ces derniers étaient libérés les uns après les autres.
Profitant de ces événements, le nouveau gouvernement fit mine de faire marche arrière, momentanément il marqua une nouvelle pause dans l'engagement des réformes en espérant ainsi frapper d'anesthésie le prolétariat. La situation sociale, même extrêmement tendue, pouvait encore rester sous contrôle grâce aux "filets de sécurité" que la bourgeoisie avait tendus pour amortir la violence du choc. Ainsi par exemple, beaucoup d'ouvriers ont gardé leur emploi, même s'ils ne travaillaient pas ou peu... avec peu ou pas de salaire (5)! Malgré le manque de rentabilité immédiate de cette politique, elle reste encore provisoirement suffisante, car elle est le prix à payer par la bourgeoisie pour préserver une fragile paix sociale. Mais le Capital doit évidement trouver d'autres solutions... il ne peut indéfiniment continuer à produire à perte.
Par exemple, depuis plusieurs années, il est clair pour la bourgeoisie que la plupart des mines doivent être fermées. Un des derniers plans établis prévoyait la fermeture de plus ou moins 70% des mines encore en activité, le licenciement de 500.000 mineurs sur les 850.000, la suppression des "avantages sociaux d'entreprise"... Mais cet ambitieux projet eut du mal à trouver un début de commencement. De nombreuses grèves ont marqué le refus des mineurs d'être sacrifiés sur l'autel de la restructuration.
"De Proudhon à Kautsky, de Hitler à Fidel Castro, de Staline à Mussolini, de Bernstein à Peron, de Mao à Khomeiny, de Arafat à Gorbatchev et autres réformateurs ... il a toujours existé des fractions bourgeoises progressistes, partisanes des grandes réformes, aux discours populistes, ouvriéristes, "contre la richesse", "contre les monopoles", "contre l'oligarchie", "contre les quelques familles propriétaires du pays", "contre la ploutocratie",... et en faveur des institutions "sociales". Ces fractions correspondent à la tendance historique permanente du Capital à s'auto-réformer et à révolutionner constamment sa base productive et sa structure sociale, en maintenant évidemment l'essentiel: le salariat, l'exploitation de l'homme par l'homme. Leur fonction spécifique est de se présenter comme alternatives aux formes classiques de domination (fonction décisive pour polariser la société en deux pôles bourgeois) de présenter les réformes comme l'objectif de toute lutte et, dans la lutte inter-capitaliste, d'apparaître comme les secteurs radicalisés de la société. Leur importance plus ou moins grande selon les époques et les pays, provient de leur crédibilité face aux prolétaires, c'est-à-dire de leur capacité à contrôler les ouvriers et à liquider toute autonomie de classe au travers de réformes (ou de promesses de réformes) qui visent à rendre moins visible l'esclavage salarié, plus viable la misère effective et, dans les faits, consolident la dictature sociale du capital. Quel que soit son réformisme, la bourgeoisie est l'ennemie irréconciliable du prolétariat et, quels que soient leurs discours, toutes les fractions recourent systématiquement à la terreur ouverte (qui n'est pas le "privilège" de la droite ou des fascistes) contre le prolétariat lorsque la préservation du système l'exige. Face à ces fractions, le programme du prolétariat ne change pas d'un iota: contre tout type de défenseurs critiques, le prolétariat est contraint de s'organiser en force afin de les écraser et de les liquider en même temps que les autres fractions.""Thèses d'Orientation Programmatique", Thèse No.36
A partir de 1989, de massifs mouvements de grève de mineurs démarrent du Kuzbass en Sibérie. Au printemps 1993 ce sont les mineurs du Donbass en Ukraine qui prennent le relais. En mars 1994, des arrêts de travail touchent toutes les mines dont les principaux bastions sont Vorkouta (Grand Nord) et le Kuzbass (Sibérie).
En décembre 1994, le gouvernement débloque 270 millions de dollars d'arriérés pour faire reprendre le travail en Ukraine. En 1995, le gouvernement projette d'y fermer 38 puits employant 40.000 mineurs. La baisse de productivité y est telle que l'Ukraine, qui était un premier centre d'exportation de charbon, doit aujourd'hui en importer, la production ayant chuté de moitié depuis 1990.
Face aux difficultés de faire appliquer la planification des fermetures, des économistes calculent que les frais de prise en charge d'un si grand nombre de chômeurs sont plus élevés que de maintenir les mines ouvertes. En effet, avec l'inflation et le retard de paiement des salaires des ouvriers, plusieurs puits sont tombés sous les normes fixées de réduction des coûts de production. Conséquence: les mines existantes ont continué à avaler leur quota de mineurs chaque jour. Mais, malgré cela, les salaires impayés se sont encore accumulés. En janvier 1996, le total des salaires impayés équivalait à 122 millions de US dollars, dont ceux des mineurs invalides qui n'ont pas été versés depuis juillet 1995.
En octobre 1995, les syndicats organisent des journées d'arrêt de travail nationales. Les causes, toujours les mêmes: salaires impayés, conditions de travail de plus en plus dangereuses car les puits, même s'ils restent ouverts, ne sont plus entretenus vu qu'ils sont à terme condamnés,... En effet, un accident à Pervomayskaya, une des plus modernes mines du nord Kuzbass dans la région de Sibérie fait 15 morts.
Le 3 octobre 1995, à Vorkuta (Nord de la Russie), 77 mineurs du puits Promyshlennya font la grève de la faim. En Extrême-Orient, dans la région de Primorye, les mineurs organisent une marche sur la capitale régionale: Vladivistok, contre la perspective de licenciements massifs.
Les revendications qui prédominent dans le mouvement sont: soit l'indépendance vis-à-vis de Moscou soit le retour à l'"ancien système" où les bien maigres salaires étaient au moins payés régulièrement.
En février 1996, les mineurs de 142 (sur les 250) mines d'Ukraine débrayent, entraînant la paralysie de 70% du réseau industriel et 800.000 ouvriers dans leur sillage. Les ouvriers exigent les salaires impayés mais aussi l'investissement de 1.5 billion de dollars de subsides pour rénover les industries. L'hiver est particulièrement dur, le plus froid depuis cinquante ans. Le gouvernement débloque 21 millions de dollars pour payer les salaires des mineurs puis encore 79 millions de dollars mais cela ne constitue que les deux tiers de ce que les mineurs exigeaient comme minimum. Le 13 février, seules 40 mines restent bloquées. Le 16, les syndicats appellent à la reprise du travail tandis que dans 25 mines les ouvriers refusent de regagner leur poste. Les syndicats planifient une énorme démonstration pour le 21 février 1996 incluant un arrêt de travail général... de deux heures. L'absence d'investissement produit dans les mines des conditions de travail de plus en plus dangereuses. Le 18 février, trois mineurs meurent d'un nouvel accident portant à 43 le nombre de morts rien que pour les cinq premiers mois de l'année 1996.
En août 1996, dans le bassin du Don de la région de Rostov (Sud), les mineurs de 19 puits sont en arrêt total, dans 6 autres puits ils poursuivent l'extraction mais refusent de livrer le charbon. 40.000 mineurs sont ainsi mobilisés pour réclamer leur dû. Le montant des salaires impayés est de 80 millions de dollars. 50.000 ouvriers des entreprises dépendant directement du charbon (livraison, transports) se sont joints au mouvement. Pour enrayer celui-ci, le gouvernement débloque 20 millions de dollars mais ils couvrent à peine quatre mois de salaire des mineurs. Les mineurs de 11 puits du bassin de Vorkouta (Grand Nord) menacent également d'arrêter le travail si leurs salaires ne sont pas payés... Même chose dans le Kuzbass en Sibérie orientale. En Extrême-Orient, 13.000 mineurs bloquent toute la région de Primorye depuis trois semaines. 12 puits sur 14 sont à l'arrêt. 403 mineurs poursuivaient une grève de la faim. Ils réclament 114 milliards d'arriérés. 9 millions de dollars sont débloqués mais cela ne représente que deux mois sur les six impayés. Toute la région de Vladivostok en est paralysée: les centrales hydro-électriques et la plupart des usines sont obligées de suspendre toute activité. A Loutchegorsk, 300 employés de la centrale hydro-électrique ont décidé de cesser de s'alimenter pour protester contre les salaires impayés! Même l'armée est privée d'électricité et les systèmes d'alarme qui jalonnent la frontière avec la Chine sont en panne. Le trafic ferroviaire est réduit au minimum et les transports publics tout à fait suspendus. Ce mouvement est encore rejoint par les 1.500 mineurs de l'île de Sakhaline.
Toutes ces informations données en vrac peuvent paraître fastidieuses mais elles donnent une idée de la situation qui règne actuellement en Russie:
En dehors de l'espace de la Fédération Russe, d'autres grèves importantes éclatent aussi, comme par exemple en Biélorussie en février 1994. De plus en plus de mouvements de grève éclatent pour cause de salaires impayés souvent depuis plusieurs mois -politique qui entraîne dans les faits un effondrement généralisé du salaire réel et rend toujours plus misérables les conditions dans lesquelles les prolétaires se débattent.
En mars 1994, les mouvements dans les mines s'étendent à d'autres secteurs: les enseignants, les ambulanciers... D'autres mouvements éclatent également à la fin de l'année 1994 chez les ouvriers de l'industrie d'armement à Moscou, dans les mines de Toula, les usines automobiles AutoVaz (Lada) à Togliattigrad,... dans l'industrie nucléaire en Sibérie, alors que les grèves sont interdites dans ce secteur. Le nouveau gouvernement qui voulait faire une pause pour s'attaquer aux "canards boiteux", se retrouve face à un mécontentement généralisé. En moins de trois ans, la nouvelle équipe dirigeante est usée, vidée, décrédibilisée. La valse des portefeuilles ministériels, les luttes de pouvoir, la corruption généralisée,... d'un côté et de l'autre, les grèves, les manifestations... ont sérieusement atteint la crédibilité de ces "hommes nouveaux" qui devaient "sauver leur Maison Russie de la catastrophe". Ce ne sont pas les derniers tours de manège électoral (parlementaire en décembre '95 et présidentiel en juin '96) qui auront arrangé quoi que ce soit, le bilan de la situation en Russie reste préoccupant pour l'ensemble de la bourgeoisie mondiale.
Dans cette fuite en avant, la bourgeoisie russe espère gagner sur deux tableaux à la fois:
La paix sociale mondiale passe par une stabilisation des tensions en Russie et plus que jamais, la fraction Eltsine sera soutenue, portée à bout de bras par l'Etat mondial car elle constitue le meilleur rempart contre les explosions sociales. A cette occasion, le secrétaire d'Etat des Etats-Unis d'Amérique, Warren Christopher, déclare, aux pires moments des bombardements sur Grozny, que la Russie souhaite: "... organiser des élections libres en Tchétchénie pour permettre aux habitants de déterminer leur avenir en conformité avec la constitution russe." Point de cynisme dans la déclaration de cet important commis de l'Etat mondial, mais simplement la parfaite compréhension de ce qui est réellement en train de se jouer: assurer un "retour à la normale" c'est-à-dire renforcer la terreur quotidienne pour stabiliser la paix sociale.
La mobilisation des prolétaires derrière le drapeau de la patrie russe s'articulera principalement dans une vaste campagne menée contre "la mafia tchétchène". Le gouvernement désigne alors à la vindicte populaire un bouc émissaire fait sur mesure. Comme hier le juif, c'est au tour du caucasien d'être tenu pour responsable de tous les malheurs de la terre: cherté des aliments, pénuries, criminalité galopante, insécurité... Tout est mis en oeuvre pour escamoter les réels intérêts en jeu à l'aide d'une gigantesque campagne médiatique.
Cette guerre, comme toutes les guerres bourgeoises, est directement UNE GUERRE CONTRE LE PROLETARIAT! Les bombardements de Grozny et des autres villes et villages de la région par l'aviation et l'artillerie russes, plutôt que de toucher des "objectifs strictement militaires" comme le prétendent les communiqués officiels, visent avant tout les quartiers ouvriers et font des dizaines de milliers de morts. Habitations, hôpitaux, orphelinats bombardés, bus bondés de fuyards mitraillés,... c'est bien à la vie des prolétaires que les bourgeois attentent, c'est bien leurs lieux de vie qui sont visés et détruits en premier. Tout l'arsenal des armes conçues par le génie bourgeois pour tuer sera utilisé, ainsi les bombes à billes, à fragmentation ou perforantes. En aucun cas les installations stratégiques à Grozny par exemple, comme la tour de télévision, les ponts de la ville, la raffinerie de pétrole, l'oléoduc... ne seront réellement endommagés. Les quelques dégâts occasionnés à ces objectifs stratégiques seront rapidement réparés après la prise de la ville. Le seul but de ces bombardements massifs et incessants est de terroriser les prolétaires.
D'une part, cette guerre se veut un rappel à l'ordre des prolétaires enrôlés sous le drapeau russe, les contraignant à reconnaître ce drapeau comme le leur, protecteur et prometteur d'avenir (!). D'autre part, elle contraint toute résistance à cette guerre à s'identifier à la défense de la Tchétchénie contre l'envahisseur russe poussant de cette façon les prolétaires de Tchétchénie à voir dans les prolétaires sous l'uniforme russe des ennemis.
Un autre but important de cette guerre est la nécessité pour chaque bourgeoisie à travers le monde, face à un avenir pour le moins incertain, d'initier des exercices pratiques lui permettant de s'entraîner au combat en zones urbaines, zones d'entassement des prolétaires et donc aussi foyers d'explosions sociales. Le général Gratchev, ministre de la défense, avouait à ce sujet, tout comme certains de ses confrères de l'OTAN: "Nous n'avons pas besoin de manoeuvres stratégiques, la menace d'une guerre mondiale s'étant éloignée. Il nous faut des exercices pour entraîner nos forces armées aux guerres locales." La terreur imposée aux habitants de Grozny, ainsi qu'à toute cette région, constitue un exercice grandeur nature à titre préventif de comment réprimer demain, un soulèvement de classe.
La lutte meurtrière entre les dits indépendantistes et la Russie ne recouvre rien d'autre que la volonté clairement affirmée par certaines fractions bourgeoises, de continuer à assumer la domination et l'exploitation capitaliste sur cette région, face à d'autres fractions concurrentes. Dans ce processus permanent de guerre concurrentielle, les négociations des accords de paix ne font que ratifier le nouveau rapport de forces établi au cours de l'affrontement militaire. La réconciliation nationale devant, après avoir physiquement massacré le prolétariat, enterrer toute velléité de lutte prolétarienne.
Mais, la mise en route du processus guerrier s'est révélée moins facile que prévu. L'envoi des blindés en Tchétchénie en décembre 1994 s'est rapidement heurté à des mouvements de désobéissance au sein de l'armée, dont le refus de se battre de beaucoup de soldats. La réquisition n'a pas suffi pour faire oublier aux prolétaires leurs "petites, mesquines et égoïstes" préoccupations salariales face à la "noble" réaffirmation des intérêts impérialistes de la "grande" Russie! L'uniforme n'a pas suffi à discipliner les soldats aux seuls intérêts de la nation. L'expédition militaire n'arriva que péniblement aux portes de la capitale Grozny tant l'armée est minée, gangrenée par des désertions, des refus de se battre, des fraternisations avec des soldats de l'autre camp.
Conscients du moral de leurs troupes et comprenant que si le combat devait s'engager, la dislocation des unités sous leur commandement se transformerait rapidement en mutinerie généralisée, des officiers arrêtent leur colonne de chars à plus de 50 kilomètres à l'ouest de la ville et refusent d'engager le combat, laissant à l'aviation et à l'artillerie l'initiative d'écraser Grozny. Très rapidement, le gouvernement Tchernomyrdine décide de retirer l'armée du front pour "éviter la contagion de la contestation", et laisse le terrain libre à ses troupes d'élite dont les fameuses forces spéciales de la division anti-émeute Djerzinski. Un dirigeant tchétchène analyse ainsi l'état d'esprit de ses adversaires: "... le principal problème de l'armée russe, c'est que ses soldats ne veulent plus se battre mais y sont contraints par les bataillons spéciaux qui se tiennent en seconde ligne, prêts à les abattre s'ils reculent..." Et de fait, quelques jours avant, un colonel des forces spéciales du ministère de l'intérieur considérées pourtant comme des troupes sûres, décide de contrevenir aux ordres en rebroussant chemin avec sa colonne d'une centaine d'hommes et de rejoindre sa base. Cet exemple montre à quel point l'indiscipline et le refus d'obéir gangrène tous les corps de l'armée, même les troupes d'élite. Si les chefs de ces unités désobéissent, c'est parce qu'eux se rendent parfaitement compte, sur le terrain, de l'impossibilité d'organiser cette guerre. Ils apparaissent comme des dissidents parce qu'ils désobéissent aux ordres mais en fait leur indiscipline ponctuelle sauve l'Etat parce qu'elle permet de regagner les soldats mécontents à leur propre cause. Une nouvelle polarisation se crée ainsi dans l'armée entre un camp "pacifiste" (comme le clan du général Lebed) et l'autre, traité pour l'occasion de "belliciste" (comme celui du ministre de la défense Gratchev). En donnant une perspective trompeuse aux soldats qui auraient été tentés de donner des perspectives révolutionnaires à leur défaitisme, en canalisant le refus de se battre dans l'alternative pacifiste, les généraux désobéissants ont ainsi entravé le développement de troubles beaucoup plus graves dans l'armée.
Tandis qu'à Moscou on décrète la prolongation du service militaire d'un et demi à deux ans et qu'on supprime les dispenses aux étudiants, du front proviennent d'autres nouvelles alarmantes: les appelés en Tchétchénie risquaient autant de mourir de faim que de tomber sous les balles. Les simples soldats, prolétaires sous l'uniforme russe... en loques et à peine chaussés en sont réduits à mendier du pain, des cigarettes, du feu,... A Moscou et Saint-Pétersbourg, des milliers de jeunes manifestent. Peu de conscrits rejoignent les casernes. Sur 1,6 million d'appelés en 1996, la moitié - un sur deux! - n'a pas rejoint son unité. L'insoumission et la désertion ont fait tache d'huile, favorisées et soutenues par les familles et les amis qui cachent, nourrissent, protègent les soldats contre la milice. Des associations de mères ont vu le jour. Celles-ci organisent des convois pour aller récupérer de force leur(s) fils au front. Les cessez-le-feu quant à eux n'améliorent pas la situation puisque, d'après Aslan Maskhadov, chef d'état-major des troupes indépendantistes: "Il y a plus de morts en Tchétchénie depuis la fin de la guerre que pendant la période des combats."
C'est sur ce fond de bourbier militaire, de crise politique, et sous la pression des troubles sociaux qui continuent à paralyser ici et là la production, que la Douma (le parlement) décrète le triplement du salaire minimum. La bourgeoisie n'a pas le choix: c'est ça ou l'explosion sociale. Le Fond Monétaire International s'est opposé à ce projet avec la dernière énergie et continue de conditionner son aide à l'application stricte d'un "plan d'ajustement structurel". Malgré tout, un accord est signé entre le FMI et la Russie, pour un prêt de 10 milliards de dollars. "La Russie a besoin de cet accord, le monde a besoin d'une économie russe sans problèmes"... ainsi parle le FMI, organe de l'Etat mondial du Capital. Contrairement aux propos mystificateurs qualifiant la guerre en Tchétchénie de "problèmes d'ordre intérieur à la Russie", cette citation révèle clairement les réels enjeux de la situation: les dangers de déstabilisation sociale ne s'arrêtent pas aux frontières russes, l'objectif est de ramener à tout prix la paix sociale en Russie afin d'éviter l'extension des troubles à d'autres régions...
Mais malgré des contrastes aussi marqués, la lutte du prolétariat en Russie reste la plupart du temps limitée à des arrêts de travail, bassin par bassin, région par région, se perdant dans des actions pacifiques telles les grèves de la faim. Malgré le fait que les assemblées sont très houleuses, les syndicats gardent la décision de la reprise du travail. Ce sont eux qui désignent au gouvernement les puits où verser une partie des arriérés pour inciter les ouvriers les moins combatifs à reprendre le boulot. Ceux qui continuent le mouvement sont alors tout à fait isolés et harcelés par les syndicats. D'autre part, les revendications expriment plus l'aspiration de revenir à une situation antérieure sans passer à une contre-attaque de l'augmentation brutale du taux d'exploitation. Des mouvements de lutte n'émergent pas encore les conclusions qui s'imposent: la nécessité d'organiser la lutte en dehors et contre toutes les structures de l'Etat bourgeois, le refus de tout appui à l'une ou l'autre alternative de gestion bourgeoise, la solidarité entre tous les secteurs: pour les ouvriers des industries, pour les réfugiés,... la lutte est la même!
Tous ces événements mettent en évidence la timidité des réactions du prolétariat. Même s'il réagit contre les différents plans d'austérité et de guerre, il est actuellement incapable de reprendre son chemin de classe en revendiquant ouvertement la grève de classe et le défaitisme révolutionnaire. On doit malheureusement constater que le prolétariat, en Russie comme ailleurs, a du mal à se débarrasser du poids de plus de septante années de contre-révolution intense et à reprendre le chemin de la révolution que ses ancêtres avaient déjà emprunté en février et octobre 1917.
Les restructurations, quelle que soit la langue dans laquelle on les formule, les réformes des institutions toutes plus démocratiques les unes que les autres,... trouvent leur prolongement dans l'enrôlement sous les drapeaux de l'une ou l'autre fraction bourgeoise. Que ce soit au nom d'une libération nationale, de la défense d'intérêts régionalistes ou d'une purification ethnique, c'est toujours de guerre contre le prolétariat qu'il s'agit. Et tant que le prolétariat se laissera embrigader dans l'un ou l'autre de ces fronts, pour lui, ce sera toujours misère, massacres, déportations,...
Les campagnes électorales, le fait de désigner quelques coupables de détournements de fonds, de régulièrement redistribuer les rôles dans le personnel de l'Etat, de faire tomber quelques têtes,... sont des spectacles consciemment montés par la bourgeoisie pour tenir en haleine ceux qui restent suffisamment crédules pour attendre de toutes ces manoeuvres la perspective de meilleures conditions de vie.
D'autre part, les polarisations Russie contre Tchétchénie, "bellicistes" contre "pacifistes", "conservateurs" contre "réformateurs",... sont toutes bourgeoises. Nous savons que toute promesse d'un avenir meilleur dans cette société est fausse, mensongère, manoeuvre politique de la bourgeoisie pour tuer notre force de lutte. Nous n'avons aucun intérêt commun avec l'une ou l'autre fraction bourgeoise, au contraire. Ne leur laissons ni nos salaires ni notre force de lutte. Ne leur laissons aucun espoir de vivre encore longtemps sur notre dos.
L'essence mondiale du mode de production capitaliste détermine également le caractère international du prolétariat en tant que classe universelle concentrant à la fois toute la réalité de l'exploitation, et toutes les conditions pour une révolte contre l'exploitation. Partout, et dans des conditions toujours pires, toujours plus terrifiantes, les prolétaires sont contraints de vendre leur unique propriété, leur force de travail pour ne pas crever. C'est donc également mondialement qu'ils sont amenés à lutter pour tenter de faire face à la rapacité des bourgeois. Qu'ils soient blancs, jaunes, noirs, qu'ils portent un bleu de travail, une jellabah ou un turban, sous toutes les latitudes, se retrouve la contradiction sociale.
Il n'y a donc pas qu'aux Etats-Unis ou en France que se manifeste la lutte de classe. Au Nigéria, en Birmanie, en Indonésie, au Mexique, en Algérie, en Irak, des grèves, des émeutes, des mutineries, des expropriations surgissent et brisent pour un temps la paix sociale que l'Etat tente d'imposer. Evidemment, il n'est pas fort utile à la bourgeoisie d'insister sur le fait que les conditions d'existence des prolétaires débouchent partout sur l'opposition violente à un même système social. Dès lors, tout est fait pour que le prolétaire en France ou en Amérique ne se reconnaisse pas dans la réalité de son frère de classe en Afrique ou en Asie, et vice-versa. Il vaut mieux enfermer télévisuellement le Rwanda ou l'Irak dans des images chaotiques de misère, de catastrophes et de sauvageries que de faire un zoom sur les déterminations sociales à l'origine des conflits qui s'y déroulent. Le modèle d'un monde divisé en pays riches et pays pauvres est ainsi préservé, et les classes sociales passent à la trappe. Pour l'idéologie dominante, déplacer la contradiction est une autre manière de nier la lutte de classe (1).
L'exemple du Bangladesh va nous permettre d'argumenter tout ceci.
Il n'est toutefois pas possible de taire complètement l'existence de la lutte de classe, et des informations ont percé, dont nous vous livrons ici en résumé, quelques bribes rassemblées dans différents journaux en décembre 1994: "Le 4 décembre 1994, des milliers de policiers, des miliciens auxiliaires (Ansars) mal équipés et mal payés, se mutinent, occupent 2 casernes, prennent en otage 22 officiers et contrôlent le quartier général et le centre d'entraînement de la capitale Dacca. Au bout de 4 jours, alors que la mutinerie touche d'autres provinces, la répression s'abat. Les troupes d'élite de l'armée prennent d'assaut les casernes occupées. De grand moyens sont utilisés: canons, roquettes, hélicoptères, gaz, blindés... faisant officiellement, 4 morts et 50 blessés."
Un premier écran idéologique est brisé: il y a autre chose que des mendiants désarmés, en haillon et trempés au Bangladesh! Il faudra donc opérer différemment pour l'explication de l'information, et se rabattre sur les traditionnelles explications de lutte entre partis "officiels" et partis d'"opposition".
Que nous disent les marchands de la désinformation organisée pour expliquer cette mutinerie? Les bourgeois nous présentent ces événements comme un épisode supplémentaire de la guerre "pour le pouvoir" que se livrent deux femmes, l'une première ministre et présidente du Parti National du Bangladesh (BNP) et l'autre dirigeante de la Ligue Awami, dite d'opposition. Le citoyen peut se rendormir, heureux de savoir que tout cela reste bien circonscrit au monde de la démocratie et de l'absence de luttes de classes. Les journalistes ont rempli leur rôle à la perfection. Mais que veut nous cacher la classe dominante? Si même les flics sont traversés par les contradictions sociales au point de se mutiner, c'est que la situation est socialement beaucoup plus explosive qu'on n'ose le dire.
Et de fait, la mutinerie de décembre 1994 au Bangladesh n'est qu'un épisode parmi d'autres d'une longue histoire de luttes de classe.
Au moment même où la mutinerie se déroulait, un mouvement social paralysait tout le pays. Deux moments que la bourgeoisie prend bien soin de séparer pour en faire une réalité différente, SA VÉRITÉ, son information, pour entretenir et maintenir à travers le monde sa réalité comme éternelle. Nous savons que ces deux mouvements n'en forment qu'un seul, qu'ils manifestent la lutte que mène le prolétariat pour affirmer une même communauté d'intérêt face à l'exploiteur, même s'il n'a pas réussi à unifier ses consignes, sa direction. En fait, si l'on gratte un peu la croûte de désinformation qui pèse sur ce pays, pour les raisons évoquées ci-dessus, on se rend vite compte que ces événements, qui ont trouvé un point culminant dans l'année 1994-95, ne sont eux-même que l'aboutissement d'un long processus de lutte ayant débuté dans les années '80, et dont nous voulons donner ici un bref aperçu.
Les luttes atteignent un tel niveau durant cette période, que l'Etat est amené à se passer des services du général Ershad, un militaire porté à la tête du gouvernement par un coup d'Etat en mars 1982. La bourgeoisie fait ainsi peau neuve à peu de frais, et se passe comme pommade une nouvelle réforme constitutionnelle. De nouveaux acteurs plus crédibles, la Ligue Awami et le Parti National du Bangladesh (BNP), interviennent sur la scène politique pour maintenir et renforcer l'exploitation. Mais l'existence du cirque parlementaire ne résout évidemment rien. Le BNP, maintenant au gouvernement, ne fait qu'assumer la continuité du programme capitaliste et prend de nouvelles mesures de "rationalisation de l'économie": licenciement de 30.000 prolétaires "excédentaires" dans les chemins de fer, dans l'industrie du jute et à la Biman, la compagnie aérienne. Peu d'informations nous parviennent à propos des réactions de notre classe face à ces mesures, mais il n'est néanmoins pas possible d'occulter complètement l'existence de conflits violents enrayant régulièrement la machine capitaliste entre 1992 et 1996. En voici quelques exemples.
En janvier 1992, des manifestations de plusieurs milliers de jeunes ouvrières sont brutalement réprimées dans la capitale. Leurs revendications, selon les sinistres bourreaux chargés de la répression, "menacent sérieusement la balance des paiements". En février 1993, une grève des ouvriers du textile provoque la rage des capitalistes qui envoient leurs chiens de garde mater ces exploités refusant d'aller bosser, avec le plein soutien de la bourgeoisie mondiale. Pour la Banque Mondiale, il n'est pas question de céder d'un pouce: l'austérité, ici comme ailleurs, doit frapper fort. Le capitalisme doit encore et toujours extraire plus de profits, faire plus de bénéfices. Les experts de l'Union Européenne recommandent même au gouvernement d'aller plus loin dans la restructuration capitaliste et de fermer douze usines textiles non rentables, provoquant le licenciement de plusieurs milliers d'ouvriers. Mais ceux-ci ne se laissent pas faire et repartent en grève. De nouvelles polarisations apparaissent, comme pour détourner les prolétaires du chemin de lutte qu'ils empruntent: divisions entre les ouvriers "hindous" et "musulmans", apparition de guérilla nationaliste "mongole"... Les centrales syndicales quant à elles, jouent leur traditionnel rôle de garde-fou et tentent de récupérer les luttes. En mars 1993, les syndicats essayent de se mettre à la tête du mouvement en lançant un mot d'ordre de "grève générale". Cet arrêt de travail est largement débordé par les ouvriers en lutte depuis plusieurs semaines. Des barrages sur la plupart des grandes routes et des voies ferroviaires paralysent l'économie nationale. L'agitation sociale touche tous les secteurs. En octobre 1993, quatre universités sont provisoirement fermées. Elles sont qualifiées de "centres conspiratifs et terroristes" par le gouvernement. La décrédibilisation du gouvernement du BNP est tellement grande, deux ans à peine après son accession au gouvernement qu'on songe déjà à faire jouer l'alternance classique entre partis bourgeois. Une autre équipe se prépare. A partir de novembre 1993 et durant toute l'année 1994, les partis dits d'opposition, la Ligue Awami en tête, s'apprêtent à faire tomber le gouvernement en lui faisant porter le chapeau de toutes les misères que les prolétaires encaissent depuis la chute des militaires. Pour paraître encore plus crédible et embrigader les ouvriers derrière sa bannière, la Ligue Awami lance un grand mouvement de boycott de l'Assemblée nationale - déjà tellement discréditée - et appelle la population à exiger la tenue d'un nouveau tour de carrousel électoral.
Mais ce tour de passe-passe n'empêche pas la tension sociale de monter pendant toute l'année 1994. Sur fond de grèves, Dacca est complètement bloquée le 26 avril. L'opposition au plan d'austérité, encore plus draconien que les précédents, concocté par le gouvernement et imposé par la Banque mondiale, grandit au fil des jours. L'inquiétude monte parmi les bourgeois. Ce qu'il faut pour faire "de bonnes affaires" disent-ils, c'est restaurer rapidement la paix sociale. C'est dans ce sens que les investisseurs étrangers incitent le pouvoir en place à se montrer plus ferme face aux grévistes: "On est concerné par des problèmes essentiels comme l'ordre, la sécurité et la stabilité gouvernementale, sinon, comment pouvons-nous espérer attirer les investissements?"
Grèves et manifestations se succèdent dans différents secteurs en avril, mai et juin 1994. En juillet, l'opposition au gouvernement tente de récupérer le mouvement social en lançant une grande journée de "défense de la démocratie contre la montée de l'intégrisme musulman". Mais ces tentatives cadrent mal avec les revendications des prolétaires qui continuent à lutter pour améliorer leur quotidien. Les syndicats montent au créneau pour épauler la Ligue Awami et éviter tout débordement en organisant des arrêts de travail pacifiques, en enfermant les ouvriers chez eux ou dans leurs usines, les bras croisés, en empêchant toute extension du conflit ainsi qu'en menant des négociations pour essayer d'obtenir quelques arrangements qu'ils présenteront comme des "grandes victoires ouvrières". Pour les récompenser, le gouvernement abandonne les poursuites contre 10 leaders syndicaux alors que 5 militants prolétariens sont condamnés dans le même temps à la prison à vie pour "activité terroriste", c'est-à-dire pour avoir organisé manifestations, grèves, piquets, sabotages de la production... contre les mesures d'austérité. Mais le cirque des négociations syndicat/gouvernement n'arrive pas à calmer les esprits. Durant ces luttes, de violents affrontements opposent les ventres vides aux forces de l'ordre bourgeois, notamment dans le grand port de Chittagong, véritable poumon économique pour toute la région. Le trafic est systématiquement paralysé par les dockers, rejoints par d'autres grévistes, plus aucun bateau ne peut charger ni décharger. En septembre 1994, nouvelles grèves, nouvelles manifestations dans la capitale et à Chittagong.
D'après les quelques informations qui ont pu filtrer du black-out organisé par la bourgeoisie, les antagonismes de classe qui secouent cette région sont amplifiés par la férocité des conditions dans lesquelles l'exploitation capitaliste s'organise. Un exemple parmi tant d'autres: en septembre 1994, 200 travailleurs - dont des enfants de moins de 14 ans - d'une usine de confection sont lock-outés suite à plusieurs semaines de grève. La raison en est simple: voulant mettre un terme aux injures, coups, heures supplémentaires non payées, harcèlement sexuel, réduction des salaires pour maladie ou pour le temps passé aux toilettes... les ouvriers cessent spontanément toute activité, partent en grève et organisent une caisse de résistance. Les patrons ripostent et font arrêter 5 ouvriers pour "terrorisme". Ils seront séquestrés et battus par les nervis de l'usine ainsi que leurs femmes qui protestaient contre ces sévices. De telles brutalités dans le processus d'exploitation sont la règle au Bangladesh. Pas étonnant dès lors que toute grève, toute manifestation s'exprime immédiatement sous forme d'un affrontement direct, physique, avec les forces du Capital et refuse l'encadrement pacifiste propre à tous ceux qui tentent de nous convaincre que c'est en restant calme et raisonnable qu'on obtiendra satisfaction.
Dans les campagnes aussi l'agitation s'étend, les prolétaires incendient en octobre 1994 une bonne partie de la récolte de jute pour protester contre les baisses de salaire. Le même mois, deux mille enfants manifestent à Dacca contre la décision du gouvernement de leur interdire de travailler. Il faut savoir que c'est grâce à leur maigre salaire que des familles entières parviennent à nouer les deux bouts. Et quoi qu'en disent les démocrates moralisant, si des enfants en très bas âge sont obligés de se vendre, de se prostituer en usine ou sur les trottoirs pour une croûte de pain, ce n'est pas pour satisfaire le "vice des parents". C'est la misère, dans laquelle cette société nécrophage plonge les prolétaires, y compris les enfants, qui pousse à la prostitution - sexuelle ou autre - de plus en plus tôt et partout dans l'immonde enfer capitaliste! Misère - travail - lutte, la boucle est bouclée.
En novembre 1994, de nouveaux conflits éclatent dans le secteur du textile. Les luttes de classe atteignent à ce moment, une ampleur jusque là inconnue depuis 1989. Des mutineries ravagent les forces de répression. En décembre 1994, sur fond de grèves, de manifestations, d'émeutes partout dans le pays, des casernes entières se soulèvent, refusent d'obéir au gouvernement. Les forces de répression classiques ne suffisant plus, gangrenées par les contradictions sociales, touchées elles-mêmes par les luttes, des milices patronales blanches apparaissent pour assurer le sale boulot que les flics ne peuvent - ne veulent - plus assurer. La bourgeoisie est obligée d'utiliser les troupes d'élite de l'armée pour écraser les mutins et tenter de rétablir l'ordre. On ne compte plus les morts... mais le mouvement de contestation ne semble pas pour autant arrêté. La tension sociale ne se relâche pas en 1995, et le 22 janvier, des milliers d'ouvriers du textile repartent en grève. Ils bloquent les routes et les voies de chemin de fer dans tout le pays et s'affrontent aux forces de répression qui tirent sur les émeutiers. Le principal foyer de ces troubles sociaux est à nouveau le complexe portuaire de Chittagong. Il s'ensuit de nouvelles manifestations. Une bombe artisanale explose au passage du cortège du premier ministre. En avril, un nouveau mouvement de grève éclate. Toutes les entreprises sont touchées et plus particulièrement l'important secteur des transports. La hausse des salaires est exigée immédiatement ainsi que le paiement d'une prime de "cherté de la vie". Les affrontements avec les milices blanches font plusieurs blessés. Le poison des élections est à nouveau injecté dans les veines du prolétariat pour le détourner de sa lutte.
En novembre 1995, à l'occasion d'une "journée de mobilisation anti-gouvernementale", appelée par les partis d'opposition, le service d'ordre est débordé et de violents affrontements éclatent dans la capitale Dacca. Le 30 décembre, le Bangladesh est totalement paralysé. Trains, bus, bateaux, avions... ne bougent plus. Des piquets de grève barrent les issues de tous les dépôts, de toutes les gares, de tous les ports et aéroports. L'économie nationale, si chère aux bourgeois du monde entier, se trouve dans une mauvaise passe. Plus rien ne circule, les affaires ne peuvent plus se faire. Mais si les prolétaires prennent ainsi les capitalistes à la gorge, nous avons assez peu d'information en ce qui concerne leur capacité de s'extraire de la meurtrière polarisation gouvernement/opposition que la bourgeoisie a mise en place. Aucun détail ne filtre sur la réelle capacité des prolétaires à tirer les leçons de leurs luttes passées pour s'affronter à TOUS les partis politiques, s'opposer à TOUS les syndicalistes pour ce qu'ils sont réellement: les gestionnaires du Capital.
L'année 1996 ne voit pas d'énorme changement dans le climat social. Les informations qui nous parviennent ne semblent pas faire part d'une accalmie. Au contraire, de nouveaux affrontements ont éclaté lors de grèves en janvier. L'armée doit intervenir massivement pour ramener le calme. Les troupes sont partout présentes. Les prisons sont pleines à craquer. Devant la gravité des événements, la bourgeoisie démissionne le premier ministre faisant fonction et organise une nouvelle mascarade électorale. Entre-temps, des unités militaires marchent sur Dacca, un coup d'état militaire se profile à l'horizon comme autre solution aux luttes sociales. Les élections de juin 1996 sont émaillées de nouveaux incidents: 20 morts et 300 blessés. Il est toutefois très difficile de faire la part des choses entre les luttes partisanes qui opposent les diverses fractions électoralistes et la lutte de classe que mène le prolétariat. Finalement, les militaires rentrent dans leurs casernes et la Ligue Awami est proclamée victorieuse. Alors que cette fois tous les partis ont soutenu la participation au spectacle des urnes, les informations font état d'un taux d'abstention élevé, mais nous n'en connaissons pas le chiffre exact.
Et - quand on en parle! - ce sont ces manifestations qui, encadrées et dévoyées vers une réforme du système, sont relatées dans les médias bourgeois, masquant ainsi totalement l'unicité des intérêts de notre classe. Notre classe quant à elle, encore trop faiblement organisée, ne pouvant pas apporter la contradiction par une presse, des contacts, des réseaux, des groupes communistes suffisamment puissants, se laisse prendre trop facilement dans les filets des représentations faussées de la situation données par la bourgeoisie.
Il est aujourd'hui encore fort difficile pour nombre de prolétaires - au-delà de la communauté objective d'intérêts qui les relie - de se reconnaître dans la lutte de prolétaires d'une autre partie du monde. Vu d'Europe ou d'Amérique, par exemple, le silence médiatique, l'information folklorique et le détournement de la vérité font office d'écran très efficace contre la lutte de classe qui se déroule au Bangladesh. Et c'est le cas pour la majorité des combats sociaux se développant dans des zones où la simple information d'un fait dépend d'abord de la dimension spectaculaire qu'il est permis de lui donner: s'il n'est pas possible de confirmer le "folklore" traditionnellement associé au lieu en question - les inondations au Bangladesh, la quantité de chinois en Chine, les indiens au Chiapas ou les noirs à Los Angeles, par exemple -, alors le spectacle sera strictement déterminé par un rapport sordide entre le nombre de morts et la distance kilométrique séparant l'information de l'informé.
Les multiples modes de désinformation quotidienne de la lutte de classe et l'occultation historique du mouvement communiste constituent deux mêmes moments de l'affirmation terroriste d'un monde où l'exploitation qui en constitue l'essence, est catégoriquement et systématiquement niée, infirmée, démentie, par l'idéologie dominante. A l'image de la répression, de l'encadrement syndical et politique, l'organisation systématique de la désinformation constitue un des piliers de l'Etat capitaliste.
Et maintenant, quelles leçons tirer de ces luttes?
Soutenir nos frères de classe "là-bas", c'est aussi en faire la critique. Cette communauté de critiques renforcera le prolétariat qui ne se retrouvera pas à chaque fois démuni face aux mêmes ennemis et aux mêmes pièges que ceux-ci lui tendront. Ainsi, nous devons souligner les énormes faiblesses qui ont marqué ce mouvement de lutte au Bangladesh depuis 1989:
Famines et inondations meurtrières ... grâce à la nation et au progrès!
L'ancien nom de l'actuel Bangladesh est le Bengale. Au 1er siècle de notre ère, cette région était connue pour son or, ses perles, ses épices et ses essences odorantes. C'était alors un important centre de commerces, avec ports, routes, rivières en grande partie navigables...En 1406, l'interprète chinois d'une expédition commerciale en parle encore comme d'une région "économiquement prospère" où l'on fabrique des ciseaux, des couteaux, des épées, des fusils, des vases, des objets peints, 5 ou 6 sortes de tissus de coton, des mouchoirs, des bonnets de soie brodés d'or... On y cultive en abondance du sésame, du millet, des haricots, du gingembre, des oignons...
Il faudra attendre l'arrivée des capitalistes anglais et du progrès qu'ils permettent pour voir, au début du 18ème siècle, les conditions d'existence se dégrader peu à peu.
La Compagnie des Indes s'implante et la bourgeoisie anglaise commerce à tous vents. Elle impose ses règles de commerce et se met très rapidement à faire produire, en Angleterre, les tissus qu'elle avait commencé par importer de cette région, ce qui détermine une transformation profonde: de producteur de produits finis, le Bengale passe à la position de producteur de matière première (coton, jute). Les conséquences de ce changement sont énormes pour l'agriculture qui passe de la polyculture (auto-consommation) à la monoculture (exportation). Cette transformation implique la mobilisation des terres pour la monoculture. Dès lors, comme partout ailleurs, les crises de cette matière première qui est maintenant pratiquement l'unique produit de la terre, vont déclencher des famines. La première de ces famines date de 1770. Insistons donc sur le fait que c'est le progrès capitaliste lui-même qui en est l'origine et non une situation propre aux conditions climatiques ou géographiques locales. Cette situation va empirer avec l'arrivée d'une monoculture encore plus spéculative: l'opium. Destiné au marché chinois, l'opium est vendu par les marchands capitalistes anglais durant tout le 19ème siècle, jusqu'en 1939.
En 1947, l'Inde est divisée en deux: la fédération indienne d'un côté, et le Pakistan de l'autre. Celui-ci est alors composé de deux territoires distants de 1.500 kilomètres. Entre le Pakistan occidental et le Pakistan oriental, soutenu par l'Inde, éclate une guerre qui aboutira, en 1971, à la création du Bangladesh (l'ex-Pakistan oriental).
Si l'on ne parle pas d'inondations avant la partition de l'Inde, c'est tout simplement parce que la région où elles causent aujourd'hui tant de ravages n'était pas encore habitée. Et pour cause! Constituée en grande partie de l'extrême sud du delta du Gange, cette région est restée quasiment déserte jusqu'en 1947 vu qu'elle est composée presqu'exclusivement de marécages et de mangroves.
Qu'est-ce qui va dès lors pousser des masses de prolétaires à s'y installer? Des intérêts interimpérialistes.
Soutenue par l'Angleterre, la partition de l'Inde - officiellement faite pour empêcher les guerres religieuses entre les hindouistes (majoritaires) et les musulmans (minoritaires) -, va placer les hindous dans la fédération indienne (l'Inde actuelle) et les musulmans dans les Pakistan occidental et oriental. Pour respecter ce découpage, on déplace d'énormes masses de prolétaires - fait que l'on qualifierait aujourd'hui d'épuration ethnique. Le Pakistan oriental (le futur Bangladesh) représente la partie la moins intéressante du Bengale - économiquement parlant - et si les musulmans s'y retrouvent, c'est dû, entre autre, à la pression de la bourgeoisie hindouiste qui entend ainsi garder la région la plus prospère, soutenue en cela par les capitalistes anglais qui cherchent à maintenir des relations commerciales avec la plus grande partie de leur ex-colonie indienne.
L'augmentation artificielle de population de l'actuel Bangladesh, causée par ces déplacements massifs, est suivie d'une démographie galopante. C'est ce qui fait que ce petit Etat, à peine 5 fois plus grand que la Belgique, se retrouve avec une population de 120 millions de personnes (12 fois la Belgique, 2 fois la France) et une densité de population de 810 hab/Km². Dans les régions généralement frappées par les inondations, on frise aujourd'hui les 1.000 hab/Km². (Pour mémoire, la Belgique et les Pays-Bas, comptés parmi les pays les plus peuplés, ont une densité qui n'avoisine "que" 350 hab/Km².) Il faut bien mettre ces masses humaines quelque part. La seule solution entendable pour le capitalisme international est de les pousser à occuper les zones marécageuses dont on a parlé plus haut. Coincés d'un côté par des frontières politiquement très hermétiques et de l'autre par la mer, à chaque montée des eaux, des centaines de milliers de prolétaires sont tout simplement noyés. Et tout cela parce que le progrès capitaliste a forcé des masses d'hommes à résider en des lieux où personne n'aurait songé à s'installer auparavant. Les centaines de milliers de morts à répétition ne constituent rien de plus que le prix permanent à payer pour que le Progrès et la Nation Bangladesh puissent perdurer.
Historiquement pourtant, les positions contenues dans "L'Etat et la Révolution" n'étaient pas celles de Lénine mais bien celles de militants qui furent, par la suite, traités d'"infantiles"; d'ailleurs, Lénine, après avoir défendu ouvertement la nécessité de ne pas détruire l'Etat capitaliste en Russie mais d'y développer le Capital, a été jusqu'à s'opposer à la publication de ce livre. Ces faits sont fort peu connus et cette méconnaissance constitue certainement un autre sujet de satisfaction pour le Capital. Et nous ne parlons pas ici de ce qui se fait ouvertement pour empêcher la connaissance de l'histoire par ses principaux intéressés: les prolétaires du monde entier.
S'il y a bien quelque chose d'essentiel dans ce livre, et s'il est une raison pour laquelle les révolutionnaires s'en sont revendiqués, c'est l'affirmation selon laquelle il ne s'agit pas de conquérir l'Etat, mais de le détruire, de le démolir de fond en comble. Ceci dit, cette idée centrale par laquelle Lénine s'oppose à la social-démocratie, n'a rien d'original. C'est la position des fractions communistes, et en particulier celle de Pannekoek à l'encontre de Kautsky. Elle s'appuie strictement, comme le signale Lénine lui-même, sur les oeuvres de Marx et Engels (2). Lénine cite in extenso les positions centrales de Marx et Engels, répétant maintes et maintes fois, l'idée centrale qui affirme qu'il faut rompre, démolir la machine d'Etat: "Rompre la machine bureaucratique et militaire: dans ces mots se trouve brièvement exprimée la principale leçon du marxisme sur les tâches du prolétariat concernant l'Etat dans le cours de la révolution" (3). Et Marx et Engels eux-mêmes, lorsqu'ils se réfèrent à l'Etat, se rapportent à la lutte de classe en France et plus particulièrement à la plus haute expérience du prolétariat qui leur est contemporaine, celle de la Commune de Paris. Cela signifie que contrairement au mythe permanent d'un Lénine identifié à un génie, légende produite par le stalinisme (et son petit frère le trotskisme), le Lénine de chair et d'os, pour définir l'idée centrale affirmant qu'il faut détruire l'Etat, s'est essentiellement basé sur Marx et Engels, qui s'étaient nourris quant à eux de l'expérience même du prolétariat, au cours de la Commune de Paris.
D'où l'importance d'étudier la Commune par nous-mêmes et de ne pas nous satisfaire de l'histoire officielle. Ce faisant nous arrivons à des leçons chaque fois plus opposées aux conclusions officielles (surtout dans le sens de la totale opposition historique entre le mouvement du prolétariat et le gouvernement qui est connu sous le nom de Commune de Paris). Mais malgré cela, et malgré le fait que l'idée de détruire l'Etat s'exprime chez certains camarades de l'époque, tels Marx, Engels, Bakounine... nous n'aurions jamais imaginé que les protagonistes immédiats exprimèrent eux-mêmes clairement cette idée. Au contraire même, nous pensions que les affirmations de dictature pour détruire l'Etat formulées par les historiens ou les militants révolutionnaires résultaient d'une lecture des faits, et non d'une expression consciente produite des protagonistes eux-mêmes.
Cette vision des choses a changé quand nous avons appris que le "communard" Arthur Arnould, avait écrit un livre intitulé "L'Etat et la Révolution". Ce dernier a été réédité en français par les "Editions Jacques-Marie Laffont et Associés (Lyon)" et contient une introduction intitulée "Arthur Arnould ou la vie d'un mort est toujours fictive" de Bernard Noël, écrivain et auteur d'un ensemble de matériaux sur la Commune ("Dictionnaire de la Commune").
De cette introduction nous avons extrait le passage qui relate la surprise de l'auteur quand il découvrit, malgré l'occultation opérée par les historiens officiels de la Commune, les matériaux de Arthur Arnould: son "Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris" tout d'abord, et ensuite son livre sur "l'Etat et la Révolution".
Après avoir expliqué sa longue marche comme investigateur de la Commune, après avoir lu les histoires les plus connues (Lissagaray, Bourgin, Gruhat-Dautry-Tesen), les souvenirs, les mémoires et jusqu'aux "cent quarante et un journaux de l'époque", Bernard Noël nous dit:
"C'est seulement vers la fin de ce travail que j'ai découvert un ouvrage dont j'imaginais, vu le peu de cas qu'on en faisait, qu'il était très secondaire: "Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris". La lecture des trois petits volumes de cette histoire me frappa vivement parce que le témoignage direct y était accompagné d'une synthèse des idées de la Commune, qui constituait à peu près le traité idéologique que je cherchais.
Le caractère synthétique de cette histoire fit que je n'allai pas plus loin avec son auteur: il semblait avoir rassemblé là tout ce qu'il avait à dire sur la Commune, et puis l'éditeur me pressait, plus désireux de couper dans mon Dictionnaire que de l'augmenter. Ce fut seulement deux ou trois ans plus tard que, ayant enfin pu acheter un exemplaire de la très rare "Histoire populaire et parlementaire de la Commune", mon intérêt s'en trouva ranimé au point que j'entrepris une bibliographie de son auteur - et que j'eus la surprise de découvrir sous son nom, à la date de 1877, un ouvrage intitulé: "L'Etat et la Révolution".
L'existence d'un livre portant le même titre que la grande oeuvre de Lénine et traitant le même sujet, mais quarante ans plus tôt, doit être quelque chose d'impensable puisque cette existence est traitée comme si elle n'existait pas. La place de ce livre reste donc vide ou invisible. Pourtant, à supposer même que ce livre soit sans intérêt, son titre est en soi historique et devrait suffire à le rendre remarquable, la qualité d'ancien communard de son auteur étant une attraction de plus.
Cette conjonction de l'intérêt évident et de l'inexistence m'a longtemps troublé, et j'ai plusieurs fois entrepris puis reporté ce travail de présentation. Un libraire spécialisé dans l'histoire de la Commune, et par l'intermédiaire duquel j'essayais de me procurer ce livre, m'a d'abord affirmé qu'il n'existait pas... Est-il si rare? L'a-t-on détruit? La Bibliothèque nationale en conserve heureusement un exemplaire.
L'auteur, lui, est tombé dans l'oubli, malgré sa mention obligée dans toutes les histoires de la Commune - ou plutôt, il est devenu un nom, c'est à dire rien..." (4)La plupart des historiens de la Commune étant social-démocrates (staliniens ou non), il est normal qu'ils oublient un militant qui, de plus, avait le "défaut" d'être pour la destruction de l'Etat. Comme le dit Bernard Noël à propos de Lucien Scheler:
"Dans sa préface, Lucien Scheler esquisse une biographie de cet Arthur Arnould devenu si obscur. Quand il en arrive à la période de "L'Etat et la Révolution", Lucien Scheler évite d'en citer le titre et se contente d'écrire: "...l'ensemble de ses articles sur les questions sociales, anti-étatiques, anarcho-collectivistes qui paraissent aux "Droits de l'homme", groupés en un volume édité à Genève en 1878 par "Le Travailleur".
Pour Lucien Scheler être "anti-étatiste" est certainement une tare, et cette tare l'autorise à passer sous silence le titre d'un "ensemble" politiquement douteux; à moins que la tare n'ait pour fonction de le dispenser de citer un titre embarrassant..."(5)Dans le livre d'Arnould, comme dans celui de Lénine quarante ans plus tard, il est question de détruire l'appareil d'Etat. Ce à quoi Lénine a très rapidement et clairement renoncé. Même sans connaître beaucoup de choses sur le rôle d'Arnould et les efforts militants de ce dernier, est ce que tout ceci n'est pas extrêmement gênant pour ceux qui écrivent l'histoire officielle du marxisme? Peut-être Lénine a-t-il plagié jusqu'au titre d'Arnould? Nous n'avons pas suffisamment d'éléments pour l'affirmer et nous ne savons pas si Lénine étudia à fond Arnould, mais ce qui est certain en tout cas, c'est que le livre d'Arnould circulait bel et bien en Suisse parmi les réfugiés socialistes russes à l'époque de Lénine.
Il faut cependant préciser que tant Arnould que son livre présentent des aspects extrêmement contradictoires.
Arnould fut militant puis arrêta de militer; il se convertit au bouddhisme et tourna mystique à la fin de sa vie. Alors qu'il défend d'abord des positions qui semblent à contre courant, et s'oppose explicitement à tous les socialistes (Marx) ou pseudo-socialistes (Proudhon) de son époque, plus loin, on dirait qu'il épouse les positions totalement bourgeoises de ce dernier, sur la question des fédérations locales et nationales; dans certaines parties de son livre, il a l'air d'être partisan de tout démolir, y compris la démocratie et le suffrage universel, et dans d'autres, il semble admirer la Fédération Suisse! Mais plus encore, dans certains passages, il fait preuve d'une lucidité surprenante et critique toute illusion sur les libertés politiques, la gauche bourgeoise, le principe majoritaire, il dénonce la dictature de la classe bourgeoise derrière toute forme de république et va jusqu'à affirmer que sans révolution sociale, il n'y a pas de révolution politique, et puis tout au contraire, dans d'autres passages, il fait l'apologie du communalisme, du fédéralisme et du corporatisme. Mais malgré cela, et aussi grands soient nos désaccords avec ces positions (en réalité des positions contre-révolutionnaires), le lecteur pourra vérifier à quel point le livre "L'Etat et la Révolution" d'Arnould contient, quarante ans avant le livre de Lénine du même nom, des affirmations programmatiques essentielles qui constituent des jalons décisifs dans l'opposition historique entre le prolétariat et l'Etat.
Pour clôturer cette présentation, nous n'allons pas faire ici une longue biographie de l'auteur, nous nous contenterons de souligner quelques aspects de l'activité et des positions d'Arnould avant, pendant et après la Commune.
"Un parlement... ne représente jamais que les aspirations des classes gouvernantes, et n'agira jamais qu'en accord avec leurs antiques traditions."
"Le suffrage universel se cramponne toujours à ce qui existe,... jamais il ne se prononcera en masse contre un gouvernement établi quelconque en faveur d'un gouvernement à venir."
"Pour nous, fonder la liberté, c'est réunir ce qui n'aurait jamais dû être séparé: le pouvoir et la nation, ou plutôt, supprimant l'un de ces deux termes, restituer le pouvoir à la nation elle-même."Arnould sera plusieurs fois condamné pour délits de presse, ses articles étant nettement dirigés contre l'Empire.
En 1870-71, il milite au sein de l'"Alliance républicaine" (Ledru-Rollin, Delescluze, etc.). Durant la Commune, Arnould fut élu au Conseil de la Commune, pour les districts 4 et 6 de Paris, optant pour le premier. Dans les débats, il se prononce pour la publication de toutes les discussions de la Commune, il exige que les votes se fassent à main levée et que chacun assume publiquement la responsabilité de ses actes. Quant aux représailles à l'encontre des versaillais, il s'oppose à la mise au secret dans les prisons et à la prise de quelques otages, mais propose par exemple de démolir les propriétés des versaillais dans Paris et plus particulièrement d'abattre l'Hôtel qu'y possédait Thiers.
Après la semaine sanglante, il se réfugie en Suisse. C'est là qu'il rédigera "L'Etat et la Révolution", publié en 1877.
Dans ce pays, il milite de 1871 à 1872 dans la "section de propagande de l'action révolutionnaire socialiste" de Genève (section de l'AIT où se retrouvent de nombreux communards exilés, tels Pindy, Lefrançais, etc.) et collabore au journal La Révolution sociale.
Les exilés de la Commune se sont essentiellement retrouvés en Suisse et en Angleterre. En Suisse, Arnould côtoie des révolutionnaires, et il a l'occasion de confronter sa propre expérience à celle des autres militants. Ces militants étaient originaires de Russie, d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie, de France, d'Italie, d'Espagne,...
Les discussions sur l'Etat, le parlementarisme, le suffrage universel, etc., doivent être recadrées dans l'ensemble des discussions qui ont lieu à cette époque dans le mouvement ouvrier. Il y a à cette époque quantités de textes qui circulent, et qui expriment une rupture à un degré ou à un autre avec l'Etat. Arnould côtoie Bakounine, à la fin de la vie de celui-ci, à un moment où, découragé, le vieux militant révolutionnaire a abandonné toute activité militante.
En 1877, on retrouve Arnould aux côtés d'un groupe de réfugiés français qui fondent à Genève Le Travailleur - Revue socialiste révolutionnaire. Elisée Reclus, Charles Perron, Joukovsky, Gustave Lefrançais font partie de ce noyau militant. L'adresse de ce journal est d'ailleurs celle de l'imprimerie où le livre "L'Etat et la Révolution" a été tiré.
Au début des années 1880, Arnould s'engage dans l'"Alliance socialiste républicaine" pour, très rapidement, rompre. Un peu plus tard, il s'enfermera dans la littérature et le bouddhisme.
Nous ne prétendons pas dans ce qui suit déterminer de façon représentative les forces et les faiblesses du livre d'Arnould. Nous n'avons fait que sélectionner quelques passages dans lesquels s'exprime une critique du système représentatif, du suffrage universel, etc... et où ses positions sont clairement partisanes de la destruction de l'Etat quelle que soit sa forme.
"(...) Il est de la plus grande importance de combattre les mensonges justificateurs de la guerre de 39-45 comme le souligne l'article sur le bombardement de Dresde. Mais il semble que l'article a délaissé certains détails qui peuvent avoir une utilité non négligeable pour montrer que la barbarie n'était pas que dans un camp.
Concernant les modalités du bombardement, il faut souligner que, lors des attaques de Hambourg, Kassel, Darmstadt, Brunswick, la tempête de feu produite n'avait été qu'un résultat imprévu du bombardement alors qu'à Dresde, la tempête de feu était un objectif visé. En font foi le choix des types de bombes utilisées et leur emploi (d'abord des bombes explosives brisant fenêtres et toits, puis des bombes incendiaires - 75% des bombes transportées par les bombardiers de la premières vagues étaient des bombes incendiaires - propageant l'incendie dans une ville désormais traversée par les courants d'air).
Par ailleurs, la seconde vague de bombardiers avait pour fonction de détruire les corps de sauveteurs à l'oeuvre pour sauver qui pouvait l'être, les corps de sapeurs-pompiers tentant de circonscrire l'incendie et les convois de camions chargés de provisions de secours. Dans l'article il est seulement indiqué que "les chasseurs alliés iront jusqu'à mitrailler les colonnes de réfugiés qui fuient la ville mise à feu et à sang, ainsi que les secours venant des localités voisines". La réalité est encore plus barbare: les secours n'étaient pas visés seulement par des chasseurs mais bien par toute une vague de bombardiers qui avait reçu comme mission officielle de les détruire. Il aurait pu être indiqué également, en sus, que les mitraillages des chasseurs n'avaient rien de fortuit, expression du sadisme de loups lâchés dans une bergerie, mais étaient la mission officielle confiée aux chasseurs aussitôt l'attaque des bombardiers achevée.
Concernant les objectifs tactiques du bombardement, l'article aurait dû souligner le fait aberrant - selon la logique militaire elle-même - que l'aérodrome de Dresde-Klotzsche (dont les avions restèrent cloués au sol pendant toute la durée du bombardement pour des raisons sur lesquelles il est inutile de s'étendre, n'offrant même pas la bonne conscience aux équipages de bombardiers de bombarder une ville qui se défendait), sur lequel se trouvaient une centaines d'appareils - chasseurs et avions de transport éloignés du front de l'Est - fut totalement épargné alors que les bombardiers le survolaient. Ainsi, un objectif militaire, à portée de main des bombardiers qui prétendaient atteindre des objectifs militaires, fut laissé intact.
En dehors du bombardement de Dresde et toujours en vue de démystifier la guerre de 39-45, rappelons un fait peu souvent mis en avant et ourtant si utile dans notre combat contre les mythes manichéens justificateurs du massacre.
Alors que se déroulait le procès de Nuremberg, et tout en dénonçant les horreurs nazies, les américains - promoteurs du dit procès - intégraient à leurs équipes de recherche sur les armes bactériologiques et chimiques des savants japonais qui avaient sévi sur le territoire de la Chine occupée. Au sein d'une unité de recherche, ils avaient procédé à des expérimentations sur des prisonniers de guerre et sur la population chinoise à grande échelle, ils avaient ainsi testé les limites de la résistance humaine à la chaleur, au froid, les moyens de propagation de maladies sur des populations civiles (on leur doit une épidémie de peste dans la région de Nankin, provoquée par le largage par avion de containers bourrés de puces contaminées), et diverses autres expériences du même jus. Quand le Japon s'est rendu, les Américains, en retard dans le domaine de la guerre bactériologique et chimique par rapport aux Russes, ont camouflé leur récupération de ces criminels par le sacrifice de leurs alter ego nazis, au demeurant moins avancés dans leurs recherches. Ainsi, ce que les savants nazis de Nuremberg ont payé, ce n'est pas l'horreur des expériences faites mais le fait qu'elles n'avaient pas produit suffisamment de résultats."