La guerre n'est rien de plus qu'une manifestation inéluctable de la propriété privée des moyens de production, de la liberté de commerce, de la concurrence.
De plus, on a pu vérifier, tout au long du développement historique du Capital et de la conséquente exacerbation de toutes ses contradictions, que ce système ne se développe que grâce aux guerres successives, et que le cycle nécessaire à son maintien est: crises, guerre, reconstruction, expansion, nouvelle crise,... et ainsi de suite. Concrètement, le progrès et le développement capitaliste n'est rendu possible que grâce à la barbarie et à la guerre.
Très schématiquement exprimée ici, la raison en est que la masse de capital croît plus rapidement que ses possibilités de valorisation et qu'on arrive ainsi cycliquement à une surproduction de capital qui fait que la valorisation d'une partie du capital social mondial exclut la valorisation d'une autre partie de ce même capital social mondial; les conditions d'une nouvelle valorisation ne se reconstituent qu'à partir et sur base d'une dévalorisation violente d'une partie du capital ou, mieux dit, sur base du fait qu'une partie du capital cesse de fonctionner comme tel; ce qui peut se produire par la faillite ou la destruction physique des moyens de production.
Les fermetures d'usines, ou la mise au rebut d'autres capitaux fixes, qui s'opèrent quotidiennement par l'application "normale" de la loi de la valeur, ne sont jamais suffisantes; pour cette raison, survient régulièrement une dépression généralisée qui conduit inévitablement à une dévalorisation générale de tout le capital existant, capital qui ne rencontre aucune possibilité de rentabilisation et qui doit "normalement" conduire à la faillite généralisée des capitalistes les moins rentables. Ceux-ci (tout comme les autres) s'organisent pour résister à cette inexorable loi du Capital, et c'est ainsi, par exemple, qu'on altère la rentabilité d'un secteur sur base du protectionnisme,... ce qui n'a comme conséquence que de transmettre sa propre condamnation sur d'autres capitalistes. L'organisation des uns et des autres, à différents niveaux de centralisation, en vue de mener cette guerre dans les meilleures conditions possibles (sociétés, cartels, Etats nationaux, blocs impérialistes,...) rend la guerre périodiquement effective: celle-ci se présente dès lors comme une solution partielle aux problèmes du capitalisme mondial. Au delà du fait que les guerres se développent en tant que lutte interimpérialiste visant à s'approprier des moyens de production et de marchés, ou que dans la conscience des bourgeois des camps en présence cette guerre apparaisse comme une guerre contre d'autres bourgeois (et en ce sens, elle l'est), cette dernière, en détruisant une part importante du capital mondial, améliore de fait les conditions générales de valorisation de la totalité du capital social international.
C'est en ce sens que vouloir arrêter la guerre tout en maintenant cette même société qui génère la guerre, est une utopie réactionnaire. Pour arrêter la course à la guerre, il faudra renoncer au développement économique capitaliste; pour stopper la barbarie qu'implique le progrès capitaliste, il faudra stopper le développement de l'économie bourgeoise, de la production nationale, etc. Or, le capitalisme est reproduction élargie, croissance, développement,...; pour cette raison, seule la destruction du capitalisme pourra liquider les guerres.
Plus se développe le Capital, plus se développe l'ensemble de ses contradictions et de ses atrocités; plus il y a progrès et croissance, plus les dépressions, les crises, les nécessités impératives de nouvelles guerres sont fortes. Le rôle criminel des apologues du développement et des curés progressistes devient évident.
Quant à la paix qui succède à la guerre, loin d'être la véritable négation de la guerre, elle n'existe qu'en tant que sous produit et partie de cette dernière, en tant que formalisation momentanée et instable d'une corrélation donnée de forces terroristes, corrélation que d'autres forces terroristes considèreront inévitablement comme injuste et imposée par la violence et par là-même, prétexte pour une guerre future.
Alors que la solution bourgeoise à la crise de la société ne peut rien être d'autre qu'une solution partielle, la révolution communiste est la solution générale par excellence. Alors que la guerre seule --avec la paix, la reconstruction et, dans le meilleur des cas, l'expansion qu'elle implique--, est à même de relancer à nouveau tout le cycle infernal vers une nouvelle dépression et une nouvelle guerre, la révolution sociale apparaît quant à elle comme l'unique alternative capable de rompre pour toujours avec la barbarie permanente de la guerre.
Mais de la même manière que la bourgeoisie n'est rien d'autre que la classe qui représente le Capital et en incarne l'agent historique, le prolétariat est l'agent historique de la négation révolutionnaire du Capital, la classe historique de cette révolution sociale.
La bourgeoisie est l'exécutrice de toutes les déterminations du Capital et ne peut échapper à aucune d'entre elles. La lutte pour le profit maximum, la concurrence, la guerre commerciale et la guerre tout court, sont aussi essentielles à cette classe sociale que la respiration à l'être humain.
D'autre part (et quelques soient les illusions que les prolétaires peuvent se faire, tant par rapport à l'amélioration de leur sort dans cette société, qu'à propos de la paix), le prolétariat comme classe est historiquement forcé par sa propre situation sociale à nier la totalité de la société du Capital, à imposer par la violence révolutionnaire, la destruction de la société basée sur la dictature du profit, de la concurrence et de la guerre; il est historiquement forcé à réaliser la révolution mondiale.
La révolution communiste n'est donc pas une alternative parmi d'autres, mais bien l'unique alternative à cette société de misère et de guerre permanente. En ce sens, la contradiction guerre-révolution, n'est rien de plus qu'une expression de la contradiction capitalisme-communisme, une manifestation de l'antagonisme bourgeoisie-prolétariat.
De là surgit la position invariante de notre Parti contre la guerre et pour la révolution, que nous avons exprimée quant à nous, dans notre thèse 26 (cf. Thèses d'orientation programmatique):
"Les ouvriers n'ont pas de patrie, on ne peut leur ôter ce qu'ils n'ont pas. Toute défense de la nation, quelque soit le prétexte qui la sous-tend, constitue une agression contre la classe ouvrière mondiale. Sous le règne de la bourgeoisie, toutes les guerres sont des guerres impérialistes qui opposent deux ou plusieurs fractions ou groupes d'intérêts du capital mondial. Le prolétariat ne mène et ne revendique qu'une seule guerre: la guerre sociale contre toute la bourgeoisie. Indépendamment des intentions immédiates des protagonistes, les guerres ont comme fonction essentielle d'affirmer le Capital et de détruire objectivement et subjectivement la classe subversive au sein de cette société. En ce sens, plus que d'être de "simples" guerres entre Etats Nationaux, entre "libérateurs de la patrie" et "impérialistes", ou guerres impérialistes... elles sont, dans leur essence, guerres du Capital contre le communisme. Face à tous les antagonismes interbourgeois, entre fractions "progressistes et réactionnaires", "fascistes et antifascistes", "de gauche et de droite",... qui trouvent leur continuation logique dans la guerre impérialiste, le prolétariat ne possède qu'une seule réponse possible: la lutte intransigeante contre tous les sacrifices (contre toute trêve et toute solidarité nationales) le défaitisme révolutionnaire, le retournement des armes contre ses propres exploiteurs, contre ses oppresseurs directs. Le but du prolétariat est de transformer, pour la centralisation internationale de cette communauté de lutte contre le Capital, la guerre capitaliste en une guerre révolutionnaire du prolétariat mondial contre la bourgeoisie mondiale."
La guerre en elle-même, la déclaration ouverte des hostilités, contrairement à ce qu'en disent les pacifistes, ne constitue en rien un changement dans la nature même de la société bourgeoise; elle ne constitue en rien une rupture avec son progrès; ce n'est rien d'autre que le résultat le plus naturel du développement économique, de la concurrence, de la paix sociale et interbourgeoise.
Mais d'un autre côté, du point de vue de l'humanité, la guerre constitue un saut de qualité dans l'antagonisme entre le Capital et l'être humain, entre la bourgeoisie et le prolétariat, entre la guerre et la révolution. Et cela pour différentes raisons que nous pourrions schématiser de la façon suivante:
Comme nous l'avons expliqué, nous considérons cette polémique comme une fausse opposition; en réalité, toute guerre nationale sous le capitalisme, est tout à la fois une guerre interimpérialiste et une guerre de destruction du prolétariat. Ceci requiert quelques clarifications supplémentaires.
Ce n'est pas que chacune des fractions de la bourgeoisie mondiale, lorsqu'elle entre en guerre, cherche à détruire le prolétariat ou à provoquer une dévalorisation générale du capital, qui réussira à améliorer les conditions générales de valorisation. Ces fractions entrent généralement en guerre pour détruire leur adversaire dans la concurrence, pour s'approprier les moyens de production et/ou les marchés de leur concurrent, pour empêcher la dévalorisation de leurs propres produits en s'emparant, en partie ou dans leur totalité, des moyens de production de leur adversaire. Mais tout en tenant ceci pour des faits objectifs, et au delà de la conscience de ceux qui mènent la guerre, ils réalisent la tendance immanente de la production capitaliste, consistant à détruire les forces productives du Capital (moyens de production et force de travail), provoquant par là-même la dévalorisation du capital qui facilitera par la suite, la reconstruction et la valorisation du reste du capital mondial, détruisant en même temps le sujet même du communisme.
Pour mettre plus encore en évidence ce phénomène, considérons la base même de la société capitaliste. La société capitaliste ne peut exister en reproduction simple, comme nous l'avons dit précédemment, elle ne peut exister sans le développement des forces productives, sans révolutionner constamment le mode de production. La moindre observation historico-empirique permet de comprendre le fait que le progrès technologique est inhérent à la vie même du Capital. Néanmoins, du point de vue de la totalité, du point de vue du capital social, le progrès technologique n'améliore pas les conditions de rentabilité; tout au contraire, le progrès technique, dans la mesure où il se concrétise par une augmentation de la composition organique du Capital (nous faisons abstraction ici du cas où un développement de la composition technique du Capital est contrecarrée par une diminution de la composition en termes valeur), tendrait, s'il n'y avait un ensemble de conditions contredisant cette loi (telle l'augmentation du taux d'exploitation), à une diminution du taux de profit moyen mondial. La question qui surgira alors sera: pourquoi les capitalistes impulsent-ils le progrès technique, si cela tend à diminuer le taux de profit moyen et à dévaloriser même le capital existant (et ceci se comprend de soi-même, dans le fait que l'augmentation de la productivité du travail diminue la valeur, non seulement de ce qui va être produit, mais également de ce qui a déjà été produit, étant donné que la valeur n'est pas le temps de travail qu'une chose a nécessité pour être produite, mais bien celui dont on a besoin pour le produire à nouveau, pour le reproduire).
La réponse en est que l'essence du Capital est la concurrence, l'anarchie et l'opposition des capitaux, que le Capital n'est rien de plus que d'innombrables capitaux opposés et en lutte, et que ce n'est pas "le Capital en général" qui décide économiquement, mais chaque capitaliste ou chaque fraction du Capital en particulier, et que ceux-ci bien sûr sont effectivement intéressés au progrès technique puisque sur base de celui-ci, ils obtiennent une "plus-value extraordinaire". En effet, chaque capitaliste individuel ou (ce qui à un certain niveau d'analyse est équivalent) chaque fraction du Capital, en augmentant la force productive du travail qu'il exploite, permet que les marchandises produites dans son entreprise ou dans son secteur coûtent moins de temps de travail que la masse de mêmes articles produits dans les conditions sociales moyennes mondiales, ou dit d'une autre manière, permet que ce qui se nomme de façon erronée, la "valeur individuelle" se retrouve en dessous de sa valeur sociale. Mais comme la valeur réelle d'une marchandise n'est pas sa valeur individuelle, mais bien sa valeur sociale, (c'est-à-dire qu'elle ne se mesure pas par le temps de travail qu'elle contient effectivement dans la production de chaque cas individuel, mais bien par le temps de travail requis socialement pour sa production), la fraction du Capital qui a utilisé la technique la plus performante (et malgré le fait que pour l'augmentation de la production, il doive vendre pour quelque chose de plus élevé que sa "valeur individuelle") obtient les mêmes produits, et par là même, les mêmes valeurs que ses concurrents avec moins de travail: de là dérive la plus-value extraordinaire.
C'est dire s'il importe peu que les capitalistes poursuivent ou non l'objectif de développer les forces productives,... ils sont obligés de le faire! De la même manière, et bien qu'ils le fassent pour obtenir une valorisation particulière plus conséquente, qu'ils le veuillent ou non (et en réalité, ils ne le veulent pas!), les capitalistes provoquent une dévalorisation générale du Capital. C'est pour cela que bien avant nous, d'autres militants révolutionnaires ont compris que la contradiction du Capital réside en lui-même.
Parmi les tendances générales et nécessaires au Capital, il est essentiel de toujours distinguer, d'une part, la tendance à la guerre de dévalorisation et de destruction de son ennemi historique, et d'autre part, les formes dans lesquelles celle-ci se manifeste; c'est-à-dire que la forme dans laquelle s'impose la loi coercitive de la concurrence apparaît comme motivation dans la conscience des différentes fractions du Capital (constituées en cartels, trust, Etats nationaux, constellation d'Etats nationaux, etc.)
Et pour cette raison, pendant que l'ensemble de la société bourgeoise, s'occupe exclusivement des problèmes interbourgeois --interimpérialistes--, et qu'avant et pendant les guerres, les médias nous informent au sujet du rapport de forces entre les deux camps ennemis, ou à propos des parlottes gouvernementales et diplomatiques qui tentent de formaliser ce rapport de force en tels ou tels accords ou conventions de paix; nous autres, révolutionnaires internationalistes, au niveau le plus global, nous mettons l'accent sur le fait que la guerre impérialiste est une guerre d'affirmation du capitalisme, une guerre contre le prolétariat, contre le communisme.
La guerre est tout autant interimpérialiste que capitaliste et contre le prolétariat. Ce qui se passe est que face à cette réalité objective, chaque classe a objectivement ses propres intérêts, ainsi que son point de vue subjectif, son point de vue de classe. Pour cela, alors que la bourgeoisie (et l'opinion publique que celle-ci fabrique) se situe sur le terrain belligérant et interimpérialiste (terrain d'où proviennent les discours du Pape et des autres pacifistes, et plus généralement les accords diplomatiques), le prolétariat, et à plus forte raison les éléments les plus décidés et organisés de cette classe, c'est-à-dire les communistes, se situent ouvertement sur le terrain de la lutte révolutionnaire contre la guerre.
Le Groupe Communiste Internationaliste, en tant que partie de ce large travail accompli par notre Parti historique, depuis ses origines jusqu'à aujourd'hui, a centré ses efforts sur le défaitisme révolutionnaire, et a impulsé, dans ce cadre et de façon conséquente, la clarification théorique; c'est ainsi que nous avons publié des matériaux historiques de notre classe, nous avons toujours pris position contre toutes les guerres du Capital et, dans le mesure de ses forces, notre groupe a participé à différentes actions et réunions tendant à organiser les minorités révolutionnaires qui se situent à la tête du prolétariat, dans sa lutte contre le Capital et sa guerre.
Nous réaffirmons ici la cohérence générale des différents matériaux que nous avons publié en ce sens dans nos revues centrales, non seulement parce qu'il nous semble qu'ils contribuent à expliquer la guerre dans le Golfe, et ce qu'ils appellent maintenant (avril 1991) la paix dans cette zone, mais aussi parce qu'ils continuent à être essentiels pour comprendre le futur.
Outre les Thèses d'Orientation Programmatique de notre groupe, qui tentent de mettre en évidence de façon permanente la relation existante entre la contradiction capital-communisme, et guerre impérialiste-révolution sociale les matériaux que nous avons publié (et sans que cette mention prétende être exhaustive) comme partie de notre action générale contre le capitalisme et la guerre, peuvent se diviser en:
1) Travaux de fond sur le capitalisme et les guerres.
2) Défaitisme révolutionnaire et organisation de la communauté de lutte contre le Capital et la guerre.
3) Analyses des forces militaires et prises de position contre la guerre et pour la révolution.
A l'encontre de tous les discours bourgeois qui affirmaient qu'était enfin survenue l'époque de paix éternelle, le capitalisme a à nouveau démontrer sa véritable nature guerrière.
La guerre interimpérialiste, s'est confirmée une fois encore en tant que guerre du Capital pour sa conservation, en tant que guerre contre le prolétariat. C'est-à-dire qu'elle s'est vérifiée simultanément comme guerre de gros sous et de destruction des forces productives, comme vitrine internationale pour l'industrie d'armement et comme moment de massacre des prolétaires.
Pour une compréhension profonde des déterminants les plus globaux permettant d'expliquer la guerre du Golfe, une relecture de la polémique historique entre la tendance Hennaut et la tendance Jehan, à propos des "Causes des guerres impérialistes", ainsi que notre explication et notre prise de position à ce propos, nous paraît fondamentale (Le Communiste No.6). En continuité indispensable avec cela, nous renvoyons également à la lecture de notre texte "Capital, totalité et guerre impérialiste", dans ce même numéro (celui-ci), ainsi qu'à "Ils nous parlent de paix" dans Action Communiste No.2, ainsi encore qu'aux éditoriaux dans lesquels nous avons dénoncé la guerre et appelé au défaitisme révolutionnaire, tel celui de notre précédent numéro (Communisme No.32).
Quant aux gigantesques forces capitalistes en présence dans la guerre du Golfe, l'analyse de la puissance militaire des USA (et, plus particulièrement, de la réorganisation générale de l'armée, opérée dans ce pays afin d'assumer le rôle de super-gendarme de l'ordre bourgeois international) est suffisamment importante et décisive que pour renvoyer le lecteur à notre texte "L'armée et la politique militaire des Etats-Unis", dans Le Communiste No.12 et 13. Dans la guerre du Golfe, nous avons vu comme un tout, ce que nous présentions dans ces textes comme la réorganisation de l'armée et de la politique militaire des Etats-Unis; elle a trouvé là sa plus juste confirmation et application. L'unique chose qui ait varié, depuis cette date, au sein de la force militaire la plus puissante du monde, est l'importance croissante de la préparation militaire pour les conflits dits de "moyenne intensité" (tels le conflit du Golfe), en rapport avec les conflits dits de "haute intensité" (risque qui semble moins probable, avec la disparition du Pacte de Varsovie, disparition déterminée par les contradictions interimpérialistes à l'intérieur même du Pacte de Varsovie) et ceux de "faible intensité" (diminution de l'importance relative des groupes de guérilla); mais même cette variation n'est qu'une application de la flexibilité générale que nous analysons dans ces matériaux.
En abordant plus particulièrement ce thème à partir de la zone de guerre en question, il est indispensable de relire une série de nos articles dans lesquels, à contre courant, notre groupe a insisté sur l'importance énorme du développement de la contradiction "guerre et révolution" dans la région; dans ces articles, nous mettions l'accent sur la guerre capitaliste contre le prolétariat en Iran et Irak, alors que personne ne voyait autre chose qu'une guerre entre pays. Nous insistions sur le fait qu'il s'agissait d'une guerre contre l'action révolutionnaire du prolétariat dans la région (spécialement en Iran, où la bourgeoisie a joué la carte radicale de Khomeiny, face à une révolte prolétarienne qui réussit à désarmer une des armées les plus puissantes du monde), et par la suite, d'une guerre affirmant la contre-révolution. A travers tous ces textes, nous avons invariablement présenté la paix comme un moment de la guerre et, pour cette raison, lorsque s'est signée la paix entre l'Iran et l'Irak, et que l'on considérait généralement la question Iran-Irak comme terminée, nous avons quant à nous, tant sur base de notre conception globale (la paix et la guerre comme expression d'une même réalité capitaliste contre le prolétariat), que sur base des informations dont nous disposions via nos contacts (ils nous confirmaient que la mobilisation militariste continuait), continuer à insister et à faire des appels aux révolutionnaires pour poursuivre et organiser le travail de la communauté de lutte du prolétariat contre la guerre et la paix en Iran et Irak, et nous avons réalisé une réunion internationale dans ce but. A ce sujet, et alors qu'aujourd'hui on parle à nouveau de paix dans le Golfe, il est essentiel de lire le Manifeste fait par des camarades de la région en 1982 (Le Communiste No.14), ainsi que le texte "Iran - Irak: guerre de classes contre guerre impérialiste" (Le Communiste No.20), ainsi encore que celui sur le "Massacre à Hallabja" (Le Communiste No.27), parce qu'en se basant sur des informations directes en provenance de camarades de la région, on y met en évidence dans les différentes phases et moments du passé, qu'au delà de la contradiction entre les forces impérialistes qui mènent la guerre Iran-Irak, la contradiction principale entre guerre (et paix) capitaliste d'un côté, et prolétariat de l'autre, en arrive à des niveaux d'exacerbation impressionnants.
A partir de ce cadre d'analyse et depuis des années, notre groupe considère la région Iran-Irak comme une région clé dans le développement de la contradiction prolétariat-bourgeoisie, communisme-capital. En ce sens, la réalisation d'une campagne internationale contre la guerre capitaliste, et en particulier contre la guerre et la paix en Iran et en Irak, a été considérée comme un axe central du travail internationaliste (cf. Comunismo No.23 et Le Communiste No.25, et en particulier l'article "Invariance de notre travail international: quelques éléments pratiques pour concrétiser la proposition", ainsi que "Massacre à Hallabja" in Le Communiste No.27).
Bien qu'au niveau de l'analyse elle-même, il n'y ait rien de nouveau à ajouter, le développement de la guerre du Golfe, sa brièveté, la continuation des guerres interbourgeoises internes à cette zone appelle au moins, en tenant compte de la gigantesque falsification opérée par l'ensemble des médias, une description conséquente, à partir de notre point de vue de classe.
Une fois de plus dans l'histoire du capitalisme, on a envoyé à la boucherie et au massacre des dizaines, des centaines de milliers de prolétaires, au nom de la patrie de la paix, de la démocratie, de la libération de l'impérialisme et/ou de la dictature. Une fois encore, ce qu'il y avait derrière les milliers de prolétaires qui se tuaient entre eux, n'était rien d'autre qu'un problème d'argent, de beaucoup d'argent, de valeur luttant pour se valoriser, de guerre capitaliste, de guerre de capitaux.
Tout fut mis en place pour que le massacre généralisé soit le plus parfait possible. En août '90, l'Etat irakien a nettoyé les prisons. Les prolétaires considérés comme les plus dangereux politiquement ont été massacrés. C'était une pratique courante pendant la guerre avec l'Iran, qui avait été interrompue depuis la trêve conclue entre les deux Etats. Ensuite, l'Etat a amnistié la plupart des prisonniers dits "de droits communs" ainsi que bon nombre d'anciens déserteurs. Il leur a proposé quelques primes pour justifier tout cela, et a ensuite envoyé au front la totalité de ces soldats, pour la plupart, non préparés au combat.
Sur les champs de bataille en Irak et au Koweit, ces prolétaires (faut-il rappeler que les prolétaires immigrés furent parmi les premiers également à être recrutés par la force dans l'armée irakienne et envoyés au front?) étaient littéralement enterrés, obligés, le fusil dans le dos, de rester dans les tranchées creusées dans le désert: face à eux, des champs de mines pour tenter d'éviter les désertions et les redditions, et dans leur dos, les troupes d'élite (la garde républicaine), qui garantissaient l'exécution sommaire de quiconque reculait ou faisait mine de fuir.
Lorsque face à l'offensive terrestre, les forces de la Coalition crient victoire, et annoncent qu'elles ont déjà mis hors de combat les trois quart des forces régulières de l'ennemi, bien qu'il n'y ait parmi celles-ci que dix pour cent de la garde républicaine, elles ne font, de notre point de vue, que confesser cyniquement le fait que le massacre s'est principalement concentré sur des prolétaires en uniforme; ces cris de victoire ne font que confirmer que des dizaines de milliers d'êtres humains, sans la moindre possibilité de se défendre ont été conjointement sacrifiés par l'Etat irakien et par la Coalition. Du point de vue de l'Etat irakien, qui tirait hier encore contre ses propres troupes qui désertaient en masse, il s'agissait d'effectuer ce déploiement de force, afin que ces dizaines de milliers d'êtres transformés en chair à canon ralentissent (même de quelques jours) l'irrémédiable avancée de l'ennemi. Du point de vue de la Coalition, ces troupes immobiles enterrées, sans aucun type d'armes sophistiquées constituaient une cible facile, privilégiée, sur laquelle il était facile de tester l'ensemble de leur matériel à tuer sans risquer grand chose.
Bien avant le déclenchement officiel des combats, la population civile d'Irak a été prise en otage (en ce qui concerne les autres "otages" --les personnalités, les bourgeois-- ils s'arrangèrent entre eux et furent "libérés" (2)) et soumise durant des mois à une situation de pénurie généralisée au travers du blocus total, y compris alimentaire et sanitaire, organisé et contrôlé avec l'aval des Nations Unies par l'ensemble des pays de la Coalition. Et ici aussi le régime irakien se fera le relais du blocus en subordonnant l'ensemble de la vie aux exigences de sa guerre, en imposant un niveau de militarisation plus élevé encore de l'ensemble de la société, et en soumettant de la sorte et plus encore les prolétaires aux intérêts de la nation. On remarquera en passant que c'est cette impressionnante situation d'embargo et de blocus alimentaire que revendique une grande partie des pacifistes, situation à laquelle ils proposèrent de retourner, une fois commencé le bombardement et en pleine cohérence avec l'humanisme qui les caractérisent, pour poursuivre le blocus jusqu'au bout.
Quant aux bombardements eux-mêmes, on ne nous a pas caché les centaines de milliers de tonnes de bombes qui, semant la mort et la destruction, furent larguées sur les territoires d'Irak et du Koweit. Par contre, les médias firent tout leur possible pour convaincre la planète entière qu'il ne s'agissait que d'une "intervention chirurgicale" ne détruisant que des objectifs militaires. A partir de la même distinction hypocrite entre militaire et civil (ceux qui sont enrôlés de force par exemple sont "naturellement" considérés comme cibles militaires), la propagande vise à ce que le prolétariat du reste du monde accepte passivement le développement de ce massacre "éloigné". Face à cette propagande, nous savons quant à nous que ce sont nos frères de classe qui furent opprimés à l'extrême par la guerre, qui supportèrent ce cauchemar, et qui tombèrent sous ces tonnes de matériels de mort, larguées sur eux, jours après jours.
Etant donnée la faiblesse politico-militaire du bloc dirigé par Saddam Hussein, le prolétariat des pays de la Coalition n'a pas souffert directement des bombardements ou autres atrocités inhérentes à la guerre PHOTO (les quelques dizaines de morts ne concernent pratiquement que les troupes d'élite), mais a néanmoins encaissé une violente attaque de ses conditions de reproduction de la vie (et donc de sa lutte), concrétisée tout autant par une hausse du taux d'exploitation que par l'augmentation généralisée de la répression. La hausse du taux d'exploitation s'est principalement opérée via une augmentation exceptionnelle des prix --sans compensation salariale-- prétextée par l'augmentation du pétrole (qui à son tour, comme il est apparu de façon évidente, est due à des questions spéculatives et non à une pénurie ou à une diminution de la production), mais également dans quelques cas par la prescription directe de taxes ou d'impôts publics pour financer l'effort national de guerre. L'augmentation généralisée de la répression a été spécialement dirigée contre toute lutte attentant à l'unité nationale et contre toute insoumission à la politique de guerre. Les discours militaristes des différents gouvernements furent accompagnés aux Etats-Unis, en Turquie, dans les pays d'Afrique du Nord, en Thaïlande et dans différents pays européens par des mesures draconiennes et terroristes de persécution des déserteurs, d'emprisonnements de dizaines de milliers de prolétaires qui manifestaient leur rejet de la politique criminelle impérialiste de "leurs propres" patrons, de "leurs propres" Etats Nationaux. Enfin, durant cette courte période, l'Etat a intensifié les mesures de contrôle policier de l'ensemble de la population dans de très nombreux pays en même temps qu'il tentait par tous les moyens de détecter, de coincer et de terroriser tous ceux qui luttent contre "leur propre Etat", les militants internationalistes.
Quelle monstrueuse arnaque qu'au moment même où l'Etat Mondial organise la plus incroyable concentration d'engins de mort et de terreur au Moyen Orient, il se présente ailleurs comme le champion de l'antiterrorisme en général et poursuit sous ce prétexte les militants révolutionnaires!!!
En Turquie, en Tunisie, au Maroc, en Algérie,... la guerre a permis la répression directe des luttes prolétariennes de ces derniers mois. En Turquie, la fin 1990 et le début 1991 furent marquées par une série importante de grèves très dures et radicales principalement dans le secteur minier (Zanguldak), mais aussi dans l'industrie métallurgique et dans le secteur automobile. En Tunisie, au moment même où elles rejetaient les gendarmes de l'Etat Mondial représentés par la Coalition, les manifestations massives et régulières du prolétariat --expression du mécontentement généralisé--, furent violemment réprimées comme manifestations pro-islamistes, tendant de la sorte à les dévier et à les canaliser, et crédibilisant ainsi le mouvement Ennhadha, toujours extrêmement loyal au gouvernement. Une situation similaire prévaut en Algérie où le gouvernement, pour éviter un second "octobre '88", a mobilisé comme s'il participait lui aussi à la guerre, cantonnant et concentrant les troupes dans les grandes cités, rappelant les réservistes et obligeant les jeunes qui terminaient leur service militaire à prolonger leur présence sous les drapeaux de la nation. Le 14 décembre 1990 au Maroc, l'Etat réprime dans le sang la révolte prolétarienne qui s'y développait (40 morts).
En France, en Angleterre, en Belgique,... la bourgeoisie n'a pas non plus perdu son temps et a intensifié sa politique raciste et xénophobe. Ainsi par exemple, en Angleterre, on enfermait les réfugiés irakiens (faut-il rappeler que la majorité d'entre eux a fui les geôles du terrorisme d'Etat dirigé par Saddam Hussein?) dans des camps de détention (véritables camps de concentration) et que toute personne en provenance du Moyen Orient était considérée, fichée et poursuivie en tant que terroriste en puissance. Au même moment en Belgique, on menaçait d'expulsion plus de 6.000 marocains.
D'autre part, avec la guerre, des compagnies dont la rentabilité éprouvait déjà des difficultés, ont vu diminuer leur volume de vente et en ont profité pour reporter cette situation sur le dos du prolétariat. C'est ce qui s'est passé par exemple dans le secteur des compagnies aériennes. De Pan American à Air France en passant par la British Airways, elles ont annoncé des milliers de licenciements.
Aux Etats-Unis, le silence généralisé de la population en rapport à la politique guerrière du gouvernement, consensus dont on nous a tellement parlé dans la presse, n'a pas empêché ce même Etat de réprimer violemment de nombreuses manifestations contre la guerre (malgré que la majorité de ces manifestations aient été dirigées par des pacifistes) et d'arrêter quelques 15.000 personnes selon des médias cubains. Alors que durant les premiers jours de la guerre aérienne, on constate soudain et pour la première fois depuis des années un déficit alarmant, l'Etat réprime au même moment, et violemment, des groupes qui diffusent des tracts contre la guerre dans les centres de recrutement ainsi qu'aux soldats qu'on mène à la guerre, de gré ou de force. Une association de défense des soldats aux Etats-Unis dénommée "Horreo Courseling Network" dénonce le fait que "plusieurs centaines de militaires nord-américains qui se trouvaient en Allemagne furent embarqués de forces vers le golfe, pieds et poings liés, lorsque cela fut considéré nécessaire".
Néanmoins, comme nous l'avons expliqué, les protagonistes ne font pas la guerre parce qu'il leur passe par la tête de tuer des prolétaires (bien qu'il n'y ait pas de doute que dans de nombreux cas, ils se mettent effectivement d'accord pour le faire; particulièrement, lorsqu'il s'agit de réprimer une révolution prolétarienne, sur base d'un front militaire unique bourgeois), mais bien pour affronter leurs concurrents. Pour cela, et étant donné l'importance des affrontements capitalistes dans le Golfe, nous trouvons nécessaire cette fois, de faire une brève incursion dans l'analyse des contradictions impérialistes qui déterminèrent la guerre, sans que ces quelques lignes prétendent en constituer une explication suffisante.
Nous avons mis en évidence que le développement de la guerre du golfe (ou d'autres guerres à venir), en tant que guerre contre le prolétariat, ne constitue pas une surprise étant donné notre cadre d'analyse; nous allons voir maintenant qu'en ce qui concerne le développement des contradictions interimpérialistes qui menèrent à la guerre du golfe, il n'existe pas non plus de grandes surprises.
A ce propos, les analystes de la politique internationale (y compris évidemment des groupes qui s'auto-proclament révolutionnaires), se sont trouvés presque sans exception totalement désorientés par les changements d'alliances, par la disparition de telle ou telle unité, ou bloc, et par l'affirmation de la polarisation qui a mené, dans le golfe, à la guerre entre la Coalition dirigée par l'impérialisme yankee d'un côté et Saddam Hussein et ses alliés de l'autre.
De notre point de vue, au contraire, la réconciliation des forces impérialistes, qui a fait passer au second plan d'autres contradictions et a rendu possible la guerre du Golfe, ne constitue pas une surprise.
En effet, pour la société capitaliste, la remise en question des alliances d'hier est permanente, et se joue tout particulièrement face à toute exacerbation de la crise; le bouleversement des partages impérialistes effectués dans quelque cadre de paix que ce soit, est implicite à l'essence même du Capital et au type d'unité que celui-ci réalise. Comme nous le disons dans les "Thèses d'orientation programmatique", la bourgeoisie se trouve également en opposition générale avec le prolétariat par le type d'unité qu'elle est capable de produire, puisque alors qu'au sein du prolétariat, l'unité est le produit d'une communauté totale d'intérêts, l'unité des bourgeois est toujours quant à elle une unité contre d'autres, une unité d'intérêts opposés unifiés face à d'autres et qui, dans ces circonstances, apparaît comme prioritaire à affronter.
Notre thèse 19 dit:
"C'est ainsi que le caractère mondial du capitalisme engendre le prolétariat comme classe mondiale, sans aucun intérêt régional, sectoriel, national à défendre. A l'inverse du prolétariat, la bourgeoisie a non seulement réalisé sa révolution en affirmant ses intérêts particuliers, mais sa propre essence (la concurrence) l'oblige de manière permanente à s'entre-déchirer violemment et à s'affronter à tous les niveaux pour le repartage des moyens de production et des marchandises. L'unité entre bourgeois (sociétés anonymes, accords entre monopoles, Etats nationaux, constellations d'Etats,... Etat mondial) s'opère toujours pour affronter dans de meilleures conditions la guerre commerciale et/ou la guerre de classe. Cette unité peut à chaque instant éclater et mettre en pièce ses différentes fractions particulières. C'est pourquoi au plus est "unifiée" et généralisée l'action de la bourgeoisie, au plus contient-elle la division; toute paix n'est qu'une phase de la guerre future. Pour le prolétariat au contraire, toute action, même la plus partielle, contient en elle l'universalité..."Les changements, dont on parle tant à l'Est, ne signifient rien d'autre pour nous que l'exacerbation de la crise du Capital. La perestroïka ou toutes les pseudo-variantes de la politique économique du Capital, ne sont rien d'autre que des noms différents derrière lesquels s'applique la vieille politique bourgeoise d'austérité et de ceinture serrée propre aux époques de crise (sous le haut patronage universel du Fond Monétaire International!!!). De la même manière, dans la mort du Pacte de Varsovie et dans la lutte interbourgeoise interne aux pays de l'Est de l'Europe, qui ont indubitablement conditionné la redistribution des forces impérialistes et qui ont tout autant permis la guerre du golfe que le cessez-le-feu actuel, nous ne voyons qu'une confirmation de notre analyse.
Et nous pouvons dire la même chose à propos des successifs changements d'alliance au sein des différentes forces du Moyen Orient ou parmi les puissances occidentales qui ont envahi le Golfe Persique, changements d'alliance que nous commentons dans l'éditorial de Communisme No.32 et dans lequel nous décrivons, par exemple, la soudaine transformation de Saddam Hussein, le grand allié des Etats occidentaux, en un monstre machiavélique et fasciste, alors qu'au même moment ces mêmes Etats occidentaux flirtent et dansent avec les régimes terroristes de Syrie ou du Maroc au nom d'une lutte "contre la dictature". Autrement dit, ce ne sont pas uniquement les Etats d'Angleterre, de France, des Etats-Unis,... qui, au nom de la lutte contre la violation du droit international, composent la Coalition et qui, étant donné leur puissance terroriste, créent ce droit (qui n'est rien de plus que l'expression idéologique de ce rapport de force) et par là même légitiment facilement toute violation au nom de ce droit, mais aussi l'Etat de Syrie qui maintient son occupation sur le Liban, l'Etat d'Israël qui maintient depuis des dizaines d'années des territoires occupés en violation ouverte de ce même droit, l'Etat de Turquie qui assure le terrorisme à Chypre, l'Etat du Maroc qui fait ce qu'il veut à l'encontre de toutes les normes internationales au Sahara occidental; c'est-à-dire que toutes ces puissance constituent une Coalition qui ne peut même pas se présenter avec une légitimité propre, et ne peut apparaître au contraire que comme toute unité bourgeoise: comme une unité circonstancielle et sans principe à l'encontre d'un ennemi tout autant circonstanciel.
En même temps, il est indubitable que si cette contradiction circonstancielle prime aujourd'hui internationalement, c'est parce que la vieille contradiction guerrière (OTAN-Pacte de Varsovie) consolidée dans l'autre guerre ou, ce qui revient au même, dans l'autre paix (les accords de Yalta), n'était plus aussi importante que ce que beaucoup croyaient et pouvait passer au second, voire au troisième plan. Notre cadre d'analyse, invariablement basé sur l'essence du Capital, s'est toujours distingué des analyses superficielles qui ne pouvaient voir la guerre qu'en tant que guerre entre deux blocs fixes, l'un "capitaliste", l'autre "socialiste", ou un "pro-yankee" et l'autre "pro-russe" (3). Tous ceux qui jouent avec ces naïvetés journalistiques se voient désarmés aujourd'hui, tant dans leurs explications des guerres interimpérialistes qui se déroulent à l'Est, que dans la polarisation qui a rendu possible la guerre du Golfe. Ceux pour qui le monde était effectivement divisé en deux ou en trois (nous avons combattu ces préjugés idéologiques de façon permanente dans nos revues centrales ainsi que dans nos thèses --cf. la thèse 27 par exemple--) se voient aujourd'hui obligés de faire de la haute voltige "politique" à propos des changements de nature des pays de l'Est, ou autour de la fin du bloc de l'Est. Mieux encore, c'est le cas aussi pour ceux qui voyaient des différences essentielles dans la nature sociale des régimes de l'Est et de l'Ouest, les considérant soit comme "socialistes", soit comme "capitalistes d'Etat" (4).
Pour nous, au contraire, ce changement d'alliance, cette modification de blocs intercapitalistes n'a rien d'extraordinaire, mais ne constitue que la conséquence inévitable des déterminations essentielles du Capital et peuvent se vérifier tout au long de l'histoire de ce mode de production. C'est ce qui explique, par exemple, contre toutes ces idéologies, que la même puissance impérialiste (bien qu'elle s'appelle socialiste) puisse vendre des armes aux deux camps d'une guerre impérialiste locale (tel que l'a fait par exemple la Tchécoslovaquie dans la confrontation Biafra-Nigéria); c'est ce qui explique également les changements d'alliances en Ethiopie ou la pénétration impérialiste assurée par l'Etat de Cuba appuiera un moment "la lutte de libération du peuple d'Erythrée" et peu après, sur base de ses accords avec l'Etat d'Erythrée (accords déterminés à leur tour par l'avènement d'un gouvernement pro-moscovite) et au nom de la "défense de l'intégrité territoriale de l'Ethiopie", considérera ses alliés d'hier comme ses pires ennemis et les arrosera de plomb et de napalm. Nous pourrions multiplier jusqu'à l'infini ce type d'exemples au cours de ce siècle. Mais pour montrer l'invariance de cette caractéristique du capitalisme, il nous paraît plus adéquat de reprendre un exemple du siècle passé: le capital d'origine européenne en Amérique finit par s'autonomiser et par donner lieu à des guerres contre les fractions qui voulaient maintenir le statu quo. Dans tous les cas, il y a une rupture du Capital avec ses origines nationales. Ainsi le capital d'origine anglaise (et européenne en général), consolidé comme capital nord-américain, s'affronte au premier dans la guerre d'indépendance, et les capitalistes créoles en Amérique du Sud s'allieront avec l'Angleterre pour mener la guerre impérialiste d'indépendance contre l'Espagne.
"Ce n'est pas le lieu ici pour apporter notre grain de sable à la spéculation généralisée sur le devenir d'un déclenchement ou non de la guerre; simplement, il nous semble important de souligner que l'actuelle repolarisation du monde et les affrontements qui se préparent ne nous paraissent pas mûrs quant à la constitution de blocs et de mystifications réalisant l'objectif suprême de la bourgeoisie: mener le prolétariat mondial à la guerre. Sans pour cela sous-estimer l'adhésion qu'a suscitée Saddam Hussein pour d'importantes masses du prolétariat international, à cause de la haine que ceux-ci ressentent face aux états gendarmes des grandes puissances impérialistes, il nous semble que le "boucher de Bagdad" est bien trop brûlé face à ses propres troupes et sa population (de la même manière que le sont Yasser Arafat et Kadhafi), que pour atteindre les objectifs suprêmes du Capital. Cette affirmation n'exclut cependant pas le développement de la polarisation et des conflits militaires à court terme, mais vise à avertir du danger d'une polarisation bourgeoise internationale bien plus nette, bien plus "attrayante" et donc plus dangereuse pour le prolétariat mondial, si les mêmes drapeaux que ceux de Saddam Hussein sont repris par des fractions du Capital moins brûlées face à leurs propres populations."C'est-à-dire qu'au moment même où nous affirmions la nécessité du Capital de généraliser la guerre (et du point de vue de l'exacerbation de la crise et de la nécessité de dévalorisation, ce besoin est chaque fois plus violent), nous définissions également les limites que contenait la polarisation interbourgeoise de la "guerre du Golfe" du point de vue de sa capacité à encadrer le prolétariat, sans lequel la généralisation de la guerre est impossible. En tenant compte du développement des antagonismes au cours de la dernière décennie, nous considérions le camp de Saddam Hussein comme extrêmement faible, (aussi bien son leader bourgeois que son Parti) et nous estimions, à partir de là, qu'il lui était impossible de créer une alternative internationale, opposée à l'impérialisme judéo-chrétien, tel qu'il en avait la prétention. Tout ceci fut confirmé par le manque total d'appui qu'a obtenu le régime de Saddam Hussein, aussi bien sur le plan interne qu'au niveau international, et surtout dans le manque total d'esprit de combativité de "ses propres troupes".
L'initiative impérialiste de l'Etat d'Irak visant à envahir le Koweit fut elle-même le produit, non pas d'une force mais bien d'un ensemble de faiblesses, ce qui ne constitue pas non plus une surprise pour nous puisqu'en général ce sont les fractions bourgeoises qui ont les plus grands problèmes d'accumulation aussi bien que de contrôle de leur propre population qui se sentent obligées de rompre le cadre de la paix impérialiste par telle ou telle action armée, ce qui les dévoilent alors comme agresseurs et donne ainsi un avantage à l'adversaire dans l'affrontement militaire (depuis que le vieux Clausewitz l'a systématisé dans son livre "De la guerre", tout le monde sait que la défensive est une position stratégique supérieure à l'offensive). Ceci, c'est également vérifié dans les grandes guerres européennes de ce siècle nommées première et seconde guerres mondiales. Les puissances impérialistes les plus désavantagées par les paix antérieures, et par la-même les moins favorisées par le partage des forces productives et des marchés pré-existants, furent celles qui assumèrent l'initiative des premières invasions, ce qui les amena à concéder un avantage stratégique qui leur fut fatal.
En ce qui concerne l'Etat d'Irak également, la situation au niveau de la concurrence interimpérialiste était désastreuse et avait été aggravée par une détérioration des termes de l'échange qui se concrétisait en un bilan commercial et une balance de paiement chaque fois plus défavorables, ainsi qu'en une énorme dette extérieure calculée à 70, voire 90 milliards de dollars en août 1990. En ce sens, la rupture des accords sur les prix de l'OPEP par une partie des Etats les plus soumis à la politique impérialiste des puissances occidentales, tels le Koweit et l'Arabie Saoudite, était vue par la bourgeoisie irakienne comme une agression à tout son cycle d'accumulation. Avec l'invasion et l'annexion du Koweit (le diktat de nouvelles conditions à l'Arabie Saoudite), l'Etat d'Irak prétendait globalement changer cette situation et non seulement se réapproprier de nouvelles forces productives (combustibles, matières premières, ainsi qu'une sortie sur la mer), mais aussi augmenter le pourcentage de la production de pétrole contrôlée par la bourgeoisie de ce pays, améliorer le rapport de force au sein de l'OPEP ainsi que le rapport de force de ce dernier face au monde, et revaloriser ainsi sa source première de devises. Simultanément, face au prolétariat, l'Etat irakien prétendait trouver de nouvelles raisons pour justifier sa militarisation permanente et consolider une nouvelle opposition "contre l'impérialisme" en cherchant une adhésion nationale qu'il n'avait jamais réalisée, bien que ce régime ait détruit militairement la grande vague de défaitisme révolutionnaire qui avait déferlé sur le pays peu avant, et dont nous avons beaucoup parlé dans nos textes sur l'Iran/Irak.
Il est clair que du point de vue du cycle du Capital mondial, cette invasion était une remise en question trop généralisée que pour la laisser passer. La perte de contrôle, d'une partie aussi importante des moyens de production, amenant un énorme pourcentage de pétrole sous le contrôle d'autres fractions, impliquait une gigantesque attaque du cycle d'accumulation d'une partie également très importante de la bourgeoisie mondiale. Tout cela, ajouté aux intérêts géopolitiques des grandes puissances du Capital, faisait que, quelques soient les différentes négociations particulières qui se déroulaient entre les différentes forces en présence (cf. le démenti des négociations entre Saddam Hussein et la puissance militaire des Etats-Unis par l'intermédiaire de leur ambassade au Koweit, négociations dans lesquelles les Etats-Unis se seraient engagés à ne pas utiliser la force militaire), l'invasion du Koweit par l'Etat d'Irak devait être nécessairement considérée comme une gigantesque agression des intérêts bourgeois des autres puissances impérialistes.
Du point de vue des Etats-Unis, ces faits composent un ensemble de circonstances idéales pour affronter les grandes difficultés que l'Etat rencontre dans la gestion du Capital de cet espace productif, et pour fortifier sa puissance impérialiste. En rapport à cela, il faut souligner les points suivants:
Quant aux autres fractions internationales du Capital et concernant leur alignement sur les Etats-Unis, entrer dans de plus amples détails ne nous intéresse pas non plus. En ce qui concerne les raisons plus générales, il est évident que l'invasion du Koweit, si elle s'était maintenue et transformée en occupation, aurait pu affecter très sérieusement le cycle du Capital international, car l'établissement d'un autre rapport de force sur le prix du pétrole aurait impliqué une redistribution de la plus-value extraite internationalement en faveur des bourgeoisies contrôlant la matière brut, probablement à l'encontre de celles qui le distillent, et beaucoup plus sûrement en tout cas, face à celles qui dépendent industriellement de ce produit. Le fait que l'ONU soit apparu bien plus comme une agence des Etats-Unis que comme le sac de noeuds habituel où s'expriment diplomatiquement les antagonismes interimpérialistes, s'explique fondamentalement par cette peur générale qui déterminait à son tour toutes les fractions à coïncider dans le rétablissement de l'ordre impérialiste préalable au 2 août. De la même manière, il est évident que les vieilles alliances en vigueur, fortifiées pour l'occasion (OTAN), pesèrent autant que l'unité sans aucun principe contre un ennemi commun (cf. le fait qu'on rencontre dans le même bloc militaire contre Saddam, les Etats de Syrie et d'Israël, par exemple).
Une grande puissance pétrolière comme l'URSS aurait bénéficié à moyen et à long terme de l'occupation et n'avait donc aucune raison de s'aligner contre Saddam Hussein. Si, en tant qu'Etat, sa position fut au début de légitimer la force impérialiste de la Coalition, ce fut principalement dû, primo à la fragilité objective de sa propre puissance impérialiste, faiblesse qui l'empêcha, du fait de ses contradictions internes, de se présenter comme force unifiée, et secundo, au fait que la fraction gouvernementale semble représenter chaque fois plus les intérêts les plus dynamiques du Capital mondial, en s'opposant même aux intérêts protectionnistes de l'espace productif local. Néanmoins, au fur et à mesure que cette légitimation de la Coalition contre l'Irak se vérifiait comme une cession objective de droits impérialistes face à son rival traditionnel, qui pour la première fois se consolidait comme gendarme total (tendance au passage d'une hégémonie internationale partagée à un quasi monopole de celle-ci) y compris à ses propres frontières, les critiques des fractions militaristes (liées à la direction de l'armée, à la sécurité interne et à la marine) et de "l'establishment" militaro-industriel, commencèrent à redoubler de violence et même la presse s'en fit l'écho. On dit alors publiquement que la situation dans le golfe attentait à la sécurité de l'URSS et la revue des forces armées soviétiques alla jusqu'à écrire que la direction de la politique étrangère était "la moins intelligente jamais développée par un Ministre des Relations Extérieures, tsaristes et soviétiques compris". Cela obligea le gouvernement à tenter --sans succès-- de redorer quelque peu l'image de l'Etat, en tant que grand protagoniste des décisions impérialistes dans le partage du monde, et c'est ce qui explique le spectacle tragi-comique qu'a joué le gouvernement d'URSS en accumulant des propositions successives de paix et de cessez-le-feu. Mais aucune de ces tentatives ne pouvait aboutir parce puisqu'il n'existait pas de force militaire suffisamment décidée, que pour parvenir à imposer un cessez-le-feu, plus en accord avec ces intérêts contradictoires.
La guerre capitaliste profite non seulement au Capital en général pour les raisons qu'on a vues, ainsi qu'aux fractions victorieuses de la contradiction interimpérialiste, mais également à un ensemble de capitaux particuliers qui font de grandes affaires commerciales en temps de guerre et de reconstruction.
Lorsqu'on formule cette affirmation, on pense bien sûr immédiatement aux fractions liées directement à la question militaire tels les capitaux destinés à la production d'armements et les secteurs militaires proprement dits, qui sont tous, sans exception, bénéficiaires de l'augmentation du budget militaire; mais on pense rarement à un autre ensemble de fractions qui profitent directement de la guerre. Ainsi, par exemple, même quand on sait que les grandes fabriques de véhicules produisent, partout dans le monde, des blindés, des véhicules pour les transports de troupes, des avions etc. et bénéficient directement de la guerre, on oublie par contre souvent que ces produits requièrent, pour leur production, d'autres matières premières et que les capitaux propriétaires de ces dernières sont également bénéficiaires directs de la guerre. En conservant l'exemple des véhicules, on voit qu'ils englobent dans leur production, des roues, du caoutchouc, de l'acier, des plastiques, des ordinateurs, des services bancaires ou comptables, etc. Dans chacun de ces innombrables secteurs, des dizaines, et parfois des centaines, de grandes et de petites entreprises fabricantes ou sous-traitantes, chargées de fournir des pièces ou des parties de pièces, se disputent le marché et nombre d'entre-elles augmentent leurs ventes et leurs bénéfices avec la guerre.
D'autre part, la guerre du golfe, mobilisa et militarisa des centaines de milliers d'hommes et les maintint (et les maintient encore, qui sait jusqu'à quand!), très loin de leurs sources d'approvisionnement; tout cela met en évidence la gigantesque ampleur du problème logistique. Il existe en rapport avec cela, une autre quantité de capitaux qui firent d'excellentes affaires avec la guerre en augmentant spectaculairement leur volume de ventes en articles ou services, tels par exemple le transport d'eau potable, les aliments en conserve, etc.
C'est pour cette raison que les nouvelles de la guerre furent si bien accueillies par les différentes fractions bourgeoises. Nous ne savons pas si l'information donnée par certains moyens de diffusion est exagérée ou non, mais toujours est-il que selon certains journaux, le jour suivant le 2 août, à Houston, Texas, centre névralgique du raffinement de pétrole aux USA, il n'y avait plus une seule bouteille de champagne dans les magasins, parce qu'on avait fêté la réactivation de l'activité dans les entreprises de la ville, réactivation attendue et dont on espérait que le conflit du golfe la provoquerait. Ce qui est sûr en tout cas, c'est que quelques mois plus tard, les bourses du monde entier accueillirent avec une espérance euphorique le début des hostilités dans le golfe. Ainsi Thomas Mc Carrol, dans un article publié dans El Pais du 27 janvier écrit:
"Le matin suivant celui du lancement de l'attaque aérienne menée par les Etats-Unis sur l'Irak, l'assistance de la bourse de New York commença la journée par une minute de silence en l'honneur des troupes nord-américaines dans le golfe. Ce moment de recueillement fut la seule pause de la journée. La campagne d'ouverture fut immédiatement suivie d'une vague de cris: ACHETER! ACHETER! ACHETER! Lorsque l'agitation se calma, la Bourse avait connu un des jours les plus actifs de son existence. L'indice Dow Jones subit une augmentation de 114 points, le deuxième gain le plus élevé de tous les temps... 'Il semble que c'est le meilleur panorama possible qui se présente', déclara James Bellini, chef des achats et ventes de valeurs de la firme Dain Bosworth... Les bourses de valeurs et marchandises du monde entier partagèrent l'euphorie de la Grande Bourse... En Allemagne, la Bourse de Francfort enregistra la meilleure avance en un seul jour de son histoire et gagna en une semaine plus de 1,6% alors que l'indice Nikkei de Tokyo grimpa de 2,4%."Pas besoin d'être spécialiste en chiffres d'affaires bourgeois pour comprendre la signification des records historiques, liés au déclenchement de la guerre. Pas besoin non plus d'être économiste pour constater que la fameuse CNN et d'autres chaînes de télévision animèrent, durant tous ces jours de guerre et de massacre de notre classe, une véritable "foire aux armes", un énorme marché industriel et électronique qui, pour la première fois dans l'histoire à un niveau aussi massif, servit d'étalage à d'innombrables armes, projectiles, machines, moyens de transport et équipements hautement sophistiqués, toutes choses qui se répercutèrent en milliards de dollars d'augmentation des ventes pour l'industrie nord-américaine; c'est pour cette raison également que les résultats furent extraordinaires dès les premiers jours de guerre (5). C'est ce que nous relate Julian Martinez dans la rubrique économique d'El Pais du 27 janvier:
"Les résultats des premiers jours du conflit guerrier ne pourraient être plus optimistes pour le secteur de la défense (sic). Pratiquement toutes les valeurs liées à l'industrie militaire ont monté à Wall Street, quelques unes avec des hausses de 37% dès les premiers jours de la guerre, comme ce fut le cas de la General Dynamics, fabricant des puissants missiles de croisières Tomahawk, des chasseurs F-111 et du tank M1. Son rival, la Mac Donnell Douglas, a grimpé de quelques 25% grâce à sa vitrine qui inclus les chasseurs F-15, les F-18, l'hélicoptère Apache et également les missiles de croisière Tomahawk. Les entreprises de bombes à impacts multiples, d'équipements d'orientation et de guidage électronique ou d'antennes et de systèmes de navigation aérienne ont également répondu à la hausse sur les marchés des valeurs. Et l'on s'attend à ce que, lorsque l'armée et la marine entreront en action, les entreprises d'armes nouvelles bénéficient également de cet essor boursier (on voit bien ici en quoi chaque secteur du Capital possède des intérêts particuliers y compris par rapport à un type particulier de guerre NDR). Les constructeurs de la star de la guerre, le missile Patriot, sont spécialement contents de l'énorme impact publicitaire de leur produit partout dans le monde. Et les entreprises qui fabriquent des éléments de ce missile -Raytheon et Martin Marietta, premier et second constructeurs- sont cotées à la hausse à Wall Street."Il ne faut pas non plus être un grand érudit pour savoir que si ces merveilleuses attentes n'ont pas été comblées, c'est parce que la situation de l'économie mondiale est catastrophique et que la guerre du Golfe n'a pas été suffisamment importante pour inverser le cours des choses. Le niveau de guerre et de destruction dont le Capital a besoin pour se régénérer et éradiquer sur cette base la dépression actuelle est infiniment plus grand.
En ce qui concerne le grand commerce de l'après-guerre, il vaut la peine de signaler qu'en pleine guerre, alors qu'on continuait à accumuler des cadavres par milliers et à détruire non seulement des objectifs militaires mais également toute l'infrastructure industrielle et de communications ainsi que le réseau sanitaire, les grandes entreprises mondiales, tels de gigantesques vautours qui se disputent les carcasses et déchets dans les camps où gisent les corps, entraient dans une guerre effrénée pour la répartition des contrats de reconstruction. On estime à quelques cent milliards de dollars les contrats multinationaux qui ont été signés pour la reconstruction de l'infrastructure du Koweit, et à plus de deux cent milliards les arrangements financiers pour la "remise sur pied" de l'Irak.
Les vautours marchands ne patientèrent pas un instant avant de se répartir la charogne. Ils n'attendirent même pas que les anciens alliés du camp militaire se transforment en ennemi. Lorsqu'arriva l'heure de se répartir les juteuses dividendes du plus grand de tous les commerces capitalistes, la guerre et la reconstruction, ils se précipitèrent sans hésitation sur leurs proies.
J.D. dit dans Le Monde Diplomatique du mois de mars 1991:
"... Des plans se multiplient pour reconstruire le Koweit et renforcer la puissance saoudienne. Au coeur du dispositif militaro-industriel, l'énorme firme Bechtel, dont le passé politico-financier dans la région est chargé. Mais aussi, Motorola, McDonald Douglas, General Dynamics, ATT. Il y aurait 45 milliards de dollars à "ramasser" dans le seul émirat. En Arabie, les promesses sont tout aussi juteuses, car Ryad entend renforcer son aviation et acheter quelques centaines de chars supplémentaires. Nul ne parle encore de la reconstruction de l'Irak, si tout le monde y songe. Seuls les libéraux impénitents, décidément malmenés dans cette affaire, regretteront que ces contrats ne se règlent pas dans le respect du droit -le droit de la concurrence. Or, dans tous les cas, Washington impose ses vues: l'Arabie ne serait pas confiée, comme il en fut question, à une firme française, mais à E-Systems de Dallas. La modernisation des téléphones? Français et suédois étaient sur les rangs mais le secrétaire américain au commerce puis Georges Bush lui-même sont intervenus: ATT et Motorola ont désormais leurs chances. Le premier ministre britannique aurait dit son mécontentement. Ce fidèle allié, pourtant... Tous comptes faits, morts mis à part, la guerre sera peut-être une opération blanche pour les Etats-Unis. Outre qu'ils la font payer à nombre de pays, ils vont bénéficier d'énormes dividendes privés qui épongeront les dépenses publiques. Dieu merci, demeure la défense du droit, faute de quoi l'envie prendrait de se livrer à de simplistes réflexions, sacrilèges en ces temps d'union sacrée internationale."C'est-à-dire que l'union sacrée internationale ne fut valable que contre Saddam et, comme s'en plaint Le Monde Diplomatique, c'est maintenant à nouveau la loi de la jungle qui prime entre les capitalistes. Les plus forts militairement, ceux qui ont investi le plus dans le grand commerce de la guerre, obtiendront les meilleures dividendes.
En effet le type de processus de citoyennisation du prolétariat qui prédomine aujourd'hui et que nous avons décrit dans de précédents numéros de Communisme (6), coïncide avec une phase de désertion massive des prolétaires hors des vieux appareils bourgeois d'encadrement tels les partis et syndicats dont l'importance relative s'amenuise de fait. Ce processus tend également à ce que la vie soit chaque fois plus séparée, plus individuelle, plus familiale, plus enfermée dans chaque maison,... Tout cela mène les moyens de diffusion, et en particulier la télévision, à se transformer en appareils décisifs --liés à leur propre armée-- dans l'encadrement, la mobilisation et la militarisation du prolétariat.
Auparavant, l'intermédiaire principal entre l'ouvrier et sa mobilisation, sa militarisation guerrière, était le parti ("ouvrier" de préférence), le syndicat, le "mouvement" (7). La presse et la radio n'étaient que des appuis pour améliorer l'efficacité de ces organisations. Mais plus se développe l'individualisme, le "chacun-chez-soi", plus la télévision et les autres instruments de fabrication des idées se transforment en intermédiaires centraux pour mobiliser le prolétaire pour la patrie et l'envoyer à l'armée et à la boucherie. Il faut tenir compte du fait que la citoyennisation et l'isolement général mènent à de tels extrêmes que, pour nombre de prolétaires qui n'ont aucun centre d'échange et de discussion sur ce qui se passe, la télévision (et d'une façon secondaire la radio et les journaux) apparaît de plus en plus comme l'unique (fiction de) relation ("humaine") avec le monde extérieur.
Globalement, les campagnes réalisées par les moyens de communication tendent à dissimuler les causes réelles et fondamentales de ce qui se passe (toujours liées à l'essence de ce système social) et à chercher des coupables chez tel ou tel individu; en fonction des va-et-vient de la politique internationale de leur Etat, ces campagnes tendent ainsi à nous présenter les actions de l'ennemi comme barbares, criminelles, dictatoriales,... terroristes et à excuser parallèlement la barbarie criminelle de son propre camp impérialiste en la présentant comme une action humanitaire, une lutte contre la dictature et pour la démocratie,...
Dans la guerre du Golfe, plus encore que dans les guerres antérieures (Vietnam, Malouines, Grenade, Panama, Afghanistan,...), les chefs d'Etats, les responsables des états-major des Forces Armées ont porté une attention toute particulière aux moyens de communication, transformés pour l'occasion en de véritables instruments de lavage de cerveau, de mobilisation et de militarisation.
Si lors des invasions nord-américaines à Grenade et à Panama, le Pentagone avait déjà exigé et obtenu auprès des journalistes de son camp qu'ils n'utilisent pas le mot "invasion" mais bien "intervention", pour cette guerre-ci, les journalistes de la Coalition allèrent beaucoup plus loin et utilisèrent ouvertement des "nous-autres" et des "les nôtres" pour faire référence aux troupes de la Coalition. De la même manière, différents généraux du Pentagone se succédèrent sur les diverses chaînes de télévision, transformées pour l'occasion en de véritables officines des relations extérieures du commandement impérialiste. Les journalistes adoptèrent alors progressivement le langage des généraux et c'est ainsi que les bombardements devinrent des "attaques chirurgicales", que les morts civils se transformèrent en "pertes collatérales", et les zones non encore bombardées, en objectifs "lucratifs". Face à l'image du visage tuméfié d'un aviateur nord-américain fait prisonnier et montré à la télévision, on parle de "crime de guerre" (!!!), mais au même moment, les bombardements terrorisants et meurtriers sur Bagdad sont présentés comme le fait de multiples "incursions" des "combattants de la liberté"!!!
Rien ne fut livré au hasard. Chaque parole, chaque image fut scrupuleusement analysée, contrôlée, censurée,... et dans quelques cas même, lorsqu'aucune image ne cadrait avec le message que la direction militaire et politique avait décidé, on alla jusqu'à fabriquer de toute pièce, en laboratoire, l'image qui convenait le mieux.
Les patrons des moyens de diffusion, les administrateurs, les speakers, les journalistes et autres chiures accomplirent fidèlement et de tout leur coeur, l'adaptation et la présentation de la réalité en fonction des nécessités du commandement militaire. On a dénoncé le manque d'indépendance, l'hypocrisie, la soumission, le cynisme des hommes de la presse,... nous pensons quant à nous qu'il est plus adéquat de parler de militarisation totale et complète de cet appareil de domination, d'intégration achevée à l'action militaire de l'Etat impérialiste. Les journalistes accomplissent chaque fois plus un véritable rôle de cadres intermédiaires de l'action militaire, d'officiers à la fois serviles et obéissants à leurs supérieurs, de courroies de transmission visant à faire du prolétaire, un patriote, un soldat, un assassin.
Face à cette symbiose chaque fois plus aboutie entre l'armée et les chaînes de télévision, entre les généraux des forces armées et les hommes de spectacle, entre les commandants militaires et les journalistes, il s'agit de se demander si le prolétariat insurrectionnel devra traiter les agents des moyens de diffusion comme il a toujours traiter les officiers de l'armée qui l'envoyaient à la boucherie, c'est-à-dire en retournant ses armes contre eux? La réponse nous sera donnée dans l'histoire future de la guerre et de la lutte contre la guerre, mais il est clair que cette réponse est déjà contenue pour nous, dans la guerre actuelle.
Nous pourrions multiplier ici les exemples toujours plus impressionnants de ce que ces artistes du spectacle ont fait pour "modeler" l'information en fonction des nécessités de la patrie et de la guerre, mais nous nous contenterons ici de signaler quelques cas caricaturaux. Nous ne nous attarderons pas sur les mensonges qu'ils formulèrent et auxquels eux-mêmes croyaient, comme ce fut le cas lorsque, la nuit du déclenchement du bombardement aérien sur l'Irak et le Koweit, leurs chefs au Pentagone annoncèrent que 90% du potentiel militaire de l'ennemi avait été mis hors de combat, chose qu'ils annoncèrent sur plus de 90% des télévisions du monde. Nous ne nous étendrons pas non plus sur les louanges de la totalité des hommes de presse à propos de "l'héroïsme et le sacrifice des pilotes de la Coalition" (quel courage que de laisser tomber des bombes d'un pouvoir destructif absolu, à partir d'une hauteur de dix milles mètres!). Cela ne vaut pas non plus la peine d'insister sur la partialité totale avec laquelle s'est montée toute une propagande sur l'utilisation des armes chimiques de la part de Bagdad (ce qu'il ne fit jamais, excepté contre ses propres troupes et sa population), alors qu'on a tu l'utilisation de Napalm (ce n'est sans doute pas une arme chimique!?) de la part des alliés. Nous n'insisterons pas non plus sur la partialité dans la présentation de "l'horreur que vit la population d'Israël" (en ne parlant que des juifs parce qu'ils faisaient partie du bloc occidental, évidemment; l'horreur du côté des palestiniens ne devait pas être considérée comme une horreur, à tel point qu'il fut décrété qu'il n'y avait pas de masque à gaz pour eux), alors qu'on cachait systématiquement la barbarie déchaînée sur la population d'Irak.
Non, tout cela constitue la normalité de ce grand corps d'élite de l'armée occidentale et chrétienne. Nous allons plutôt ici dénoncer quelques records battus dans cette manipulation de l'information. Nous savions déjà qu'ils créaient des images, que nombre d'entre elles, montrées à la télévision n'étaient rien d'autre que des constructions de laboratoires informatiques. Ce fut le cas par exemple des images où l'on nous montra des projectiles tombant au millimètre près sur l'objectif militaire visé: il s'agissait en réalité de films effectués il y a plusieurs années aux Etats-Unis. C'est ici que ces Goebbels du petit écran ont sans doute battu un record: lorsqu'il leur intéressa d'accuser l'adversaire non seulement de répandre le pétrole, mais aussi de vouloir exterminer la nature (8), ils nous montèrent toute cette sombre et apitoyante histoire autour d'un oiseau enduit de liquide noir et qui sortait moribond de la mer. Cette vision du monde, représentée par l'oiseau moribond, et que seuls "les mauvais" de la guerre peuvent désirer, a alors fait le tour du monde. Il ne fait pas de doute qu'ils émurent plus cette grande prostituée qu'est l'opinion publique avec ce pauvre oiseau qu'avec n'importe lequel des morts qu'ils ont filmé (et des morts réels, on ne parle pas évidemment!). Jusqu'à quelle extrême peut mener la manipulation, la gigantesque imbécilisation collective produite par le Capital!!! Et tout a bien marché,... jusqu'à ce qu'un spécialiste vienne confirmer que ce type d'oiseau n'existait pas dans la zone du golfe, qu'il était spécifique aux côtes européennes,... et qu'il fut donc mis en évidence que même cette histoire était une création stratégique de laboratoire, lancée à des fins politico-militaires.
Une autre question digne de l'anthologie de cette guerre est constituée par la soudaine découverte générale autour des massacres qu'avait réalisé le régime de Saddam Hussein, massacres que nous avons dénoncé durant des années, à contre-courant, et pour lesquels on nous accusait d'invention ou d'exagération. Nous avons dénoncé pendant des années les dizaines de milliers de morts provoquées (durant la guerre et après la signature de la paix entre l'Iran et l'Irak) par les bombardements effectués par l'Etat Irakien contre sa propre population, et nous avons également dénoncé la destruction systématique de dizaines de villes et de petits villages. Parler de dizaines de milliers de morts, de centaines de villes détruites, était considéré comme une énorme exagération, y compris au moment où nous avons appelé à participer à la réunion internationale que nous avions organisée contre la guerre et la paix dans la région. En réalité, personne ne parlait de cela quand tout à coup, au cours de cette guerre, la presse bourgeoise occidentale a soudainement "découvert" les massacres qu'elle avait occulté pendant des années. Ce n'est rien de moins que "Le Figaro" (accusant ses alliés d'hier et excusant ceux d'aujourd'hui) qui nous dit dans son édition du 8 mars 1991:
"Ni en Iran (sic), ni en Syrie (sic), ni en Turquie (sic), les kurdes n'ont connu une telle brutalité dans la répression. Elle atteindra son horreur maximum à la fin de la guerre Iran-Irak, en 1988. En mars, alors qu'il remporte victoire sur victoire contre les troupes de Khomeyni, et s'apprête à les contraindre au cessez-le-feu, Saddam se sent enfin les mains libres pour nettoyer le Kurdistan. (...) Deux bonnes raisons pour les mater. 'Les rebelles kurdes sont des fourmis, nous allons les écraser', prévient sans ménagement un général irakien. Et comme pour des fourmis, Saddam emploie l'arme chimique. Plus de 5.000 morts dans la seule ville d'Hallabja, entièrement détruite, et reconstruite trente kilomètres plus loin sous le même nom; 4.000 villes et villages sont rasés, rayés de la carte, les populations transférées dans d'autres zones plus faciles à contrôler pour l'armée irakienne. Les familles misérables s'entassent dans des lotissements sinistres, fenêtres coupées de barreaux, larges rues où, au moindre remous, viennent se positionner des chars. En plein désert, l'Irak a installé pour les plus rebelles de véritables camps de concentration, camouflés en bases militaires. Selon Sami Abdulrahman, secrétaire général du parti du peuple du Kurdistan, 50.000 kurdes ont disparu dans ce goulag des sables."Ceci n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. En réalité, l'ensemble de la grande presse du monde occidental et chrétien, mobilisée dans la croisade guerrière, a soudain découvert ce qu'elle avait caché pendant des années, et en même temps, les chefs d'opposition nationalistes kurdes étaient pour la première fois bien reçus dans les centres du pouvoir impérial occidental, et au Pentagone lui-même. Leurs déclarations rencontraient un écho à la télévision et dans les autres moyens de fabrication de la vision de la réalité de l'opinion publique.
Si la guerre, dans sa phase plus générale d'affrontement entre les troupes de la Coalition et celles de l'Etat d'Irak, a trouvé une limite (quand nous écrivons ce texte la guerre entre différentes fractions bourgeoises à l'intérieur de l'Irak se poursuit), c'est sans doute dû à l'absence totale d'adhésion qu'a rencontré la politique impérialiste de Saddam Hussein et à la faiblesse consécutive de son bloc, ce qui a permis à l'adversaire d'atteindre ses objectifs avec beaucoup moins de dégâts que prévu.
Nous avions déjà annoncé et prévu la faiblesse du bloc impérialiste dirigé par l'Etat d'Irak, précisément parce que Saddam Hussein était complètement brûlé aux yeux de ses troupes et de la population (cf. l'éditorial deCommunisme No.32). Aujourd'hui, il ne fait aucun doute que cela constitua le frein déterminant dans la continuité de la guerre.
Nous ne considérons pas nécessaire de nous étendre ici sur l'importance décisive dans la guerre impérialiste de l'adhésion du prolétariat sans laquelle il n'y a pas de guerre, étant donné que depuis le champ de bataille jusqu'à la production, tout le poids de la guerre bourgeoise repose sur les épaules du prolétariat.
Et en Irak, une dizaine d'années de guerre et de lutte contre la guerre ne s'étaient pas déroulées en vain. Les centaines de milliers d'ouvriers sous l'uniforme n'étaient plus prêts à se sacrifier pour la cause nationale de la guerre, pas plus sous la menace des coups que sous celle des fusils braqués dans leur dos. Dès les premiers combats, l'unique information non-officielle que nous recevions d'Iran et d'Irak confirmait que ceux qu'on avait envoyé de force au front tentaient de s'échapper, qu'il y avait des désertions, des exécutions et, bien avant que les deux camps ne puissent plus cacher qu'il n'y avait plus de troupes disposées à combattre du côté irakien et qu'on ne constate publiquement des redditions en masse, des camarades de la région affirmaient que le massacre prenait des allures d'extermination, que la troupe se trouvait prise entre deux feux: celui de la Coalition et celui de la Garde Républicaine.
A vrai dire, du point de vue de l'Etat d'Irak, tout s'est mal passé dès le départ: aucune adhésion internationale décisive sur le plan politico-militaire (les quelques adhésions rencontrées, telle celle de l'OLP, n'avaient aucun poids); échec de la tentative pour faire entrer Israël dans la guerre, et de former de cette manière un front général face à lui; très peu de crédibilité au sein des masses internationales autour du prétendu anti-impérialisme de Saddam Hussein, ce qui se traduisit également par une absence totale de réponse positive à ses différents appels, y compris ceux portant sur la réalisation d'attentats, etc. La Garde Républicaine elle-même ne montra pas de véritables velléités et dispositions à combattre; ici aussi, la désertion fut plus ample que prévue au départ.
Etant donnée la constitution même de la Coalition, composée de tous les grands gendarmes internationaux de l'impérialisme (des USA à la France, de l'Angleterre à la Belgique, et avec la complicité de l'URSS) et la haine séculaire que le prolétariat mondial ressent à leur égard (ce sont en général ces grandes puissances qui -lorsque les Etats nationaux étaient dépassés par une situation insurrectionnelle- intervenaient et interviennent toujours pour réprimer les révoltes prolétariennes et appuyer la bourgeoisie locale), eux qui aujourd'hui encore forment les flics et les tortionnaires de toutes les nations (c'est une partie de ce qui se nomme pompeusement "Aide ou Coopération au Développement); étant donné ce contexte, donc, Saddam Hussein espérait pouvoir dresser le vieil étendard de l'anti-impérialisme, comme l'avaient fait bien d'autres avant lui, avec plus de succès. Mais Saddam Hussein n'est ni un Nasser, ni un Peron, et encore moins un Che Guevara; ce n'est rien qu'un vieil agent de la région ayant les mêmes intérêts que ceux qu'il dit maintenant combattre, c'est l'homme de la France, de l'URSS, etc... et c'est surtout, un tyran brûlé face à son propre peuple qu'il a bombardé sans pitié, un tyran incapable de réaliser l'unité nationale, condition indispensable pour poser une unité internationale capable de forcer la négociation face aux grandes puissances.
Il y eut bien quelques manifestations dans différents pays, depuis l'Afrique du Nord jusqu'à l'Europe, en passant par l'Extrême Orient et l'Amérique Latine, où les manifestants lançaient parmi d'autres mots d'ordre, quelques slogans favorables à Saddam, mais sans grande conviction, et plus par provocation face à la docilité de l'Etat (comme en Espagne, par exemple) à l'égard du bloc occidental et chrétien. Dans de nombreux cas également, les slogans en faveur de l'Etat d'Irak étaient le résultat de manoeuvres et de manipulations de l'Etat national local visant à décrédibiliser toute manifestation contre la guerre et à présenter toute lutte contre la bourgeoisie et l'Etat national comme une manipulation de l'ennemi extérieur.
Même les organisations bourgeoises de la gauche radicale des pays occidentaux, toujours prêtes à tenir leurs parlottes anti-impérialistes, et que Saddam Hussein et Yasser Arafat espéraient voir se rallier à leur camp, n'eurent que peu d'autonomie face à chacun de leur Etat national (sans doute à cause de la déchéance dans laquelle ces organisations se trouvent) et elles se contentèrent des classiques discours pacifistes, à tel point qu'il était difficile de différencier un discours stalinien, castriste ou trotskiste des discours du Pape.
Il y eut néanmoins quelques "remarquables" exceptions à la cause du trotskisme international. Le MAS d'Argentine, par exemple, n'a pas eu de problème à s'aligner sur le camp impérialiste du boucher de Bagdad. Les communiqués et tracts de ce groupe, en défendant un camp impérialiste contre l'autre, et en occultant systématiquement toute référence au passé du régime de Bagdad, font sans doute partie de l'anthologie de cette guerre. Nous nous limiterons à citer un tout petit extrait d'un tract de ce groupe:
"Quand la guerre éclatera, il y aura deux camps militaires clairement opposés. L'un sera le camp agresseur, avec les yankees à leur tête et appuyé par Gorbatchev et une longue liste de gouvernements laquais. Ceux-là poursuivront à un niveau plus élevé encore, à travers la guerre, l'agression qu'ils ont entamée il y a cinq mois par le blocus militaire et le génocide économique. L'autre camp sera celui de l'Irak. Dans ce camp-ci se trouveront les palestiniens de l'Intifada, des millions d'habitants des pays arabes et islamiques et des milliers de militants parmi les ouvriers et le peuple qui, partout dans le monde, s'opposent à l'agression. Le Mouvement pour le Socialisme (MAS) fait un appel à tous les travailleurs et au peuple d'Argentine, pour qu'ils appuient dans cette guerre, le camp de l'Irak. C'est la même tranchée que nous occupions durant la guerre des Malouines (C'EST CLAIR!!! c'est la même tranchée qu'ils partageaient avec les chefs d'états terroristes argentins coupables des disparitions et de la torture de dizaines de milliers de nos camarades!!! NDR), lorsque nous avons été appuyé par la majorité des peuples d'Amérique Latine et par une grande partie des peuple du Moyen Orient, y compris l'Irak."(extrait d'un tract intitulé "Hier les Malouines, aujourd'hui l'Irak; Yankees, hors du Golfe", appelant à une "Journée contre l'Agression Impérialiste")
La bourgeoisie veut ainsi nous faire croire que rien ne dépend de nous, que tout dépend de la technologie, que celle-ci s'oppose à nous (bien que ce soit notre produit) en tant que puissance étrangère qui nous opprime et nous contrôle. L'intérêt pour la bourgeoisie est évident. Avec cette propagande, elle nous dit: "je suis toute-puissante", "vous ne pouvez rien", "face à l'Etat, vous n'avez pas la moindre chance".
Mais en y réfléchissant quelque peu, on se rend vite compte qu'il s'agit d'un énorme mensonge. Pendant la guerre du Vietnam, l'Etat nord-américain avait une supériorité technologique totale, et fut incapable de gagner la guerre; la même chose s'est passé pour l'armée russe en Afghanistan. Plus fort encore, cette même technologie qui est supposée avoir détruite une des armées les plus équipées de la terre, est incapable d'en finir avec quelques centaines de guérilleros dans d'autres parties du monde, comme au Pérou par exemple.
Tout stratège militaire, depuis Clausewitz jusqu'à nos jours, sait que la clé de la guerre réside dans le facteur humain, dans l'adhésion à la politique militaire d'une partie de la population, et que c'est ce qui détermine directement le moral des troupes, l'efficacité du front de la production, la capacité logistique, etc. Et sur cet aspect, comme nous l'avons vu, OUI, il y a eu une énorme différence entre les deux blocs. D'un côté, une armée bien disciplinée, avec une disponibilité propre au combat, de l'autre, des centaines de milliers d'hommes obligés à combattre le fusil dans le dos, et où chaque soldat est un déserteur en puissance. D'un côté, une armée d'une grande mobilité capable de se déployer sans limites, où les soldats sont --dans leur grande majorité-- des citoyens libres qui firent un contrat pour vendre leur capacité à tuer ("force de travail") (9); de l'autre côté, un type de formation et de position sur le terrain, où les officiers et les troupes d'élite doivent maintenir la pression de façon permanente sur leurs subordonnés pour les empêcher de déserter en masse.
Tout cela a déterminé le type de guerre de front et de positions, qui favorisa plus encore le camp de la Coalition. En effet, le type d'armée et d'armement utilisé par la Coalition est tout à fait approprié pour la destruction des positions fixes de l'adversaire. La situation est entièrement différente lorsqu'une armée de ce type doit se transformer en armée d'occupation et de maintien de l'ordre, et qu'elle s'affronte alors à un type de guerre populaire, face à des groupes militaires autonomes. Dans cette situation, tout cet avantage stratégique basé sur l'adhésion à la guerre vole en éclat avec le temps. C'est ce qui arrive par exemple à l'Etat d'Israël, miné aujourd'hui par une guerre d'occupation sans fin ni perspective, en opposition à ses fulgurantes victoires militaires du passé. Si le commandement nord-américain de la Coalition a interrompu les actions, sans avoir détruit l'ensemble du potentiel militaire de Saddam Hussein, c'est dû à ce qu'ils savent que, dans le fond, Saddam est un bon gardien de l'ordre bourgeois, et que bien qu'il eut été relativement facile pour les Marines d'aller jusqu'à Bagdad, il leur aurait été beaucoup plus difficile de maintenir l'ordre dans cette région, face à une Intifada multipliée par 100.
La supériorité technologique d'un des deux camps impérialistes, et les bombardements incessants pendant des jours et des jours, sans que l'adversaire ne puisse faire quoi que ce soit, fonctionnèrent précisément à partir de ces deux conditions fondamentales: le manque de disposition au combat et le type de guerre de positions que cela déterminait (et aussi par l'acceptation de la part de Saddam Hussein de la classique diplomatie bourgeoise, et la conséquente libération de tous les personnages importants de son ennemi, détenus au début, acceptation sans laquelle les bombardements auraient suscité une moindre adhésion nationale et internationale). Après des semaines de bombardements, qui renforcèrent la faiblesse généralisée des troupes de Saddam, le décalage initial dans le moral des troupes était encore plus grand et l'armée impérialiste de Saddam se décomposa sans livrer une seule bataille importante (malgré ce que dit la presse et ce qu'elle grossit autour de la "bataille de Khafji" (10)).
D'un autre côté, les bombardement réussirent à foutre en l'air l'ensemble du système de contrôle politique régional de l'Etat irakien. Les ordres de Bagdad n'arrivaient pas aux troupes disséminées, pas plus qu'aux petits villages, et les nouvelles en provenance des différents points géographiques mettaient des jours et des jours à arriver à Bagdad, ce qui fut fatal dans pareille situation d'absence d'Unité Nationale où la seule cohésion réside dans le terrorisme centralisé de l'Etat.
Aux dizaines de milliers de déserteurs de la guerre Iran-Irak, à ceux qui ne s'étaient jamais soumis, à ceux qui dès qu'ils furent mobilisés s'organisèrent contre la guerre et attendirent la première occasion pour déserter et/ou se rendre, à tous ces prolétaires s'unirent alors des dizaines de milliers de nouveaux déserteurs. Le fait que les officiers eux-mêmes s'enfuirent et que la faim était de plus en plus généralisée, produisit une désertion encore plus large. La Coalition obtint ainsi une victoire beaucoup plus facile que prévue, et elle ne savait d'ailleurs pas trop quoi faire, tant parce qu'il n'était pas possible de cacher le fait que la cohésion de l'ennemi avait été gonflée pour des raisons publicitaires, que parce qu'elle n'était pas préparée à encadrer les déserteurs en tant que prisonniers. Le commandement de la Coalition a été très embarrassé par l'obligation de prendre en charge plus d'une centaine de milliers d'hommes avec lesquels il ne savait trop quoi faire. Tellement embarrassé qu'à de nombreuses reprises, les officiers américains ordonnèrent de tirer sur les soldats qui se précipitaient en masse vers eux, malgré le drapeau blanc qu'ils arboraient. Le commandement allié aurait sûrement préféré, pour une meilleure justification des cinq cent mille hommes envoyés au Golfe, pour une explication plus subtile de l'effort militaire et logistique effectué (tant face aux citoyens américains que face à la masse parlementaire de la bourgeoisie), que la désertion ait été moins massive et que la guerre impérialiste, comme telle, ait duré un peu plus longtemps.
Nous pourrions faire une liste des actions réalisées contre la guerre du golfe par le prolétariat des différents pays. Mais, plus important que le nombre de drapeaux nationaux brûlés, plus important que les diffusions de tracts internationalistes, que les occupations de lycées en Italie ou en Espagne, plus importantes que les manifestations contre les bureaux de recrutement ou même que le nombre de déserteurs, il nous fait faire un bilan beaucoup plus global du rapport de force dans la lutte contre la guerre et crier une vérité qu'il nous paraît fondamental de reconnaître: le prolétariat fut incapable d'arrêter la guerre, et tout spécialement du côté de la Coalition; le capitalisme a atteint ses objectifs de mobilisation nationale et de soumission des prolétaires aux intérêts des Etats Nationaux.
Pour nous cette situation est logique, étant donné la prédominance quasi généralisée de la contre-révolution et dans ce contexte, cela nous fait même plaisir qu'il y ait eu au moins quelques manifestations violentes contre la guerre. Mais la situation est vraiment tragique et toute énumération apologétique des quelques faits de résistance, présentés comme si nous nous trouvions en plein essor révolutionnaire, ne peut que servir la contre-révolution. Il faut partir de cette vérité élémentaire et qu'on ne peut cacher: heures après heures, jours après jours, semaines après semaines, nous avons été incapables d'empêcher un des plus grand massacre de masse de l'histoire, comparable à Hiroshima, Nagasaki ou Dresde pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le massacre de nos frères s'est effectué pendant que la bourgeoisie avait assis le prolétariat mondial dans son fauteuil et lui présentait le spectacle de son monde à la télévision.
En rapport avec la faiblesse dont nous avons parlé à propos de l'armée de l'Etat d'Irak, la force et la cohérence de l'armée de la Coalition est choquante, surtout dans l'appui passif mais massif dont a bénéficié cette dernière à l'arrière-garde. La force des armées des grands gendarmes mondiaux réside dans la faiblesse de la lutte du prolétariat dans ce même pays.
Il est clair que le fait que presque tous les morts se soient trouvés d'un seul côté et que du point de vue de la Coalition, la guerre n'ait pas coûté grand chose en termes de vie, pas plus qu'en termes de changements très radicaux dans la vie elle-même (augmentation de la misère incomparablement inférieure à celle qui s'est produite dans l'autre camp), a facilité l'union nationale, la soumission du prolétariat à son propre Etat et la cohérence des armées du bloc dirigé par les Etats-Unis. L'actuelle corrélation de forces contre-révolutionnaires auraient seulement pu être remise en question si le prolétariat des pays de la Coalition avait également dû supporter des coûts élevés dans la guerre et si, en plus de l'augmentation de la politique d'austérité, les sacs de cadavres des "combattants héroïques" avaient commencé à "rentrer à la maison". Dans les circonstances actuelles où bourgeois et "prolétaires" fêtent ensemble la victoire militaire alliée, partageant la même satisfaction criminelle dans le fait que les morts soient restés au Koweit et en Irak, dans de telles circonstances donc, c'est la contre-révolution elle-même qui peut, par l'exacerbation de la misère qu'elle occasionne, fortifier la perception du prolétariat comme corps organique et unique.
Nous devons donc assumer l'amère réalité actuelle dans laquelle se situe le prolétariat international qui fut incapable d'arrêter la guerre (et rappelons-nous que la limite la plus importante à la guerre du Vietnam fut le prolétariat nord-américain lui-même), voire même de réaliser des actions réellement importantes de luttes contre celle-ci. Nous ne voulons en rien dévaloriser les actions des quelques prolétaires qui refusèrent, par exemple dans certains ports de charger des armes pour le golfe, pas plus que les actions violentes contre tel ou tel centre de recrutement aux Etats-Unis, mais il est tragique qu'il n'y ait pas eu de soulèvement dans les troupes envoyées au combat par la Coalition; il est tragique que les déserteurs ne se comptent que par dizaines (alors que de l'autre côté, ils se comptent par dizaines de milliers!), qu'il n'y ait pas eu d'attaques importantes contre les bâtiments officiels de la Coalition; il est tragique qu'on n'ait pas paralyser la production militaire ni la production en général pour lutter contre la politique criminelle de "nos propres" Etats. Enfin, le plus tragique est l'état lamentable dans lequel se trouve le prolétariat réduit en grande partie à des individus atomisés ou assis devant cette machine infernale qu'est la télévision, ou encore assistant à des manifestations pacifistes qui participent à la mobilisation nationale et à l'action militaire de l'Etat impérialiste.
Sans aucun doute, un des problèmes les plus difficiles à solutionner, tant dans le passé que pour le futur de la révolution mondiale, est ce décalage tragique entre le développement de la lutte dans l'un ou l'autre pays; c'est par là que la bourgeois peut se donner le luxe d'envoyer les troupes de l'un des pays pour réprimer l'insurrection dans un autre, tel que cela c'est produit tant de fois dans l'histoire, transformant le prolétariat d'un pays en complice de la répression d'un autre. Il ne fait aucun doute que la trajectoire des Etats de la Coalition, et plus spécifiquement de l'Etat nord-américain, ainsi que les actuelles affirmations (aussi bien pratiques et militaires que les déclarations officielles) en tant que polices internationales de l'Etat de "droit international" leur assurent ce rôle de gendarme contre les insurrections dans d'autres pays. Dans la lutte contre cela, la responsabilité du prolétariat de ces pays est évidente. Mais cela pose également de façon aiguë la nécessité d'un état major du prolétariat international, l'importance de la centralisation de la communauté de lutte du prolétariat sur base d'un programme communiste. En rapport avec ça, la critique de l'échec total, par opportunisme, centrisme, européisme, fédéralisme, nationalisme,... de la Troisième Internationale (qui dès son second congrès adoptait la "tactique" de la libération nationale qui divisait objectivement le prolétariat et se rendait ainsi complice de la bourgeoisie) est essentielle.
Avant même le déclenchement de l'offensive terrestre, la situation générale en Irak était donc très explosive, et pour cette raison, dans la peur d'un soulèvement, Saddam Hussein fit jeter par avion des milliers de tracts, rappelant le massacre d'Hallabja au souvenir des prolétaires. Il entendait ainsi rappeler aux prolétaires prêts à se soulever, que l'Etat n'hésiterait pas à les bombarder et à les gazer, s'ils refusaient de se soumettre à ses desseins belliqueux. Saddam Hussein n'eut pas le temps de mettre ses menaces a exécution, parce que l'offensive se déclencha avant même qu'il n'aie pu assurer l'écrasement de cette résistance défaitiste.
Et c'est ainsi que dès que les avions de la Coalition entamèrent leur sinistre besogne et larguèrent la mort sur tout le Sud de l'Irak tout d'abord, écrasant sous des tonnes de bombes les prolétaires enterrés dans les abris ou les caves, ceux-ci se mirent à remonter sur Bagdad, fuyant la famine et la désolation; ils furent immédiatement accompagnés par des milliers de déserteurs affamés. Face à cette situation, l'Etat irakien n'eut d'autre recours que de déplacer des troupes plus sûres, placées au Nord, vers le Sud pour empêcher ces milliers de prolétaires de remonter sur Bagdad. Mais en déplaçant ainsi des troupes d'élite vers ses régions, il déstabilisait un peu plus encore la situation au Nord, région où les soulèvements furent les plus violents, après l'offensive terrestre.
Cette résistance des prolétaires en Irak et le défaitisme dont ils firent preuve, avant même le déclenchement de l'offensive, fut la cause première de la fin de la guerre entre la Coalition et l'Etat d'Irak. D'autant plus que sur le front, à peine la guerre déclenchée, des dizaines de milliers d'autres prolétaires se sont rendus et ont refusé de donner leur sang pour la croisade impérialiste de Saddam. Durant les quelques jours où la Garde Républicaine eut à assumer la guerre contre un ennemi réellement armé, on constata que leur disposition à combattre était nettement moins forte que lorsqu'il s'agissait de s'affronter à des prolétaires refusant d'aller au front. A cette occasion, des dizaines de milliers de prolétaires devinrent complètement "incontrôlables" et en même temps qu'ils luttaient pour leur survie en s'attaquant à la propriété privée, ils s'affrontèrent à leur ennemi de toujours, à "leur propre Etat".
Dès les premiers jours de ce mois de mars 1991, la presse du monde entier dut rendre compte d'attaques et d'incendies de bâtiments publics et du parti gouvernemental, mais nous avons vu que la lutte ne commença ni ne s'arrêta là, qu'elle eut tendance à se généraliser. La presse n'a évoqué certaines des attaques contre l'Etat en Irak par le prolétariat que pour tenter de présenter comme une oeuvre de salubrité publique, le massacre massif que la Coalition perpétrait. La Coalition tint à ce que les manifestations contre la guerre, les désertions de prolétaires, les soulèvements contre la faim, soient présentés comme des luttes face à un tyran détesté, et non pas comme une lutte plus générale contre la guerre capitaliste. Le plus gros danger pour l'Etat organisé autour de la Coalition résidait dans la contagion possible de ces luttes contre la guerre, au sein de sa propre armée. Face à une généralisation des désertions et des luttes en Irak, les soldats de la Coalition auraient rapidement pu se rendre compte qu'ils ne luttaient pas contre des milliers de terroristes "Saddamiques" fanatisés comme on voulait leur faire croire, mais qu'on les faisait en fait participer à une boucherie organisée contre des masses de prolétaires recouvert d'insignes pour les désigner au feu conjoint des bourgeois des deux camps.
La terreur générale de la bourgeoisie mondiale face à la simple possibilité que ce défaitisme contre l'Etat de Saddam Hussein s'affirme comme défaitisme révolutionnaire, fut une des raisons qui fit que Bush, à l'encontre de toutes les demandes internationales qu'il reçut pour détruire le potentiel militaire de Saddam, décida d'arrêter la guerre quelques jours seulement après avoir entamé le combat contre la Garde Républicaine, essayant ainsi d'assurer la plus grande intégrité possible de ce corps sanguinaire répressif et antiprolétarien. Le général Kelly déclarait explicitement: "Ce qui retourne est une armée défaite. Une armée vaincue est toujours une menace politique." Dans le Washington Post lui-même, se mêlaient des déclarations d'oppositions bourgeoises irakiennes qui contredisaient l'avis dominant, prétendant qu'il s'agissait maintenant d'un problème national ou religieux. C'est ainsi que ce journal reproduit les déclarations de Muhammad Bahr Ulum: "Il ne s'agit pas d'un problème religieux mais du premier soulèvement populaire en vingt ans de règne de Saddam Hussein. Sa défaite au Koweit a rompu le front de la terreur."
Et effectivement, alors qu'on tente encore une fois de nous faire croire que les luttes qui se sont déclenchées après la guerre sont liées à des questions religieuses, voire nationalistes pour ce qui concerne le Kurdistan, nous savons pour notre part, qu'il s'agit beaucoup plus directement de la continuité directe des luttes qui se sont déroulées avant et pendant la guerre. Et pour cette raison, la Coalition avait tout intérêt à ce que Saddam Hussein assume lui-même la continuité de la répression organisée au travers de sa garde républicaine.
Dès la fin de la guerre, des soulèvements éclatèrent un peu partout. Bassorah, dans le Sud, Mossoul, Arbil, Kirkouk, Sulaymaniya, dans le Nord, furent en état d'insurrection. Les restes de l'armée défaite, les déserteurs, les habitants des villes s'unirent pour cracher leur haine de l'Etat face à ceux qui les avaient soumis à la guerre. Dans le Sud, les affrontements furent particulièrement violents, mais la garde républicaine y était préparée; elle avait déjà été concentrée à cet endroit parce que l'Etat connaissait le caractère explosif de la situation. Au Nord, Saddam Hussein comptait sur un répit parce qu'il savait qu'il pouvait compter sur les nationalistes. Il espérait que ceux-ci soient à même d'encadrer et de mater le prolétariat, et il était sûr en tous cas qu'il n'y aurait pas d'action de leur part. En effet, dès le début de la guerre, Saddam Hussein et les nationalistes avaient conclu des accords secrets via l'OLP et son chef bien aimé, Yasser Arafat, garantissant la coexistence pacifique des deux fractions bourgeoises, pendant toute la durée de la guerre. C'est la raison pour laquelle, la répression des luttes fut d'abord concentrée sur le Sud.
Mais les soulèvements au Nord se déclenchèrent en dehors de toute "opposition" officielle, en dehors et contre le PDKI, l'UPK et autres organisations nationalistes kurdes. Dès le départ, ces fractions furent ciblées comme participationistes à la guerre, et l'encadrement qu'elles entendaient maintenant assurer auprès des insurgés par la mise en avant de perspectives nationalistes, tourna court. D'autres groupes prirent le devant tels "Perspective communiste" à Sulaymaniyah, organisation internationaliste issue des leçons des luttes précédentes, et d'autres groupes encore, plus ou moins formalisés, qui tous désignèrent les nationalistes comme autant d'ennemis tout aussi dangereux que la garde républicaine. Les prolétaires insurgés refusèrent de laisser les nationalistes entrer dans les villes. Ceux-ci tentèrent alors d'encercler les villes, rencontrant d'innombrables soldats revenant du front. Ces soldats ne voulaient plus se battre, mais les nationalistes les ont a plusieurs reprises obligé de combattre dans leur rang. Comme on le voit, une nation en formation recourt évidemment aux mêmes procédés que la nation qu'elle dit combattre. Ici, Saddam Hussein et Talabani sont main dans la main quand il s'agit de braquer des fusils dans le dos des prolétaires et de les envoyer se battre! L'encerclement des villes réalisé par ces forces nationalistes leurs permit de faire croire que c'était eux qui "contrôlaient" les villes; le seul contrôle qu'ils assumaient était en fait celui de la répression des prolétaires de retour du front. Ce qui nous permet de confirmer l'ensemble de ces informations en provenance directe de contacts, sympathisants et camarades de la région, est le fait qu'un Talabani par exemple, chef de l'Union Patriote Kurde n'aie pu retourner dans Sulaymaniyah, une ville qui était autrefois considérée comme son fief.
Dans cette ville précisément, l'insurrection fut particulièrement violente: les prolétaires se vengèrent des années et des années de massacres et de terreur organisée, en s'attaquant aux forces de la terrifiante police secrète de Saddam Hussein, tuant quelques deux mille baasistes réfugiés dans les bâtiments de la police politique. La colère du prolétariat s'étendit à tout ce qui représentait l'Etat irakien, pillant, brûlant et démolissant de fond en comble les bâtiments de la police, du parti baas, de la justice, etc. A tous ces moments, les nationalistes tentèrent de s'opposer argumentant que les matériaux qui s'y trouvaient pouvaient être utiles au futur Etat kurde!!!
Face à cette colère prolétarienne généralisée, Saddam Hussein fit envoyer les plus sûres de ces troupes pour nettoyer la région, une fois que Bassorah et les autres villes insurgées dans le Sud furent matées. Dès que la garde républicaine se rapprocha du Nord et que les premières nouvelles de leurs exactions furent connues, dès que le prolétariat se rendit compte que la garde républicaine avait partiellement réussi à écraser le Sud, et que la terreur blanche remontait inexorablement vers le Nord, vers les régions du Kurdistan, dès que les insurgés se rendirent compte que les armées de la Coalition avaient laissé la garde républicaine pratiquement intacte, et en tout cas suffisamment puissante que pour organiser la terreur, ils se replièrent avec armes, bagages, enfants, vers les montagnes, cherchant à fuir par tous les moyens l'enfer répressif qui s'abattait sur eux. Avec les quelques exemples que nous avons donné à propos de la violence des luttes qu'ils avaient mené contre les forces locales de la répression, on comprend qu'ils s'attendaient au pire de la part des forces de la garde républicaine. Pour avoir subi depuis des dizaines d'années la répression des troupes de choc de l'Etat irakien, ils savaient qu'ils n'avaient aucune pitié à attendre de leur part.
L'ensemble de ces informations nous proviennent directement de camarades de la région qui ont participé à ces luttes. Nous ne possédons pas encore tous les détails des différents moments d'affrontement que nous avons décrit (il est facile d'imaginer la difficulté avec laquelle ces camarades nous ont déjà communiqué tout cela, vu les horreurs de la défaite auxquelles ils sont aujourd'hui soumis), mais nous continuerons bien évidemment à centraliser l'ensemble des informations que pourront nous donner nos camarades au fur et à mesure qu'elles nous parviendront. Ces camarades, outre leur participation active aux luttes que nous avons décrites ci-dessus, ont également fait circuler un "Appel contre la guerre" fait par notre groupe, en langue arabe, dès le début de la guerre et au moment même où les bombardements commençaient. D'autres matériaux produits par notre groupe circulaient également, avant et pendant le déclenchement de la guerre.
Quelques jours après le jour "anniversaire" du massacre de Hallabja, alors que la lutte battait son plein particulièrement dans le Nord de l'Irak, dans la région du Kurdistan, notre groupe a envoyé un tract écrit en Kurde qui a également circulé dans ces régions, en notre nom. De nombreuses manifestations ont été organisées à propos du souvenir de nos frères de classe tombés à Hallabja. Voici quelques extraits du tract que nous y avons fait circuler, intitulé "Pas de nation kurde! Pas de république islamique!!!", principalement orienté autour de la critique du nationalisme, sous toutes ses formes:
"Le massacre de Hallabja, et les saloperies des nationalistes sont les armes de la démocratie (...) Les prolétaires et les exploités du Kurdistan, comme tous les exploités de ce monde ne pourront abolir la misère que lorsqu'ils auront retourné leurs fusils contre les nationalistes kurdes, comme ils le font contre l'Etat baasiste. Les bourgeois sont nos ennemis, où qu'ils se trouvent. A quoi rime donc la différence faite par les nationalistes entre 'ennemi extérieur', 'ennemi momentané', 'ennemi principal', grand ou petit? (...) Le massacre de Hallabja est le résultat direct de la loi de cette société de classe, l'histoire nous l'a prouvé des milliers de fois. Dès que le mouvement révolutionnaire lutte contre le Capital et ses nationalistes, dès que le Capital ne contrôle plus rien, les bourgeois n'ont qu'une réponse: le massacre de prolétaires.Les exemples dans l'histoire sont nombreux: Cronstadt et Pétrograd en Russie, Dresde en Allemagne, Sabra et Chatila par Israël et les Etats arabes, Hallabja par le parti Baas,... sans parler des exemples que l'on ne connaît pas. (...) Les médias officiels dans le monde entier, avec les marxistes léninistes de tout bord, ont récolté de l'argent au nom du massacre de Hallabja, et grâce à tous leurs mensonges sur les événements. Dans ce travail, ces chiens de Talabani (UPK) et d'Houshiar Zebari (PDKI) ont soutenu l'ensemble de ces mensonges. (...) Et les bourgeois nationalistes ont empêché la population de Hallabja de quitter la ville avant le bombardement, tout en laissant partir leurs proches et leurs militants. (...) Le Capital engendre par lui-même la guerre, la misère, les maladies et la répression. Le massacre de Hallabja est le produit direct de l'argent et du travail. Ce massacre a été assumé avec l'aide des pays occidentaux, qui s'arrangeaient pour mettre toutes la responsabilité sur Saddam, en remplissant leur presse de photos bien dégueulasses. (...)
A bas l'Etat sous toutes ses formes!
Pour une société sans classes!
Que soit victorieuse la lutte pour le communisme!"
Néanmoins, du point de vue des Etats-Unis et de ses alliés, l'opération permet une réelle issue politique et militaire, spécialement à cause du manque d'autonomie et de lutte prolétarienne contre la guerre. Issue bourgeoise, non seulement en rapport au commerce de la guerre, comme on l'a vu (quelle armée achèterait encore aujourd'hui des tanks russes?), mais aussi et spécialement, issue dans la mobilisation nationale et internationale et dans la reconstitution et la consolidation du moral de l'armée de la puissance militaire la plus importante du monde.
De ce dernier point de vue, la guerre a atteint les objectifs capitalistes et impérialistes recherchés. Néanmoins, du point de vue le plus global, du point de vue de la nécessité générale de destruction qui, elle seule, permettra d'ouvrir une nouvelle phase de reconstruction et d'expansion, il n'y a aucun doute que la guerre du Golfe ait été tout à fait insuffisante. Aussi fructueux qu'ait été le commerce réalisé par de nombreuses fractions du Capital grâce à la guerre, la paix et la reconstruction dans la zone, cette destruction est minuscule comparée aux nécessités actuelles de destruction de capitaux.
Le capitalisme a encore beaucoup plus besoin de la guerre. C'est pour cela que nous insistons tellement sur les limites actuelles de la guerre, parce que la tendance à une guerre beaucoup plus généralisée reste d'actualité et parce que personne ne peut garantir que ce qui a limité cette guerre-ci soit la limite d'une généralisation pour demain. La disparité des blocs actuels et le manque d'adhésion à l'un d'entre eux ne pourra être un frein permanent face aux guerres à venir. En effet, étant donnée la rapidité des changements d'alliances interbourgeoises que cette dépression et cette crise-ci engendreront (ce qu'il y a eu jusqu'à aujourd'hui sera dépassé!), étant donnée également, l'expérience de cette dernière guerre qui conduira les fractions les plus faibles de la bourgeoisie à un niveau supérieur de concessions pour agrandir leur bloc et entamer des actions guerrières, on peut augurer de polarisation bien plus équilibrées en termes de force et beaucoup plus dangereuses pour le prolétariat mondial. Dans les guerres futures, il n'y aura pas un mastodonte d'un côté et un nain de l'autre mais deux mastodontes opposés, et ce non seulement en termes militaires, mais aussi quant à la puissance des mythes, des "causes pour défendre la nation". A ce propos, il faut signaler que la faiblesse de Saddam n'exclut pas l'apparition de fractions beaucoup plus radicales, capables de relever, sous une forme beaucoup plus cohérente, les drapeaux du tiers-mondisme ou de l'anti-impérialisme radical, capables de susciter une mobilisation de la nation et de ses troupes pour une guerre beaucoup moins conventionnelle, et par là même, beaucoup plus mortelle pour les troupes du grand gendarme international. De la même manière, on ne peut écarter d'aucune façon la possibilité d'une décomposition plus générale du bloc le plus compact dans cette guerre, et l'apparition de nouvelles polarisations au sein des grandes puissances industrielles, y compris à l'intérieur de chaque pays. On ne peut pas non plus écarter la possibilité d'une explosion générale des normes du commerce international qui opposent par exemple les fractions partisanes de l'application totale de la loi de la valeur internationale à des fractions protectionnistes (c'est-à-dire à des fractions dont la viabilité économique dépend d'un changement politique de la libre concurrence, en leur faveur). Bien que cette dernière soit la polarisation profonde la plus logique qui risque de se développer dans les prochaines années, et qu'elle n'aura de force que dans la mesure où elle se cristallisera dans des discours capables de mobiliser les masses et d'amener le prolétariat à tuer et à mourir pour la patrie, cette polarisation surgira sous des discours entièrement différents (nous écartons sa réapparition sous la vieille forme fasciste/antifasciste) qui ne sont pas encore mûrs.
La communauté de lutte contre le capitalisme et la guerre est une réalité objective émergeant des intérêts du prolétariat face à ceux du Capital, de son économie, de sa guerre. Avec ses forces et ses faiblesses, l'action commune du prolétariat le façonne comme classe, comme force. Le Groupe Communiste Internationaliste est une expression de ce processus et au niveau le plus international possible, lutte pour centraliser cette force, pour constituer une direction internationale en accord avec les intérêts du prolétariat et le programme historique du communisme.
Nous réitérons aujourd'hui chacun de nos appels au défaitisme révolutionnaire et à l'organisation de la communauté de lutte contre la guerre. A ce propos, nous conseillons aux lecteurs qui n'ont pas suivi nos publications de lire tout particulièrement les numéros suivants de la revue Communisme (ex-Le Communiste): 7, 25, 27 et 29 dans lesquels sont développés un ensemble d'appels et de propositions organisatives. En termes très concrets d'activité, notre groupe proposait dans tous ces textes:
Durant la guerre elle-même, nous avons vécu la faiblesse générale du prolétariat dans tout ce que, de près ou de loin, nous avons tenté d'organiser ou d'impulser. Lorsqu'il a fallu reprendre et communiquer des informations, lorsqu'il a fallu, ici ou là, soutenir des déserteurs ou des pourchassés, ou encore pour assumer plus largement une action directe de propagande et d'agitation contre la guerre, nous nous sommes objectivement retrouvés très seuls, principalement ici en Europe occidentale, puisque nous avons vu en quoi le défaitisme en Irak permettait une action plus centralisée.
Comme il n'y a pas de structures plus larges de la classe dans lesquelles participer pour impulser un défaitisme révolutionnaire conséquent, comme il n'existe pas de forme de coordination pour une action prolétarienne contre la guerre, nous avons dû nous cantonner ici, en Europe, à une action de propagande avec nos seules forces et quelques camarades proches, avec lesquels nous avons distribué des tracts, des revues, et avec lesquels nous avons fait et posé des affiches. Pour nous, militants communistes, c'est une véritable tragédie que le prolétariat ait été mourir et tuer, sans aucune résistance importante et massive, et qu'à l'heure de vérité, lorsqu'il a fallu empêcher le départ des troupes et assumer une action massive et violente contre l'ennemi "dans notre propre pays", nous nous sommes trouvés bien seuls, nous les camarades du GCI accompagnés de quelques autres militants et sympathisants proches, et un rapport de force totalement paralysant.
Nier cette triste réalité, nier l'impressionnante force de la contre-révolution aujourd'hui, c'est se faire complice de celle-ci. De notre point de vue, cette terrible réalité ne nous décourage pas. Elle nous confirme dans notre ligne invariante, dans la lutte de toujours, à contre-courant et loin de toute popularité.
Aujourd'hui le capitalisme est plus fort que jamais. Néanmoins, il n'a pas pu éviter la dépression, la crise et il n'évitera pas demain sa banqueroute totale, pas plus qu'une nouvelle guerre commerciale impitoyable qui se clôturera par une nouvelle guerre tout court. Il a partiellement dépassé une contradiction impérialiste, mais il continue a exacerber l'ensemble des contradictions générales de son système. Tôt ou tard, la contradiction guerre ou révolution, repolarisera le monde. Que cela leur plaise ou non, tout ce qui se fait pour atténuer ou postposer les contradictions ne fait que retarder le moment où celles-ci exploseront, où elles reviendront au centre de la scène internationale, avec plus de force encore.
Tôt ou tard également, avec cette nouvelle et inévitable explosion, le prolétariat tant absent comme classe autonome internationale lors des ultimes convulsions, occupera à nouveau le centre de la scène historique et les contradictions de la société se synthétiseront une nouvelle fois dans la contradiction entre guerre et révolution, entre capitalisme et communisme.
Perle de la bourgeoisie
Les péroraisons des partisans de l'Occident judéo-chrétien.
"En Irak, le gouvernement a pu envoyer au massacre le contingent, les ouvriers, les paysans et leurs enfants. La classe ouvrière y est minoritaire, noyée dans une population agricole ou semi-marginalisée dans les bidonvilles. Elle ne possède quasiment aucune expérience historique de combat contre le capital. Et surtout, l'absence de luttes suffisamment significatives de la part des prolétaires des pays les plus industrialisés l'empêche de concevoir la possibilité d'un véritable combat internationaliste. Aussi lui a-t-il été impossible de résister à l'embrigadement idéologique et militaire qui l'a contrainte à servir de chair à canon pour les visées impérialistes de sa bourgeoisie. Le dépassement des mystifications nationalistes ou religieuses, parmi les travailleurs de ces régions, dépend tout d'abord de l'affirmation internationaliste, anti-capitaliste des prolétaires des pays centraux." * * *
Extrait de "Le prolétariat face à la guerre du golfe" in Revue Internationale, n65 du Courant Communiste (sic) International (CCI).
La position invariante des communistes
* * *
Extrait du manifeste :
"Le prolétariat revendique une seule guerre: la guerre civile contre toutes les bourgeoisies"
"PROLÉTAIRES, Votre devoir est de soutenir les fractions de gauche qui oeuvrent à l'indépendance idéologique, politique et organique de votre classe contre tous les courants pseudo-communistes qui, en acceptant la guerre "antifasciste" d'Espagne et la guerre "nationale" de Chine, ont trahi les intérêts fondamentaux de la révolution prolétarienne. oOo
Aidez les fractions à jeter les bases du Parti qui sera l'arme de votre victoire de demain.
Repoussez le boycott unilatéral du Japon impérialiste.
Refusez toute solidarité, directe ou indirecte, avec une forme quelconque d'oppression capitaliste.
Par la grève, affirmez votre solidarité de classe avec vos frères de tous les pays, ployant sous le joug fasciste ou démocratique et affirmez-vous contre l'organisation de votre propre massacre.
Brisez le cercle de fer de l'Union Sacrée.
Engagez, sans tarder, votre bataille autonome contre votre propre Bourgeoisie.
A bas la guerre impérialiste d'Espagne!
A bas la guerre impérialiste de Chine!
A bas l'Antifascisme!
Pour la guerre civile internationale!
Pour la révolution mondiale!FRACTION BELGE DE LA GAUCHE COMMUNISTE INTERNATIONALE.
Novembre 1937
La société capitaliste n'a effectivement aucun intérêt à ce qu'apparaisse la communauté d'intérêt réelle, objective sur laquelle se basent ces attaques contre l'Etat, de la part de prolétaires. C'est dans ce but que les médias isolent à chaque fois la lutte dont ils nous (dés)informent, en tronquant la réalité et en opposant pour ce faire, les luttes des pays dits "sous-développés" à celle des pays dits "développés", les explosions à l'Est des émeutes à l'Ouest, les luttes "économiques" (appelées "émeutes de la faim") des luttes "politiques" ("pour l'Islam", "pour le multipartisme", etc)...
Face à l'insistance avec laquelle la Démocratie tente d'atomiser ces luttes en autant d'événements étrangers les uns aux autres, nous voudrions rappeler ici que ces brutales manifestations de colère sont toutes produites de l'aggravation des conditions mondiales de vie du prolétariat, et mettre en avant la communauté de lutte qu'exprime de fait, pratiquement, l'affrontement de prolétaires aux forces de l'Etat qui leurs font face, en insistant sur la communauté d'intérêt qui sous-tend chacun de ces moments de lutte des prolétaires.
La bourgeoisie aimerait nous faire croire que les mouvements sociaux, les luttes prolétariennes ne sont plus "d'actualité"! Heureusement il n'en est rien. Partout, toujours, le prolétariat a lutté, lutte et luttera. Les quelques exemples dont nous allons parler montrent que la soumission totale au Capital est un mythe démoralisateur et faux, et que le prolétariat n'est pas mort!
L'année dernière encore, de nombreuses révoltes ont éclaté un peu partout dans le monde. Rappelons-nous Trafalgar Square ponctuant la lutte contre la Poll Tax; rappelons-nous Vaux-en-Velin (près de Lyon) et ses deux jours d'émeute contre la misère et les "bavures" policières; souvenons-nous des squatters de Berlin, aussi déterminés que leurs aînés des années '70; des casseurs... de propriété privée et de flics à Paris, profitant de la grande moutonnerie lycéenne; des prolétaires du Maroc enfin, détruisant encore une fois les signes de richesse qui narguent leur pauvreté.
Cette année le prolétariat s'est exprimé en Irak, refusant la misère et la guerre, au Togo où de jeunes révoltés ont saboté et débordé l'opposition démocratique, dans l'île de la Réunion où une semaine d'émeutes, de pillages, d'incendies, sont un rejet pur et simple de la misère, au Mali où les heurts entre les flics et nos camarades ont été extrêmement violents, se soldant hélas par la mort de trop nombreux insurgés. Arrêtons cette liste, mais ne perdons pas de vue qu'elle n'est pas exhaustive, que les médias ne rapportent évidemment pas toutes les expressions de lutte de notre classe.
Nous voudrions avant tout exprimer clairement notre total soutien à ces luttes, pillages et affrontements. Ils expriment la destruction de ce qui nous détruit. Ils expriment un refus pratique de tous les consensus nationaux avec leurs cortèges de sacrifices, de soumission, de votes, d'humiliation, d'abrutissement. Ces luttes expriment un début de réponse à la misère et si nous critiquons les faiblesses de ces actions, ce n'est surtout pas pour les dénigrer; au contraire, ce sont tous ces prolétaires qui rompent la paix sociale, le consensus du silence, même si tout cela ne constitue encore qu'un timide début de réponse face aux nécessités gigantesques d'organisation et de centralisation de ces luttes. Et ici, parler des limites de ces luttes devrait nous servir de leçon, pour ne pas nous casser la tête sur le mur de notre manque de préparation, à chaque fois que nous engageons ces luttes.
Ces luttes sont aussi un crachat à ceux qui théorisent les différences de condition de vie en Afrique et en Europe par exemple, et préconisent donc des réponses différenciées. Ce qui relie organiquement toutes ces luttes ce sont justement --outre la communauté prolétarienne d'intérêt dont elles émergent-- leurs caractéristiques: l'affrontement sans concessions, sans discussions. A identité d'exploitation, identité d'action. Les médias occidentaux qui nous vendent des émeutes "de la faim" dans les pays lointains, "sous-développés",... pour mieux nous vendre la soumission ici... ont reçu comme réponse: les émeutes d'ici, contre notre dégoût, notre rejet de leur société! Nous avons faim de vivre, et les menteurs patentés de la presse putride qui se sont fait casser la gueule à Vaulx-en-Velin et à Paris n'ont eu que ce qu'ils méritaient. Certains des émeutiers se sont fait arrêter à cause de photos parues entre autre dans "Le Quotidien de Paris"... Nous n'oublierons pas! Profitons de l'occasion pour affirmer notre soutien à tous ceux qui cassent du journaliste, ces faux-culs de la délation.
Avant de poser quelque critique que ce soit à propos des faiblesses de ces mouvements, nous voulons d'abord insister sur le caractère foncièrement prolétarien, de notre point de vue, de ces explosions de violence.
A un moment donné, les barricades délimitent clairement les classes, l'affrontement clarifie les antagonismes de classe. Même la presse au Maroc parle de la "cassure qui sépare la société entre une minorité de nantis et une majorité de laissés pour compte." Et la bourgeoisie ne s'y trompe pas qui répond à cette violence par une violence plus grande. Là plus de discussions, plus de négociations... dans l'affrontement s'exprime la lutte de classe dans son ultime conséquence: il faut qu'une classe domine l'autre.
La façon dont la bourgeoisie, par sa bouche vérolée -la presse- dénature la lutte de nos frères en les traitant de casseurs, voyous, provocateurs, chômeurs (devenu carrément péjoratif), désoeuvrés (comprenez: inutiles), manipulés, etc. répond à une peur et à une nécessité de diviser le prolétariat. En effet, il s'agit pour la bourgeoisie d'opposer le prolétaire consciencieux au travail, qui exprime des revendications (voire même qui fait la grève) à celui qui casse tout, qui exprime le fait qu'on ne peut pas discuter. Et, de fait, à chaque multiple fois que les ouvriers discutent, négocient avec nos maîtres, ils se font entuber! Quand nous faisons grève, la limite, la fracture intervient quand nous organisons notre lutte, quand nous nous centralisons pour généraliser la grève, en lui donnant des perspectives révolutionnaires, en l'étendant à tous les secteurs du prolétariat, sans tenir compte de toutes les divisions imposées par les bourgeois; et comme à tous ces moments, la bourgeoisie résistera violemment pour maintenir son ordre en place, le saut de qualité s'exprime également lorsque nous organisons notre réponse à leur terreur.
La bourgeoisie, par l'intermédiaire de la bave médiatique, a essayé de disqualifier ces luttes saines et revivifiantes en parlant de "bandes de jeunes". Pour nous le prolétariat n'a fondamentalement pas d'âge! C'est vrai qu'à Vaux-en-Velin ou au Togo ou à Paris... les émeutiers étaient très jeunes. Et alors? Si à douze ans on a déjà la rage face à ce monde pourri, et qu'on ressent que la société ne va offrir que la misère, comme celle que subissent les aînés, on n'a pas dix mille solutions: ou bien se soumettre à la société en se droguant, en se suicidant, en retournant à l'école, etc., ou bien rejeter d'un bloc ce qui apparaît comme inhumain. Les jeunes prolétaires qui ont soudainement débordé la manifestation pacifiste organisée par des lycéens "responsables" à Paris, et qui ont chargé les flics en gueulant "Vaulx-en-Velin! Vaulx-en-Velin!" expriment un réflexe de vie, outre qu'en se référant de telle manière à leurs frères en lutte à Lyon ou en Palestine, ils tracent aussi les perspectives internationalistes de généralisation et de solidarité qui dorment dans chacune des expressions de lutte de notre classe. Suivons l'exemple!
La bourgeoisie, par ses médias fianteux, a essayé de dénaturer ces luttes en parlant d'immigrés, de banlieues ou quartiers pauvres. Pour nous le prolétariat n'a pas de nationalité! Que dans les quartiers pauvres se retrouvent en majorité des "immigrés" est certain; mais nous sommes tous des émigrés du capital. D'autre part les luttes au Maroc, sont-elles le fait d'émigrés? Pour nous oui!! L'identité de misère dont nous parlions produit les mêmes réactions, que ce soit dans les quartiers "pauvres" de l'île de la Réunion, de Berlin ou d'ailleurs. La télé vénéneuse voudrait bien que l'ouvrier blanc consciencieux ne s'identifie pas à ces "pauvres". Peine perdue, la Poll Tax a réuni toutes les composantes du prolétariat; de même, les casseurs à Paris et à Berlin n'étaient pas tous basanés...
Ceci dit ne rêvons pas: le message est passé messieurs les technocrates "bonne-conscience" de notre abrutissement: vous avez globalement réussi à isoler ces luttes, à les faire considérer comme des cas isolés, par des gens aux intérêts différents, de culture et d'origine différentes, etc., et c'est d'ailleurs pour cela que vous pouvez en parler.
La bourgeoisie a essayé de clore rapidement ces explosions de violence en les enfermant dans une réaction ponctuelle, presque compréhensible. L'important pour elle c'était de nous dire: "un coup de sang, ça peut arriver à tout le monde, maintenant heureusement tout est rentré dans l'ordre". A cela nous répondons d'abord que ni au Maroc ni dans l'île de la Réunion ni en Angleterre, la lutte n'a été le fruit d'une flambée de violence sans suite, mais surtout que la suite de toutes ces luttes, ce qui les relie toutes et celles à venir, c'est justement leur caractère historique (qui dépasse les raisons immédiates de leur déclenchement) et mondial (qui fait que la nature prolétarienne de ces luttes est identique, que le rejet de la société ici ou ailleurs est fondamentalement le même). Bourgeois, l'ordre de votre société n'est qu'apparent; tôt ou tard des émeutiers, des pillards viendront vous réveiller pour vous le rappeler!
L'organisation du prolétariat implique l'organisation de sa violence de classe. Les explosions violentes citées plus haut choqueront les gauchistes, puristes de la manif encadrée, avec organisation de la violence selon les schémas traditionnels (du style force contre force, comme si on avait intérêt systématiquement à chercher le contact avec les flics dont c'est la fonction de se battre), démonstration de force (manif de masse), etc. Mais nous avons bien vu en Angleterre, quand ils ont confisqué la lutte contre la Poll Tax, ce qu'ils entendaient par manif sérieuse et responsable: récupération, dénonciation, écrasement de la lutte. Non, la violence de classe ne se discipline pas, elle se centralise et se renforce!
Le pas suivant dans le renforcement de telles luttes ne peut passer que par la recherche de cibles vraiment paralysantes pour le capital, l'extension de la lutte à d'autres secteurs, endroits, etc.
La centralisation de ces explosions spontanées de violence, leur plus grande organisation représentera un pas qualitatif dans notre mouvement vers le communisme. Mais il est faux de croire que spontané implique: n'importe quoi, n'importe comment. Les jeunes prolétaires de Vaux-en-Velin et de Bamako attaquaient par petits commandos, puis se repliaient. Ils attendaient la nuit, étant moins repérables par les porcs armés. Leur force résidaient dans leur mobilité. Par contre, au Mali justement, les mères manifestant "classiquement" en soutien à leurs enfants, ont été mitraillées plus facilement par nos ennemis.
Les cibles que se donnent les émeutiers sont aussi très importantes. On remarque que partout le feu purificateur anéantit les "marques du pouvoir". Les bâtiments publics où se réunissent les gérants de notre misère brûlent fréquemment; tout ce qui ne brûle pas est pillé; quelle joie de piller! C'est toute la politesse du Capital, quand il nous oblige à sourire à la caisse... qui explose soudain. Et cela la bourgeoisie ne peut le supporter! Notre soutien aux pillages n'est pas un quelconque coup de sang activiste. Le pillage, c'est la réappropriation naturelle du produit social par ceux qui le produisent.
Spontanées, les luttes ne signifient pas inorganisées; dans toute lutte il y a des éléments plus clairs, plus moteurs, plus organisatifs qui proposent et assument une direction au mouvement. C'est ceux-là sur lesquels la réaction essayera de s'abattre, quand le mouvement sera retombé. Au Maroc, les successives luttes des dix dernières années ont systématiquement été décapitées de leurs éléments les plus combatifs par une répression continue et pernicieuse même longtemps après les luttes.
Mais maintenant que nous nous sommes clairement démarqués de tous ceux qui dénigrent et dénaturent ces réactions de notre classe, il faut aussi insister sur la nécessité d'organisation de la lutte, en soulignant alors que oui, ces luttes ne sont encore qu'une expression trop élémentaire du prolétariat. Et si nous avons précisé que la spontanéité de ces mouvements contient néanmoins certains éléments d'organisation, force nous est de constater que ces éléments d'organisation restent encore trop peu présents. La spontanéité de ces luttes, si elle marque la rupture avec la paix sociale, marque également leur limite: manque de perspective, de massivité, de coordination, d'organisation, de continuité, etc.
Le caractère éphémère de tels mouvements est limité. S'organiser pour casser sans chercher à relier ces luttes à celles du passé, ni surtout à celles du présent dans d'autres lieux (soutien/extension à d'autres luttes, d'autres grèves, d'autres endroits...) peut être dangereux. Au Mali, au Togo par exemple, la confiscation de la lutte par l'opposition bourgeoise est certaine.
Ensuite la récupération de cette façon de lutter existe chez nos trop connus gauchistes. Danger de mythification sur cette forme-là de lutte qui peut déboucher sur une vision de la violence en soi. On a déjà vu cent fois des syndicats ou des partis de gauche organiser des manifs défoulatoires pour désorganiser un mouvement en contrecarrant des propositions de sabotages, en proposant des affrontements massifs avec les flics plutôt que de rechercher des cibles plus sélectionnées, etc.
Il ne s'agit pas d'opposer une forme de lutte à une autre, il s'agit de se renforcer toujours et partout et de ne pas se fixer sur l'affrontement "classique" de rues dans lequel la bourgeoisie a une aussi grande expérience que nous. Prenons un exemple: à Berlin il y a quinze ans, les squatters, contre tout emprisonnement d'un de leur pote, cassaient pour autant de milliers de DM de biens publics dans la ville!
Nous ne croyons en tout cas pas en des luttes "propres"! Le prolétariat dans sa lutte contre l'ordre fera des erreurs jusqu'à l'avènement du communisme. La pire des choses, c'est de regarder sans broncher la télévision nous donner sa version de la vie de notre classe. C'est çà la non-vie! La vie du prolétariat est constituée de luttes imparfaites, faibles... mais cela ne durera pas éternellement.
Il nous faut impérativement, malgré tout, reconnaître les erreurs et les limites de ces moments de lutte pour en tirer des leçons. Mais à aucun moment la critique d'une faiblesse n'implique un jugement du style: ils n'avaient qu'à pas lutter!
La faiblesse principale réside toujours dans le manque de soutien des autres prolétaires, reflet de la division idéologique que la bourgeoisie réussit à imposer et dont nous avons fait part dans cette même revue, lorsque nous avons relevé la tragédie qu'a constitué le manque de réaction et d'organisation à l'envoi de soldats pour la guerre en Irak, principalement dans le camp occidental. Cette absence d'internationalisme est l'expression du manque de conscience de cette communauté de lutte qui s'exprime dans chacune des révoltes dont nous avons parlé! Ainsi, si nous mettons en avant les points de rupture qu'expriment ces affrontements spontanés à l'Etat, il nous faut également relever l'immense faiblesse que contient le fait que lorsque les prolétaires en lutte dans un endroit du monde s'affrontent, ils ne prennent que trop rarement conscience de cette communauté d'intérêt et de lutte qui existe entre eux,... et les autres fractions du prolétariat en lutte dans tel ou tel autre endroit du monde.
De même, une autre immense faiblesse est le caractère trop éphémère que revêt les niveaux d'organisation de ces luttes: presqu'à chaque fois que la lutte est écrasée, le prolétariat abandonne son effort d'organisation, ne lui donne pas continuité, ne tire pas les leçons et ne pourra ainsi malheureusement que retomber dans les mêmes limites lorsque resurgira la lutte. La caricature de cette réalité, est l'existence de ces prolétaires combatifs qui veulent lutter là où il se passe quelque chose, et qui pour ce faire, sautent de lutte en lutte, sans donner d'autre continuité que ces affrontements immédiats aux flics et autres bourgeois. Nous devons faire en sorte que nos luttes soient de moins en moins improvisées, de plus en plus centralisées, homogènes, organisées. Nous devons viser à étendre "géographiquement" les leçons que nous tirons dans un endroit de lutte. Nous devons impulser les discussions autour des différentes leçons que nous tirons des multiples expériences de lutte du prolétariat dans le monde et dans l'histoire.
Quand le feu des insurgés de Berlin, de Fès, de Vaux-en-Velin, de Paris et de bien d'autres endroits, coulera dans les veines des prolétaires aujourd'hui endormis, nous saurons qu'en ces endroits-là aussi s'opère le grand réveil de notre classe.
Mais lorsque le prolétariat dirigera le grand rassemblement de tous vers une même action, et que s'exprimera le saut de qualité que constitue la préparation, l'organisation, la direction de ses luttes vers la destruction définitive de l'Etat, alors le temps ne sera plus loin où l'agonie du Vieux Monde nous réjouira.
Il n'a pas plus aboli les contradictions propres aux classes dominantes du passé, que les tares spécifiques à toute société de classes (par exemple: le racisme, l'oppression,...). Ici aussi, le Capital a porté ces contradictions à leur expression maximale et multiplié à l'infini toutes les atrocités des sociétés d'exploitation du passé.
Dans sa substance même, le Capital contient la totalité et la dispersion, la force jusqu'à la centralisation généralisée (force centripète) et la force centrifuge, l'unité et la séparation, la tendance effrénée à la construction et au développement des forces productives, en même temps que leur dépréciation et leur destruction totales... et enfin, la nécessité permanente des alliances et unions et la guerre impérialiste de destruction. Il s'agit à chaque fois d'expressions qu'adopte la contradiction essentielle qui le caractérise: la contradiction valorisation/dévalorisation. Cela signifie que l'élément essentiel du Capital, sa vie, c'est la valorisation permanente de la valeur, qu'il ne peut réaliser sans révolutionner en permanence le mode de production et provoquer des convulsions, tout autant permanentes, de dévalorisation (1).
La social-démocratie, dans ses versions de droite comme de gauche, n'a jamais compris la contradiction inhérente au Capital. Ses théories ne furent que des vulgarisations du marxisme ou, mieux dit, consistèrent à traduire en langage "marxiste" les théories des économistes vulgaires de l'époque. Ne pas comprendre la contradiction, c'est ne pas comprendre le mouvement, c'est à dire la vie, l'être. Le Capital fut ainsi assimilé à un de ses aspects particuliers, et en général à son aspect positif (ce qui est le propre de toute l'économie vulgaire, apologétique de tout). C'est ainsi que toutes les théories de la décadence du capital financier, de l'ultra-impérialisme,... partent du pôle positif du capitalisme et de la croyance que le Capital fut à un certain moment progressiste en soi, qu'il développait les forces productives sans les entraver et les détruire en même temps (2) et qu'il contenait comme tendance unique, la centralisation universelle. En fait, les social-démocrates n'ont jamais saisi le Capital en tant qu'être, en tant que phénomène en mouvement et en révolution constante, en tant que valeur en procès. Ils furent donc absolument incapables de comprendre que le monde entier était un monde de production et de reproduction du Capital ce qui n'excluait pas, mais tout au contraire conditionnait et déterminait, la permanence et le développement de guerres proprement capitalistes.
Dans la mesure où ils n'ont jamais compris que dans l'essence même du Capital étaient contenues son universalité et en même temps, la guerre de destruction des autres capitaux (et ils ont encore moins compris que cette guerre est une guerre de destruction du sujet historique du communisme: le prolétariat), les social-démocrates durent trouver un élément nouveau pour expliquer l'intensification permanente des guerres mondiales capitalistes à la fin du siècle passé. Des nouvelles théories ont alors surgi définissant l'impérialisme comme une nouveauté historique comportant un ensemble de caractéristiques nouvelles, comme époque, comme phase,...; ces théories impliquèrent une révision et une falsification absolue de l'histoire. Comme si le capitalisme avait pu, auparavant, ne pas être impérialiste (3).
Le Capital fut toujours impérialiste! Plus encore: des sociétés précapitalistes d'exploitation de classes pré et post-chrétiennes, le Capital a hérité la nécessité de la guerre entre les classes dominantes pour le partage du monde. Mais sous la dictature capitaliste, ces guerres d'affirmation et de développement du mode de production, ces guerres de rapine et de partage des moyens de production, qui dans les autres modes de production se développèrent occasionnellement et en fonction d'innombrables facteurs extrêmement complexes, deviennent totalement systématiques et nécessaires: le capitalisme ne peut vivre sans la guerre; le véritable sujet de la guerre impérialiste, c'est le Capital.
De la croyance que l'impérialisme était un type de politique du capitalisme qui correspondait à une période ou à une phase déterminée et à un type d'action qui correspondait au "capitalisme des pays impérialistes" (!), la social-démocratie en arriva à conclure que les guerres sous le capitalisme pouvaient ou non être impérialistes (4) ou, dit d'une autre manière, qu'en plein XIXème et XXème siècles, les guerres entre Etats pouvaient ne pas être impérialistes. En réalité (mais le développement de ce point nous conduirait à dépasser les limites fixées par le texte), la pratique bourgeoise et contre-révolutionnaire des partis social-démocrates les empêchait de comprendre le Capital. Réciproquement et plus essentiellement encore, ces nouvelles théories pseudo "anti-impérialistes" permettaient de justifier la politique impérialiste de la social-démocratie internationale (5).
Comme nous l'avons exposé à d'autres reprises, le caractère impérialiste du Capital se trouve dans chaque atome de valeur en reproduction. Chaque particule du Capital cherche la plus grande valorisation possible (c'est-à-dire la maximalisation du taux de profit) et est disposée à tout sacrifier pour l'obtenir (y compris son propre gestionnaire bourgeois, comme le démontrera Marx). Dans ce processus, il entre dans la circulation générale (le Capital vu dans sa totalité), c'est-à-dire qu'il entre dans le champs général de la concurrence et de la guerre pour obtenir cette valorisation. La plus grande masse de capital se met par là dans les meilleures conditions pour obtenir un plus grand taux de profit et, pour ce faire, la concentration et la centralisation se développent en symbiose (6).
Tout capital est une masse de particules de capital unies pour la guerre de la valorisation, qui tendent à adhérer à d'autres particules en chemin. Tout appareil pour la guerre impérialiste (armée, état, constellation d'états,...) est, à cet égard, l'exécutant exclusif, dans sa guerre, de la politique du Capital (et par conséquent d'une unité du capital). Il est donc absurde de séparer l'Etat du capital et l'impérialisme du capital, et de prétendre qu'à l'époque capitaliste existent des Etats non impérialistes et/ou des guerres non impérialistes. Le Capital a réduit toutes les réalités à sa propre réalité. Il a soumis tous les sujets antérieurs (hommes, groupements, états, alliances d'états,...) à lui en tant que réalité totalitaire et les a transformés en simples moyens de sa valorisation, en simples instruments de lui-même. Le Capital s'est en même temps auto-transformé en sujet exclusif, en sujet par excellence.
La raison pour laquelle le Capital en tant que Capital total et mondial s'exprime, dans le même temps, comme capital particularisé, comme capital décomposé en différents capitaux particuliers qui s'affrontent; la raison pour laquelle il n'existera donc jamais sous la forme d'un seul consortium, d'un seul et unique monopole ou d'un ultra-impérialisme mondial qui aurait aboli l'ensemble de ses contradictions, tout cela se déduit de l'essence même du Capital et en aucune manière des caractéristiques particulières des pays ou des Etats. Dans chaque atome de valeur en procès, se trouve non seulement la nécessité essentielle de s'allier et de se centraliser, mais aussi celle de ne pouvoir opérer cette unification que contre les autres capitaux en valorisation (7). Il est indispensable ici d'expliquer l'opposition avec le communisme. Tandis que l'unification du prolétariat est un objectif en soi et qu'il existe une coïncidence totale entre l'objectif du communisme (la communauté humaine mondiale) et ce processus d'association, d'unification, pour le capital au contraire, l'unification est une antithèse simple (une négation purement négative), un simple moyen pour être plus puissant dans la guerre commerciale et la guerre militaire.
Le capital veut devenir plus puissant dans la guerre commerciale, non seulement pour un problème superficiel de marchés (ce qui est en général le seul que comprennent les économistes vulgaires, y compris les social-démocrates), mais aussi parce que la valeur se valorisant attire la valeur pour être plus rentable dans l'achat de moyens de production: économie d'échelle, et/ou les dites "économies externes",... Dit d'une autre façon, plus le capital qui se transforme en capital productif est important, plus il est facile d'obtenir et de dépasser le taux moyen de profit.
Quant à la guerre militaire, elle n'est au fond que la continuation de la guerre commerciale à un niveau supérieur, pour les mêmes raisons générales et parce que la guerre ouverte se gagne, à la fois, dans le développement des forces productives et dans son prolongement dans l'économie militaire.
Dans tous les cas, depuis les sociétés par actions, jusqu'aux banques, états ou constellations d'états, la caractéristique principale de toute union, c'est l'alliance des divers intérêts dont l'opposition est inhérente à la soumission de tous au marché, là où tous les accords présupposent l'autonomie et l'égoïsme de chacun des contractants.
Le fonctionnement optimal de ces unions n'est justement pas défini par l'identité des intérêts, mais tout à l'opposé, par la reconnaissance des intérêts contraires de toutes les parties et par les renonciations partielles et occasionnelles de chacun des contractants au nom de l'unique intérêt commun (8): celui d'être dans les meilleures conditions pour reproduire le capital, c'est à dire gagner la guerre. L'opposition avec le type d'unité du communisme, devient encore plus évidente, car dans le communisme il n'y a aucune renonciation, aucun sacrifice particulier au nom d'un supposé bien commun, mais tout au contraire, l'affirmation directe de l'intérêt de l'homme et de l'espèce, sans aucune médiation ou subordination.
C'est pourquoi, même lorsque le communisme s'exprime localement, en tant qu'action territoriale, porté en avant par une poignée d'hommes dans n'importe quel point du monde, il contient la totalité, et dans n'importe laquelle de ses expressions particulières, il développe les intérêts de la communauté humaine mondiale (9). C'est pour cela même qu'il n'a besoin d'aucune démocratie qui vienne organiser et dissimuler les oppositions (en réprimant si nécessaire); il n'a rien à foutre d'une démocratie qui vienne concilier les intérêts, et unir et organiser ce qui est socialement antagonique.
A l'inverse, l'unité du capital (10), est toujours une unité de capitaux contre d'autres capitaux. Le développement du capital ne peut être autre chose que le développement de la guerre -contre le communisme évidemment, mais aussi- contre les autres capitaux. Arrivée à un certain point, la valorisation du capital ne peut plus se réaliser qu'en détruisant ses concurrents, ou en centralisant et en révolutionnant ses forces productives, ce qui revient exactement au même. En effet, tout développement des forces productives dans une entreprise, dans un ensemble d'entreprises, de pays... (qui s'opère, sans exceptions, pour améliorer les conditions de valorisation, que cela plaise ou non au capitaliste, au président de la république ou au syndicaliste de service), attaque les conditions de valorisation des capitaux du monde entier, dévalorisant ainsi les moyens de production.
Dans les circonstances actuelles, alors que tant d'imbéciles en liberté proclament que tel Etat est plus impérialiste que tel autre, que tel président est un agent impérialiste et qu'en revanche tel autre non, que le problème est entre pays impérialistes et pays "sous-développés" (!) ou ce qui revient au même, qu'il faut chercher l'entente cordiale et la paix entre les pays, ou encore que si dans le monde on arrivait au développement parfait et équilibré (!) du capitalisme, les guerres seraient évitées...; dans les circonstances actuelles, donc, alors que toutes ces idioties (et bien d'autres bêtises complémentaires!) sont émises, nous avons considéré comme fondamental, à propos de cette question, de mettre quelques points sur les "i". Cela nous semblait important, surtout pour ce qui concerne les aspects particuliers des contradictions impérialistes, afin que celles-ci ne soient pas comprises dans le sens vulgaire et journalistique que les bourgeois leur donnent, mais bien -dans toutes circonstances- comme des expressions inhérentes à la réalité de la société capitaliste mondiale. Il va de soi que cette façon de voir les choses ne laisse qu'une alternative: la continuation de la barbarie impérialiste ou la destruction de haut en bas et de bas en haut de toute la société basée sur le Capital.